Séance du vendredi 11 avril 2014 à 20h30
1re législature - 1re année - 7e session - 45e séance

R 736
Proposition de résolution de Mmes et MM. Lydia Schneider Hausser, Irène Buche, Prunella Carrard, Roger Deneys, Marion Sobanek, Jean-Louis Fazio pour que le visa biométrique ne soit pas la mort de la Genève Internationale (Initiative cantonale)
Ce texte figure dans le «Recueil des objets déposés et non traités durant la 57e législature».

Débat

Le président. Nous passons à la proposition de résolution 736. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Madame Schneider Hausser, vous avez la parole.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, depuis juin 2011, le département fédéral des affaires étrangères rationalise les missions diplomatiques suisses. Dorénavant, il ne suffit plus de trouver l'ambassade ou le consulat suisse d'un pays dans le monde. Non, il faut trouver le centre consulaire régional pour obtenir un document biométrique. Cela concerne autant les passeports pour les Suisses qui résident à l'étranger que les visas pour les personnes étrangères désirant venir en Suisse pour du tourisme ou des conférences à l'ONU. Les sites Internet de la Confédération sont magnifiques, tout peut se faire en ligne. Enfin, pour les Suisses peut-être ! Mais pour les personnes désirant un visa, une présence physique est nécessaire. Malgré les protestations contre l'introduction de ces centres consulaires régionaux de la part de l'organisation des Suisses de l'étranger et d'autres organismes qui travaillent dans les pays autres que les pays européens, le DFAE n'a pas bronché, et ces centres régionaux existent bel et bien. Nous avons un problème, pas seulement confédéral mais aussi genevois, eu égard à la Genève internationale. Beaucoup de pays restreignent leur délégation ou n'envoient plus personne aux conférences ou aux divers travaux qu'il peut y avoir dans les organismes internationaux à Genève. Plusieurs cours ou conférences commencent à être organisés ailleurs qu'à Genève, en particulier en France voisine, à Grenoble et à Lyon. Ainsi, on n'est pas trop loin de Genève et les gens qui habitent Genève ou sont dans les organismes internationaux peuvent se déplacer en France voisine pour rencontrer leurs homologues qui n'ont pas pu obtenir de visa biométrique, parce que trop cher. Pour beaucoup de gens, il est devenu impossible d'obtenir un visa pour la Suisse.

Une voix. Tant mieux !

Mme Lydia Schneider Hausser. Tant mieux, peut-être. Mais s'agissant de la Genève internationale, ce n'est pas tant mieux. Il n'y a pas que les personnes qui veulent rester ici par la suite. Il y en a beaucoup qui venaient auparavant pour quelques jours de conférence ou de cours, qui restaient ensuite trois ou quatre jours sur leurs économies pour visiter Genève et la Suisse, et qui repartaient. Cela n'est plus possible, Mesdames et Messieurs. Pour quelqu'un qui vient du Mali - c'est l'exemple que j'ai en l'occurrence, mais il y en a beaucoup d'autres - deux fois par an en Suisse, le voyage coûte le double ! Si c'est pour lui et qu'il a de l'argent, tant mieux. Mais pour des gouvernements qui sont déjà pris à la gorge par les problèmes financiers et les catastrophes de leur pays, c'est devenu impossible d'envoyer des délégations. Je ne pense pas seulement à l'ONU, mais aussi à l'UIT et à beaucoup d'autres organisations qui sont très importantes, non seulement pour Genève mais aussi pour la politique mondiale. Dans l'exposé des motifs, vous avez quelques détails. Notre proposition, c'est que le Conseil d'Etat - et donc ce parlement - envoie un message à Berne, non pas pour permettre de réinitialiser des ambassades qui procureraient des visas biométriques dans tous les pays du monde, mais pour pouvoir s'arranger, soit avec la DDC - qui a des délégations dans plusieurs pays du Sud - soit avec d'autres ambassades qui possèdent les instruments nécessaires à la réalisation de ces visas biométriques, afin que la Genève internationale puisse continuer à faire son travail et rester un centre névralgique mondial, ce qui est mis en cause et en danger par ces visas biométriques. Merci beaucoup.

Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve), députée suppléante. Mesdames et Messieurs les députés, nous connaissons la représentation internationale à Genève à travers plus de 35 organisations - dont naturellement l'ONU, le centre de coopération internationale le plus important du monde - mais aussi à travers plus de 250 organisations non gouvernementales qui oeuvrent au quotidien pour la défense des droits de l'Homme, pour l'environnement, la formation, l'éducation et le maintien de la paix. Ces organisations travaillent en étroite collaboration avec de nombreux pays, avançant sur des dossiers importants. Elles doivent pouvoir bénéficier d'une certaine facilité dans leur interaction. Or, depuis l'introduction des visas biométriques dans l'espace européen de Schengen, leur obtention est devenue beaucoup plus difficile. Difficile, parce que toute représentation diplomatique n'est pas systématiquement équipée de machines assez sophistiquées pour produire ces visas. Il faut donc parfois parcourir des milliers de kilomètres pour acquérir son visa. De fait, la situation devient discriminatoire parce que l'opération coûte cher, ce qui a une répercussion sur certains pays plus que sur d'autres, et sur certaines ONG. Les plus petites ONG, qui ont moins de moyens, sont frappées de plein fouet. Les pays les plus discriminés - dont plusieurs sont paradoxalement considérés comme prioritaires par la DDC - sont par exemple la Bolivie, le Niger, le Rwanda ou encore le Laos ou la Palestine. Il en résulte que les ressortissants, qui n'ont pas les moyens de s'offrir un visa désormais trop coûteux, renonceront à leur voyage en Suisse. Cette situation démontre non seulement la méconnaissance du travail essentiel de certaines ONG - je pense notamment à Terre des hommes - mais aussi la fermeture toujours plus insidieuse de la Suisse dans la droite ligne de ce que vit le pays depuis le 9 février dernier, et cela aussi au détriment de la Genève internationale. Il est donc essentiel de permettre aux ressortissants de tous horizons d'obtenir leur visa dans leur propre pays. Les Verts vous invitent donc à accepter cette proposition de résolution. Je vous remercie.

Mme Christina Meissner (UDC). En ce qui concerne cette demande de financement des visas biométriques, je rappelle que ce n'est pas l'apanage de la Suisse. Un visa - qui sera aussi valable pour la Suisse - peut être demandé via d'autres pays - et de nombreux ressortissants le font. Dans ces conditions, il n'est pas question que la Suisse soit la seule à faire le choix du financement. En l'occurrence, je vous rappelle aussi que nous finançons, nous hébergeons, nous faisons déjà beaucoup pour les organisations non gouvernementales qui n'auraient pas autrement les moyens de pouvoir être hébergées en Suisse. Je suis quand même un peu étonnée que les Verts - puisqu'on a parlé aujourd'hui de pollution atmosphérique - ne souhaitent pas essayer de trouver d'autres moyens que les déplacements aux conférences internationales et ne prônent pas plutôt les vidéo-conférences, qui seraient autrement plus saines pour la planète. Cela n'a rien à voir avec une position contre tel ou tel pays, c'est une remarque générale. D'où mon étonnement quant à votre soutien à cette proposition de résolution que l'UDC refusera.

M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, je crois que ce texte présente des éléments particulièrement intéressants, notamment le troisième considérant: «Les démarches nécessaires à l'obtention d'un visa biométrique pour venir en Suisse génèrent des coûts exorbitants pour certains de nos visiteurs et leurs gouvernements.» Je pense que pour toute cette population, qui va du diplomate au baby-sitter, il est important de souligner cette problématique. Je vous invite donc, au nom du groupe PLR, à renvoyer cette résolution directement au Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Bernhard Riedweg pour une minute et trente-neuf secondes.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur. J'y arriverai ! Si la Suisse demande des visas pour des ressortissants lambda ou diplomatiques de certains pays, c'est qu'elle veut contrôler et maîtriser les personnes autorisées à voyager dans notre pays. La Suisse est attractive à plus d'un titre. Si le gouvernement suisse a fermé quelques petites ambassades, consulats et représentations honoraires, c'est pour des raisons de rationalisation et d'économie. Il y a certainement des seuils de fréquentation qui ont été fixés au-dessous desquels il n'est pas rentable d'exploiter un centre consulaire. Ceux de ce parlement qui ont déjà renouvelé leur passeport biométrique peuvent estimer le coût d'une installation pour créer ces fameux sésames. Les ressortissants étrangers désirant se rendre en Suisse ne font pas que voyager à destination de notre pays. Ils pourront aussi utiliser leur visa et le même passeport biométrique pour se rendre dans d'autres pays et continents, et ceci durant une dizaine d'années. Ainsi, ils sont en mesure de répartir les coûts des documents officiels pour voyager vers plusieurs destinations. Genève reste assez attractive pour que le ressortissant étranger montre un grand intérêt à se déplacer dans notre contrée. L'Union démocratique du centre vous demande de ne pas soutenir cette résolution. Merci, Monsieur le président.

M. Vincent Maitre (PDC). La problématique du passeport biométrique semble apparemment ne pas poser problème en ce qui concerne les organisations internationales. Il n'y a pas lieu de s'attarder là-dessus. En revanche, il en va différemment - et cela a été dit tout à l'heure - pour ce qui est des organisations non gouvernementales. Habitant un endroit comme Genève et défendant un canton comme le nôtre, nous savons combien il est important pour ces organisations internationales. Il convient donc de faciliter le plus possible et d'optimiser l'interconnectivité, l'interaction entre les employés oeuvrant au sein de ces organisations non gouvernementales. C'est la raison pour laquelle le PDC vous invite à renvoyer cette résolution directement au Conseil d'Etat pour qu'il fasse le travail nécessaire - notamment auprès des autorités bernoises - et qu'il trouve une solution le plus rapidement possible.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Roger Deneys pour une minute quarante-cinq.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il ne faut pas sous-estimer l'ampleur du problème, et je remercie le représentant du PDC comme celui du PLR de montrer l'intérêt qu'ils portent à cette résolution en la renvoyant directement au Conseil d'Etat. La Genève internationale est réellement mise en danger par les pratiques de la Confédération, qui s'en fiche complètement de ce qui se passe à Genève. Je crois que quand la Confédération accorde des visas pour la Suisse, elle se préoccupe essentiellement des questions de migration, mais ignore complètement le fait que si la Genève internationale - comme l'a dit M. Maitre tout à l'heure - regroupe des organisations internationales reconnues, par exemple onusiennes, elle comprend aussi des organisations non gouvernementales non soumises aux règles diplomatiques. Genève abrite l'ONU, mais elle abrite également le siège d'organisations non gouvernementales qui, elles aussi, tiennent maintes conférences et réunions à Genève.

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Roger Deneys. Pour l'économie genevoise, c'est aussi important ! L'ONU pourrait quitter Genève simplement parce qu'elle ne peut plus fonctionner en lien avec la société civile. Le problème est réel et avéré. Quand on empêche des ressortissants de pays pauvres invités à des conférences à Genève de venir pour des questions matérielles, on saborde Genève !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe maintenant la parole à M. le conseiller d'Etat Pierre Maudet.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Je serai très bref, puisque M. Deneys vient de dire l'essentiel. Dans les faits, il n'a pas été constaté de barrage majeur avec ces dispositions, mais on ne peut pas totalement l'exclure. Même si les propos que M. Deneys vient de tenir relèvent en partie de l'hypothétique, cela pose un problème pour la communauté internationale, pas du tout - je tiens à le préciser - pour les diplomates, qui ne tombent pas sous le coup des dispositions touchant aux visas biométriques, mais essentiellement pour les ONG ou, le cas échéant, pour des délégués de pays lointains qui viendraient pour les organisations internationales. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat accueillera avec bienveillance cette résolution pour la traiter avec diligence et faire un petit rapport. Il profitera de s'appuyer sur elle pour demander à Berne des précisions sur le nombre de représentations diplomatiques qui auraient été supprimées dans ce contexte. Si vous voulez nous renvoyer cette résolution, nous lui ferons bon accueil et la traiterons avec diligence.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons nous prononcer sur cette proposition de résolution.

Mise aux voix, la résolution 736 est adoptée et renvoyée aux Autorités fédérales et au Conseil d'Etat par 59 oui contre 22 non et 4 abstentions.

Résolution 736