Séance du
vendredi 28 mars 2014 à
8h
1re
législature -
1re
année -
6e
session -
37e
séance
La séance est ouverte à 8h, sous la présidence de M. Antoine Droin, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet et Anne Emery-Torracinta, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Serge Dal Busco, Mauro Poggia, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Olivier Baud, Beatriz de Candolle, Edouard Cuendet, Jean-Louis Fazio, Nathalie Fontanet, Christina Meissner, Guy Mettan, Cyril Mizrahi, Philippe Morel, Salima Moyard, Romain de Sainte Marie, Jean Sanchez et Daniel Zaugg, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Christophe Aumeunier, Alexis Barbey, Gilbert Catelain, Vera Figurek, Florian Gander, Jean-Charles Lathion, Nicole Valiquer Grecuccio, Georges Vuillod et Yvan Zweifel.
Annonces et dépôts
Néant.
Débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante de notre ordre du jour, la proposition de motion 2193. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. Christo Ivanov.
M. Christo Ivanov (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, les travaux dans l'écoquartier de la Jonction ont été arrêtés. Je parle de la zone située du côté de la rue des Gazomètres. Un foyer de pollution sur la rampe d'accès du futur parking «Carré-Vert» bloque les travaux et notamment la construction de 96 logements prévus sur cette partie du futur écoquartier. La loi d'application de la législation fédérale sur les sites contaminés (K 1 71), en son article 16, alinéa 1, prévoit qu'à titre exceptionnel et jusqu'à concurrence de 600 000 F par année, le Conseil d'Etat peut faire démarrer des travaux sans projet de loi et déposer ensuite un projet de loi pour régulariser les choses. La première invite enjoint donc le Conseil d'Etat d'engager la somme de 600 000 F pour les travaux, conformément à la législation fédérale. La deuxième invite demande au Conseil d'Etat d'accepter la somme de 200 000 F proposée par la Ville de Genève. Il y a deux jours, lors de la plénière, le magistrat M. Rémy Pagani a confirmé que la Ville de Genève était prête à verser ce montant. La somme prévue pour la dépollution dans la zone du «Carré-Vert» est de 800 000 F. Si on additionne 600 000 et 200 000, on arrive bien à 800 000. C'est bien, un cours de mathématiques de bon matin, n'est-ce pas ? Ce n'est pas mal pour réveiller ceux qui sont rentrés tard ! (Commentaires.) J'ai même l'autorisation du roi des chiffres ! Par conséquent, les travaux pourraient reprendre très rapidement. Je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de voter cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat. Genève a besoin de logements. Avec mes remerciements.
Mme Sarah Klopmann (Ve). Ces nouvelles découvertes de pollution sont de mauvaises surprises. Il faut agir extrêmement rapidement pour ne pas retarder les travaux. Néanmoins, on peut s'interroger non seulement sur cette découverte, mais aussi sur le projet de motion ainsi que sur la nouvelle répartition des coûts proposée. Jusqu'à maintenant, il y a eu deux façons de faire pour payer cette dépollution sous Artamis. La première fois, il y a eu une clé de répartition entre les quatre acteurs qui étaient la Ville, l'Etat, la Confédération et les SIG. (Brouhaha.)
Le président. Chut !
Mme Sarah Klopmann. Je vais attendre qu'il y ait un peu de silence.
Le président. Allez-y, Madame.
Mme Sarah Klopmann. Merci, Monsieur le président. La répartition s'était calculée en fonction des entités qui étaient propriétaires des terrains au moment de leur pollution, en fonction de celles qui avaient été la cause des pollutions, de même qu'en fonction des propriétaires qui seraient ceux du réaménagement. Ensuite, il a fallu faire une dépollution complémentaire, en tout cas sur une partie du site, tout d'abord parce que le projet d'aménagement a été plus large que la portion du site qu'on avait décidé de dépolluer au départ, ensuite parce qu'on avait déjà eu de mauvaises surprises, et de nouvelles poches de pollution étaient apparues. Il y a donc eu une nouvelle clé de répartition. C'étaient uniquement la Ville et l'Etat qui payaient cette dépollution, vu qu'elle découlait du projet d'aménagement. Les parts qui étaient précédemment celles de la Confédération et des SIG ont été partagées moitié-moitié entre la Ville et l'Etat. Mais cela donnait quand même une clé de répartition de deux tiers pour la Ville et d'un tiers pour l'Etat. Or ces nouveaux montants de 600 000 F pour l'Etat et 200 000 F pour la Ville ne correspondent toujours pas à ça !
Par ailleurs, il ne faut surtout pas penser qu'en payant ces 600 000 F, ce sera fini. Même si la Ville propose de mettre 200 000 F pour cette portion-là de terrain à dépolluer, il ne faut pas oublier qu'on vient de découvrir une autre poche de pollution beaucoup plus importante située juste à côté qui, elle, impactera la partie de la parcelle sous laquelle il y aura les dépôts de musées pour la Ville de Genève, ainsi que l'immeuble de la Codha. Et là, il y aura beaucoup plus de frais que pour la partie dont on parle ici, qui impacte seulement la trémie du parking dont nous nous réjouissons d'ailleurs - il faut évidemment le préciser - de lancer les travaux. Soit on garde une clé de répartition commune, soit on ne le fait pas. Mais il ne faut pas penser que la Ville va nous aider maintenant et qu'ensuite, la partie la concernant sera payée toute seule ! Nous avions déjà discuté de cela en 2011. Même si les travaux de dépollution sur la partie du site qui contiendra les dépôts culturels vont laisser le trou et donc avantager la Ville, même si la dépollution est financée conjointement, on va quand même devoir en payer une partie. Il faudrait donc éclaircir ce point ! Il faudrait également éclaircir le fait qu'on trouve encore des poches de pollution alors qu'on a déjà dû faire des dépollutions complémentaires à plusieurs reprises. Il y a aussi eu à plusieurs reprises des crédits votés, tant à l'Etat qu'en Ville de Genève. Il serait assez intéressant d'aller en commission pour être sûrs qu'on n'est pas en train de payer quelque chose qui aurait déjà dû être payé, sans parler du fait que cela aurait déjà dû être fait.
Finalement, on aimerait aussi être certains qu'on n'est pas en train de payer un crédit complémentaire, mais bien de lancer une dépollution complémentaire. Nous aimerions étudier et éclaircir ces points à la commission de l'environnement, en allant évidemment très vite. Car on est actuellement en train de ne penser qu'à une petite partie de la parcelle, alors que des coûts beaucoup plus grands seront engendrés par la suite. Il serait quand même bien de pouvoir s'assurer que ce ne sera pas trop dommageable. Comme je l'ai dit, ce serait donc bien d'aller en commission pour déterminer quelle est vraiment la clé de répartition qui va maintenant être utilisée pour ces dépollutions complémentaires, ainsi que pour s'assurer qu'on n'est pas en train de refaire deux fois le travail qui aurait dû être fait. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Pierre Vanek. (Un instant s'écoule.) Monsieur Vanek, c'est à vous.
M. Pierre Vanek (EAG). Non, non, j'ai demandé la parole par mégarde, Monsieur le président, en appuyant avec mon...
Le président. Très bien, vous renoncez. Je prends note. La parole est à M. le député Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Nous serons brefs. Le parti démocrate-chrétien a signé et défend cette motion, simplement parce qu'il faut avancer dans les travaux. Voilà longtemps qu'on nous promet qu'on va construire sur ce site. Il y a toujours des problèmes de pollution. Cette solution nous semble simple à mettre en place. Il est vrai que les remarques faites juste à l'instant par la députée Verte sont à prendre en compte. Il ne faut pas tomber dans l'angélisme. Il y a toujours ces relations délicieuses entre la Ville et l'Etat de Genève. Mais nous laisserons le Conseil d'Etat faire attention, et je pense qu'il va bien négocier avec M. Pagani. Il ne faut pas non plus que la Ville de Genève se défausse sur le canton pour des problèmes liés à son propre territoire.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Artamis, ce long fleuve pas tranquille ! Depuis des années et des années... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...malgré toutes les difficultés de ce partenariat public-privé entre la Codha, la Ville de Genève, le canton et la régie privée, les choses ont avancé dans la construction de cet écoquartier. C'est vrai qu'il restait deux endroits du site qui n'avaient pas fait l'objet de fouilles et de dépollutions. Nous sommes maintenant confrontés à ces deux endroits où l'on a découvert de la pollution. Si nous voulons des logements sur ce site de Genève et ne voulons pas retarder les travaux, il faut que l'étude proposée dans cette motion aille très vite. A défaut de la traiter sur le siège, nous proposons qu'elle soit renvoyée à la commission des travaux. D'ailleurs, tout l'historique d'Artamis et des investissements faits a été traité dans cette commission. Rappelons aussi que, si nécessaire, cette commission a la faculté d'octroyer de l'argent pour un certain montant sans revenir en plénière. Voilà.
M. Christo Ivanov (UDC). J'aimerais répondre à deux ou trois intervenants, tout d'abord à Mme Klopmann - vous transmettrez, Monsieur le président. Les travaux sur la zone de la Codha n'ont pas été arrêtés, et ils continuent. En principe, il y a un accord entre les Services industriels, la Confédération, l'Etat et la Ville qui va régler ce problème. Nous sommes opposés à un retour en commission. Il faut voter ça sur le siège. La loi l'autorise. La loi autorise de reprendre les travaux immédiatement sans vote. Votons sur ce siège. Vous êtes les premiers à vouloir du logement et du logement coopératif, et maintenant vous demandez un renvoi en commission ! Il faudrait quand même savoir ce que vous voulez !
M. Jacques Béné (PLR). C'est quand même assez surprenant qu'on parle de renvoi en commission sur les bancs de gauche, alors qu'il s'agit de logement ! Cela dit, je peux comprendre. Sur le fond, en effet, je ne suis pas tout à fait d'accord que ce soit de nouveau l'Etat qui doive payer. Contrairement à ce que disait Mme Schneider Hausser, dans le cadre d'un partenariat public-privé, il faut quand même que les privés mettent quelque chose. En l'occurrence, dans le dossier d'Artamis, c'est l'Etat qui paie tout, à chaque fois ! C'est juste génial ! Que ce soit la Ville de Genève ou l'Etat, il n'y a rien qui est passé dans les plans financiers en ce qui concerne la dépollution. On a voté le parking du «Carré-Vert» sur le terrain d'Artamis. On sait que c'est un parking qui coûterait très cher aux partenaires. Et c'est de nouveau l'Etat qui va financer tout ça, par le biais de la Fondation des parkings ! On sait que c'est un parking qui va coûter plus de 300 000 F chaque année. Mais c'est bon, continuons comme ça ! Sur le fond, on est tout à fait d'accord, il faut le faire, il n'y a pas de problème. Mais franchement, Mesdames et Messieurs, c'est comme pour tout à Genève: la fête continue, le pognon diminue ! (Exclamations.)
M. Stéphane Florey (UDC). Un renvoi en commission ne sert strictement à rien, à part faire perdre du temps et retarder les travaux. Comme vous le savez, le parking évoqué par Mme Klopmann fait partie d'un accord sur la compensation. Sans parking, vous n'aurez pas de logements. C'est pour cela que les travaux sont bloqués. Maintenant, si les Verts veulent absolument un point de situation, je les invite à faire un amendement à la motion, demandant qu'un rapport de situation nous soit rendu, et nous pourrons éventuellement étudier ce rapport en commission. Mais en l'état, il faut absolument faire avancer les choses et renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat. Je vous remercie.
Mme Sarah Klopmann (Ve). Tout d'abord, on n'a pas remis en cause le parking...
Le président. Excusez-moi, Madame, mais on me dit que...
Mme Sarah Klopmann. Oui c'est vrai, je vais parler moins fort, pardon.
Le président. Non, c'est que vous n'avez plus de temps de parole, je suis désolé.
Mme Sarah Klopmann. Quoi ? C'est pas vrai ?! (Exclamations.)
Le président. Si. La parole est à M. le député Daniel Sormanni.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais évidemment vous inviter à voter cette motion sur le siège. Autrement, à ce stade, les travaux seront arrêtés. Il faut bien faire une liaison entre ce terrain qui appartient à l'Etat... Finalement, on est dans la partie de construction du parking. On n'est pas dans la partie de construction de l'immeuble coopératif qui va venir dessus. J'ai entendu des intervenants dire qu'il faudrait que tous les participants paient. Mais voulez-vous vraiment grever le plan financier de l'immeuble coopératif, les travaux en sous-sol du parking dans lequel ils ne sont pas du tout impliqués, et encore moins dans la pollution de ce terrain ? Ça n'a pas de sens. Ça n'a pas de sens ! Je crois qu'il revient aux propriétaires du terrain de prendre en charge ces travaux de dépollution complémentaires. Ce d'autant plus que la Ville de Genève joue le jeu - alors qu'elle n'est pas du tout propriétaire du terrain - et est prête à payer le quart de la facture. Par conséquent, je vous invite à voter cette motion sur le siège, de sorte que les travaux puissent avancer, que ce parking puisse avancer et que les logements puissent enfin être construits ! Merci.
M. Rémy Pagani (EAG). Tout d'abord, j'aimerais préciser que j'interviens là parce que je suis... (Commentaires.)
Une voix. Merci, Messieurs les députés !
M. Rémy Pagani. Oui, merci, Messieurs les députés. (Brouhaha.) J'interviens là pour préciser que je n'ai aucun intérêt financier dans cette affaire, si ce n'est un rôle de facilitateur. En effet et comme l'a dit le collègue M. Sormanni, ce terrain n'appartient pas à la Ville, mais à l'Etat de Genève. Mesdames et Messieurs, il faut savoir qu'au départ, nous avons pris la décision, d'un commun accord avec le GESDEC, de traiter les terres une première fois à quatre mètres et une seconde fois à huit mètres pour ce qui est de la profondeur de certaines zones. C'est moi qui ai pris la responsabilité de ne pas vider l'ensemble des terres, car cela aurait coûté 70 millions à l'Etat et à la Ville - même plus, 77 millions ! - ce que M. Maudet pourra d'ailleurs certifier. Nous avons fait une économie extrêmement importante, puisque aujourd'hui la dépollution du chantier s'élève à 52 millions. On a découvert deux poches de pollution, une première sous la rue du Stand et une autre sous le Moulin à Danses. Maintenant, nous trouvons une troisième poche de pollution qui nous impose d'aller jusqu'à huit mètres, plus l'entrée du parking. Ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est que lorsqu'il a fallu passer à la caisse parce que cette pollution mettait en cause la qualité des eaux du Rhône, le GESDEC a payé. Or aujourd'hui, le GESDEC refuse de payer parce que ces poches sont des poches résiduelles, qui ne mettent plus en cause la qualité des eaux du Rhône. Voilà qui est un peu fort de café, d'autant plus que le GESDEC - enfin, l'Etat, puisque c'est un organisme étatique - a fait des économies substantielles. En conséquence de quoi je trouve qu'il y a là un problème dont il faut rediscuter. J'appelle M. Maudet, ou en tout cas le gouvernement, à prendre ses responsabilités et à faire en sorte que le GESDEC... En fait, je crois que c'est plutôt le conseiller d'Etat Dal Busco qui doit être responsable de cette question-là. Qui est responsable du GESDEC ?
Une voix. Barthassat !
M. Rémy Pagani. Barthassat. Ça a tellement changé ! Enfin bref, M. Barthassat...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur.
M. Rémy Pagani. En conséquence de quoi - je finirai par là - j'ai pris la responsabilité, pour faire avancer les travaux, de mettre 200 000 F sur la table, alors que je ne suis pas tenu - nous ne sommes pas tenus - de mettre quoi que ce soit en termes d'argent. Je vous invite donc à voter cette motion rapidement, pour faire en sorte, comme l'a dit M. Sormanni...
Le président. C'est terminé, Monsieur.
M. Rémy Pagani. ...que les travaux démarrent. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission de l'environnement, Mme Lydia Schneider Hausser ayant retiré sa demande de renvoi à la commission des travaux.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2193 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est rejeté par 70 non contre 10 oui.
Mise aux voix, la motion 2193 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 78 oui (unanimité des votants).
Premier débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante, le PL 11078-A. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Monsieur Florey, vous avez la parole.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Comme je vous l'ai dit hier, il s'agit de ne pas faire le débat maintenant, mais de renvoyer ce projet de loi directement à la commission des travaux, puisque nous nous sommes aperçus qu'il y avait un léger problème au niveau de la reconnaissance des diplômes cités dans le projet de loi. Contrairement au débat d'hier, nous osons avouer que nous avons peut-être fait une légère erreur et n'hésitons pas à renvoyer ce rapport directement en commission, afin qu'il soit retravaillé. Je vous remercie.
M. François Lefort (Ve), rapporteur de majorité. Cette demande des milieux intéressés est tardive, mais il faut l'entendre. Visiblement, il y avait des ambiguïtés sur les positions de différentes associations. Lorsque nous avons travaillé, nous avons consacré assez de temps à cette loi, mais si elle n'est pas satisfaisante pour les milieux professionnels, je vais soutenir le renvoi en commission de ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous passons au vote sur la demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11078 à la commission des travaux est adopté par 72 oui (unanimité des votants).
Premier débat
Le président. Nous abordons à présent le PL 10983-A. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Madame la rapporteure de majorité, je vous cède la parole.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. J'aimerais commencer par expliquer la configuration un peu particulière des rapporteurs aujourd'hui. En effet, tant la rapporteure de majorité que le rapporteur de minorité partagent en fait la même position par rapport à ce projet de loi. (Brouhaha.) Voilà... Monsieur Leyvraz, vous pouvez aller boire un café dehors ! (Le président agite la cloche.) Ouh-ouh ! Nous sommes en effet tous deux convaincus par l'excellent travail effectué par le CCSI et Camarada, et soutenons donc pleinement ces deux associations. Lors des travaux de la commission des finances, les Verts et les socialistes se sont opposés à la réduction sur deux ans du contrat de prestations de ces deux organismes. Pour nous, ce genre d'amendements est en effet extrêmement contre-productif et générateur de beaucoup de bureaucratie. De plus, il jette la suspicion sur des organismes qui ne le méritent pas. Il crée également un sentiment d'insécurité auprès de deux organisations qui sont connues pour effectuer un excellent travail. Là où l'appréciation de M. Deneys et moi-même a différé, c'est que les Verts, ne voulant pas priver le CCSI et Camarada de subventions, ont voté ce projet de loi. Personnellement, et comme je l'indique dans mon rapport de majorité, je regrette par contre infiniment que ceux qui ont voté cet amendement n'aient pas assumé leur position, voté ce projet de loi et pris le rapport de majorité. Enfin, je tiens à souligner que les Verts ont fortement regretté la manière dont tous les travaux ont été menés à la commission des finances. Il s'est plutôt agi de mener une instruction à charge à l'égard de ces deux associations, sans qu'elles puissent être entendues ou justifier certaines attaques. Beaucoup de choses fausses ont été dites et affirmées, ce qui nous a laissé un certain goût amer dans la bouche. Fort heureusement, il semble aujourd'hui que la nouvelle composition de la commission des finances soit revenue à de meilleurs sentiments, qu'elle ait visité ces deux associations et revu sa position en leur faveur. Je vous appelle donc à cesser ce psychodrame stupide et à voter ce projet de loi. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai qu'en l'occurrence, la position des socialistes est la même que celle des Verts dans ce débat. C'est vraiment dû à un concours de circonstances et à la lâcheté du PLR... (Exclamations.) ...et de ses amis du MCG, qui n'ont malheureusement pas assumé leur position en commission. C'était ça, le problème ! Ils n'ont pas assumé le fait de défendre quelque chose qui est quand même assez curieux, à savoir la réduction de la durée du contrat de prestations. Si vous lisez le titre du rapport sur ce projet de loi, il est indiqué: «deux aides financières annuelles pour les années 2012 à 2015». On peut donc penser que ce projet de loi est un projet de loi LIAF habituel d'une durée de quatre ans. Or, malheureusement, ce n'est pas le cas. Un amendement qui vise à réduire la portée de ce contrat de prestations à deux ans, en l'occurrence 2012 et 2013, a été accepté. On est en train de faire un retour vers le passé, puisqu'on parle d'années qui sont déjà écoulées. Pour les socialistes, c'est là qu'il y a un vrai problème de méthode de travail au sein de la commission des finances de l'ancienne législature. Parce que je tiens aussi à rappeler, tout comme ma collègue l'a fait, que les débats qui se déroulent depuis le début de la nouvelle législature sont bien plus sereins et factuels - en tout cas pour le moment - ne serait-ce que parce que nous sommes allés visiter les associations. Si vous lisez mon rapport de minorité qui se trouve aux pages 54 et suivantes, j'ai cité quelques interventions de députés de ces partis, qui contestent la légitimité de ces associations et prétendent qu'elles dépensent de l'argent à tort et à travers et font le même travail. En réalité, la commission des finances n'était même pas allée voir ce que font ces associations ! Et certains députés, notamment de l'UDC ou du MCG, ont reconnu qu'ils ne connaissaient pas ces associations. C'est d'autant plus regrettable que la commission des Droits de l'Homme avait donné un préavis unanime. Parce que c'est aussi ça, le problème ! Dans ce Grand Conseil, il y a des commissions spécialisées qui vont voir le travail qui s'accomplit sur le terrain. Dans la logique actuelle, ces commissions spécialisées rendent un préavis pour la commission des finances. Et que fait la commission des finances ? Elle prend le préavis et le jette à la poubelle ! Ce n'est tout simplement pas sérieux, c'est aussi une manière de gaspiller l'argent public, parce que le travail se fait à double. On pourrait donc dire que si la commission des finances va voir ce qu'il se passe sur le terrain - comme c'est le cas maintenant - il n'y a peut-être plus besoin de préavis. On peut certainement travailler dans de meilleures conditions sur les faits, et pas sur les préjugés. Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes ont réellement regretté le fait qu'on ramène un contrat de prestations à deux ans, alors que le but des contrats de prestations est justement de permettre une prévisibilité au monde associatif pour une durée de quatre ans. Ici, on est en train de multiplier le travail administratif, de faire des contrôles supplémentaires, du travail parlementaire supplémentaire pour un résultat...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Roger Deneys. ...franchement pas satisfaisant. Mesdames et Messieurs les députés, il n'y a pas d'amendement socialiste. On aurait pu reproposer de revenir à quatre ans. Mais comme on est déjà en train de parler du passé et qu'on aura l'occasion de parler du futur prochainement, c'est inutile de faire un amendement. C'est vraiment une méthode de travail qui n'honore pas...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Roger Deneys. ...ce Grand Conseil. Je vous demande simplement de mieux prendre en compte le travail du monde associatif.
M. Eric Leyvraz (UDC). Mesdames et Messieurs, lors des débats, l'UDC avait refusé en troisième débat ce projet de loi à cause de Camarada. Lors de l'audition, l'association Camarada ne s'était en effet pas montrée très coopérative, les réponses qui nous avaient été données n'étaient pas satisfaisantes et nous n'avions pas encore vu les nouveaux statuts. Bref, la situation ne nous convenait pas. Il faut cependant reconnaître que Camarada, de même que le Centre de Contact Suisses-Immigrés et contrairement à d'autres associations, a fait l'effort de nous recevoir, de nous montrer les travaux qu'ils effectuaient. Cela a duré toute une après-midi. Pour Camarada, cela a été la même chose. Ils ont répondu avec franchise à toutes nos questions et ont un peu levé les oppositions que nous avions, parce que les questions qui avaient été posées lors de la séance de commission n'avaient pas trouvé de bonnes réponses. Je dois dire que j'ai été convaincu par les réponses apportées et par la visite que nous avons faite. Et nous sommes capables de changer d'avis ! Concernant Camarada, je dois dire que le travail effectué m'a paru excellent. L'UDC vous recommande donc cette fois-ci, en changeant son avis de départ, d'accepter ce projet de loi. Je vous remercie.
Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les deux associations dont il est question aujourd'hui font toutes deux un travail admirable, quoique très différent. Le Centre de Contact Suisses-Immigrés offre une aide aux migrants et également aux Suisses qui souhaitent par exemple se marier avec un étranger ou une étrangère et doivent effectuer des démarches. Et surtout, il s'occupe des démarches d'affiliation à l'assurance-maladie nécessaires à la scolarisation des enfants sans papiers, ce qui répond à une exigence légale. Quant à Camarada, cette association offre des cours de français à très bas seuil pour des femmes migrantes. Là, on s'adresse à un public migrant mais légal - c'est-à-dire qui a un permis de séjour - et on aide ainsi ces personnes à établir les bases de la démarche d'intégration que l'on exige d'elles. Comme l'ont rappelé les deux rapporteurs, la commission des finances avait refusé d'auditionner ces associations l'an dernier, se basant sur des on-dit et des préjugés négatifs à leur égard, afin de limiter la durée du contrat de prestations sur deux ans au lieu de quatre, ce qui est totalement contraire à l'esprit de la LIAF - je vais y revenir. Cette année, pour le nouveau projet de loi - à savoir le contrat de prestations 2014-2017 - la commission a non seulement accepté de les auditionner, mais elle s'est rendue sur place, dans leurs locaux, pour le faire. Cela a donné aux commissaires l'occasion de voir que ces locaux n'étaient pas pavés de marbre blanc avec des robinetteries en or, comme certains semblaient le penser l'année dernière. Au contraire, ce sont des locaux modestes et des conditions de travail que personne, je crois, n'a enviées. Le nouveau contrat de prestations a d'ailleurs été accepté à une large majorité.
Outre le côté vexatoire de cette diminution de la durée du contrat de prestations envers ces deux associations, la décision - de plus en plus fréquente - de diviser la durée par deux remet en question le principe même qui a été voulu par la LIAF. Ce principe, c'est celui d'un partenariat sur plusieurs années, qui permet, d'une part, aux associations d'avoir une vision à moyen terme et une stabilité financière et, d'autre part, à l'Etat d'avoir une prévisibilité sur plusieurs années de même qu'une stabilité puisque, en général, ces sommes sont fixes sur quatre ans. En divisant le temps des contrats de prestations par deux, on multiplie le travail, non seulement pour les associations - qui ont autre chose à faire, puisqu'elles ont des prestations à délivrer sur le terrain - mais aussi pour l'administration, qui doit négocier, refaire des contrats de prestations et des projets de lois, revenir devant la commission des finances. C'est un non-sens en termes d'efficience de l'Etat. De manière plus générale, l'attitude de défiance envers le monde associatif - alors que ce dernier accomplit pour l'Etat des tâches extrêmement importantes que celui-ci ne pourrait pas accomplir lui-même ou alors peut-être pour le double du coût - pose problème. En effet, les associations ont des compétences de terrain mais aussi un engagement, un engagement bénévole de la part des membres du comité, mais également de nombreux intervenants qui travaillent bénévolement ou à des tarifs défiant toute concurrence. Et cela, on ne pourra jamais le remplacer en créant un service de l'Etat. Le rapporteur de minorité a rappelé en exergue de son rapport l'article de la constitution qui consacre le soutien au monde associatif, et je crois que nous devons y être extrêmement attentifs. Car si le Grand Conseil continue à se comporter de cette manière, on risque de voir des associations abandonner purement et simplement leur travail et laisser l'Etat...
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Emilie Flamand-Lew. Oui. ...et laisser l'Etat s'organiser pour offrir ces prestations, ce qui coûtera plus cher pour des prestations de moins bonne qualité. Je vous encourage donc, vu que le contrat de prestations suivant est en bonne voie, à accepter le présent projet de loi et à continuer de travailler dans l'esprit de la LIAF en évitant ce genre d'amendements tout à fait vexatoires qui nuisent à l'efficience de l'Etat.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Il semble que ce projet de loi ait été traité par des commissaires survoltés lors de quatre séances assez sportives et houleuses. (Commentaires.) Il s'agissait tout de même de libérer 2 674 000 F d'aide financière sur quatre ans accordés d'une part au Centre de Contact Suisses-Immigrés - dont le nombre de dossiers à traiter explose - et d'autre part à l'association Camarada, active dans l'intégration des étrangers, dont une part est constituée de clandestins. (Exclamations. Commentaires.) Il a été mentionné que Camarada est une association qui encourage la venue des sans-papiers et vit du problème qu'elle crée. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) C'est inscrit dans le rapport !
Le président. Chut ! Poursuivez, Monsieur.
M. Bernhard Riedweg. Camarada s'occupe essentiellement de femmes, parfois accompagnées de leurs enfants. Comment ces gens-là sont-ils arrivés en Suisse, et particulièrement à Genève ? (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Bernhard Riedweg. On sent nettement l'exaspération de certains commissaires dans l'octroi de subventions, ce qui les incite à vouloir diminuer les contrats de prestations de quatre à deux ans. Il a été demandé que ces deux associations fusionnent afin de diminuer les subventions non monétaires concernant les locaux occupés. L'Etat est dans une situation financière difficile et doit également en faire porter les conséquences à des associations telles que celles mentionnées dans ce projet de loi. Tout le monde, Mesdames et Messieurs, doit et devra faire des efforts en ce qui concerne les finances. La question de l'aide financière pour 2014 et 2015 sera posée dans le courant de cette année, et il est à espérer qu'elle sera traitée de manière plus sobre. Bien que l'UDC ait des doutes concernant la gouvernance, elle va tout de même approuver ce projet de loi. (Exclamations.)
M. Christian Frey (S). Mesdames et Messieurs, après l'intervention du député Leyvraz, je me disais: « Voilà enfin quelque chose de positif ! Voilà des personnes qui, après avoir auditionné des associations, changent d'avis !» Mon enthousiasme a été un peu modéré suite à la dernière intervention. Néanmoins, l'essentiel est que les choses avancent. A titre personnel, je voudrais juste vous dire que j'ai travaillé dans le domaine social pendant environ trente ans et côtoyé au quotidien ces deux associations, qui font un travail clairement différencié: le Centre de Contact Suisses-Immigrés travaille dans le conseil individuel, tandis que Camarada oeuvre dans la formation avec des groupes. Il est d'ailleurs un peu étonnant de voir qu'on propose ici un seul projet de loi pour deux associations tellement différenciées. Ma foi, je n'étais pas là et ne sais donc pas quelles sont les raisons profondes qui ont poussé à cela. Maintenant, l'essentiel est effectivement d'avancer, d'offrir notre aide financière à ces associations qui font un travail remarquable, un travail remarquable avec beaucoup de bénévolat. Je pense en particulier aux comités et aux présidents de ces associations, dont le travail coûterait effectivement quelque chose s'il n'était pas fait à ce niveau-là. L'essentiel est donc d'avancer, et il me semble que dans cette noble assemblée, nous arrivons à quelque chose de positif. Bravo et merci !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Eric Stauffer, qui n'est pas là. Madame von Arx-Vernon, c'est donc à vous.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Face à certaines interventions, ma mère aurait dit: «Il vaut mieux entendre ça que d'être sourde !» Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, l'avantage de ce qui a failli être un psychodrame - par méconnaissance du monde associatif incarné par le Centre de Contact Suisses-Immigrés et Camarada - c'est que cela a permis à certains de découvrir ces associations. D'aucuns ont d'ailleurs eu l'honnêteté de reconnaître qu'ils ont appris quelque chose, ce qui est tout à leur honneur. Cela nous a également permis de comprendre que ces deux associations faisaient un travail complémentaire, et non en doublon. En effet, elles s'adressent à deux types de population tout à fait différents qui, si ces associations n'existaient pas, seraient encore plus dans la méconnaissance de leurs droits et devoirs, et de leurs possibilités d'intégration dans les conditions les plus simples, les plus légères d'accompagnement. Mais surtout, Mesdames et Messieurs les députés, cela permet d'éviter une exclusion et des problèmes de grande précarisation, qui coûtent toujours beaucoup plus cher à l'Etat, non seulement en souffrance, mais aussi et surtout en argent. C'est un moyen de travailler de manière extrêmement respectueuse de ces populations, et en même temps extrêmement respectueuse des deniers de l'Etat. Pour le parti démocrate-chrétien, ce type de projets de lois et de soutien est l'incarnation de ce qui nous tient très à coeur, à savoir la subsidiarité, Monsieur le président. La subsidiarité entre l'Etat et les associations - qui travaillent de manière extrêmement concrète sur le terrain - fait que nous y sommes tous gagnants, et c'est cela qui fait Genève. Le parti démocrate-chrétien vous invite à soutenir ce projet de loi avec beaucoup d'enthousiasme. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. Renaud Gautier (PLR). Mesdames et Messieurs, permettez à un survolté - bonjour, Monsieur Riedweg ! - voire à un lâche - bonjour, Monsieur Deneys ! - de venir très simplement rappeler ici que le débat que nous avons aujourd'hui porte sur la durée, non pas sur le montant. Effectivement, un certain nombre de questions d'ordre organisationnel ont permis à quelques lâches survoltés de se demander si on ne pouvait pas faire la même chose, mais mieux. Le débat que nous avons ici est un débat sur l'organisation, ce n'est pas un débat financier, puisque tout le monde est d'accord de soutenir ces institutions.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Je souhaiterais que dans notre pays, il soit obligatoire pour les jeunes - ou les moins jeunes - de voyager pendant un an, afin qu'ils puissent ouvrir les yeux pour bien voir ce qu'il se passe dans des pays différents du nôtre. A croire qu'on est en train de découvrir l'accueil à Genève ! Et on ose demander d'où viennent ces gens. Ces gens ? Mes compagnons, mes compagnes ! D'où viennent-ils ? Eh bien, tout comme nous, ils viennent d'un pays, d'une terre. Mais ils ont simplement été maltraités, ils ont été poursuivis, ils ont dû se déplacer. Et les pauvres arrivent à Genève, à Camarada. Personnellement, je me suis demandé pourquoi la commission des finances avait tellement travaillé sur Camarada en particulier. Ça m'a vraiment... Tout simplement parce que je vais assez souvent chez Camarada. J'aime bien manger avec eux, autour de la table ronde, au milieu de leurs locaux. Ces locaux font d'ailleurs plutôt penser à des locaux d'orphelinats catholiques ou protestants que j'ai bien connus, où on met des affiches, on essaie de cirer les parquets, mais ça a toujours une odeur un peu vieillotte. L'ambiance de Camarada devient gaie quand les femmes africaines amènent leurs tissus, quand les femmes indiennes viennent apprendre l'alphabet et que - Dieu merci ! - il y a beaucoup d'enfants autour d'elles. C'est un vrai bonheur de les entendre parler, rire et chanter, comme le dit d'ailleurs Resnais dans son dernier film, ce n'est pas nouveau. Ce que je trouve quand même incroyable, c'est cette difficulté à accepter que des associations puissent oeuvrer de cette manière-là. Il faut qu'on essaie de trouver où ça ne va pas. Alors soit il y a des doublons - puis après, on constate que ce n'est pas le cas - soit on se dit qu'ils ne font pas grand-chose, soit c'est subversif. Il y a là un côté assez pervers. On pourrait peut-être conseiller aux membres de la commission des finances de considérer plutôt ces associations comme des associations ouvertes au monde, même si elles accueillent des gens sans papiers. Forcément qu'ils sont sans papiers ! Et alors ? Peut-être est-ce nous qui avons trop de papiers ! (Rires. Applaudissements.) Quand on va dans ces pays-là, on est en général bien accueillis. Moi, je souhaiterais que Genève reste un peu généreuse, ce qui n'empêche pas qu'on contrôle les finances, ce qui n'empêche pas qu'on lise les rapports. Je suppose que la commission des finances n'avait peut-être pas lu les rapports de Camarada qu'on a reçus de M. Gardiol et autres, et que je me fais un plaisir de lire chaque année. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo, Marie-Thérèse !
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Cyril Aellen pour trois minutes.
M. Cyril Aellen (PLR). Merci, Monsieur le président. J'aimerais dire que je regrette ce débat de forme, de position entre les représentants de l'Alternative et le reste du parlement. Ils savent parfaitement - et M. le rapporteur de majorité en priorité - qu'en réalité, les membres de la commission des finances, lors de l'ancienne législature, avaient quelques doutes quant à la pertinence de cette subvention et que, finalement, ils ont décidé de réduire de moitié la durée, pour examiner l'autre moitié de façon plus approfondie. C'est ce qui a été fait ! En réalité, la divergence reposait précisément sur la façon de travailler. Le parti socialiste et les autres de l'Alternative souhaitaient que nous n'approfondissions pas plus la situation et que nous votions les yeux fermés. Ce n'est pas vrai, ce n'est pas comme ça que ça a été fait. Le travail a été fait différemment dans la législature suivante s'agissant des deux autres années pour ce contrat de prestations. Il a été clairement mis en évidence les éléments suivants: Camarada fait un excellent travail. Le Centre de Contact Suisses-Immigrés fait un excellent travail. C'est un travail d'intérêt public, effectué selon la forme adéquate, parce que ce sont deux associations qui travaillent avec une quantité importante de bénévoles. Ils arrivent à avoir une implantation sociale indispensable dans le cadre des travaux qui sont faits. Le montant qui leur est alloué est tout à fait adéquat et profitable à la communauté genevoise. Par voie de conséquence, nous aurons la seconde partie du contrat de prestations qui a été voté en commission à l'unanimité - moins une abstention - et le rapporteur sera un PLR. Voilà.
M. Michel Ducommun (EAG). Il est intéressant pour moi d'intervenir juste après M. Aellen, parce qu'une bonne partie des choses qu'il a dites ont été observées par l'ensemble de la commission des finances et se sont révélées correctes. Il est clair qu'au moment du premier débat, il y avait des doutes, des remises en cause, la volonté de diminuer ce qui était offert à Camarada ou au Centre de Contact Suisses-Immigrés. Ces réticences, ces craintes et ces critiques, je ne les comprenais personnellement pas, parce que je connaissais déjà un peu ces organisations. Le fait qu'il y ait eu des visites à Camarada a aidé - je crois que cela a été dit, je n'ai pas besoin de le répéter. Mais, effectivement, pour l'intégration d'étrangers qui arrivent dans des conditions souvent difficiles, le problème du langage est fondamental. L'essentiel de ce que fait Camarada, c'est d'apprendre le français à des étrangers qui n'ont à peu près pas de formation scolarisée, ce qui soulève aussi des réflexions sur la manière d'apprendre le français à ce type de populations. Je pense en effet... D'accord, je ne vais pas revenir sur le constat que c'est très positif. S'agissant du Centre de Contact Suisses-Immigrés, je rappelle que même les enfants de parents qui n'ont pas de papiers ont droit à l'éducation, c'est à mon avis la chose la plus importante ! Il y a des démarches à entreprendre pour respecter ce droit. Voilà ce que fait en grande partie le Centre de Contact Suisses-Immigrés. Il est vrai que si on n'avait affaire qu'au projet de loi qui est proposé aujourd'hui... Je l'ai combattu en commission, je le combattrais si ce n'était que... C'est un peu du passé. Monsieur Riedweg, concernant vos remarques de tout à l'heure, j'ai l'impression que vous avez raté un train ! Nous accepterons ce projet de loi essentiellement en fonction du suivant qui a reçu l'unanimité à une exception près. Il s'agissait de quelqu'un qui voulait faire un rapport de minorité sur un sujet que j'allais qualifier d'annexe, même si ce n'est pas tout à fait vrai. Il y a donc eu unanimité pour le projet suivant que nous vous présenterons dans cette salle. Voilà pourquoi nous acceptons aussi celui-ci.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Eric Stauffer pour quarante secondes.
M. Eric Stauffer (MCG). Pour un sujet aussi important, quarante secondes, c'est évidemment... C'est tout le problème de ce parlement ! Je vais simplement dire que je fais miens les propos de ma collègue Marie-Thérèse Engelberts, parce qu'il est vrai que ces associations sont d'utilité publique. Mais il y a un sujet qui est tabou dans ce parlement, un sujet qui est tabou lorsqu'on parle de ces associations, c'est l'hypocrisie qui règne s'agissant des sans-papiers qui travaillent dans des conditions inacceptables, souvent sans assurances sociales...
Le président. Il vous reste dix secondes.
M. Eric Stauffer. Oui, c'est ce que je disais: bâcler un sujet aussi important, je trouve ça absolument antidémocratique. Je vais donc me taire.
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. Mais je n'en penserai pas moins.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve), rapporteuse de majorité. Je ne vais pas être longue, mais je voudrais réagir à certains propos qui ont été tenus dans ce parlement. La première chose, c'est que je suis ravie de l'intervention de M. Aellen, qui admet en effet que ces deux associations font un travail extrêmement utile. Par contre, je ne peux pas le laisser dire que l'Alternative a voulu empêcher la droite d'investiguer ces deux associations. Au contraire ! Pendant tout le traitement de ce projet de loi, nous n'avons cessé de répéter: «Auditionnons ces deux associations ! Faites part à leurs membres de vos griefs, et ils pourront ainsi répondre !» La majorité de la commission ne voulait pas auditionner les associations et avait une attitude extrêmement dogmatique et critique, sans vouloir entendre les réponses. Au contraire, nous appelions de nos voeux ces investigations, parce que nous pensions que si des accusations sont formulées, il faut y répondre ! Et il faut amener des réponses ! (Remarque. L'oratrice rit.) Arrête de me parler !
Pour répondre ensuite à M. Riedweg: Monsieur, mon collègue a gentiment dit que vous aviez raté un train, mais c'est bien plus que ça ! En fait, ces deux associations - et cela s'adresse aussi à M. Stauffer - ne travaillent pas avec des sans-papiers ! Là, vous posez un faux problème. Ces associations ne travaillent pas avec des sans-papiers, mais avec des gens qui vivent ici avec un permis de travail, et elles visent soit à donner des cours de langue, soit à aider les familles à accéder à des assurances-maladie et à scolariser des enfants. Il s'agit de familles qui habitent à Genève avec des papiers ! Vous ne pouvez donc pas accuser ces associations de travailler avec des sans-papiers, c'est faux !
Le président. Il vous reste vingt secondes, Madame.
Mme Sophie Forster Carbonnier. Enfin, M. Riedweg mentionnait aussi qu'il fallait fusionner ces associations. On ne peut pas les fusionner, parce qu'elles font un travail extrêmement différent et incompatible l'un avec l'autre. De plus, les locaux sont différents, les besoins en locaux sont différents, le besoin d'accueil est complètement différent.
Le président. Vous avez terminé, Madame.
Mme Sophie Forster Carbonnier. J'ai terminé, Monsieur le président, et je me félicite que ce parlement soit revenu à de meilleurs sentiments et vote ce projet de loi.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Je vais rapidement prendre acte de la conclusion heureuse de ce long processus. Long, parce qu'il a commencé au Conseil d'Etat en 2011 pour un renouvellement de contrat de prestations - qui est normalement un peu anticipé - s'agissant de la période 2012-2015, et qu'il a nécessité de multiples auditions auxquelles je me suis livré de bonne grâce. Je constate qu'il a fallu un certain temps pour admettre des réalités qui avaient pourtant été clairement exprimées dès le début. J'aimerais dire toute l'importance que le gouvernement porte à l'action du Bureau de l'intégration des étrangers. A travers son action, il y a l'idée que l'Etat ne doit pas tout faire tout seul, mais peut se reposer, à intervalles réguliers et en s'interrogeant sur son efficacité, sur ce tissu associatif indispensable s'agissant de la prise en charge de populations particulières, ici de populations migrantes. C'est une notion de pragmatisme - le député Aellen l'a dit tout à l'heure - de proximité et d'efficacité dans l'action de tous les jours. Au nom du gouvernement, je veux souligner la qualité du travail de ces associations qui, certes - il n'était pas inutile de se poser quelques questions à la commission des finances - ne recoupaient à l'époque pas toutes les conditions exigées par la loi, notamment la LIAF qui préside à l'attribution de subventions. Dans l'intervalle, ces associations ont fait un petit effort de forme.
Mais j'aimerais dire en écho aux propos du député Stauffer qu'on ne doit pas opposer une hypocrisie à une autre et que l'enjeu, dans notre cité, est d'identifier des populations particulièrement vulnérables, qu'elles soient sans papiers ou non. Je parle notamment des populations de femmes et d'enfants qui, si on les laisse à la marge, si on entretient leur vulnérabilité, présentent ensuite des problèmes de sécurité majeurs, comme la traite d'êtres humains ou l'exploitation. Ce sont des phénomènes réels dans notre cité, contre lesquels on ne se battra pas par des aspects de forme, mais par une action d'ensemble des acteurs - des acteurs privés et publics - qui, de façon concertée, doivent permettre de sortir ces populations de la vulnérabilité. Voilà l'enjeu ! C'est là-dessus que le gouvernement reviendra bientôt, notamment s'agissant de la question des sans-papiers. Lorsque l'on constate véritablement, à la lecture quotidienne - c'est mon cas - des mains courantes de la police, l'exploitation de ces vulnérabilités, il y a des situations intolérables. De ce point de vue là, je vous invite - parce que cela va contribuer à les résoudre - à voter des deux mains...
Une voix. Dès demain ?
M. Pierre Maudet. ...des deux mains - donc aujourd'hui - ce contrat de prestations ainsi que les suivants. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Monsieur Stauffer, c'est pour le vote nominal ?
M. Eric Stauffer (MCG). Non, Monsieur le président, c'est pour rétablir mes propos. Ma collègue s'est méprise et n'a pas bien interprété mes propos et, conformément à l'un des articles de notre règlement, j'ai le droit de les rectifier. J'ai simplement parlé des conditions de travail des sans-papiers, dont M. le conseiller d'Etat vient de faire état. Je n'ai pas dit que ces associations travaillaient avec des sans-papiers.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous en avons pris note. Nous passons maintenant au vote sur l'entrée en matière de ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 10983 est adopté en premier débat par 81 oui et 8 abstentions.
La loi 10983 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10983 (nouvel intitulé) est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 77 oui et 9 abstentions.
Premier débat
Le président. Nous abordons maintenant le PL 10988-A. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Mme la rapporteure de majorité Christiane Favre est remplacée par M. Aumeunier. Je prie M. le rapporteur de minorité Patrick Lussi de rejoindre la table centrale. Monsieur Aumeunier, vous avez la parole.
M. Christophe Aumeunier (PLR), député suppléant et rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est un honneur pour moi de soutenir l'excellent rapport de majorité de Mme Christiane Favre, non moins excellente députée libérale. C'est un sujet important qui nous occupe ce matin. Il s'agit ni plus ni moins de l'habeas corpus. Nous parlons là d'une liberté fondamentale, celle de ne pas être arrêté sans contrôle judiciaire. Toute personne a ainsi le droit de savoir pourquoi elle a été arrêtée et ce dont elle est accusée. Il s'agit donc d'une protection fondamentale contre les arrestations arbitraires. Cette protection a été instituée par la Convention européenne des droits de l'homme en son article 5, par la Constitution fédérale en ses articles 9 et 10, et par la constitution genevoise en ses articles 17 et 18. C'est donc un pilier totalement fondamental de notre Etat de droit. Ce projet de loi vise à garantir ce droit fondamental.
Lors de l'entrée en vigueur du code de procédure pénale, nous avons traité de l'avocat de la première heure. Au fond, il s'agissait, avec cette institution créée avec l'aide de l'Ordre des avocats, d'établir une permanence de l'Ordre des avocats - 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 - avec un avocat de la première heure, celui qui, à la première heure, se déplace dans les locaux de la police, celui qui est d'astreinte, celui qui touche pour cela 300 F de l'heure. A l'époque, nous avons considéré qu'il était juste de majorer de 50% ses honoraires par rapport à ceux qu'il touche en cas d'assistance judiciaire. Parce qu'il ne peut pas prendre de rendez-vous, parce qu'il se lève la nuit, parce qu'il est disponible, parce qu'il a des compétences, il s'agit en effet de rémunérer justement ce travail. A cette époque, nous n'avons pas traité de l'avocat de la deuxième ni de la troisième heure. Au fond, il y a un délai de 96 heures entre l'arrestation et le passage au tribunal. Après l'arrestation, le prévenu doit être présenté sous 24 heures à un magistrat du Parquet. Celui-ci a 48 heures pour décider de la liberté ou de la mise en détention provisoire. Dans ce dernier cas, il dispose d'un délai de 48 heures pour soumettre le prévenu au Tribunal des mesures de contrainte. C'est donc dans l'intérêt de la justice d'assurer la défense à toute heure pendant ces 96 heures. Qui plus est, l'article 130 du code de procédure pénale exige le droit à une défense obligatoire - ce n'est pas un droit, mais une obligation ! - lorsque le prévenu encourt une peine privative de liberté d'un an ou plus. Il s'agit donc d'une permanence, non seulement pour la première heure, mais également pour la deuxième et la troisième heure.
La majorité de la commission a considéré que, là aussi, il fallait rémunérer l'avocat à 300 F de l'heure, un tarif de 50% supplémentaires par rapport au tarif de l'aide judiciaire. Cela est raisonnable. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il s'agit d'une véritable astreinte, dans laquelle nous avons un intérêt et un devoir de fournir une défense aux prévenus. En outre, les frais sont à la charge de ce même prévenu. L'Etat ne fait qu'avancer les frais, et c'est ensuite au prévenu de rémunérer son avocat. Il y a des cas d'insolvabilité, c'est vrai. Mais ils ne doivent en aucun cas mettre en péril le pilier de notre démocratie qui comporte l'habeas corpus, ce droit du prévenu, ce droit que nous avons tous à faire vérifier nos conditions d'incarcération. C'est la raison pour laquelle la grande majorité de la commission vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter le présent projet de loi.
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes là dans un cas où il faut avoir le courage d'être un peu impopulaire et, bien que nous soyons un parti annoncé comme à droite, d'oser égratigner la plus grande partie des gens représentant la droite. Mesdames et Messieurs les députés, vous venez d'entendre le rapporteur de majorité. J'ai vraiment eu l'impression, jusqu'à la fin, de ne pas avoir compris. A quel endroit du rapport de minorité - dites-le-moi - l'Union démocratique du centre prétend-elle qu'on va supprimer l'habeas corpus ou les avocats de la première heure ? Mesdames et Messieurs les députés, quand on regarde ce qu'il se passe, quand on regarde la profession d'avocat, quand on vient nous dire en commission que, pour finir, des gens ne font plus que cela... Et on est en train de nous proposer d'augmenter le revenu de 200 F à 300 F. Pourquoi pas ? Quand tout va bien... Notre rapporteur de majorité nous dit que les gens paient. Mesdames et Messieurs les députés, chacun est conscient que le procureur général ne cesse de venir demander des rallonges à son budget de l'entraide judiciaire. C'est donc Monsieur et Madame Tout-le-Monde, à savoir les contribuables, qui doivent payer. Alors, bien sûr qu'on doit les défendre ! Mais quel est l'objet de ce projet de loi ? On nous demande une augmentation de 50%. Mesdames et Messieurs les députés, je laisserai les commentaires se faire, mais enfin ! Alors qu'on ne cesse de rogner, alors que - on vient de le voir - on essayait d'avoir quelque chose pour Camarada... Peut-être est-il parfois temps de dire la chose suivante: Mesdames et Messieurs du droit, les avocats et autres, il me semble que vous exagérez un peu et qu'un petit geste citoyen - en tout cas pour le moment - serait nécessaire. C'est la raison pour laquelle l'Union démocratique du centre vous demande de refuser ce projet de loi.
Mme Irène Buche (S). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi qui a pour but de compléter le dispositif de la permanence de l'avocat de la première heure, mis en place au moment de l'entrée en vigueur du nouveau code de procédure pénale fédéral, est tout à fait nécessaire. En effet, l'avocat de la première heure peut être appelé à toute heure du jour et de la nuit par la police pour assister un prévenu qui le demande. On sait que ce système fonctionne bien. Il s'est avéré qu'il était nécessaire de prévoir le même type de permanence pour l'avocat de la deuxième et de la troisième heure, respectivement pour les procédures devant le Ministère public et le Tribunal des mesures de contrainte, ce en vertu du principe de défense obligatoire instauré par le code de procédure pénale. Ce point n'est pas contesté, il est d'ailleurs déjà en vigueur, puisque je crois savoir que l'Ordre des avocats prévoit déjà une permanence pour l'avocat de la deuxième et de la troisième heure. Ce qui est en fait contesté ici par le rapporteur de minorité, c'est la majoration du tarif de l'assistance juridique. Or vous devez quand même savoir qu'un avocat de la deuxième ou de la troisième heure peut être appelé toutes affaires cessantes ! Il doit quitter ce qu'il est en train de faire pour aller assister un prévenu, que ce soit devant le Ministère public ou le Tribunal des mesures de contrainte. Devant le Ministère public, cela peut se faire n'importe quel jour de la semaine, y compris le week-end. Le Tribunal des mesures de contrainte a, quant à lui, des horaires plutôt ordinaires, de bureau. Mais il n'empêche que l'avocat doit pouvoir se libérer immédiatement pour se rendre devant le Tribunal des mesures de contrainte. Cela justifie donc la majoration du tarif horaire de l'assistance juridique car, à défaut, il serait extrêmement difficile pour les avocats de pouvoir assumer une telle permanence. Il n'y a aucun luxe là-dedans, il s'agit simplement d'assurer le bon fonctionnement de la justice pénale et de respecter le principe de l'habeas corpus, comme l'a décrit le rapporteur de majorité. Nous vous invitons donc à refuser l'amendement de l'UDC et à voter ce projet de loi tel que sorti de commission.
M. Vincent Maitre (PDC). Tout le monde ici sait que depuis l'entrée en vigueur du code de procédure pénale fédéral, nous connaissons à Genève l'institution de l'avocat de la première heure. En réalité et contrairement à ce qu'a dit le rapporteur de minorité - peut-être par lapsus - ce projet de loi ne concerne absolument pas l'avocat de la première heure, mais bien celui de la deuxième et troisième heure. Il s'agit de l'avocat qui est appelé à agir et à prêter ses services lorsqu'une personne arrêtée par la police est mise à disposition du Ministère public en vue de détention ou de relaxe et, si elle est mise en détention, en vue de l'assister devant le Tribunal des mesures de contrainte qui, lui, va juger de la légalité de sa détention ou tout simplement de la prolongation de sa détention. Il s'agit de cette institution précise dont nous parlons dans ce projet de loi, et non pas de l'avocat de la première heure. L'avocat de la première heure, lui, est commis d'office. C'est un droit dispositif que possède la personne arrêtée par la police, c'est-à-dire qu'elle doit être informée qu'elle a la possibilité de se faire accompagner par un avocat, mais elle n'y est pas obligée. Dans le système de l'avocat de la deuxième et troisième heure, lorsqu'un cas grave survient - un cas grave étant un cas où l'on risque une année de peine privative de liberté - la défense est dite obligatoire, c'est-à-dire que le procureur ne peut pas tenir une audience avec l'inculpé sans la présence d'un avocat. Cette institution est donc absolument obligatoire et découle des grands principes fondamentaux qui ont été rappelés ici - soit le droit à un procès équitable - et qui concrétisent ce qu'on appelle plus généralement les droits de la défense. Comme on l'a dit, le droit à un procès équitable est garanti non seulement par la Convention européenne des droits de l'homme, mais également par notre constitution. Cette institution est là, et bien là. Il faut donc l'appliquer et la mettre en oeuvre, et ce de façon efficace et efficiente.
Le grand problème que semblent soulever l'UDC et le MCG concerne la majoration des heures. Mon excellente collègue Irène Buche a dit - et à juste titre - que les avocats de la deuxième et troisième heure sont des urgentistes. Ils sont appelés à intervenir toutes affaires cessantes, c'est-à-dire qu'un avocat qui travaille dans son étude devra, tout de suite après le coup de fil du Ministère public, intervenir immédiatement, et cela même alors qu'il serait peut-être en train de traiter d'autres dossiers dans son étude qui, eux, sont bien plus rémunérateurs puisqu'il y facture son propre tarif horaire. J'ai entendu parler d'une volonté ou d'une démarche citoyenne que les avocats devraient accomplir. En réalité, cette démarche citoyenne et cet acte citoyen sont déjà largement remplis par l'Ordre des avocats qui a constitué une permanence puisque, comme vous le savez - c'est suffisamment critiqué comme cela pour ne pas avoir à le rappeler - un avocat facture en moyenne à un tarif plus élevé que 300 F de l'heure. Ainsi, lorsqu'il se rend - parce qu'il est appelé d'office - au Ministère public ou au Tribunal des mesures de contrainte...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Vincent Maitre. ...il réduit son tarif pour aller défendre à 300 F de l'heure. Cela ne paraît absolument pas démesuré. Si les audiences au Ministère public sont globalement tenues pendant les horaires de bureau, celui-ci siège également le samedi et le dimanche, tandis que le Tribunal des mesures de contrainte siège aussi le dimanche. Cela n'inclut pas encore la préparation des dossiers qui, lorsqu'elle doit être faite en urgence, implique un travail qui va bien au-delà...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Vincent Maitre. ...des heures de bureau standard. J'en appelle donc - ne serait-ce que par logique et pour que l'institution fonctionne bien - à ce que ce projet de loi...
Le président. C'est terminé, Monsieur.
M. Vincent Maitre. ...soit accepté tel quel.
Mme Danièle Magnin (MCG). J'aimerais simplement vous rappeler que le droit à l'assistance juridique découle de l'article 29, alinéa 3 de la constitution - petit détail - et que dans le règlement sur l'assistance juridique, la rémunération des avocats est prévue en trois volets: il y a tout d'abord les avocats-stagiaires à 65 F, puis les avocats collaborateurs, qui représentent la grande majorité des avocats inscrits au Barreau, à 120 F - si vous ajoutez la moitié, cela fait 180 F - et ensuite seulement les avocats indépendants. Ceux-ci sont certes en nombre, mais très peu important, et j'imagine que ce n'est pas à eux qu'on fait appel comme avocat de la première heure. Voilà la première chose. La deuxième chose que je voudrais aussi vous signaler, c'est que quel que soit l'état de frais que l'on présente - parce que c'est ainsi que s'appellent maintenant les factures pour le travail accompli au bénéfice de personnes touchant l'assistance juridique - le service de l'assistance juridique prend son crayon et biffe à grands traits les heures de travail que nous avons effectuées. En tant qu'avocate qui bénéficie parfois de rémunérations provenant de l'assistance juridique, je vais m'abstenir, parce que j'estime que je n'ai pas à voter sur cela. Mais je vous demande de réfléchir à la chose suivante: si vous commandez un électricien ou un menuisier - si vous avez besoin d'un petit travail de peinture - on arrive tout de suite à ce genre de rémunérations-là. Alors que, lorsqu'on est avocat, on a obtenu une maturité, préparé un bachelor puis un master, fait une année d'école d'avocature et le stage obligatoires, et finalement passé les examens. C'est une énorme formation, qui ne correspond pas aux rémunérations que l'on propose. Cela implique que c'est le citoyen qui assume une charge de l'Etat pour faire valoir les droits des gens qui sont prévenus, qui sont éventuellement mis en accusation. Je vous remercie de votre attention.
M. Christian Zaugg (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, considérant le nouveau code de procédure pénale - qui vise à mieux protéger les prévenus en mettant en place un avocat de première heure, de deuxième et de troisième heure - et que tout travail mérite salaire, nous soutenons le rapport de majorité très bien défendu par M. le député dont j'ai oublié le nom...
Une voix. Christophe Aumeunier !
M. Christian Zaugg. Voilà, merci !
M. Frédéric Hohl (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nous comprenons les préoccupations de l'UDC quant à l'endettement de l'Etat et l'envie de pouvoir économiser. Vous avez demandé tout à l'heure un geste de la part des avocats. Je rappelle quand même que ce travail-là peut se faire à 2h, 3h ou 4h du matin ! Le but de ce projet de loi est d'harmoniser cette institution de la première, deuxième et troisième heure. Tout travail mérite salaire, comme notre collègue Zaugg l'a dit tout à l'heure. Je crois que c'est une évidence absolue ! Mesdames et Messieurs, il est dans l'intérêt de l'Etat que la personne prévenue puisse être défendue à toute heure, et nous vous encourageons à suivre le rapport de majorité.
M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, il y a quelques sessions, on avait parlé... Les médecins se plaignaient parce qu'ils touchaient un quatorzième salaire, je crois. Maintenant, on vient parler de la rémunération des avocats, et il paraît que ce n'est pas démesuré de toucher 300 F de l'heure. Je ne sais pas si dans beaucoup de professions on touche 300 F de l'heure. Vous me direz que si on veut un avocat, c'est en général encore plus cher, c'est 400 F, c'est vrai.
Une voix. 500 F !
M. Marc Falquet. Voire 500 F de l'heure ! Tout cela pour nous écouter et, bien souvent, ne pas trouver de solutions, mais entretenir encore davantage le conflit. Il est vrai que la dette de l'Etat est quand même importante, et ce n'est franchement pas le moment... La caste des avocats est importante, comme celle des médecins, et je comprends que vous défendiez vos intérêts, mais ce n'est franchement pas le moment, alors qu'on a des milliards de dette, de venir encore demander une augmentation de salaire ! Il y a d'autres métiers qui nécessitent de se lever la nuit. Je crois que ce n'est pas tant un problème de se lever la nuit. Ne venez pas prétendre être au service de la population. Là, vous êtes au service de vos propres intérêts. Je le comprends, mais je suis quand même assez étonné, au vu de la situation de l'Etat.
Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi sera bénéfique tant pour les justiciables, qui pourront recevoir l'assistance juridique à laquelle ils ont droit, que pour la justice pénale, qui connaîtra un fonctionnement plus fluide. Les Verts suivront donc le rapport de majorité de M. Christophe Aumeunier, dont le nom me revient juste à l'instant ! (Rires.) Nous sommes contents d'avoir entendu une personne du MCG, dont le groupe avait pourtant refusé le projet en commission, qui semble avoir changé d'avis. C'est peut-être un peu gênant que plusieurs membres de l'honorable confrérie des avocats viennent défendre ici l'augmentation de leurs honoraires. En tout cas, les Verts se réjouissent du large front qui est formé aujourd'hui pour un salaire minimum des avocats de la deuxième et troisième heure, et vous invitent à accepter ce projet de loi.
M. Thomas Bläsi (UDC). Chers collègues, excusez-moi mais je vais me permettre d'intervenir à ce point, parce qu'il est intéressant de voir les différences que l'on peut trouver selon les professions et selon les professions qui interviennent la nuit. Mon collègue Marc Falquet vous a parlé des médecins. Je vais vous parler des pharmaciens. Les pharmaciens organisent un service de garde toutes les nuits, qui a lieu entre 23h et 8h du matin, pour un salaire compris entre 40 et 45 F de l'heure. Durant ce temps... En fait, il y a quand même une importance. Je comprends l'importance de l'avocat de premier recours, qui n'est pas remise en cause, mais c'est juste pour qu'on ait des points de comparaison sur l'investissement de l'Etat par rapport à des problèmes de santé publique ou par rapport à des problèmes d'assistance. Le pharmacien en question va devoir gérer des ordonnances qui sortent de l'Hôpital cantonal avec parfois... Je vous cite un cas vécu, celui d'une femme enceinte avec une grossesse à risque, où le médecin de garde a prescrit de l'Aspégic 1000, où vous avez une garantie de perdre l'enfant. C'est le pharmacien qui va sauver cet enfant ! Or, par le passé, ce service de garde, que nous avons à l'heure actuelle une certaine peine à assumer - puisque ce sont les associations professionnelles qui l'assument - était subventionné. Si on arrivait à obtenir 40 ou 45 F, cela nous permettrait de payer un pharmacien - qui a quand même obtenu un diplôme universitaire, fait une maturité, six ans d'université et six mois de diplôme - qui va rester à disposition de la population tout seul en étant confronté à des populations pas toujours faciles; cela nous permettrait de nous mettre à niveau de la moitié du salaire d'un serrurier, ce qui serait déjà pas mal pour une profession universitaire. Voici ce que j'aimerais dire à M. Hohl, qui nous parle des interventions d'avocats à 2h ou 3h du matin: l'intervention du pharmacien - je vous le répète - a lieu entre 23h et 8h du matin, sauve des vies toutes les nuits, est payé 40 F de l'heure et ne dispose d'aucune subvention ! Peut-être faudrait-il là faire quelque chose aussi, Monsieur le président. Merci beaucoup.
M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais souligner que certains députés qui sont intervenus sont directement concernés par ce projet de loi, puisqu'il y a un certain nombre d'avocats ici, qui viennent défendre en quelque sorte leur pain quotidien. Je trouve ça un peu dommage. De quoi parle-t-on aujourd'hui ? Il s'agit d'augmenter l'avocat dans ses premières heures de travail. Il est vrai que ce sont souvent de jeunes avocats qui peuvent ainsi apprendre leur métier. A-t-il vraiment été mal payé, l'avocat de la première heure ? Cela peut se discuter. Mais je trouve l'intervention de certains un peu indécente, surtout celle du PDC qui s'offusquait hier que certains partis ici présents défendent des lobbys tels que le taxi alors qu'aujourd'hui, les avocats de ce même PDC viennent défendre le prix de revient d'un avocat. Mesdames et Messieurs, on discute du budget d'une association - comme Camarada tout à l'heure, par exemple - et on se demande si on va raboter un peu les subventions, et maintenant on parle du prix à l'heure de l'avocat de la première heure, ce qui est - je dirais - le travail essentiel d'un avocat pour apprendre son métier. Vous allez au turbin, en quelque sorte. De temps en temps, il faut remonter ses manches de chemise et sacrifier un peu son porte-monnaie !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président...
Le président. Monsieur le député, on m'annonce que vous n'avez plus de temps de parole.
M. Bertrand Buchs. Quel dommage, j'avais des choses intéressantes à dire !
Le président. Je suis désolé. La parole est à Mme la députée Irène Buche pour une minute trente.
Mme Irène Buche (S). Merci, Monsieur le président. Je voulais simplement mentionner qu'en tant qu'avocate inscrite au Barreau, je ne voterai pas sur ce projet de loi, tout en précisant que je ne suis pas pénaliste et que je ne profiterais absolument pas de ce projet de loi à titre personnel. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Maitre, vous n'avez normalement plus de temps de parole. De quoi s'agit-il ?
M. Vincent Maitre (PDC). Monsieur le président, étant donné que j'ai été mis en cause, je souhaiterais préciser quelque chose... (Protestations.)
Le président. Non !
M. Vincent Maitre. Monsieur le président, Monsieur le président ! Mes propos ont été mal...
Le président. Non ! La parole est à M. Thierry Cerutti pour quarante secondes.
M. Thierry Cerutti (MCG). Merci, Monsieur le président. J'aimerais juste rappeler - vous communiquerez à notre collègue Verte, Monsieur le président - que le MCG n'a absolument pas changé de position. On a effectivement estimé que le métier d'avocat, aussi pénible soit-il lorsqu'il a lieu la nuit, pouvait être rémunéré. Mais il nous semble que l'augmentation est extrêmement violente. Lorsqu'on parle de 50%, ce n'est pas rien, surtout sur des montants déjà conséquents à la base. On a trouvé ça indécent, ce d'autant plus que nous étions en train de parler d'économies, de révision du budget, etc. Tous ces éléments font qu'on n'était pas du tout en phase avec cette augmentation, en tous les cas pas pour ce montant-là. Je rappelle quand même à certains que lorsqu'on vote des budgets - et notamment des subventions ou des augmentations pour la fonction publique - il y a certains bancs qui s'offusquent et crient au scandale, à déraison d'ailleurs...
Le président. Vous avez terminé, Monsieur. S'il vous plaît !
M. Thierry Cerutti. Je rappelle aussi que le parti socialiste est en train de lancer une votation, ou plutôt que nous allons bientôt voter sur le salaire minimum. Pensez à ces gens qui gagnent moins que 4000 F par mois, qui vivent en situation précaire...
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Thierry Cerutti. ...et qui aimeraient bien avoir une augmentation de 50% de leurs revenus !
Le président. Merci, Monsieur le député. C'est terminé. La parole est à M. le député Bernhard Riedweg pour quarante-huit secondes.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Combien ?
Le président. Quarante-huit secondes.
M. Bernhard Riedweg. Ce sera suffisant. L'Union démocratique du centre estime que cette majoration est trop élevée, alors que l'avocat est souvent un stagiaire et qu'il peut être seulement de piquet sans devoir à coup sûr intervenir. Merci, Monsieur le président.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Julian Murat Alder pour trois minutes.
M. Murat Julian Alder (PLR). Merci, Monsieur le président. Mon premier prénom est Murat, si jamais.
Le président. Excusez-moi, Monsieur.
M. Murat Julian Alder. Pour répondre aux inquiétudes de M. Spuhler, en ma qualité d'avocat au Barreau de Genève, je ferai pour ma part pleinement application de l'article 24 en m'abstenant de participer au débat ainsi qu'au vote.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. La parole est à M. Maitre. Je vous donne dix secondes.
M. Vincent Maitre (PDC). Merci, Monsieur le président. Le règlement m'autorise juste à préciser mes propos, vu qu'ils ont manifestement été mal compris. Quant à moi, Monsieur Spuhler et Mesdames et Messieurs les membres du MCG, je ne tombe pas sous le coup de l'article 24, parce que je ne suis plus avocat inscrit au Barreau. Je ne suis donc pas en conflit d'intérêts, et j'ai parfaitement le droit de m'exprimer...
Le président. Voilà, c'est terminé. Merci pour cette précision. Je passe la parole à M. le rapporteur de minorité Patrick Lussi.
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, comme vous l'avez entendu, la polémique fait rage uniquement pour une augmentation du tarif des avocats. Chacun s'est ingénié à dire que l'UDC voulait prétériter ces pauvres délinquants qui n'auraient plus, dès la première heure... L'objet n'est pas du tout là ! Je rappelle dans mon rapport de minorité que même M. le procureur général, lorsqu'il a été entendu, a dit que cette augmentation était un peu exagérée. Je terminerai, Monsieur le président, en revenant à l'Antiquité, à la Haute-Egypte: les gardiens du temple, eux, ont le droit de définir leurs tarifs par la loi et ne s'en privent pas. Les autres, vous contestez beaucoup plus. J'espère que cela servira d'enseignement pour nos débats futurs sur le budget. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le rapporteur de majorité pour trente secondes.
M. Christophe Aumeunier (PLR), député suppléant et rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. En définitive, il s'agit d'assurer un fonctionnement correct et juste de notre justice. Cette rémunération est parfaitement équitable lorsque l'on sait qu'un plombier d'astreinte est facturé 240 F de l'heure ou qu'un serrurier d'astreinte est facturé 250 F de l'heure. Il ne s'agit pas de faire des comparaisons entre les métiers, mais d'être juste et de pouvoir assumer nos devoirs, à savoir défendre les prévenus de manière correcte. C'est la raison pour laquelle je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à voter ce projet de loi tel que ressorti de commission.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Est-ce que le Conseil d'Etat désire s'exprimer ? (Remarque.) Non. Très bien, nous passons alors au vote sur l'entrée en matière de ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 10988 est adopté en premier débat par 43 oui contre 23 non et 4 abstentions.
La loi 10988 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10988 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 41 oui contre 24 non et 11 abstentions.
Premier débat
Le président. Nous passons au PL 11060-A. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Le rapporteur de majorité Michel Forni est remplacé par M. Bertrand Buchs, à qui je cède la parole.
M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de majorité ad interim. Merci beaucoup, Monsieur le président. Je serai bref. Le peuple genevois a voté trois fois sur ce sujet. La loi est claire. Les exceptions dans la loi sont bien définies. La majorité de la commission vous propose de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG), rapporteuse de minorité. Je vais présenter le rapport de minorité. C'est un peu difficile vu la situation d'opposition et les votes qui ont eu lieu aux niveaux national et cantonal. Je ne vais pas paraphraser non plus l'ancien député Forni, qui a fait le rapport de majorité. Il a quand même cité Woody Allen, Alain Minc et... Qui faut-il encore citer d'autre ? (Remarque.) Ah oui, Illich aussi ! M. Ivan Illich avait quand même écrit «liberté et responsabilité», alors je vais démarrer avec ce sujet-là en disant que je comprends bien l'agacement de la commission de la santé. Je ne vais pas cacher que ce que nous avons voulu montrer dans ce rapport de minorité - qui me semble important - c'est un peu la discussion que nous avions hier par rapport aux artisans. Bien sûr qu'on ne souhaite pas que l'ensemble des dérogations se multiplient, même si elles existent déjà à Genève. Nous voudrions que la constitution - car c'est un projet de nature constitutionnelle - puisse reconnaître que pour certains artisans, pour un certain type de population et de commerçants, il serait souhaitable qu'on puisse élargir un peu le champ des exceptions afin d'avoir un espace fumeurs. Ce de la même manière qu'on le fait dans les hôpitaux ou qu'on a pu le faire dans les prisons. Cela nous paraît un minimum, puisqu'on doit aussi respecter une majorité ou une minorité de personnes qui fument. Voilà les raisons de ce projet de loi. On ne va pas revenir sur le respect de la liberté individuelle. Ce que nous ne voulons pas... Je ne pense pas que ce projet de loi ait comme objectif d'institutionnaliser l'exception. Non, il doit y avoir une règle pour quelques exceptions, mais que celles-ci soient plus claires. Il faut préserver les petits commerces, un certain artisanat, parce que vous n'êtes pas sans connaître le fait qu'il y a eu beaucoup de personnes lésées - spécialement les petits artisans - dans ce domaine-là. Il faut bien sûr respecter les différents votes, mais on doit aussi respecter les minorités. Je ne suis pas toujours très objective, étant moi-même fumeuse - je préfère en effet le dire avant que le médecin en face de moi ne me le reproche ! Mais autant on respecte les espaces non-fumeurs, autant il faudrait rendre compte de plus d'exceptions et les déclarer à un niveau institutionnel. Voilà. C'est la seule chose que nous voulions dire par rapport à cela.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme la députée Magali Orsini.
Mme Magali Orsini. Non, je renonce, Monsieur le président, merci beaucoup.
Le président. Très bien, Madame. La parole est à M. le député Patrick Saudan.
M. Patrick Saudan (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe PLR ne va pas entrer en matière sur ce projet de loi constitutionnelle pour trois raisons assez simples. La première, c'est qu'il y a déjà des exceptions prévues à l'article 4 de la LIF et qu'elles nous paraissent amplement suffisantes. Deuxièmement, il faut savoir que même la société des cafetiers ne demande pas une nouvelle loi, ce qui est, je crois, un fait assez important. Enfin, le peuple genevois s'est exprimé très clairement - à près de 80% - dans la lutte contre le tabagisme passif. Nous pensons que refaire voter le peuple genevois relève quasiment d'un acharnement qui ne nous paraît pas opportun, voire même un peu abusif au niveau démocratique. Je vous remercie.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Le groupe PDC va également recommander le refus de l'entrée en matière sur ce projet de loi. Je ne vais pas citer les propos du rapporteur de majorité quant aux «penseurs sulfureux» ou aux «sirènes de la persévérance». Mon collègue Patrick Saudan l'a déjà dit. La messe a été dite et redite. A trois reprises, le peuple s'est prononcé contre l'autorisation de fumer dans les lieux publics et a approuvé cette inversion de la norme qui consiste à ne plus fumer dans les lieux publics. Toutes les exceptions ont été prévues dans cette enceinte même, par la volonté du Grand Conseil. Je me permets quand même de m'étonner que l'on pense à sauver les petits commerces par des techniques qui sont plutôt dignes du marketing de l'industrie du tabac, alors que la mission des autorités - on l'a entendu hier lors du débat sur les boulangeries - consisterait plutôt à promouvoir les produits locaux et la consommation locale, donc à promouvoir la qualité des prestations des petits commerces. Je m'étonne aussi - cela n'a pas été cité aujourd'hui mais on le lit dans les rapports - que l'on pense qu'il s'agit d'une bonne occasion pour les jeunes de pouvoir se réunir autour d'une clope - disons-le ainsi - dans les lieux publics. Encore une fois, notre responsabilité vis-à-vis de la jeunesse est ailleurs, et nous avons mieux à faire pour promouvoir son avenir et sa prospérité. Pour toutes ces considérations, Mesdames et Messieurs, je vous rappelle que le groupe PDC vous conseille de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.
Présidence de M. Eric Stauffer, deuxième vice-président
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Pascal Spuhler.
M. Pascal Spuhler (MCG). Merci, Monsieur le président...
Une voix. Deuxième vice-président ! (Rires.)
M. Pascal Spuhler. Mesdames et Messieurs, le projet de loi qui vous a été proposé et qui a malheureusement été refusé par une très large majorité de la commission est simplement un petit ajustement, qui permet des exceptions dans la loi, tout comme le permet la loi fédérale, Mesdames et Messieurs ! C'est vrai, Monsieur Buchs, que la population a voté trois fois sur ce sujet. On a dit non trois fois... Enfin non, deux fois en fait - et il faut le rappeler - à cause d'une bêtise administrative. Il faut le reconnaître. Mais il y a quand même à peu près 40% de gens qui fument, dont un grand nombre dans cette assemblée. D'ailleurs, beaucoup d'entre eux se sont mis au vapotage, parce qu'à défaut d'autre chose, il faut bien faire passer le temps ! On se retrouve face à une situation, depuis que cette votation a eu lieu - sauf erreur en 2010 ou peut-être avant, je ne sais plus très bien - qui devient scabreuse, surtout dans les périodes où les températures se mettent à monter, puisque la population fumeuse s'installe à l'extérieur des établissements publics, fume, discute, boit et profite du bon temps. Evidemment, il y a une augmentation des incivilités, parce que le nombre de fumeurs à l'extérieur provoque un brouhaha. Depuis un certain nombre d'années, nous avons tous été sollicités à moult reprises quant à cet engrenage d'incivilités, que ce soit par des pétitions, des propositions de motions ou des projets de lois. Mesdames et Messieurs, il y a eu un effet collatéral imprévu à cette loi anti-fumée, à savoir les incivilités, le cumul d'incivilités. Je comprends bien que les médecins ou les pharmaciens disent qu'il ne faut pas laisser ces exceptions. Mais le problème, c'est que tous ceux qui s'occupent des lois, tous ceux qui s'occupent de la sécurité, tous ceux qui s'occupent de la population et tous ceux qui ont conscience de cette problématique disent... Par pitié, Mesdames et Messieurs, réfléchissez un peu ! La loi fédérale nous permet cette petite exception. Petite exception qui est à choix du commerçant, qui ne sera pas une obligation. Certains établissements de quartier de moins de 80 m2 pourraient utiliser le droit d'être fumeurs. Vous savez très bien que ce ne sont pas les bistrots de quartier qui sont des bistrots familiaux où on va manger avec les enfants ! On ne parle pas des McDonald's ! On parle des petits bistrots de quartier. (Commentaires.) Soyez juste conscients que si vous votez ce projet de loi, vous ne ferez pas de dégâts collatéraux avec la fumée. Non, Mesdames et Messieurs ! Et je vois M. Rielle qui sourit et qui a sûrement beaucoup de choses à dire... (Commentaires.) Je parle du petit patron d'un bistrot de quartier de moins de 80 m2, qui pourrait le rendre fumeur et accueillir sa clientèle habituelle venant boire un verre, lire le journal et passer un moment tranquille sans polluer qui que ce soit. Mesdames et Messieurs, cette exception serait de toute façon à définir par le Conseil d'Etat, parce qu'on parle bien de modifier la constitution et d'admettre qu'il peut y avoir des exceptions. On pourrait même être plus restrictifs, à la rigueur. Je dis bien que le but n'est pas...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Pascal Spuhler. ...d'abuser de cette exception, mais de permettre quelques exceptions. Aujourd'hui, il y a encore une exception qui est tolérée, à savoir les fumoirs dans les grands établissements. Ceux qui auraient voulu étudier ce projet de loi auraient pu aller voir le SCom et constater qu'il y a eu énormément de demandes et très peu de résultats. C'est quasiment...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Pascal Spuhler. ...incompatible avec toutes les règles en vigueur. Je finis, Monsieur le président ! C'est un sujet très important, Monsieur le président, c'est important ! C'est quasiment incompatible avec toutes les règles...
Le président. Merci. La parole est à M. le député Christian Frey.
M. Christian Frey (S). Mesdames et Messieurs, l'interdiction de fumer dans les lieux publics est maintenant entrée dans les moeurs à la satisfaction de tout le monde, et même des fumeurs, je crois ! J'ai beaucoup d'amis fumeurs qui me disent que c'est extraordinaire, qu'ils respirent mieux, qu'ils mangent mieux, qu'ils savourent enfin, que les papilles gustatives sont à la fête. Même les fumeurs ne souhaiteraient pas revenir en arrière. Ce projet de loi nous propose d'ancrer les exceptions dans la constitution. Une fois que ces exceptions seront entrées dans la constitution, on aura des débats sans fin pour savoir si c'est une exception digne de ce nom ou pas. De toute manière, pour les petits commerçants, ce n'est pas un argument marketing, parce qu'il y a beaucoup de gens - et pas seulement moi - qui n'entreraient pas dans une échoppe d'un petit artisan où c'est complètement enfumé. Non, Mesdames et Messieurs, le groupe socialiste vous propose de refuser clairement l'entrée en matière sur ce projet de loi rétrograde. C'est un combat d'arrière-garde qui n'amène rien de plus et qu'il s'agit de refuser clairement. D'ailleurs, je me permets une petite remarque personnelle qui n'est pas directement en lien avec ce que nous discutons maintenant. Il y aurait peut-être encore autre chose. J'ai cru lire dans un communiqué de presse que, dans les établissements de l'administration cantonale, le vapotage était interdit. Il s'agirait peut-être que le bureau de ce Conseil se prononce une fois pour savoir si, dans ces salles, le vapotage a droit d'exister ou non. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Mme Sarah Klopmann (Ve). Ce projet de loi est finalement assez cocasse. Je ne vais même pas entrer sur le fond de la question de savoir s'il faut fumer dans les lieux publics. Mais quand je lis que le titre du projet de loi est «Fumée passive: respecter la volonté populaire en protégeant les petits commerces familiaux» alors qu'il ne respecte justement pas la volonté populaire et protège tout sauf les petits commerces, je m'étonne. Que cela plaise ou non, la loi sur la fumée passive a été plébiscitée par le peuple. Demander de l'assouplir au nom du respect de la volonté populaire, c'est quand même assez paradoxal. Le rapport de minorité - il me semble que la rapporteuse l'a redit tout à l'heure - essaie de justifier cela par le fait que, quand on a voté la loi, on nous a dit qu'il y aurait des dérogations. Effectivement, on nous a dit qu'il y aurait des dérogations. Ces dérogations sont des fumoirs - cela a été rappelé tout à l'heure par M. Spuhler - et il y a beaucoup de demandes pour ces fumoirs. Mais mettre un fumoir dans un établissement public, ça prend beaucoup de place et surtout ça demande beaucoup d'argent. Ce ne sont surtout pas les petits commerces familiaux qui vont pouvoir le faire. Ces exceptions ne vont donc absolument pas à la rescousse des petits établissements de restauration ou de boisson. Ensuite, on nous explique que... Excusez-moi ! Ce projet de loi prévoit juste un article qui précise: «Des exceptions peuvent être prévues par la loi.» Or on n'est pas du tout en train de créer une exception spéciale pour un établissement qui, éventuellement ou hypothétiquement, aurait pu perdre de la clientèle avec cette loi. Je rappelle au passage que tout le monde est sur un pied d'égalité; je ne vois donc pas pourquoi un établissement serait plus péjoré qu'un autre. Mais c'est surtout la porte ouverte à l'arbitraire ! Mentionner que des exceptions peuvent être prévues par la loi, c'est joli, mais c'est déjà le cas. Dans la loi d'application, les exceptions sont prévues. De plus, cela inscrit dans la constitution le fait qu'on peut, à tout moment et sur n'importe quelle loi, se donner le droit de faire des exceptions sans aucune raison. La cible est donc manquée. J'ai également expliqué pourquoi cela ne préservait absolument pas le petit commerce. Par contre, si je peux retirer un élément positif de ce projet de loi, c'est que le MCG a maintenant envie de défendre le petit commerce. J'en suis très contente et je le garde bien en mémoire... (Exclamations. Chahut. Le président agite la cloche. L'oratrice rit.) Je le garde bien en mémoire pour vous le rappeler !
Une voix. Monsieur le président ! (Brouhaha. Chahut.)
Le président. Chut, s'il vous plaît ! Madame la députée, poursuivez.
Une voix. Elle peut pas poursuivre ! (Brouhaha.)
Le président. Madame la députée, poursuivez ! (Brouhaha. Chahut.) Poursuivez, Madame la députée.
Mme Sarah Klopmann. Votre impartialité me laisse sans voix, Monsieur ! Je voulais préciser que j'allais garder en mémoire le fait que les membres du MCG veulent soutenir le petit commerce et que je saurai le leur rappeler quand ils invoqueront à tort et à travers la soi-disant concurrence déloyale qui empêche de prendre des mesures justement pour préserver le petit commerce. Les Verts ne souhaitent pas entrer en matière sur ce projet de loi, par respect pour la volonté populaire, par respect pour la santé publique, et aussi par respect pour les travailleurs et travailleuses qui ne sont pas moins importants lorsqu'ils travaillent dans un petit établissement, ceci en reprécisant que les exceptions sont déjà prévues. Je vous remercie.
M. Jacques Béné (PLR). Monsieur le président... (Des députés entonnent une chanson. L'orateur rit. Le président agite la cloche.)
Le président. S'il vous plaît ! On laisse l'orateur s'exprimer, merci. (Rires. Commentaires.) Poursuivez, Monsieur le député.
M. Jacques Béné. Je vous remercie, Monsieur le président. J'aimerais relever deux éléments. Tout d'abord, la société des cafetiers n'a pas été auditionnée à la commission de la santé. Son président, M. Terlinchamp, est venu plusieurs fois devant la commission de la santé et a clairement dit: «C'est fini, c'est terminé. Le peuple a voté. Je veux bien revenir tant que vous voulez devant la commission de la santé, mais c'est fait, on était contre.» Le PLR était passablement divisé sur cette problématique. La situation est ainsi. Il n'y a effectivement pas de demande spécifique de la société des cafetiers. Tout le monde s'est habitué à cette nouvelle philosophie. Sur le site internet de la «Tribune de Genève» d'aujourd'hui, il y a un article qui relève que plusieurs études ont été menées et ont démontré que le taux de naissances prématurées avait diminué de 10% suite à l'interdiction de fumer. C'est exactement la même diminution pour l'hospitalisation des enfants à cause de problèmes d'asthme. D'une certaine manière, avec l'évolution constatée ces dernières années, on ne peut que dire que c'est plutôt positif. Comme cela a également été relevé, il y a des fumeurs qui sont plutôt satisfaits de cette situation. Je ne vais pas dire que c'est un débat rétrograde. Je pense que c'est un débat qui vaut toujours la peine d'avoir lieu, mais la majorité de la population a décidé. Et c'est une très grande majorité de la population qui a décidé. Je pense qu'il faut effectivement respecter ce choix-là. Je vous remercie.
M. Michel Amaudruz (UDC). Monsieur le président, je suis assez content parce que vous et moi partageons le même vice. Jusque-là, tout va très bien.
Des voix. Lequel ? (Rires.)
M. Michel Amaudruz. Notamment celui-là ! J'ai entendu, Monsieur le président, sur votre banc là-bas, quelqu'un qui disait que la population s'en était fort bien accommodée. Quel gros mensonge, Monsieur ! Quelle contre-vérité ! Je vais vous raconter une petite histoire. Vous avez une route cantonale qui sépare les cantons de Soleure et d'Argovie. Il y a un bistrot dans le canton de Soleure et un autre, juste en face, dans le canton d'Argovie. Résultat de l'application différente des lois cantonales en dérogation de la réglementation fédérale ? Le bistrot de Soleure est vide, celui d'Argovie plein à craquer ! Vous avez dit que nous nous en accommodions fort bien. Il est une chose qui est fondamentale, c'est la convivialité. Et cette convivialité, vous la retrouvez dans les petits bistrots. Vous avez ce qu'on appelle outre-Sarine le «Stammtisch», c'est là où on va tirer sur son «Stumpf», c'est là où on échange des propos et où on vit dans la bonne humeur. Il y a une convivialité qui est certaine, et je trouve que cet esprit-là doit être maintenu. Si vous descendez le matin dans des petits bistrots de Carouge et alentours, autrefois les gens venaient papoter, échanger des idées. Aujourd'hui, ils se dépêchent de déglutir un café et ils foutent le camp. Vous tuez une convivialité fondamentalement nécessaire à notre vie ! Il y a une loi fédérale, parce que les Suisses sont pleins de bon sens. Mais évidemment, certains considéreront que Genève se rattache déjà à Annemasse. Les Genevois n'ont pas voulu suivre cet esprit de tolérance fédérale. Genève est le canton de Suisse le plus rigoureux en matière de fumée. Une très grande partie des gens fume, et je crois que cette minorité doit être respectée. Vouloir les priver de petits endroits conviviaux, qui répondent à un besoin social, c'est absurde. Vous voulez faire renaître un esprit de Calvin totalement dépassé. D'ailleurs, d'une façon générale, ne croyez pas que les gens sont tellement contents de cette nouvelle loi ! Si vous allez dans n'importe quel restaurant, vous pouvez constater qu'après avoir mangé, ils se dépêchent de partir en ne prenant même plus leur café. Vouloir absolument imposer à une grande minorité une règle qui se voudrait de salut public, c'est aller beaucoup trop loin. Allez dans le canton de Berne, vous verrez ! Partout, devant les bistrots, il est indiqué: «Ici, on fume dans la liberté.» Or ici, on veut nous l'interdire ! Laissez aux petits commerçants le droit d'accueillir la population qui veut vivre dans une tolérance sociale bénéfique à chacun. Je regrette ce rigorisme qui, pour moi, déshonore Genève. Vous me direz que les Français, par exemple - puisqu'il y a tellement d'admiration pour la France - ont contourné l'événement en créant, sur la voie publique, des systèmes de terrasses...
Présidence de M. Antoine Droin, président
Le président. Il vous reste vingt secondes.
M. Michel Amaudruz. Je m'excuse, je voudrais bien fumer une cigarette, Monsieur le président ! Puisqu'il ne me reste plus que vingt secondes, je cède le micro. Vous m'avez compris.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Renaud Gautier, à qui il reste une minute et quatre secondes.
M. Renaud Gautier (PLR). Merci, Monsieur le président, de votre générosité. Je dois dire qu'il y a des moments assez savoureux dans ce parlement, et en particulier lorsque les tenants de l'UDC - et pas des moindres - s'avèrent somme toute presque plus révolutionnaires que le reste de ce parlement ! J'ai apprécié les propos de M. Amaudruz - puisque je partage son vice et celui de M. Stauffer - mais je voudrais juste faire une petite remarque. On ne peut évidemment pas lutter contre une pensée dominante, mais je rends quand même les uns et les autres attentifs au fait que cette volonté d'hygiénisme poussé très loin a en elle-même un certain nombre de dangers, dans la mesure où la normalisation de ce qui va être accepté par chacun d'entre nous... Un écrivain anglais a beaucoup écrit là-dessus. L'un de ses livres les plus connus, c'est «1984» !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Roger Deneys pour une minute dix.
M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Je dois dire que je suis quand même un peu surpris par le contenu des deux dernières interventions, à savoir une sorte d'appel à la liberté en laissant les gens torailler à tort et à travers partout dans la république et les établissements publics. (Exclamations. Brouhaha.)
Le président. Chut !
M. Roger Deneys. Je crois qu'aujourd'hui, on peut vouloir la liberté individuelle et en même temps garantir la santé publique. Il ne faut pas oublier qu'il y a encore quelques années, l'industrie du tabac niait catégoriquement les effets nocifs et mortels du tabac. Aujourd'hui, en entretenant ce mythe de la liberté et en dénonçant un combat hygiéniste, vous êtes simplement les complices des marchands de mort que sont les fabricants de cigarettes ! (Protestations. Le président agite la cloche.)
Le président. Chut ! S'il vous plaît !
M. Roger Deneys. Je trouve que, pour des députés visant à servir le bien de la république...
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît.
M. Roger Deneys. ...votre attitude n'est pas responsable pour les générations futures.
Le président. Je passe la parole à M. Marc Falquet pour cinq secondes.
M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. Je voulais juste dire que les fumeurs ne sont pas peu nombreux, puisque la voirie ramasse un million de mégots par jour...
Le président. Voilà, c'est terminé. Merci, Monsieur. La parole est à M. le député Jean-Luc Forni, à qui il reste une minute cinquante.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Merci, Monsieur le président, ce sera suffisant. J'aimerais simplement rappeler que la liberté existe, mais il faut savoir jusqu'où elle va. Finalement, la liberté, c'est aussi la liberté des autres que de ne pas souffrir des méfaits du tabac. Les études sortent actuellement, on montre les bénéfices sur la santé publique en termes de diminution des infarctus. Je vous laisse aussi apprécier ce que cela coûte à notre collectivité en termes de santé publique. Cela apparaît aussi sur la santé de nos enfants. Tout le monde peut toujours fumer, mais dans sa sphère privée, sans incommoder les autres. Je crois que dans ce cas-là, la liberté de chacun est garantie. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole aux deux rapporteurs. Puis, nous voterons. La parole est à Mme Marie-Thérèse Engelberts, à qui il reste une minute dix.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG), rapporteuse de minorité. Monsieur le président, je pense que quand on craint l'arbitraire, on risque de devenir très dogmatique. Ce que nous avons demandé est quelque chose d'assez restrictif. Par rapport à la constitution ou à des lois, on peut admettre qu'il y ait une partie qui soit une forme de liberté, justement pour ne pas tomber dans l'arbitraire. Finalement, ce sont nos aînés qui nous montrent comment apprendre une certaine forme de tolérance. Je trouve qu'il y a maintenant une espèce de dogmatisme par rapport à la fumée qui devient vraiment gênant. Pourquoi n'a-t-on pas la même attitude par rapport aux personnes qui boivent trop - personnellement, je trouve cela très dérangeant... (Commentaires.) ...ou par rapport à ceux qui se bâfrent ? (Commentaires. Le président agite la cloche.) Finalement, l'obésité et les rondeurs excessives, c'est aussi très très agaçant ! Quand on dit que la liberté des uns... (Brouhaha.)
Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît !
Mme Marie-Thérèse Engelberts. ...commence par celle des autres, oui ! Là, on se réfère à Sartre, mais moi j'ai plutôt l'impression qu'on est dans un huis clos, et c'est fort dommage.
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. le rapporteur de majorité pour trois minutes.
M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de majorité ad interim. Merci beaucoup, Monsieur le président. Ayant quelques rondeurs, j'espère ne pas avoir trop agacé la rapporteuse de minorité ! Je crois qu'il faut revenir à l'essentiel. L'essentiel, c'est que, pour la majorité, on ne met pas d'exceptions dans la constitution. La constitution n'est pas le lieu pour mettre des exceptions à la loi. Il aurait mieux valu proposer une nouvelle loi qu'une révision de la constitution. En tant que médecin, je ne suis pas quelqu'un qui va culpabiliser les fumeurs. Je n'ai jamais culpabilisé mes patients parce qu'ils fumaient. Je crois que la liberté individuelle, c'est d'avertir les gens des risques qu'ils courent. Une fois qu'ils ont pris ces risques, ils les assument. Je rejoins là M. Gautier: ce n'est pas à la société de définir des règles absolues à suivre. Les gens sont des adultes et doivent être absolument conscients et responsables de ce qu'ils font. Par contre, dans ce cas précis, on ne parle pas des fumeurs, mais justement des gens qui ne fument pas. La population a décidé qu'une fois pour toutes, il ne pourrait plus y avoir de fumée passive. Il est sûr qu'on peut discuter en ce qui concerne certains types de commerces. Mais la loi a clairement dit qu'il n'y a plus de fumée passive et qu'on respecte les gens qui ne fument pas, qui représentent quand même une majorité. On ne va pas remettre en question une loi qui a été votée de façon importante par le peuple. Je pense que la situation va peut-être changer au niveau de la fumée, même si cela reste à discuter - et ce sera discuté dans les associations - parce qu'on tient probablement la première substitution à la cigarette qui fonctionne, à savoir le vapotage. Nous avons un grand espoir qu'on diminue drastiquement la fumée, puisque le fumeur qui a besoin d'avoir quelque chose dans la main va pouvoir vapoter et probablement - mais ce n'est pas sûr - le faire avec beaucoup plus de sécurité pour sa santé. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous allons maintenant voter sur l'entrée en matière de ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 11060 est rejeté en premier débat par 49 non contre 30 oui et 9 abstentions.
Le président. Mesdames et Messieurs, nous faisons une pause jusqu'à 10h15.
La séance est levée à 9h55.