Séance du
vendredi 14 mars 2014 à
20h30
1re
législature -
1re
année -
6e
session -
32e
séance
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Antoine Droin, président.
Assistent à la séance: MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, Mauro Poggia, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme Anne Emery-Torracinta et M. Serge Dal Busco, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Michel Amaudruz, Lionel Halpérin, Philippe Joye, Cyril Mizrahi, Bénédicte Montant, Salima Moyard, Rémy Pagani et Pierre Ronget, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Christophe Aumeunier, Maria Casares, Gilbert Catelain, Vera Figurek, Françoise Sapin, Nicole Valiquer Grecuccio, Georges Vuillod et Yvan Zweifel.
Annonces et dépôts
Néant.
Suite du premier débat
Le président. Nous poursuivons nos travaux sur les PL 11141-B-1 et 11141-B-2 et je passe la parole à Mme la députée Jocelyne Haller.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je n'aurais pas souhaité donner à M. Stauffer plus d'audience qu'il ne s'en donne lui-même, mais l'énormité des propos qu'il a tenus tout à l'heure appelle néanmoins une réponse et mérite d'être relevée. (Remarque.) Tout à fait ! M. Stauffer prétend défendre les locataires et même parler en leur nom. Voyons donc ! Ainsi, à l'en croire, il défend les locataires, mais en servant la soupe aux milieux immobiliers et aux spéculateurs, il affiche très clairement le camp qu'il a choisi, et ce n'est certainement pas celui des locataires. Pire, le chef de file du MCG dénigre la LDTR. Effectivement, c'est une loi que les spéculateurs et les milieux immobiliers n'aiment pas. Pourtant, les locataires y tiennent, car la LDTR a protégé et protège encore les locataires. En annonçant aujourd'hui vouloir détruire l'ASLOCA et tuer la LDTR - ce sont ses propos, je n'invente rien - M. Stauffer nous informe ouvertement qu'il déclare la guerre aux locataires. Ils apprécieront !
Quant à vouloir devenir propriétaire, entre le fait de vouloir et de pouvoir il y a un monde, et un monde que très certainement le MCG n'aide pas à construire. Le MCG déclare défendre les intérêts des milieux modestes et de la classe moyenne. Soit, mais alors qu'il en fasse la preuve par l'acte et non pas par des péroraisons ! Qu'il vote, lorsque les textes lui sont soumis, les projets qui luttent contre la sous-enchère salariale et qui défendent les travailleurs, afin que ceux-ci aient les moyens de pouvoir envisager sereinement de se loger, quel qu'en soit le mode, location ou PPE. Et surtout, qu'il vote le PL 11141 dans sa version d'origine et fasse ainsi la démonstration qu'il s'oppose réellement à la spéculation et autres magouilles !
Quant à M. Amaudruz, qui tout à l'heure relevait que le projet de loi de M. Longchamp vidait de son sens le concept de propriété, on peut s'interroger à ce sujet, mais j'ai véritablement l'impression que M. Amaudruz confond propriété et spéculation. Ce projet entend non pas s'opposer à la propriété, mais entraver la spéculation, et à ce titre il doit être adopté dans sa forme originale, ce à quoi notre groupe vous invite une fois encore. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. François Baertschi. (Remarque.) Ah non, excusez-moi, l'ordre des demandes de parole est inversé sur mon écran. Je passe donc d'abord le micro à M. Aellen.
M. Cyril Aellen (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, j'avais été invité par Mme Marti à prendre la parole au nom du PLR, mais elle n'est malheureusement pas là pour écouter les quelques déterminations et arguments qu'elle souhaitait entendre. (Commentaires.) Je ne la vois toujours pas !
Le président. Ça ne fait rien, poursuivez, Monsieur le député !
M. Cyril Aellen. J'aimerais juste prononcer quelques mots brièvement pour répondre à certaines interventions. Je dirai d'abord que, effectivement, pour ce qui est du constat, peu de gens ont des discours différents, et en ce sens-là c'est réjouissant. S'agissant maintenant des objectifs qui avaient été fixés, je crois qu'il faut savoir les rappeler. L'objectif du projet de loi déposé par le Conseil d'Etat était d'éviter l'accaparement par un petit nombre de personnes d'un grand nombre d'appartements, et c'est cet objectif, cet objectif seulement, que la loi visait au départ. Il s'en est donc ensuivi un projet de loi du Conseil d'Etat, qui a été contesté par certains depuis le début, par d'autres de façon plus nuancée, et qui par d'autres encore a toujours été appuyé. Aujourd'hui, les débats ont été, en tout cas pour l'essentiel, plus sereins et mieux argumentés, mais sur un autre sujet: il s'agissait et il s'agit toujours d'une confrontation entre deux visions différentes de la politique sur le logement, et aujourd'hui cette loi sur les PPE a été prise en otage par notre parlement pour que soient discutés d'autres enjeux que l'objectif initial fixé par la loi tel que je l'ai rappelé.
J'aimerais apporter quelques corrections très factuelles, si vous le permettez. Je dirai en premier lieu qu'effectivement la spéculation dont on nous fait état résulte de deux éléments. Il y a notamment le fait que l'Etat impose un prix plus bas que celui du marché, et cela pour une certaine durée, à l'issue de laquelle le prix retourne au marché et s'élève à un montant différent. Ce sont des faits objectifs, la question est de savoir si nous acceptons ou non ce mode de faire. Cette situation-là pourrait être éliminée de différentes manières: on pourrait par exemple supprimer les PPE en zone de développement et le problème serait réglé. M. Dandrès a eu l'honnêteté de dire que c'est peut-être ce vers quoi il faudrait tendre, et cela a été également rappelé par notre collègue Pagani. On pourrait aussi fixer de façon totalement linéaire et ad aeternam le prix desdits logements, mais il se trouve que c'est contraire aux lois fondamentales et constitutionnelles de notre pays. On pourrait également faire en sorte de supprimer simplement les prix cassés et de poursuivre à des prix ordinaires, car ainsi il n'y aurait plus de spéculation par rapport à ces prix cassés. Il existe encore - et c'est là que j'aimerais en venir - une autre possibilité, qui est celle de jouer sur le principe de l'offre et de la demande, parce que le problème principal que nous avons aujourd'hui à Genève - et peu de gens sont intervenus ce soir sur ce sujet - c'est le fait qu'il n'y a pas assez de logements de façon générale dans notre canton et qu'il faut trouver tous les moyens possibles pour en construire davantage. Il est évident que, dans cette vision de construction de logements, nous avons certaines différences, certaines nuances.
Mais revenons maintenant au projet de loi. Il y a des choses qu'on ne peut pas dire, parce que celles-ci sont contraires aux faits. La première consiste à dire que le projet de loi tel que ressorti de commission la seconde fois n'impose pas aux propriétaires de vendre leurs logements. En effet, le texte de la loi dit que les appartements en PPE construits doivent être vendus. C'est le terme «devoir», et il n'est pas écrit: «ne peuvent être vendus qu'à». Le cas échéant, ils doivent être vendus. C'est pour cela qu'à l'article 9 figurent des sanctions, des sanctions qui avaient déjà été prévues dans le projet initial et qui ont été maintenues telles quelles dans la version sortie de commission.
Deux mots maintenant sur le régime de la zone de développement. On a souvent parlé de l'esprit de ces zones de développement, et vous avez raison, mais je crois qu'il faut aller encore plus loin: au départ, jusqu'en 1972, sauf erreur, la zone de développement ne contenait pas de PPE - cela ressort du premier rapport de commission - puis quelques PPE ont été construites dans ces zones, parce qu'il a été considéré que produire de la PPE correspondait aussi aux besoins prépondérants de la population. Il faut savoir qu'à l'époque - c'est-à-dire dans les années 70 - le nombre de PPE produites en zone de développement était relativement faible par rapport au nombre de PPE de façon générale, parce que précisément la zone de développement était une zone assez récente, nouvelle et pas pratiquée. Dans l'esprit de la loi, c'était une zone exceptionnelle - et il existe d'ailleurs les zones ordinaires, ce terme subsiste ! Il y avait les zones ordinaires, et ces zones de développement, qui étaient donc considérées comme des zones exceptionnelles, sont devenues des zones ordinaires. En réalité, depuis trente ans, ce parlement a procédé presque exclusivement, pour les grands périmètres, au déclassement en zone de développement et non plus en zone ordinaire, ce qui a changé le marché. C'est aussi un changement et cela a eu pour effet - le premier rapport de commission le dit - que finalement l'essentiel des PPE, soit environ cinq sur six, sont produites en zone de développement. On peut trouver cela bien ou pas bien, mais on doit admettre que c'est un changement, une évolution dans le cadre de cette situation, et c'est aussi pour cette raison que l'essentiel des acteurs du marché actuel se sont focalisés sur cette problématique.
J'ajouterai encore un élément: il a été reproché à la commission d'avoir travaillé dans la seconde partie...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !
M. Cyril Aellen. ...de façon trop rapide. Vous avez raison, mais j'aimerais que vous ayez au moins l'honnêteté de reconnaître, Mesdames et Messieurs des bancs de gauche, que vous n'avez pas cessé de dire, à l'issue des débats de janvier, que nous avions voulu tout faire pour enterrer le projet. Ayez au moins la courtoisie et la correction d'admettre que vous vous étiez à l'époque trompés sur ce point !
Le président. Il vous faut conclure !
M. Cyril Aellen. Je vais conclure, mais je me permettrai d'intervenir à nouveau sur les différents amendements en deuxième débat. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je me souviens de l'époque où dans cette enceinte et dans les médias - qui sont curieusement absents ce soir... (Exclamations.) ...on fustigeait la propriété par étage, la PPE. La gauche s'attaquait à cette monstrueuse propriété par étage, alors que maintenant celle-ci défend la PPE et les méchants propriétaires d'autrefois. Bravo, bravo à vous, les bancs d'en face, bravo d'avoir compris enfin les mérites de la propriété et ceux de la propriété par étage !
On a entendu beaucoup de choses ce soir, notamment qu'il fallait pointer du doigt et avoir les noms des trente propriétaires de La Tulette. J'aimerais bien savoir qui, parmi vous, sur les bancs d'en face, est propriétaire, puisqu'il paraît que la propriété serait... Ce n'est plus une honte, mais ça l'a été ! (Brouhaha.) Il y a en tout cas de méchantes personnes dans ce genre de cas, donc on pourrait éventuellement le savoir, ce serait peut-être utile à la discussion.
Pour en revenir à l'essentiel du débat, on s'est rendu compte que, en zone de développement, l'Etat n'était pas à même de bien gérer la PPE et ne parvenait pas à empêcher les abus, c'est toute la raison de cette loi. Le Conseil d'Etat et ses services ont alors préparé des dispositions, un projet de loi qui, aux yeux de beaucoup de personnes, contient quelques imperfections. Cela arrive souvent, de même qu'il arrive souvent que les textes soient retoqués. C'est vrai que cela peut être parfois pénible, mais l'amour-propre des uns et des autres doit peut-être parfois laisser la place à des solutions de compromis, des solutions basées également sur la pratique, notamment immobilière, des solutions qui ne visent pas nécessairement à favoriser je ne sais quel trust international ou quel monstre internationaliste ou autre qui aurait certaines mauvaises intentions à ce sujet. Non, il s'agit uniquement d'aller dans le bon sens. Le MCG vous demandera donc de vous placer hors des clivages gauche-droite, parce que c'est cela notre ligne... (Commentaires.) ...contrairement à tous les procès d'intention qui nous ont été faits régulièrement pendant le courant de la soirée. Il faut agir pour le bien commun... (Commentaires.)
Le président. Monsieur Deneys, s'il vous plaît !
M. François Baertschi. ...parce que nous avons des restrictions au niveau de la propriété individuelle dans le texte qui est proposé; nous avons à la fois cet élément, qui est important, mais à côté de cela il y a une souplesse, souplesse qui est nécessaire dans ce domaine, comme dans beaucoup d'autres, si on veut aller dans le sens de l'efficacité et de l'intelligence. Je crois qu'il faut aussi avoir une vision globale de ce qu'est le logement. Dans la vision que nous avons du logement, la PPE est la clé de voûte du système, et elle existe parallèlement au logement social, aux coopératives et aux constructions institutionnelles. C'est tout un ensemble qui doit se créer et qui doit être coordonné, car s'il ne l'est pas, on ne parviendra pas à obtenir quelque chose qui fonctionne. Et on n'y arrive pas actuellement ! Nous devons choisir l'efficacité pour les citoyens. C'est ce qui est demandé ! C'est l'intelligence qui est liée à la générosité. (Exclamations.) Et c'est en corrigeant cela de cette manière que nous parviendrons à cet objectif... (Commentaires.) Et pour citer quelqu'un qui est dans la salle...
Le président. S'il vous plaît !
M. François Baertschi. Monsieur le président, vous transmettrez que, parmi les écologistes, il y a quelques gloussements - pour rester courtois - qui sont tout à fait malvenus... (Commentaires.) ...et impolis. J'aimerais maintenant citer, et je m'en excuse par avance, quelqu'un qui est dans la salle, à savoir Eric Stauffer - et vous transmettrez, Monsieur le président. En effet, il y a huit ans lors d'un débat public, sauf erreur dans le cadre de l'élection au Conseil d'Etat - où il y avait également, si je ne m'abuse, M. Longchamp - M. Stauffer avait prononcé une phrase qui est importante: on ne construit pas des logements avec des lois et des règlements, mais avec une pelle et une pioche. (Exclamations. Applaudissements.)
M. Romain de Sainte Marie (S). Monsieur le président, vous transmettrez au préopinant qui vient de s'exprimer qu'en effet, à gauche, il y a des propriétaires; je pense même qu'il y a une véritable représentation de la population, avec peut-être 80% de locataires et 20% de propriétaires. Je crains en revanche que, sur les bancs d'en face, il n'y ait peut-être une surreprésentation des propriétaires, mais là n'est pas le débat ce soir. (Brouhaha.) Le débat de ce soir s'inscrit dans un contexte de crise du logement à Genève, avec 0,3% de logements vacants - faut-il encore le rappeler pour montrer à quel point nous sommes dans une situation de crise - dont également des logements inabordables. Et ce soir nous débattons sur un projet de loi qu'il faut saluer: celui-ci émane du ministre François Longchamp - aujourd'hui président du Conseil d'Etat - et vise justement à enrayer cette spéculation sur le logement, sur l'immobilier. Vous l'avez entendu de la part de mon collègue Velasco et de mes autres collègues de gauche, nous avons apporté notre soutien à ce projet de loi. En effet, je crois qu'il faut rappeler le nombre de cas de spéculations abusives dans le cadre d'acquisitions de PPE, comme nous en avons connu à La Tulette. Aujourd'hui, ce projet de loi tel qu'il ressort de commission n'est pas satisfaisant, et le signal donné à la population est un signal de maintien des privilèges, avec un parlement - et un parlement à majorité de droite - qui est en train de dire aux Genevoises et aux Genevois: «Nous voulons continuer cette spéculation, nous voulons que quelques familles seulement à Genève puissent s'approprier des logements et spéculer sur ces derniers.» Aujourd'hui il est urgent d'agir pour contrer cette spéculation ! Il est urgent en effet de pouvoir permettre à des familles, généralement de classe moyenne, même peut-être de classe moyenne aisée, d'acquérir des propriétés par étage. Et ce soir si nous ne votons pas le projet de loi tel que sorti de commission avec les amendements qui seront proposés par mon collègue Dandrès, lesquels reprennent le projet initial de M. Longchamp, eh bien, pour reprendre ce qu'avait dit tout à l'heure mon collègue M. Lefort, le projet de loi Longchamp sera en effet mort, mais l'initiative Longchamp, elle, naîtra peut-être ce soir. Et s'agissant de cette initiative, Mesdames et Messieurs les députés, il faudra que vous ayez le courage d'aller défendre devant le peuple, et pas seulement devant le parlement, le fait de privilégier les spéculateurs, alors que l'on pourrait aider les Genevoises et les Genevois à acquérir des logements. (Applaudissements.)
M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je vais être extrêmement bref. J'avais terminé ma première intervention en posant une question qui est quand même centrale dans ce débat: en quoi la disposition que vous avez proposée - soit celle qui permet aux primo-acquérants d'accéder à la PPE - est-elle meilleure que le projet de loi tel qu'il était sorti la première fois de commission et proposé par le Conseil d'Etat ? Ceux qui ont pris la peine de me répondre auraient peut-être mieux fait de s'abstenir, parce que quand j'entends les arguments qui ont été avancés, selon lesquels la disposition prévue initialement est plus difficile à contrôler, alors que justement le département vous dit que la solution la plus à même de répondre à l'esprit de la loi est celle du projet d'origine, eh bien les bras m'en tombent, et je crois qu'aujourd'hui le masque est levé. J'entends un groupe nous dire qu'il n'est ni à droite, ni à gauche, mais qu'il a beaucoup de souplesse. Effectivement, ce soir, il fait le grand écart, parce qu'il y a moins de deux mois il encensait encore par le biais de son rapporteur ce projet de loi Longchamp, et aujourd'hui il ne lui trouve que des défauts. Pour toutes ces raisons, je vous invite également à soutenir les trois amendements que nous proposerons tout à l'heure.
M. Christian Dandrès (S), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, le débat de ce soir a été empreint d'une certaine confusion, et j'aimerais revenir avec vous sur quelques éléments qui m'ont posé problème et pouvoir y répondre. Tout d'abord, je voudrais relever le fait que certains députés tentent ce soir de faire des promoteurs en somme la nouvelle égérie de notre canton, une sorte de Marianne de notre république, et j'ai quelques craintes que cette idole ne finisse par demander d'importants sacrifices aux futurs habitants des immeubles qui seront construits. J'ai d'ailleurs l'impression que les propos qui ont été tenus tout à l'heure par M. Zacharias, rapporteur de majorité, ne démentent pas cette crainte, puisque c'est lui-même qui a comparé les promoteurs à des oiseaux de proie, à des rapaces. C'est là la constatation d'un expert - pas des rapaces, j'entends, mais des promoteurs - et je ne peux que m'y rallier.
J'ai entendu également d'autres choses, notamment de la part du PDC, qui a tenté de faire le coup - si vous me passez l'expression - de la mixité sociale en disant qu'il convenait de développer la propriété par étage. J'aimerais ici relever avec vous le caractère paradoxal de cette démarche, puisque hier ils avaient un discours tout autre concernant la mixité sociale au sein de la commune de Cologny lorsqu'il s'agissait de discuter de la suppression de la fondation pour le logement de cette commune.
Et naturellement, en matière de fatras, il y a une étoile qui brille au firmament de notre parlement, et cette étoile c'est M. Stauffer - ainsi que son écho, son voisin de gauche - qui, je crois qu'on peut le dire, a accompli ce soir sa mue, une mue que M. Velasco avait déjà perçue hier. En effet, on n'est plus face au monsieur qui défend les petites gens, mais on assiste au retour du businessman, et c'est un fait dont il faut prendre acte. M. Stauffer s'est indigné tout à l'heure de la LDTR, et en particulier de son article 39, qui vise à lutter contre les ventes à la découpe. Ce sont des ventes qui aujourd'hui menacent des centaines de locataires, et il faut préciser que ces pratiques sont de nature purement spéculative, elles n'amènent strictement rien à la lutte contre la pénurie de logements. Voilà ce que M. Stauffer vise à promouvoir, c'est effectivement la spéculation sur le parc immobilier locatif existant. Même le Tribunal fédéral, qui n'est pourtant pas connu pour être un quarteron de gauchistes, a admis qu'il y avait un intérêt public majeur à interdire ce type de ventes, mais M. Stauffer, lui, persiste dans le sens inverse.
Je dois en outre naturellement répondre aux critiques qui m'ont été adressées, et j'aimerais profiter d'avoir la parole pour le faire, dans un souci de transparence. Tout le monde le sait, je suis salarié de l'ASLOCA, avec d'ailleurs une certaine fierté, et j'ai cru comprendre qu'il était reproché aux personnes qui y travaillaient de pouvoir en somme bénéficier de la situation liée à la crise du logement. Je fais donc acte de transparence et vous indique que mon salaire s'élève à 5400 F bruts; ce n'est certes pas un salaire ridicule, mais j'imagine néanmoins qu'il est assez loin des jetons de présence que M. Stauffer doit percevoir dans les nombreux conseils d'administration où il a le privilège de siéger. Et pour ce salaire-là - versé treize fois, je tiens à être honnête - je dois conseiller plusieurs centaines de locataires par année et gérer une centaine de dossiers ouverts. Voilà, à mon avis je n'ai donc pas à rougir du travail que j'effectue.
J'aimerais achever mon intervention en partageant une certaine forme de malaise, malaise qu'a peut-être relevé M. Baertschi tout à l'heure et qui est né à l'écoute des nombreux lauriers qui ont été tressés, à gauche comme à droite de l'hémicycle, à M. François Longchamp. En effet, il faut quand même rappeler que ce projet de loi sonne à mes oreilles comme un plébiscite de la propriété par étage, or malgré le culte qui est voué par certains à ce type de logements, il y a tout de même deux réalités qu'il n'est pas possible de contourner. La première - et M. Riedweg, dont je salue l'honnêteté, l'a indiqué - c'est que la propriété par étage n'est pas faite pour toutes les bourses. Ce qui montre en somme - et je tiens à préciser qu'il a corrigé les chiffres que j'avais communiqués dans mon document, qu'il les a corrigés à la hausse, car j'étais encore loin d'imaginer ce que lui nous a peint, n'étant pas un expert en crédits financiers - que si l'on veut développer une politique de la propriété par étage et étendre le nombre des bénéficiaires, on a deux solutions. Soit on augmente les salaires - mais on sait l'amour que la droite porte à ce qu'elle appelle la modération salariale - soit on joue sur la rente foncière, et on a pu constater, notamment dans le cadre de ce projet de loi, que la droite sait faire oeuvre de syndicalisme lorsqu'il s'agit de défendre les intérêts d'un certain nombre de propriétaires fonciers. Du coup, l'incitation ne pourrait donc se faire que sur un autre terrain, à savoir probablement l'accès au crédit, mais le problème est que cela placerait les gens, et notamment les petits propriétaires, dans des situations de piège, et il y a un risque économique majeur pour notre canton. C'est une réalité que nous n'avons pas abordée ce soir et je trouve cela regrettable.
L'autre réalité, c'est que le développement de la propriété par étage se fera nécessairement au détriment d'autres types de logements, à savoir le locatif et le logement subventionné. En effet, Monsieur Aellen, il y a un point que vous avez oublié, c'est que le terrain est un bien qui n'est pas reproductible, il n'est donc pas possible de construire de la propriété par étage et du locatif pour répondre aux besoins de l'intégralité des personnes qui sollicitent peut-être l'acquisition de propriétés par étage. Il y aura donc naturellement un perdant dans cette affaire, et le perdant, d'après la politique que vous souhaitez mener, risque d'être le locataire, ce qui n'est pas acceptable dans la mesure où, comme M. Riedweg l'a relevé, le locatif représente près de 85% des besoins de la population genevoise. Voilà ce que je voulais vous indiquer, et je reviendrai sur chacun de ces points lors du deuxième débat où nous examinerons les amendements que l'Alternative vous proposera. (Applaudissements.)
M. Ronald Zacharias (MCG), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, après les prises de position des uns et des autres, «l'homme de la colline», comme on m'a appelé, souhaiterait compléter quelque peu sa première intervention. Dissipons tout malentendu: les promoteurs-propriétaires doivent vendre les logements avant l'échéance du délai imparti au prix contrôlé par l'Etat. Impossible donc de les conserver pour réaliser un résultat qui ne doit pas leur revenir. Des clauses punitives plus que dissuasives nous assurent de leur stricte obédience. Et encore une fois, du moment que nous parlons de primo-acquérant, on ne peut devenir propriétaire que d'un seul logement, et il est évident que ce sera pour y habiter, car avec notre premier amendement, on ne pourra en acheter d'autres. Un acheteur typiquement issu de la classe moyenne n'ira pas ailleurs alors qu'il est devenu propriétaire ! Et, je le répète, on ne devient pas un infâme spéculateur avec un seul logement. Selon les dispositions de la loi Longchamp, sauf justes motifs, dont le bien-fondé serait soumis au pouvoir d'appréciation du prince, avec toutes les incertitudes que cela engendre, ce logement ne pourrait plus être aliéné, ce qui prive par là même le propriétaire de pouvoir revendre son bien, par exemple pour le remplacer par un autre logement, plus grand ou plus petit, selon les aléas de la vie - naissance, séparation ou départ à la retraite. Ainsi, des fonds propres de ces demi-propriétaires deviendraient irrécupérables à jamais, et cela n'a pas de sens. Notons au passage que la mise en location, par définition exceptionnelle et provisoire, ainsi que je viens de l'exposer, ne pourrait se faire qu'à un loyer contrôlé par l'office du logement. Quelle objection pourrait-il donc y avoir ?
Les bien-pensants minoritaires s'indignent également du fait que des hordes de Nyonnais pourraient venir envahir notre registre foncier en raflant les lots en PPE, alors qu'ils seraient déjà propriétaires dans le canton de Vaud. Il est vrai que ces adeptes de la pensée formatée ont mis là le doigt sur un vrai fléau possible: un Vaudois pourrait devenir propriétaire à Genève - toujours d'un seul logement, bien évidemment. Pire, un Français frontalier pourrait faire de même, et c'est le parti socialiste qui soutient ces propos, le MCG n'aurait jamais osé ! (Exclamations.)
Un seul appartement peut être souscrit au nom et pour le compte d'un primo-acquérant, ce qui exclut tout prête-nom ou toute opération fiduciaire, soit des procédés plus usuellement connus par le commun des mortels sous la dénomination de «magouilles». Restons lucides, même en zone de développement on ne bâtit pas une économie immobilière avec des appartements achetés au prix fort, proche du prix libre, et que l'on ne peut ni louer ni vendre ! Convenons avec le philosophe Pascal que, en élaborant ce projet de loi, le département a fait preuve de beaucoup d'esprit de géométrie, mais de peu d'esprit de finesse. Il aura été peu tenu compte de la réalité du secteur concerné et, avec cette volonté de punir quelques brebis galeuses en surfant sur la haine du promoteur, c'est tout un pan de notre économie qui est inutilement mis à mal, et cela est inacceptable. Ne l'oublions pas, c'est la PPE qui prend en charge une partie du coût du logement social locatif. Si vous attaquez la locomotive, les wagons resteront donc en gare. Dans le premier rapport de minorité, on agite encore l'épouvantail de l'ogre congédiant son locataire au terme de la période de contrôle de dix ans, s'arrogeant ainsi un avantage qui ne lui était pas destiné. L'acquéreur serait un pur investisseur, pire, un incorrigible spéculateur.
Que faut-il penser de ces arguties ? Tout d'abord, je le rappelle, il ne peut s'agir que d'un seul logement, qui dans tous les cas sera habité par son propriétaire, cela découle de la logique du système du primo-acquérant. Ensuite, dans certains périmètres, le prix du marché est déjà en dessous des prix maxima fixés par l'office du logement. Reconnaissons-le, la marge spéculative devient ainsi plus que théorique, à quoi vient s'ajouter la parfaite inconnue d'une projection des prix sur dix ans. Au total, en considérant que les abus constatés peuvent être combattus plus efficacement par des dispositions moins incisives et moins liberticides que celles que prévoit le projet Longchamp, je vous invite à accueillir favorablement le PL 11141-1, modifié par les trois derniers amendements déposés par le MCG, le PDC, le PLR et l'UDC. Je vous engage par ailleurs à refuser le PL 11141-2, qui interdit la revente de tout appartement loué ou offert en location. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole est à M. Eric Stauffer pour vingt secondes. (Commentaires.)
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il est assez désagréable... (Protestations.) ...d'entendre M. Dandrès parler des prétendus multiples mandats que j'occupe au sein de conseils d'administration. (Brouhaha. Commentaires.) Alors une fois pour toutes, je veux rétablir les faits: je siège aux HUG, où j'ai touché...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. ...6800 F l'année dernière, ainsi qu'à l'AIG, où j'ai perçu 10 800 F, et c'est beaucoup de boulot ! (Exclamations. Chahut.)
Le président. C'est terminé, Monsieur !
M. Eric Stauffer. Alors je reprendrai la parole plus tard.
Le président. Merci, Monsieur le député. (Commentaires. Brouhaha.)
M. Eric Stauffer (hors micro). Vous avez un problème, la gauche ? (Brouhaha.)
Le président. Monsieur Stauffer, s'il vous plaît ! (Exclamations. Applaudissements.) La parole est à M. le conseiller d'Etat Antonio Hodgers. (Commentaires. Chahut.) S'il vous plaît !
Une voix. C'est injurieux, Monsieur le président... (Brouhaha.) Je n'accepte pas qu'il nous dise qu'on ne paie pas d'impôts ! Je suis prêt à lui donner ma fiche de déclaration d'impôts... (Commentaires.)
Le président. Tout va bien ! Tout va bien ! Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez la parole. (Un instant s'écoule. Brouhaha. Le président agite la cloche.) Il faudrait enclencher le micro de M. Antonio Hodgers, s'il vous plaît. (Un instant s'écoule. Le conseiller d'Etat commence à s'exprimer hors micro.) Attendez, Monsieur le conseiller d'Etat, il faudrait quand même que vous ayez un micro. Est-ce que le vôtre fonctionne, Monsieur Poggia ? (Un instant s'écoule.) Y a-t-il un micro qui fonctionne ? (Brouhaha. Commentaires.)
Une voix. Il faut relancer le système !
Le président. Il n'y a pas de micros ? Ça ne marche pas ? (Brouhaha.) Et à la table des rapporteurs, ça ne fonctionne pas non plus ? Il n'y a aucun micro qui marche ?
Une voix. Monsieur le président, le vôtre fonctionne !
Le président. Oui, le mien fonctionne, effectivement ! Est-ce qu'il y a un autre micro qui marche ? Monsieur Dandrès, appuyez sur votre bouton pour que l'on puisse tester !
Une voix. Silence, on va faire un huis clos ! (Brouhaha.)
Le président. Bien. Je vais suspendre la séance quelques minutes afin de relancer le système informatique, sans cela on aura des problèmes plus tard.
La séance est suspendue à 21h02.
La séance est reprise à 21h07.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons reprendre notre séance, veuillez regagner vos places. Monsieur le conseiller d'Etat, je vois que votre micro fonctionne. Je vais vous donner la parole, mais j'attends que les députés regagnent leurs places. (Un instant s'écoule.) Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît ! Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez la parole. (Brouhaha.)
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Oui, cela fonctionne, mais il y a encore beaucoup de bruit. Je remercie d'ailleurs les équipes techniques d'avoir rapidement réparé cette panne de micros !
Mesdames et Messieurs les députés, avec son projet de loi initial déposé par mon prédécesseur ici présent, le Conseil d'Etat s'était fixé comme objectif de mettre fin à une situation critiquable, où des appartements destinés à la classe moyenne se voyaient - et se voient encore - accaparés par quelques mains issues de réseaux de connaissances de certains promoteurs, cela dans le but de réaliser des plus-values au terme d'une période de thésaurisation de dix ans. Je tiens à être parfaitement franc et transparent avec vous, cette pratique est très large. Il ne s'agit donc pas de pratiques marginales, comme c'est souvent le cas dans les situations d'abus qui ont cours dans tous les domaines des politiques publiques. Il s'agit ici de pratiques extrêmement importantes, et pour prendre le cas le plus connu, le plus cité, soit celui de La Tulette, je tiens à rappeler que, sur 149 appartements en PPE, seuls 32 ont été promis à des familles uniques, et par conséquent 80% de ces appartements sont aujourd'hui sous promesse de vente à des propriétaires multiples - des polypropriétaires - ou à des grappes familiales, si je puis les nommer ainsi; 80%, Mesdames et Messieurs ! Cette situation n'est pas illégale, il n'y a pas à notre connaissance de violation pénale, mais cette situation choque, et le Conseil d'Etat partage cette indignation légitime. Alors que certains s'étonnent de cette réaction et se demandent finalement pourquoi on rencontre autant de mouvements et d'indignation sur ces questions, j'aimerais revenir brièvement sur quelques principes qui sous-tendent l'action gouvernementale en matière de politique du logement, et je dirais même, de manière plus générale, son action institutionnelle.
En effet, il ne s'agit pas ici que de droit au logement ou d'accès à la propriété: les citoyennes et les citoyens sont bien conscients qu'à travers ces lois sur les zones de développement, l'Etat ne peut pas promettre à chacun un appartement garanti, et encore moins à Cologny. Les citoyens ne sont pas naïfs. Mais ce qui choque, ce n'est finalement pas tant que l'ensemble de la population n'ait pas accès à ces places-là, car les gens comprennent la notion de pénurie objective, mais c'est bien la violation crasse de deux principes démocratiques fondamentaux, celui de l'équité et celui de la transparence. Nous sommes ici en train de discuter d'un bien public et ce dernier doit être utilisé selon ces principes démocratiques. Alors cela peut surprendre, c'est vrai, et dans certaines interventions et certains milieux on entend ce genre de propos: «Mais finalement il s'agit de propriétés privées ! Il y a un propriétaire privé du bien-fonds, il y a des promoteurs qui sont des acteurs privés et il y a des acheteurs qui sont des privés, alors de quoi se mêle l'Etat ?» Oui, Mesdames et Messieurs, mais pourquoi est-ce qu'il y a plus-value en zone de développement ? Pourquoi est-ce qu'un mètre carré qui vaut 8 F en vaut tout à coup 1000 ? Pourquoi, lorsque vous avez 100 mètres carrés d'autorisation de surface habitable, pouvez-vous tout à coup multiplier cela par 3, 4 ou 5 ? Eh bien par décision de l'Etat ! C'est le Grand Conseil qui, à travers un acte souverain de modification de zone, un acte politique, crée une plus-value sur ces terrains. Il faut donc bien comprendre que la création de cette plus-value n'est pas le fait d'entrepreneurs ni d'acteurs privés, comme c'est souvent le cas dans l'économie privée, où les gens travaillent et arrivent peu à peu à améliorer leur entreprise et à obtenir un meilleur bénéfice. Ici, en matière de zone de développement, nous sommes face à une plus-value créée par une décision politique, et cette décision politique a un but, celui de répondre aux besoins de logements, un besoin prépondérant de la population. Et puisque l'Etat est à l'origine de cette plus-value, il est normal que celui-ci mette en quelque sorte son nez dans la manière dont cette plus-value est utilisée. Nous sommes là au fond de la question de ces zones de développement. Car l'Etat n'est pas là pour distribuer des tickets de loterie garantis gagnants aux quelques propriétaires chanceux qui seraient choisis par un acte souverain du Grand Conseil et qui verraient leur zone transformée en zone de développement, l'Etat est là pour garantir que le propriétaire de base s'y retrouve - et c'est un point important, sans quoi l'opération ne se fait pas - l'Etat est là pour garantir que la plus-value aille bien à la population qu'il cible, en l'occurrence ici la classe moyenne. Et dans ce cadre, vous comprenez bien que l'Etat n'a pas vocation à créer des nouveaux produits financiers dans l'immobilier: l'Etat a vocation, comme la constitution le lui ordonne, à créer du logement pour répondre aux besoins prépondérants de la population. Dès lors, il est inacceptable que sa politique publique soit dévoyée par certains intérêts particuliers. Ce ne sont d'ailleurs pas forcément des intérêts immoraux: moi je n'ai rien contre les gens qui investissent et qui veulent faire de l'argent, mais le but pour nous, Etat, Grand Conseil, Conseil d'Etat, c'est de défendre cet intérêt collectif et celui-ci implique les notions d'équité et de transparence dans la distribution de cette plus-value que j'évoquais. C'est le but initial du Conseil d'Etat à travers son projet de loi dit «projet de loi Longchamp».
Alors comment atteindre ce but ? C'est là que le débat se crée ce soir. Le meilleur moyen pour le Conseil d'Etat, il l'a dit et je le répète, c'est de faire coïncider l'habitat avec la propriété. Autrement dit, de vendre les PPE aux familles qui souhaitent y habiter. D'ailleurs, vu que beaucoup d'arguments juridiques ont été avancés, j'aimerais quand même relever un article qui n'a été cité par personne ce soir, c'est l'article 108 de la Constitution fédérale, qui est intitulé «Encouragement de la construction de logements et de l'accession à la propriété». C'est donc finalement l'article fondateur en matière d'accession à la propriété, et il est écrit ceci à l'alinéa 1: «La Confédération encourage la construction de logements ainsi que l'acquisition d'appartements et de maisons familiales destinés à l'usage personnel de particuliers...» Il est bien dit: «destinés à l'usage personnel de particuliers» ! Vous voyez donc que la Constitution fédérale établit un lien entre l'accès à la propriété et son usage; c'est à nouveau le sens du projet de loi du Conseil d'Etat tel qu'il figurait dans le rapport de M. Pistis, projet qui reste le meilleur moyen d'atteindre ce but constitutionnel. C'est le moyen le plus simple, le plus clair et le plus efficace.
Alors une nouvelle majorité de la commission du logement ne souhaite pas créer ce lien entre l'accession à la propriété et le fait d'y habiter, ce qui est regrettable. C'est du reste particulier d'un point de vue juridique - je vous ai cité l'article fédéral - mais vous me direz que l'on n'est plus à une Genferei près. Quoi qu'il en soit, nous en prenons acte. Cependant, il est de notre responsabilité de vous avertir des faiblesses juridiques de ce nouveau dispositif. Je l'ai dit, il y a un lien dans la Constitution fédérale qui fixe l'accès à la propriété par rapport à son usage, et la Constitution fédérale protège très fortement, vous le savez, la liberté économique. Elle n'accepte des restrictions à cette liberté que de manière mesurée en fonction d'un objectif prépondérant. Or, à travers les propositions qui sont issues de la commission, cet objectif prépondérant est plus faible vu que l'accès à la propriété n'est pas prévu forcément pour ceux qui vont y habiter. C'est une propriété par personne, mais on ne dit rien sur le fait d'y habiter ou pas. Et la restriction à la liberté économique est beaucoup plus forte, Mesdames et Messieurs, parce que si certains trouvent fort de contraindre - c'est le terme qui a été utilisé, ce n'est pas celui du Conseil d'Etat - les gens à habiter dans leur logement, qu'en est-il du fait de les empêcher d'avoir une activité économique par ailleurs, c'est-à-dire de posséder plusieurs logements ? Cette restriction à la liberté économique individuelle prévue dans le dispositif de la majorité de la commission est une atteinte forte à cette liberté et je ne suis pas sûr que, en cas de recours, elle puisse tenir devant les instances judiciaires fédérales.
Cette situation de faiblesse nous amène aussi au débat que nous aurons tout à l'heure sur les amendements qui ont été déposés. C'est vrai que nous avions prévu un traitement rapide en commission - et on peut même dire qu'il s'est agi d'un traitement peut-être précipité - et nous sommes aujourd'hui saisis d'un certain nombre d'amendements qui sont les bienvenus. Je conclurai ce débat d'entrée en matière en disant que le Conseil d'Etat soutiendra les amendements qui rapprochent ce texte du projet de loi initial tel qu'il était issu des premiers travaux de commission, selon le rapport de M. Pistis, à savoir les amendements déposés par les socialistes, les Verts et Ensemble à Gauche. Si ceux-ci viennent à être refusés, le Conseil d'Etat soutiendra l'ensemble des amendements déposés par les partis PDC, PLR, UDC et MCG, qui permettent d'éviter les abus programmés dans le dispositif actuel tel qu'issu de la commission. Ils permettent par conséquent d'atteindre un objectif qui n'est pas l'idéal que nous aurions souhaité, mais qui va néanmoins dans le bon sens. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons passer au vote d'entrée en matière de ce projet de loi.
Une voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, il en sera fait ainsi.
Mis aux voix, le projet de loi 11141-1 est adopté en premier débat par 87 oui contre 3 non (vote nominal).
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. A l'article 5, alinéa 1, lettre b, nous sommes saisis de deux amendements. Le premier, déposé par MM. Buschbeck, Dandrès et Pagani, s'énonce comme suit:
«Art. 5, al. 1, lettre b (nouvelle teneur)
1 En exécution de l'article 2, alinéa 1, lettre b, la délivrance de l'autorisation de construire est subordonnée à la condition que:
Logements destinés à la vente
b) les bâtiments d'habitation destinés à la vente, quel que soit le mode d'aliénation (notamment cession de droits de copropriété d'étages ou de partie d'étages, d'actions ou de parts sociales) répondent, par le nombre, le type et le prix des logements prévus, à un besoin prépondérant d'intérêt général; les logements destinés à la vente doivent être occupés par leur propriétaire, sauf justes motifs agréés par le département. Sont notamment considérés comme des justes motifs:
1° des circonstances imprévisibles au moment de l'acquisition du logement, soit, notamment, le divorce des acquéreurs, le décès, la mutation temporaire dans un autre lieu de travail ou un état de santé ne permettant plus le maintien dans le logement;
2° le fait que le propriétaire du bien-fonds ait reçu le ou les appartements concernés en paiement du prix du terrain pour permettre la construction de logements prévus sur son bien-fonds ou une circonstance d'échange analogue;
3° une situation sur le marché du logement ne permettant pas de trouver un acquéreur au prix contrôlé et admis par l'Etat.»
Le deuxième amendement, qui émane de MM. Stauffer, Buchs et Hiltpold, a la teneur suivante:
«Art. 5, al. 1, lettre b (nouvelle teneur)
1 En exécution de l'article 2, alinéa 1, lettre b, la délivrance de l'autorisation de construire est subordonnée à la condition que:
b) les bâtiments d'habitation destinés à la vente, quel que soit le mode d'aliénation (notamment cession de droits de copropriété d'étages ou de partie d'étages, d'actions ou de parts sociales), répondent, par le nombre, le type et le prix des logements prévus à un besoin d'intérêt général; sauf justes motifs agréés par le département, les logements destinés à la vente doivent, pendant la période de contrôle fixée à l'alinéa 3, être aliénés à une personne physique qui n'est pas déjà propriétaire d'un logement dans le canton. Sauf justes motifs agréés par le département, les logements destinés à la vente ne doivent faire l'objet ni d'une acquisition à titre fiduciaire, ni d'un pacte d'emption ou de réméré, pendant la période de contrôle fixée à l'alinéa 3. Sont notamment considérés comme justes motifs:
1° le fait que le propriétaire du bien-fonds ait reçu le ou les appartements concernés en paiement du prix du terrain pour permettre la construction de logements prévus sur son bien-fonds ou dans une circonstance analogue;
2° le fait que l'acquéreur ait conclu une promesse de vente du logement dont il est déjà propriétaire dans le canton;
3° une situation sur le marché du logement ne permettant pas de trouver un acquéreur au prix contrôlé et admis par l'Etat;
4° le fait que le logement soit acquis dans le cadre d'une succession.»
Nous voterons d'abord sur l'amendement de la gauche, mais le débat porte bien entendu sur les deux amendements. Monsieur Hiltpold, vous avez la parole. (Brouhaha.)
M. Serge Hiltpold (PLR). Monsieur le président, je vais peut-être laisser la préséance à la minorité et je redemanderai la parole pour présenter notre amendement. Je laisse donc d'abord la gauche s'exprimer avant moi afin qu'elle explicite son amendement.
Le président. Cela me semble effectivement préférable ! Monsieur Buschbeck, vous avez la parole.
M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, avec l'amendement que nous déposons, nous sommes à la croisée des chemins. En effet, nous proposons par cet amendement de revenir à la version initiale, qui demande que les logements destinés à la vente soient occupés par leur propriétaire. Comme nous l'avons déjà dit à plusieurs reprises, pour nous cela semble être le meilleur moyen d'atteindre les objectifs de la loi, qui sont de permettre à un maximum de personnes d'être propriétaires de leur logement, et dans ce sens-là je vous invite à soutenir cet amendement. Si celui-ci devait être refusé, ce que nous regretterions, nous prendrions acte du fait que, pour la majorité de ce parlement, l'accession à la propriété ne représente plus la possibilité d'habiter son logement mais un simple placement financier, un placement que certains pourront se permettre et d'autres pas. En conclusion, j'invite tous ceux qui sont attachés à l'accession à la propriété à accepter cet amendement.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je vais passer la parole à M. Hiltpold pour qu'il nous présente l'amendement de la droite.
M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président. J'aimerais d'abord saluer les propos fédérateurs du conseiller d'Etat Antonio Hodgers qui, je pense, a su s'élever à la hauteur du débat qui porte sur cette zone de développement. Je voudrais encore préciser un élément par rapport au chemin que la majorité a parcouru au sujet de cette zone de développement. La discussion est centralisée sur le droit d'habiter, et je crois que ce droit d'habiter est un véritable enjeu, parce qu'on a vu qu'il pouvait exister des différences au niveau de la vérification: on s'aperçoit notamment que les gens peuvent habiter en France et avoir une boîte aux lettres en Suisse, la vérification pure de l'adresse n'est donc pas un élément complètement factuel. Et un énorme chemin a été effectué, puisque - je vous cite cet extrait, parce qu'il est nécessaire que nous ayons le texte sous les yeux - «[...] les logements destinés à la vente doivent, pendant la période de contrôle fixée à l'alinéa 3, être aliénés à une personne physique qui n'est pas déjà propriétaire d'un logement dans le canton». Je ne crois donc pas qu'on est en train de favoriser les intérêts de la spéculation. Une personne physique n'est pas une personne morale, ce n'est pas une société immobilière, c'est quelqu'un qui n'est pas propriétaire. Quelqu'un qui n'est pas propriétaire ! Un nu-propriétaire, comme l'a dit mon collègue Vincent Maitre, ne peut pas acheter un appartement. Je crois donc que vous devez reconnaître le chemin qui est parcouru. Ce n'est pas de la spéculation: si vous êtes propriétaire de n'importe quelle parcelle ou de n'importe quel appartement, vous ne pouvez pas acheter dans la zone de développement. Et je crois qu'il faut avoir l'honnêteté de se fédérer à travers cela. C'est un grand pas qui a été accompli.
Ensuite, s'agissant de la plus-value, je crois qu'on a omis un élément important dans le débat sur la spéculation où, de 8 F le mètre carré, on en arrive à 1000 F. Je vais prendre l'exemple d'un agriculteur propriétaire qui possède un terrain agricole à 8 ou 10 F le mètre carré et dont le terrain passe en zone de développement. C'est très bien ! Mais pouvez-vous juger qu'il est content d'arrêter son exploitation ? Ça c'est un jugement qui est réducteur, car cette personne a peut-être simplement envie de continuer son exploitation. Par conséquent, dans la mesure où on va lui ôter son outil de travail, il est normal que... (Remarque.) Monsieur Velasco, s'il vous plaît ! Lorsqu'on vous ôte ou qu'on péjore votre outil de travail, vous devez pouvoir réaliser une plus-value ! Ce n'est pas une plus-value honteuse ! C'est une plus-value que nous avons votée dans ce Grand Conseil, je pense donc qu'il faut faire preuve d'une certaine pondération dans le jugement qu'on peut avoir sur la plus-value qui est réalisée exclusivement par les milieux immobiliers. Voilà, j'en ai terminé pour la présentation de cet amendement, et des détails plus techniques vous seront apportés par mes collègues de la majorité.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, je vous rappelle qu'on est en deuxième débat libre et que chacun a droit à trois interventions au maximum. Monsieur Stauffer, vous avez la parole.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vais compléter, version MCG, les propos de mon préopinant. Ce soir, on a beaucoup parlé d'une petite minorité de gens que le MCG n'a pas de problème à considérer - et nous, nous le disons, nous ne le sous-entendons pas - comme des voyous. Des gens qui ont accaparé, par décision de l'Etat et du Grand Conseil, beaucoup d'appartements et qui les ont distribués autour d'eux, privant ainsi la majorité des Genevois... (Remarque.)
Le président. Monsieur Deneys, s'il vous plaît, laissez M. Stauffer s'exprimer !
M. Eric Stauffer. ...de la classe moyenne, parce qu'il faut quand même avoir quelques revenus et fonds propres pour acquérir des propriétés en PPE - mais ça, ce n'est que le premier pas. Cette situation n'était donc pas acceptable.
Je l'ai dit lors de ma première intervention au dernier Grand Conseil, le projet de loi appelé Longchamp est un bon projet de loi, mais il méritait quelques aménagements, quelques modifications. Et comme je l'ai indiqué ce soir, nous sommes tous d'accord - sans me faire le porte-parole des 99 autres députés - qu'il faut combattre les abus. Partant de ce principe, lorsqu'on inscrit dans la loi le terme «primo-acquérant» - qui désigne donc une personne qui peut bénéficier des largesses de l'Etat au niveau d'un déclassement de terrain, mais qui n'est pas déjà propriétaire d'un bien dans le canton de Genève - croyez-moi sur parole, tous ceux que nous considérons comme les voyous du système, dans la mesure où ils sont déjà tous propriétaires dans notre canton, n'existeront plus après-demain. (Exclamations.) Car je veux voir quel est le promoteur assez fou pour aller trouver un prête-nom, lui faire prendre un crédit hypothécaire, lui faire payer les 15 ou 20% de fonds propres... (Remarque.) A sa femme, oui ! Mais vous savez très bien que, dans un couple, votre femme c'est un jour l'amour de votre vie, et le lendemain c'est votre pire ennemi ! Cela arrive ! (Rires. Exclamations.) Qui va prendre le risque aujourd'hui d'investir pour faire un vrai commerce d'appartements avec tous les aléas de la vie ? Si quelqu'un a des problèmes financiers, la banque viendra saisir son bien ou mettra un gage dessus... Vous savez très bien que ceci ne fonctionnera pas, et c'est la raison pour laquelle le verrou décidé par une très large majorité de ce Grand Conseil bloque toute tentative de fraudes massives telles qu'on les a connues et telles que le conseiller d'Etat Antonio Hodgers vient de nous les décrire au sujet des 80 appartements qui sont promis à des proches dans un cercle assez fermé. (Remarque.) Oui, 80%, pardon ! Excusez-moi, Monsieur le conseiller d'Etat, merci de m'avoir corrigé !
Donc finalement le fait d'inscrire ce dispositif devrait convenir à tout le monde, parce que si vous êtes déjà propriétaire, eh bien vous ne pourrez plus acheter à ces conditions-là. Et ça, c'est l'une des premières avancées que la large majorité de ce parlement va amener ce soir comme réponse à la population genevoise. Et ce ne sont pas des arguments de bas étage comme on en a entendu lors des débats de ce soir, c'est simplement une loi qui découle du bon sens, qui va taper là où c'est nécessaire et favoriser ce qui doit l'être, c'est-à-dire l'accession à la propriété pour le plus grand nombre.
Ensuite il y avait aussi quelques incohérences. En effet, si quelqu'un achète un appartement - donc dans le cadre de l'esprit voulu par tout le monde ce soir - y vit avec sa famille et, pour des raisons professionnelles, doit aller travailler deux ans aux Etats-Unis ou en Allemagne, certes, c'est un juste motif mais, encore une fois, il va devoir se rendre au département, demander une autorisation, et on sait comment l'administration fonctionne ! Aujourd'hui, pour donner l'autorisation de construire dans le cadre d'un PLQ, c'est dix ans qu'il faut ! Et ça c'est l'administration, c'est une réalité, Mesdames et Messieurs, alors il est nécessaire d'avoir un peu plus de souplesse. Mais comme il faut être primo-acquérant, même le fait que la personne n'y habite pas temporairement ou n'y habite pas du tout ne pose aucun problème, et la voie est sauvegardée.
Je vous donne un autre exemple de l'incohérence de la loi Longchamp...
M. Alberto Velasco. Mais vous avez dit tout à l'heure que c'était une bonne loi !
M. Eric Stauffer. J'ai dit qu'elle méritait quelques modifications, Monsieur Velasco, mais évidemment je comprends qu'à cette heure-là il faut encore être doté de deux neurones pour comprendre ce que je dis ! (Rires.) Je vous donne un autre exemple...
Le président. Monsieur Stauffer, s'il vous plaît ! (Brouhaha.)
M. Eric Stauffer. Eh bien quand on arrêtera de me couper la parole, Monsieur le président, et que vous ferez régner la discipline, je la respecterai aussi ! (Exclamations.) Je vous donne un autre exemple, celui d'un émigré qui est arrivé ici, qui a commencé comme plongeur dans un restaurant, puis qui a pu ouvrir son restaurant et acheter une villa dans les années 75. Imaginons maintenant que le terrain sur lequel se situe cette villa soit déclassé en zone de développement 3, qu'il ait le droit de construire un immeuble et qu'il veuille donner un appartement à ses enfants sans attendre la succession pour qu'ils puissent en bénéficier. S'il se trouve que l'un des enfants ne gagne pas suffisamment pour payer le crédit de cet appartement mais qu'il aimerait tout de même bien l'avoir, il faudrait que le bien s'amortisse un peu, sur huit ou dix ans, et ensuite, comme ce serait moins cher, il pourrait y habiter. Eh bien avec la loi Longchamp, il ne pourrait pas ! Alors que là, finalement... (Remarque.) Un juste motif, oui, eh bien on en reparlera, Monsieur le président ! Donc là, en revanche, s'il n'a pas l'obligation d'y habiter, il va pouvoir recevoir cet appartement et le louer avec les prix contrôlés, mais encore une fois la république sera sauve, parce qu'il sera primo-acquérant !
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Très bien, Monsieur le président. Voilà les raisons pour lesquelles, Mesdames et Messieurs, je vous encourage à donner un signal clair au gouvernement et à voter à l'unanimité les trois amendements qui vous sont proposés par le PDC, le PLR, l'UDC et le MCG, de sorte que nous passions à autre chose... (Remarque.) Discrètement ? Mais pourquoi, Monsieur Deneys ? Vous avez un problème ?
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur.
M. Eric Stauffer. Qu'est-ce qu'il y a ? C'est l'ASLOCA qui s'effondre ? Je comprends bien. A tout à l'heure, Monsieur le président.
M. Cyril Aellen (PLR). On arrive là dans le noeud de l'enjeu de ces deux projets de lois - parce que c'est ainsi qu'il faut les appeler - à savoir celui du Conseil d'Etat et celui qui est ressorti de commission finalement. Ce sont deux options qui parviennent au même objectif, il faut savoir le reconnaître, soit celui d'éviter qu'un petit nombre de personnes puissent acquérir beaucoup d'appartements. Ce sont également deux méthodes, reconnaissons-le, et nous espérons tous que la solution, quelle que soit celle qui sera choisie, atteindra l'objectif poursuivi.
Quelles sont ces deux méthodes ? La première consiste à dire qu'on peut continuer à vendre à n'importe qui, mais avec la contrainte que le propriétaire y habite. On n'est pas obligé de vendre, et si par hasard on loue, ce n'est plus une PPE, mais le bien sera soumis au régime de la LDTR. Voilà le projet de loi du Conseil d'Etat.
Dans le projet de loi issu des travaux de la commission, on ne peut plus vendre à n'importe qui, car il doit s'agir d'une personne qui n'est pas déjà propriétaire d'un logement. Et une fois qu'on est devenu propriétaire, on ne l'est pas tout à fait entièrement, parce qu'on est encore soumis au contrôle de l'Etat pendant une durée de dix ans: en effet, les prix sont contrôlés tant au niveau des loyers en cas de location - forcément à la classe moyenne, vu le coût des loyers - qu'au niveau de la vente.
Mais avec le projet ressorti de commission, il y a donc une obligation de vendre, et j'aimerais quand même que ce point soit souligné. Il est bien dit que les appartements en PPE doivent être vendus, alors que si vous reprenez l'amendement qui nous est proposé aujourd'hui par les rangs de gauche, vous verrez qu'il n'y a aucune obligation de vente matérielle. Aucune. Toutefois, il est vrai que, si on ne vend pas le bien mais qu'on le loue, ce n'est plus une PPE mais un logement locatif, raison pour laquelle d'ailleurs notre collègue député Dandrès a dit en commission et a répété avec d'autres mots que c'était pour lui une meilleure loi grâce à cela, parce que précisément si le propriétaire ne vendait pas, ce n'était pas grave, car cela devenait un logement locatif. Mais le premier élément qu'il importe de souligner, c'est qu'il n'y a pas d'obligation de vendre et donc de faire de la PPE avec le projet de loi du Conseil d'Etat, alors que cette obligation de vendre figure dans le projet de loi de commission. Je crois qu'il faut quand même le rappeler.
Deuxièmement, on a effectivement entendu certaines remarques qui étaient tout à fait pertinentes de mon point de vue, à savoir qu'il pouvait y avoir un certain nombre de vendeurs souhaitant se réserver un droit d'emption ou de réméré - c'est-à-dire grosso modo un droit de retour. La droite, suite à ces reproches fondés, a déposé un amendement prévoyant d'interdire cela, et j'aimerais juste préciser que, dans l'amendement proposé par la gauche, cette interdiction ne figure pas. Donc si vous votez l'amendement de la gauche, le vendeur pourra se réserver un droit d'emption ou de réméré. Par conséquent, si vous voulez l'interdiction du droit d'emption et de réméré, vous avez l'obligation de voter l'amendement proposé par la droite.
Un autre reproche qui nous a été adressé au sujet de l'article 5 concernait la problématique de ce que j'appelle vulgairement «l'homme de paille», c'est-à-dire le prête-nom. La droite a entendu ce reproche, l'a trouvé fondé et a déposé un amendement visant effectivement à ce que cela soit interdit, comme c'est le cas dans la lex Friedrich, par exemple, pour éviter que des étrangers ne détournent la loi prévoyant exclusivement de vendre à des personnes de nationalité suisse. C'était une loi fédérale appelée «lex Friedrich». A nouveau, la gauche, dans l'amendement qui nous est proposé aujourd'hui, n'a pas prévu cela, ce procédé pourrait donc être possible si vous votez l'amendement présenté par la gauche.
En résumé, si vous voulez une obligation de vente, si vous voulez interdire le droit d'emption et de réméré, et si vous voulez éviter que les achats ne se fassent via des hommes de paille, eh bien vous n'avez pas le choix, vous devez voter l'amendement proposé par la droite. En effet, si vous votez l'amendement déposé par la gauche, ces trois possibilités demeurent. (Applaudissements.)
M. Bertrand Buchs (PDC). Je ne reviendrai pas sur l'argumentation de M. Aellen. Il n'y a rien à dire, c'est très clair: les amendements de la droite sur lesquels on va voter sont beaucoup plus sévères que ce qui sortait de la première loi Longchamp. Et si nous avons souhaité des dispositions beaucoup plus sévères, c'est parce que nous ne voulions pas entendre des reproches selon lesquels, de nouveau, nous avons essayé de détourner la loi pour donner des gages à des spéculateurs et des personnes qui font tout et n'importe quoi. Je crois que, pour le parti démocrate-chrétien, il était très clair que l'on ne pouvait pas accepter le projet de loi qui sortait de commission sans ces amendements. Nous avons voulu ces amendements, nous les avons négociés, ces amendements sont bons et sévères, et ils sont du reste beaucoup plus sévères que la loi qui nous était proposée précédemment.
Maintenant j'aimerais quand même revenir sur deux éléments. Je voudrais d'abord simplement dire que tout achat est un investissement. Quand j'entends ici que l'on dit: «Halte aux spéculateurs», j'ai envie de rappeler que lorsqu'une personne achète un appartement, elle fait un investissement ! Je n'ai jamais vu quelqu'un qui achetait un appartement et qui ne faisait pas un investissement: c'est son troisième pilier, c'est sa retraite, et toute personne qui achète un appartement le fait dans le but de réaliser un investissement. Je ne vois pas en quoi il est honteux d'acheter un appartement si on en a les moyens, si on a économisé pour cela. Il faut soutenir ce genre de démarche, il faut que les gens puissent davantage acheter des appartements. M. Buschbeck a dit que tout achat était un investissement et que c'était scandaleux. (Commentaires.) Non, vous ne l'avez pas dit très clairement...
J'aimerais à présent revenir à la démonstration de M. le conseiller d'Etat Hodgers; que dit-il ? Il dit que c'est l'Etat qui a décidé d'une plus-value, qui a permis une plus-value dans les zones de développement. Et pourquoi a-t-on permis, pourquoi le Grand Conseil a-t-il permis une plus-value dans les zones de développement ? C'est pour permettre aux petits propriétaires de zones villas qui ont fait des économies, qui ont acheté leur villa et qui veulent pouvoir utiliser ces économies pour leur retraite de faire des promotions, c'est pour leur permettre d'obtenir une plus-value sur leur bien. Il est normal qu'ils aient une plus-value sur leur bien ! Ils ne peuvent pas avoir acheté et ne pas obtenir de plus-value sur leur bien, sinon ces gens-là ne vendraient jamais. Preuve en est qu'il y a des zones villas que l'on a déclassées en zones de développement et sur lesquelles ça fait cinquante ans que l'on n'a pas construit. Pourquoi cinquante ans ? Parce qu'on ne rend pas les choses faciles pour les personnes qui veulent construire de petits immeubles et acquérir des appartements. La loi que l'on propose ici rend cette souplesse, et je crois que M. Aellen l'a très bien dit. Toute loi qui est souple est bonne, toute loi qui est rigide est mauvaise, et si la Suisse fonctionne bien, c'est que nous avons une souplesse dans nos lois, une souplesse au niveau de la loi sur le travail. C'est pour cela que la Suisse fonctionne bien ! Si on devient rigide en imposant des sanctions, des lois trop figées, on ne va strictement rien faire et on ne construira plus rien. (Applaudissements.)
Mme Christina Meissner (UDC). L'UDC est attachée à l'accès à la propriété, elle est attachée à la propriété. C'est une notion extrêmement importante pour nous, or on voit qu'aujourd'hui à Genève cet accès à la propriété est extrêmement difficile, mon collègue Bernhard Riedweg nous l'a démontré au moyen de chiffres absolument irréfutables. Maintenant, s'il y a accès à la propriété - pour nous, c'est une évidence - c'est pour habiter dans cette propriété, pour habiter dans cet appartement, ce n'est pas pour spéculer. C'est ce que la loi Longchamp demande: il faut que les logements soient habités par leur propriétaire. Les auteurs des amendements qui ont été travaillés en commission et surtout après disent qu'il n'est pas nécessaire de mettre cette obligation d'habiter, et que si quelqu'un achète aujourd'hui un bien à Genève, c'est forcément pour y habiter. Permettez-moi d'avoir des doutes à ce sujet, à voir à quel point certaines de nos rues finissent dans les mains de Chinois, voire d'autres nationalités. Je crois qu'il y a aussi un très clair investissement qui est fait dans la propriété, même s'il ne s'agit que d'un appartement, parce qu'on peut le louer, et finalement on se retrouvera tôt ou tard dans des régimes de liberté et on pourra se refaire.
Par conséquent, si au moyen des amendements on dit qu'aucun acquéreur d'un appartement à Genève n'a envie de faire autre chose que d'y habiter, alors pourquoi ne pas voter la loi Longchamp ? C'est une évidence ! (Exclamations.) Alors oui, je ne vous cache pas qu'au niveau de l'UDC on est prêt à le faire, avec un seul bémol, et un bémol qui nous tient à coeur, c'est par exemple le cas d'un Genevois qui a envie de pouvoir acheter un appartement pour ses vieux parents ou pour son enfant, qui donc ne pourra pas forcément y habiter tout de suite; il est nécessaire de tenir compte aussi de ce genre de situation, ce que la loi Longchamp ne permet pas dans sa version originale. Ce bémol est important pour nous, mais nous allons être bons joueurs. Les amendements, et nous le regrettons, ont été bâclés en commission. Il est vrai que ce n'est pas ici qu'il aurait fallu proposer ces amendements et que l'on n'aurait pas dû les examiner en plein Grand Conseil: le travail aurait dû se faire en commission, mais ça n'a pas été le cas, et nous le regrettons. Nous estimons cependant qu'avec les amendements qui sont proposés aujourd'hui par la droite, soit l'UDC, le MCG, le PLR et le PDC, nous arrivons à une solution qui est parfaitement viable. Mais nous arrivons également à une solution viable avec la loi Longchamp telle qu'elle est sortie dès le départ, pour peu qu'on puisse y ajouter un petit amendement pour offrir la possibilité, comme je l'ai dit, aux parents ou aux enfants en ligne directe d'accéder aussi à cette propriété. Nous allons donc voter les deux, nous dirons oui aux deux, et au besoin nous reviendrons avec un amendement - qui, je l'espère, serait au final adopté - pour que ce petit bémol soit corrigé.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, je crois que ce soir il faut vraiment rappeler ce qui se passe aujourd'hui à Genève. Avons-nous un problème de logement ou un problème de placement de capitaux ? Eh bien c'est très clair, nous avons actuellement un problème de logement à Genève. Le taux de logements vacants est très faible, le nombre de personnes qui cherchent à se loger sur le canton est important, et les gens vont habiter ailleurs, en France voisine, dans le canton de Vaud ou encore plus loin. Donc fondamentalement le seul problème que nous connaissons aujourd'hui à Genève, c'est un problème de logement, c'est celui de pouvoir trouver un logement dans notre canton. Ce n'est pas un problème de placements et de rentabilité ! Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, la seule question qui se pose réellement consiste à savoir si celui qui achète un logement dans une zone de développement où le terrain coûte 10 F le mètre carré à l'origine va pouvoir y loger, si cet effort de l'Etat pour déclasser est justement destiné aux Genevoises et aux Genevois. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, c'est très clair, c'est bien la proposition initiale qui dit que celui qui achète dans une zone de développement... Parce que quand le canton fait l'effort de déclasser de la zone agricole - et je sais à quel point l'UDC est attachée à la préservation de cette zone agricole - c'est bien pour y loger des Genevoises et des Genevois, ce n'est pas pour que le propriétaire prête ensuite ce bien immobilier à quelqu'un qui va payer un loyer, et qu'il puisse le revendre et spéculer. C'est bien pour les habitants d'ici ! En effet, je le répète, le problème à Genève c'est le logement, ce n'est pas la rentabilité des placements. Eh bien c'est là que les amendements du PLR ainsi que de ses amis du MCG en particulier et du PDC sont une escroquerie, parce que le but n'est plus de permettre aux gens de se loger, mais c'est de permettre de spéculer et de garder le placement immobilier comme source de rentabilité, de rendement après quelques années ! Du reste, la durée de contrôle de dix ans dans une zone de développement est totalement insuffisante. Il y a d'ailleurs une proposition MCG - et j'espère qu'il la soutiendra jusqu'au bout, mais j'ai comme un petit doute - qui permet d'étendre cette durée de contrôle à vingt ans. En réalité, c'est même plus longtemps qu'il faudrait pouvoir exercer un contrôle dans une zone de développement, parce que c'est l'intérêt général: les Genevoises et les Genevois doivent pouvoir habiter à Genève, même quand ils font partie de la classe moyenne supérieure. En effet, M. Riedweg l'a évoqué à raison, il faut quand même des moyens considérables pour acheter un bien immobilier à Genève.
Mesdames et Messieurs les députés, soyons donc clairs: seuls les amendements des Verts, des socialistes et d'Ensemble à Gauche visant à permettre à un acquéreur d'habiter dans son bien répondent à ce problème de logement ! Car les amendements de l'Entente élargie - la nouvelle Entente - n'ont qu'un but, celui de permettre à des spéculateurs de continuer la spéculation, certes sous des formes différentes, parce qu'évidemment on impose un peu plus de contrôle, mais en réalité cela fait perdurer le système actuel. Et en plus il y a des exceptions ! Si vous lisez l'amendement de ces partis, vous voyez qu'il y a des justes motifs qui permettent précisément d'éviter de devoir être primo-acquérant, notamment le fait que le logement soit acquis dans le cadre d'une succession. En fait c'est vraiment une logique de prête-nom nouvellement formulée, mais qui revient strictement au même. En conséquence, Mesdames et Messieurs les députés, je crois que cette formulation des amendements de l'Entente est particulièrement dramatique, et à M. Aellen qui dit que l'amendement de la droite contient certaines propositions qui ne figurent pas dans l'amendement de la gauche, j'aimerais répondre ceci: soyons sérieux, si le travail avait été fait en commission, eh bien il n'y aurait pas eu ce genre de problème. En effet, quand les amendements tombent du ciel le soir même, il est évident qu'il peut y avoir des différences, mais au demeurant rien n'empêche en troisième débat d'ajouter dans les amendements de la gauche les bonnes idées - mais qui sont très marginales - contenues dans les amendements de la droite. Et on le fera très volontiers ! (Brouhaha.)
M. Alberto Velasco (S). J'ai entendu M. le député Buchs dire que celui qui investit a le droit de se retrouver dans son investissement, mais tout à l'heure on a vraiment expliqué ce qu'était la zone de développement, car, Monsieur Buchs, on parle bien de la zone de développement ! En principe, elle devrait être dédiée aux logements sociaux, aux LUP. Elle a été étendue aux PPE, comme l'a dit tout à l'heure une collègue socialiste, mais en principe elle devait être destinée aux LUP. Et maintenant vous nous dites qu'il y a cependant un principe qui est fondamental, à savoir que celui qui investit a le droit d'obtenir un retour sur investissement. Mais non, Monsieur ! Si on a permis les PPE, c'est pour que les gens y habitent, pas pour qu'ils fassent une affaire, voilà la différence !
Ensuite le député Hiltpold a relevé un élément intéressant: il a dit qu'un paysan qui acquiert des terrains à 8 F pour son outil de travail a le droit de recevoir en retour 1000 F, soit un rapport d'environ 100. Mais moi je vous dis une chose, chers collègues: est-ce que le travailleur qui perd son emploi et son outil de travail reçoit ce rapport de 100 parce qu'il a perdu son outil de travail ? Eh bien non, pas du tout.
En plus, Mesdames et Messieurs, il y a quand même la question de l'intérêt public. L'intérêt public ! Quand je parlais tout à l'heure de la république, eh bien c'est ça la république, à savoir qu'à un moment donné l'intérêt public est prépondérant par rapport à l'intérêt privé. Or vous oubliez cela ! Et aujourd'hui l'intérêt public veut que ce soient justement les classes les plus défavorisées, même dans la classe moyenne, qui accèdent à un logement... Parce que je reconnais qu'une partie de la classe moyenne n'arrive plus à trouver de logement: elle ne peut pas se loger dans le social, et parfois elle ne peut pas non plus se loger dans les appartements en loyer libre, car ils sont tellement chers qu'effectivement il est plus intéressant d'acquérir un bien. Soit, mais alors permettons à cette classe de le faire, permettons-lui, au nom de l'intérêt public, d'acquérir ces biens.
J'en viens maintenant à la loi Friedrich dont M. Aellen nous a parlé. Mais tout le monde sait que cette loi est malheureusement constamment détournée ! Elle est inapplicable, et tout le monde sait que les étrangers acquièrent chez nous des biens comme ils le veulent, car il est impossible d'effectuer un contrôle. Et pourtant M. Aellen fait de cette loi un exemple à suivre. Mais tout de même, s'il vous plaît !
Et ce que je ne comprends pas, Mesdames et Messieurs, c'est que la droite nous dit que le projet de loi Longchamp est bon - tout le monde le dit, même M. Stauffer l'a mentionné tout à l'heure, ce qui m'a étonné - mais qu'elle ne le vote pas. C'est extraordinaire ! C'est comme si je disais que telle loi est très bonne, mais que je ne la vote pas. C'est magnifique ! Il y a donc quand même un mauvais esprit derrière cette affirmation, et je ne comprends pas cette volonté de la droite de ne pas accepter la loi telle que proposée à l'origine.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous encourage à accepter non pas une loi de gauche - parce que ce n'est pas une loi de gauche, ce n'est même pas une loi de l'ASLOCA - mais une loi du Conseil d'Etat qui nous semble aller dans le sens de l'intérêt public. Du reste, l'amendement ne reprend que le projet de loi initial.
M. Christophe Aumeunier (PLR), député suppléant. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat a eu raison de se saisir de cette problématique: c'est sur les moyens que nous divergeons. S'agissant de la critique de détail concernant ce projet de loi, vous avez pu la lire dans mon rapport de minorité, qui semble-t-il est finalement devenu un rapport de majorité.
Au fond, si je résume la situation, nous avons un problème de proportionnalité des constats: il s'agit de sept dossiers, de sept opérations qui ont été sciemment sorties par le Conseil d'Etat pour montrer que, en effet, il y avait trop d'appartements détenus par un trop petit nombre de personnes. Ce sont sept dossiers de trop, je vous l'accorde, mais il n'empêche qu'il ne faut pas déraper ni tomber dans le sensibilisme. D'autant qu'une très grande partie des PPE - et je suis heureux de pouvoir vous le dire - trouvent des acquéreurs qui sont des primo-acquérants. C'est un très grand nombre de propriétaires que nous avons faits à Genève, et l'Office fédéral du logement ne s'y trompe pas: nous avons dans notre canton plus de propriétaires qu'il y a quelques années. Nous discutons donc ici de faits qui sont marginaux mais inacceptables, et qu'il convient de corriger. Cependant, il faut de la proportionnalité dans la correction: une proportionnalité de la restriction à la propriété et une proportionnalité de la restriction à la liberté des propriétaires. Tel qu'il était libellé, le projet de loi du Conseil d'Etat était, à mon sens, inapplicable et contraire au droit supérieur. Au fond, il induisait même une restriction à la propriété qui influait sur le crédit hypothécaire, parce que cette restriction à la propriété engendrait une atteinte à la valeur de gage et donc une hausse du prix du crédit hypothécaire.
Aujourd'hui, le projet ressorti de commission - qui atteint les buts du Conseil d'Etat, et je tiens à dire ici que c'est une bonne chose - a l'avantage de pouvoir assurer que l'on soit détenteur d'un seul logement à Genève, de même qu'il a l'avantage d'assurer que le promoteur détenteur de l'opération vende. Il y est obligé et s'expose sinon à une amende de 50% - si vous acceptez les amendements - du prix de revient de l'immeuble, mais aussi à des dispositions pénales d'exécution de remise en conformité, le cas échéant.
Je me réjouis ce soir de votre soutien, de votre soutien marqué et très large à l'accession à la propriété, et je me réjouis que le Conseil d'Etat écrive au Conseil fédéral pour lui demander de mettre fin au volant anticyclique pour qu'en définitive nous n'ayons pas de hausse des crédits hypothécaires par le biais d'une obligation faite aux banques d'augmenter leurs fonds propres. Je me réjouis que vous, parlement, acceptiez les mesures que nous allons vous proposer ces prochains jours pour doper la propriété à Genève. Au fond, la gauche de ce soir n'est pas la défenderesse de la propriété, nous le savons tous, vous nous l'avez dit... (Brouhaha.) ...et M. Dandrès n'est pas le défendeur de la propriété: tout ce qui vous intéresse dans le projet de loi du Conseil d'Etat, c'est de pouvoir muter des appartements dans le parc locatif, et ce ad aeternam. Mais cela va à fin contraire de l'accès à la propriété, car cela retire des appartements en propriété du parc immobilier.
Mesdames et Messieurs les députés, vous devez ce soir faire preuve de responsabilité et d'honnêteté, car il y a des dysfonctionnements dans la politique du logement à Genève. Dysfonctionnements, dans la zone de développement, lorsque M. Hodgers nous dit - ce qui est vrai en zone agricole - qu'il y a un avantage donné aux propriétaires de terrains qui compense le contrôle de l'Etat. Ceci est toutefois faux, totalement faux, en zone de fond villas, puisque l'on démultiplie les droits à bâtir, mais qu'alors à ce moment-là - et c'est le paradoxe - le terrain vaut moins. Pourquoi ? Parce qu'on n'a pas adapté les normes de contrôle des prix pendant une trentaine d'années et que cela est parfaitement inique.
Il y a ensuite des dysfonctionnements parce que nous ne sommes pas capables de construire plus de 1200 logements par année, alors que nous devons en construire 2500. Et s'agissant de ce qu'une intervenante des Verts nous a dit tout à l'heure, ce ne sont pas quelques malheureuses propriétés qui ne sont pas données à des Genevois qui font qu'on assiste à un exode: s'il y a un exode dans les cantons voisins et en France voisine non seulement des propriétaires, mais aussi des locataires, c'est parce que l'on ne construit pas à Genève et vous le savez !
Nous n'avons pas de leçons à recevoir de l'Etat qui a accompagné les faits que nous dénonçons, à savoir que celui-ci a toujours donné des prix de location aux personnes qui détenaient un grand nombre d'appartements pour permettre de les louer. L'Etat l'a fait pendant de nombreuses années ! Nous n'avons pas de leçons à recevoir de M. Deneys, opposant au déclassement des Cherpines où sont prévus 3000 logements. Nous n'avons pas de leçons à recevoir de M. Dandrès, qui a mis deux ans pour déposer un rapport concernant une modification des limites de zones à la Paumière permettant de construire 300 logements... (Commentaires.) Nous n'avons pas de leçons à recevoir de l'ASLOCA... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, Monsieur Deneys !
M. Christophe Aumeunier. ...qui dépose des recours contre la construction de logements, notamment 600 logements au Pont-Rouge, là où le Tribunal administratif a dit que c'était contraire aux intérêts de ses membres. Nous n'avons pas de leçons à recevoir de l'absence des socialistes et d'Ensemble à Gauche lorsqu'il faut défendre une densité minimale pour construire plus de logements dans la campagne de votation populaire de ce mois de février.
En réalité, Mesdames et Messieurs les députés, vous devez faire face à vos responsabilités et admettre que ce soir nous devons pouvoir agir de concert sur l'ensemble de ces critères pour permettre de construire davantage de logements à Genève. C'est donc avec conviction que je vous demande de soutenir le projet de loi tel qu'il ressort de commission, ainsi que tous les amendements de la droite. Je vous en remercie. (Applaudissements.)
M. Yvan Zweifel (PLR), député suppléant. J'aimerais commencer mon intervention en rassurant la députée socialiste Caroline Marti - vous transmettrez, Monsieur le président - qui s'inquiétait de voir les députés PLR ne pas s'exprimer sur ce sujet. Il y avait deux raisons: la première - on l'a vu ici - c'est que nous intervenons sur des sujets concrets, par exemple les amendements de la gauche, et la deuxième c'est qu'en premier débat il nous paraissait plus intelligent de dire une seule fois une seule chose intelligente plutôt que d'avoir dix-sept députés qui répètent dix-sept fois exactement la même chose.
Cela étant, j'en profite pour m'excuser auprès de mon groupe qui a été interpellé par la même députée Caroline Marti, laquelle sous-entendait que nous tombions tous sous le coup de l'article 24 et que donc tous les députés PLR - nous sommes 24, mais c'est un hasard - devaient être propriétaires de PPE ou autre. Je voulais m'excuser auprès de mon groupe, puisque moi je ne suis qu'un simple locataire... (Remarque.) Je suis désolé, Edouard ! (Rires. Exclamations.)
Mesdames et Messieurs, j'aimerais relever ici un point important que beaucoup ont souligné - et le conseiller d'Etat Hodgers en premier lieu - celui de créer des logements: en effet, plus on aura de logements, qu'ils soient en propriété ou en location, plus il y aura de Genevois qui peuvent se loger de manière décente. Je crois que c'est le point fondamental qui nous unit tous ici, quel que soit le parti que nous représentions. Mais, Mesdames et Messieurs, ce que d'aucuns ont oublié de dire, c'est que quelle que soit la loi que nous votions ce soir - celle qui vient d'abord du Conseil d'Etat, celle qui sort des deuxièmes travaux de commission ou celle qui va être adoptée tout à l'heure avec d'éventuels amendements - dans tous les cas de figure cette loi ne créera absolument aucun nouveau logement supplémentaire. Cette loi-là ne permettra aucune construction de logements supplémentaires, qu'ils soient en propriété ou en location ! Mesdames et Messieurs, nous nous déchirons sur ce texte depuis plusieurs semaines, plusieurs mois même, alors qu'il ne va créer aucun logement supplémentaire ! Nous ferions mieux de prévoir des initiatives ou des projets de lois qui permettent justement de créer des logements supplémentaires. J'entends les menaces proférées par notre collègue Velasco qui nous dit ce soir: «Si jamais vous ne votez pas ces amendements de la gauche, nous déposerons une initiative pour revenir au projet initial du conseiller d'Etat Longchamp. Vous êtes prévenus !» Mais cette initiative-là ne créera aucun logement supplémentaire, Monsieur Velasco !
Mesdames et Messieurs, pour en revenir concrètement à vos amendements, vos propositions et surtout la manière dont vous les amenez ne font qu'une seule chose, c'est fustiger les promoteurs qui, pour vous, sont des profiteurs. Mais les promoteurs sont pourtant ceux qui dans ce canton et ailleurs ont vocation à construire ! Et si vous continuez à taper volontairement ou involontairement sur ceux qui ont vocation à construire, eh bien il se construira encore moins. Si l'on vote vos amendements, Mesdames et Messieurs des bancs de gauche, les promoteurs auront encore moins envie de construire, il y aura encore moins de logements, qu'ils soient en location ou en propriété, et donc on pourra loger encore moins de Genevois. Cela va exactement à fin contraire de ce que vous souhaitez, de ce que nous souhaitons, de ce que souhaite le Conseil d'Etat. La haine que vous portez aux promoteurs n'apportera rien à ceux que vous prétendez vouloir défendre ! Mesdames et Messieurs, voter vos amendements, ce serait arriver à la pire des situations, celle de créer moins de logements. C'est un risque que le PLR et tous les partis raisonnables ici ne veulent pas prendre, c'est pourquoi, au nom de mon groupe et de tous les partis raisonnables - PDC, PLR, MCG et UDC - je vous propose d'accepter les amendements de ces groupes et de voter la loi ainsi amendée, qui permettra d'une part aux primo-accédants d'avoir une propriété et d'autre part de créer plus de logements dans ce canton. (Applaudissements.)
M. Christian Grobet (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais dire que le projet de modification de la loi en cause déposé le 14 mars 2013 par le Conseil d'Etat - et plus précisément par le conseiller d'Etat Longchamp - est bien modeste. Il aurait fallu appliquer un règlement traitant des abus des propriétaires, et cela depuis longtemps.
Il faut rappeler que la loi sur les zones de développement a été rédigée par les radicaux en 1957. Cette loi est très importante s'agissant de créer des zones de développement pour construire des immeubles locatifs proposant des loyers bon marché. Le but n'est pas de faire des appartements de luxe, alors que les logements deviennent de plus en plus luxueux ! Dans les années 70, le Conseil d'Etat a décidé de construire 20% de propriétés par étage - PPE - et 80% d'immeubles locatifs, avec un pourcentage qui correspond donc à 80% de locataires et seulement 20% de PPE. Puis, la troisième étape a été celle de l'ancien conseiller d'Etat Mark Muller, qui a réussi à créer une prétendue paix du logement. Mais comment peut-il y avoir une paix du logement entre les locataires et les propriétaires dans la situation actuelle ? Il n'y a aucune paix aujourd'hui. On voit donc maintenant comment les choses se passent. C'était du reste en décembre 2007. La plus grande partie des locataires sont dans une situation inacceptable, les gens paient des studios à des loyers très élevés, tout particulièrement par rapport à leur salaire. Certains n'ont pas d'argent et logent dans un studio avec quatre personnes pour 2000 à 2500 F par mois !
Les députés du Grand Conseil ont voulu qu'il y ait un changement et que les appartements en PPE passent de 20% à 80%, avec 20% de logements locatifs. Mais cette affaire est un scandale, parce qu'on devait bien entendu maintenir un taux de 80% de logements locatifs et de seulement 20% de PPE ! Mais c'est exactement en dehors de cette proposition que tous les députés ont agi au Grand Conseil. Nous, nous n'étions pas là, mais je peux vous garantir qu'on aurait pu dire ce qu'il en était. L'ASLOCA avait été la seule à être contre les partis du Grand Conseil. M. Muller a prétendu que, au niveau des zones affectées, il y aurait un autre résultat si l'on fixait un prix de 100 F le mètre carré dans les terrains publics construits à bas prix, puisqu'on est là dans les zones agricoles. Par conséquent, dans l'affaire qui s'est faite entre M. Muller et les autres, ils n'ont pas voulu mettre ce prix de 100 F le mètre carré et par la suite il a prétendu qu'il n'avait pas accepté ces 100 F et que ce serait plutôt un autre montant.
Aujourd'hui, qui sont les propriétaires et les spéculateurs ? Les prix augmentent de plus en plus, et finalement on se pose la question: qu'est-ce que la classe moyenne ? Quelle est-elle ? C'est vrai qu'il y avait une classe moyenne en 1970, mais aujourd'hui c'est plutôt une classe de palace !
Je voudrais maintenant simplement rappeler certains éléments. Un cas qui est réel et qui se fait beaucoup, c'est par exemple celui de la société Losinger - et je la cite, parce que vous dites que l'on ne donne pas de noms, mais ce n'est pas vrai ! La société Losinger a acquis tous les appartements de plusieurs immeubles pour sept ans avec un contrat qui se terminait à cette date, et à ce moment-là les propriétaires ont pris ces appartements pour trois ans pour pouvoir les vendre après dix ans. Evidemment, ils agissent ainsi parce qu'il est clair que, dix ans plus tard, le prix sera deux fois plus élevé qu'au départ ! Voilà un de ces cas. Dans d'autres cas, vous avez de nombreux bâtiments avec des groupes d'appartements locatifs, et il y a des gens de l'immobilier, des régies...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Christian Grobet. ...notamment M. Moser, qui achète des appartements et qui, après les dix ans, pour faire évidemment beaucoup plus de...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Christian Grobet. Il ne me reste plus de temps ?
Le président. Non !
M. Christian Grobet. Alors je conclus simplement en disant qu'il y a encore bien d'autres cas. Et j'aimerais relever - mais malheureusement le conseiller d'Etat qui était là s'est absenté - qu'il y a de la PPE... (Remarque.) Ah non, il est là !
Le président. Vous avez épuisé votre temps de parole !
M. Christian Grobet. ...au chemin de Tivoli: c'est un terrain qui appartient à l'Etat et sur lequel veut construire la Rente immobilière où se trouve M. Lavizzari. Mais au lieu de mettre la totalité des appartements en logements locatifs, eh bien ce que veulent faire ces spéculateurs, c'est 80% d'appartements en PPE et uniquement 20% d'appartements locatifs.
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Christian Grobet. Voilà où on en est aujourd'hui ! (Le micro de l'orateur est coupé. Ce dernier continue à s'exprimer hors micro.)
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, vous connaissez ma concision et mon esprit de synthèse légendaires: une fois encore, je ne vais pas trahir ma réputation et vous promets d'être extrêmement brève ! (Exclamations. Commentaires.) J'ai pris des leçons chez vous, Monsieur Weiss ! (Commentaires.)
Je crois qu'ici nous nous heurtons à un problème de définition: qu'est-ce que la classe moyenne ? Avec le projet de loi du Conseil d'Etat, on s'assure que chaque personne qui achète un appartement y vit, et donc même s'il s'agit d'appartements chers, c'est vrai, et que c'est peut-être plutôt la classe moyenne supérieure qui pourra les acquérir, eh bien cela permet quand même à une plus grande marge de la population d'en devenir propriétaire. Avec l'idée de la droite, au contraire, une famille peut décider d'acheter plusieurs appartements au nom des enfants et, pour peu qu'il y en ait trois, comme c'est souvent le cas de nos jours, cela fait quatre appartements, dont un pour les parents. Et j'ai entendu que Mme Meissner en voulait un pour les grands-parents, ce qui fait que l'on arrive facilement à cinq appartements par famille au bas mot.
Pour moi, la classe moyenne ce n'est pas une famille qui a les moyens d'acheter cinq appartements en propriété par étage. Alors peut-être que je me trompe, peut-être que nous n'avons pas la même définition de la classe moyenne, mais si c'est ça, la classe moyenne, eh bien je pense que c'est une extrêmement bonne nouvelle pour le canton et que nous nous portons tous très bien !
Il y a maintenant un deuxième point sur lequel j'aimerais revenir: oui, il s'agit de bricolage; oui, tous les amendements qui nous sont proposés ce soir sont bricolés. Preuve en est que nous avons reçu plusieurs versions de ces amendements, parce qu'il a fallu les retravailler en dix minutes, car vous n'étiez pas sûrs de ceci ou de cela. Nous sommes en train de faire un véritable bricolage ce soir... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...or ce qui est fait dans la précipitation n'est jamais synonyme de qualité. Et je pense malheureusement que nous découvrirons plus tard que nous avons commis aujourd'hui de nombreuses erreurs en acceptant ces amendements. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs, je vais suspendre la séance quelques minutes pour réunir le Bureau et les chefs de groupe à la salle Nicolas-Bogueret.
La séance est suspendue à 22h12.
La séance est reprise à 22h33.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, veuillez vous asseoir, s'il vous plaît ! Suite à notre discussion, il vous est proposé de travailler sur une base de sept minutes par groupe pour l'ensemble des amendements et d'une durée équivalente pour les déclarations des rapporteurs. Il y aura ensuite en troisième débat une déclaration par groupe. Je vous suggère dans cet esprit que l'on supprime la liste des intervenants et que les députés qui veulent s'exprimer se réinscrivent. Monsieur Lefort, vous avez la parole.
M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Comme je l'ai dit tout à l'heure avant la pause, à ce stade de la discussion la méthode n'est pas la bonne. Sur un sujet aussi complexe, on ne peut pas venir avec une forêt d'amendements qui n'ont pas été étudiés en commission et vouloir faire cette étude à cent personnes dans cette enceinte. La méthode n'est pas la bonne ! Il conviendrait plutôt de renvoyer cet objet en commission afin de l'examiner dans la sérénité, vu l'importance de ce sujet pour la communauté genevoise. Je vous propose donc le renvoi en commission et vous recommande de le voter maintenant.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi en commission. Peuvent s'exprimer les trois rapporteurs ainsi que le conseiller d'Etat, s'il le souhaite. Je passe la parole à M. Christian Dandrès, rapporteur de première minorité, sur le renvoi en commission.
M. Christian Dandrès (S), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Je trouve que la demande de M. Lefort et des Verts est parfaitement légitime. En effet, ces amendements sont d'une certaine complexité et il est absolument impensable de les discuter en quelques minutes. Ils font appel à des notions juridiques tout de même assez complexes et je pense qu'il faut pouvoir procéder à quelques éditions et mener un travail serein sur la question, raison pour laquelle... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Si je peux terminer ? ...les socialistes soutiendront le renvoi en commission.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Les autres rapporteurs veulent-ils prendre la parole ? Si ce n'est pas le cas, je vous soumets cette demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur les projets de lois 11141-1 et 11141-2 à la commission du logement est rejeté par 55 non contre 35 oui et 1 abstention.
Le président. Je passe la parole à Mme Christina Meissner.
Mme Christina Meissner (UDC). Excusez-moi, Monsieur le président: sommes-nous en train de parler de l'ensemble des amendements ? (Commentaires.)
Le président. Oui, Madame, vous pouvez vous exprimer sur les amendements ! (Brouhaha.)
Une voix. La résolution sur la prison !
Mme Christina Meissner. La résolution sur la prison ? Je crois que ce n'est pas le même débat ! Excusez-moi, Monsieur le président, je renonce à mon temps de parole... (Exclamations.) ...en espérant que les autres en feront de même, de sorte que l'on puisse passer au troisième débat après le vote de ces amendements. En effet, en fonction de ce qui sera voté, il sera peut-être nécessaire de faire des ajustements.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Alberto Velasco. (Remarque.) Vous renoncez ? Alors je passe le micro à M. Mathias Buschbeck.
M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Je voudrais m'exprimer pour l'instant sur les remarques qui ont été faites au sujet de l'article 5, alinéa 1, lettre b. MM. Hiltpold et Aellen nous ont appelés à admettre que les amendements qu'ils proposaient aujourd'hui contenaient des améliorations par rapport au texte sorti de commission. Moi je n'ai aucune peine à l'admettre, puisque le texte issu des travaux de commission était une coquille vide ! Vous avez alors essayé de boucher quelques-uns de ces trous avec les amendements que vous présentez, et donc dans ce sens-là ils sont effectivement meilleurs que la proposition qui est sortie de commission. (Brouhaha.) A ce propos, vous avez introduit l'interdiction du réméré et de la vente à titre fiduciaire, alors que notre amendement, c'est vrai, ne contenait pas encore ces dispositions. Je vous remercie du reste d'avoir admis que ces dispositions manquaient dans votre amendement et de les avoir ajoutées aujourd'hui. Nous en faisons de même dans notre amendement à l'article 5, alinéa 1, lettre b: nous avons donc déposé un nouvel amendement qui vous a été distribué et qui contient cet ajout, à savoir que les logements «ne doivent faire l'objet ni d'une acquisition à titre fiduciaire, ni d'un pacte d'emption ou de réméré». Je pense par conséquent que vous pouvez maintenant sans problème soutenir cet amendement, puisqu'il contient ces dispositions qui permettent d'éviter les abus.
Une dernière remarque à ce sujet: vous dites que l'amendement tel que nous le proposons est trop rigide, puisqu'il y a parfois des situations exceptionnelles qui font qu'on ne peut pas habiter son logement. Eh bien justement notre article prévoit des justes motifs ! On a parlé du cas d'un déplacement à l'étranger, on a parlé de séparation, de décès, or tous ces éléments figurent dans les justes motifs qui permettent de ne pas occuper son logement dans le projet de loi qui nous est proposé. En conséquence, dans la mesure où l'amendement nouveau présenté par l'Alternative prévoit toutes les situations, je vous invite à le soutenir. Je vous remercie de votre attention.
M. Alberto Velasco (S). Je trouve cette méthode scandaleuse, Mesdames et Messieurs ! Normalement la majorité devrait respecter la minorité, mais parce qu'il y a un quarteron de promoteurs... (Commentaires.) ...qui ne veulent que s'enrichir dans cette histoire, voilà que vous accélérez le processus et qu'à vingt minutes de la fin vous voulez voter huit amendements qui sont éminemment techniques et dont, je vous le garantis, la plupart des députés ici n'ont pas compris la portée. C'est vraiment totalement scandaleux ! C'est comme ça qu'on travaille dans un parlement démocratique, Mesdames et Messieurs ? C'est totalement scandaleux. Nous avons proposé de renvoyer cet objet en commission afin que, comme le disait Mme Meissner, vous fassiez le travail que vous n'avez pas été capables de faire et que vous reveniez ici avec un éventuel compromis concernant les huit amendements qui ont été déposés. Peut-être ! Pourquoi pas ?! Mais renvoyons ce texte en commission, Mesdames et Messieurs les députés ! En un quart d'heure vous voulez qu'on débatte ici de huit amendements ? Non mais franchement ! Vous vous foutez de la gueule de qui ? On en est où ? C'est un diktat ! Ce n'est plus un débat, c'est un diktat, Mesdames et Messieurs les députés ! (Brouhaha.) Mais vous aurez l'initiative, Mesdames et Messieurs ! Vous aurez cette initiative ! Oui, comme ça ! Sur la gueule, Monsieur ! Sur la gueule, vous l'aurez ! (Protestations.) Et je le dis ! Exactement ! (Le président agite la cloche.)
M. Cyril Aellen (PLR). Monsieur le président, vous transmettrez à M. le député Velasco que je regrette son intervention, parce que c'est un député pour lequel j'ai beaucoup de respect et qui d'habitude en a pour nous. Je regrette qu'aujourd'hui il ait fait une exception à la règle qu'il applique habituellement, et vous le lui transmettrez.
Je serai très rapide, puisqu'on s'exprime sur tous les amendements. Concernant la problématique de l'article 5, je reviendrai uniquement sur l'amendement complémentaire qui a été déposé par l'Alternative sous la plume de notre collègue député Buschbeck. J'ai bien vu que deux des griefs que j'avais formulés précédemment à ce sujet ont été corrigés, mais il en reste toutefois un qui est d'importance et qui n'a pas été corrigé, c'est celui de l'obligation de vendre. Mais je dois bien admettre que si je reste dans la philosophie développée par notre collègue Dandrès, c'est assez logique, parce qu'en réalité cela signifie qu'on ne vend pas mais qu'on loue, et donc ce n'est plus une PPE car cela devient de la location. On en arrive alors enfin au vrai débat: veut-on privilégier la PPE ou pas ? Veut-on la protéger ou pas ? La réponse de la droite c'est oui, la réponse de la gauche c'est non. C'est un vrai choix politique, mais c'est un choix politique que chacun doit assumer, et il faut arrêter de dire qu'on défend des intérêts particuliers d'un côté ou de l'autre.
S'agissant de l'amendement à l'article 8A - je vais énumérer tous les amendements puis je m'arrêterai pour l'entier du PLR - il est évident que, dans la mesure où l'obligation d'habiter n'existe plus, il n'a plus vraiment de sens. Pour ce qui est des sanctions, la droite a entendu ce qui a été dit par le Conseil d'Etat mais aussi par la gauche. Les sanctions ont été durcies, cela de façon très sensible, et je crois que c'est une bonne chose. L'article 12 fait quant à lui l'objet de deux modifications. La première est due au fait que le Conseil d'Etat a émis le souhait que l'on mentionne non seulement l'acte de vente mais en plus la réquisition d'inscription au registre foncier. C'est une remarque que nous avons prise en considération et c'est la raison pour laquelle l'article 12 a été modifié. Deuxièmement, les alinéas 5 et 6 de cet article n'avaient pas été supprimés en commission, précisément parce que nous avions travaillé vite, probablement trop vite, mais j'en profite pour dire que le fait de travailler lentement, trop lentement, et de consacrer onze séances à l'étude de cet objet n'a pas permis d'éviter l'écueil du droit d'emption ou de réméré, et ceux qui avaient été qualifiés de bricoleurs d'avant-séance du Grand Conseil se sont retrouvés bricoleurs de séance pendant le Grand Conseil ! (Applaudissements.)
M. Vincent Maitre (PDC). Monsieur le président, je serai très bref et ne parlerai que de l'amendement déposé par M. Buschbeck à l'article 5. C'est effectivement une belle tentative de corriger ce qui était lacunaire dans son précédent amendement mais, comme Cyril Aellen l'a dit, il manque malheureusement l'obligation de vendre le bien, ce qui pour le PDC est inacceptable.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, on sait que l'issue de ce vote n'échappera pas à sa logique historique: la logique de l'argent va triompher, on ne se fait pas d'illusions ! En même temps je crois qu'il faut quand même rappeler que lorsque les amendements n'ont pas été discutés en commission, ils ne font pas partie des rapports, ni de majorité ni de minorité; donc quand il va falloir interpréter l'intention du législateur, eh bien on se retrouvera peut-être avec des lacunes au moment d'expliciter le sens de telle ou telle disposition légale. En l'occurrence, un travail sérieux sur un tel sujet aurait certainement impliqué un renvoi en commission pour que les amendements soient argumentés, éventuellement expliqués au niveau juridique et clarifiés si nécessaire, de sorte que la population dispose en connaissance de cause de bases légales claires et si possible sans ambiguïté pour qui que ce soit. Or ce ne sera pas le cas ce soir, puisqu'il y a maintenant du forcing: on dépose des amendements en cours de route, on les modifie après coup, avec pour conséquence que l'on aura réalisé un travail relativement bâclé, qui ne fera pas honneur au travail de ce parlement, je tiens à le signaler, et je le déplore au nom des socialistes.
S'agissant des amendements en général, j'aimerais dire que tout à l'heure M. Aumeunier a cru bon de rappeler qu'il y avait eu sept dossiers problématiques et que c'était pour cela que le Conseil d'Etat était monté sur ses grands chevaux, en disant que cela ne pouvait plus durer. Je crois qu'il ne faut pas se faire d'illusions: en réalité, il y a bien plus de dossiers problématiques ! Il y en a sept qui ont été détectés, mais la situation est semblable à celle des excès de vitesse, où l'on sait bien qu'à peine 10% des excès de vitesse sont sanctionnés ! C'est bien ça le problème aujourd'hui. Et dans le domaine de l'immobilier et du logement, quand il y a tellement de gens à Genève qui cherchent à se loger à des conditions décentes, je crois qu'on ne peut pas accepter une situation pareille. Les problèmes sont par conséquent bien plus nombreux que les prétendus sept cas détectés selon M. Aumeunier. Celui-ci travaille d'ailleurs dans l'immobilier, et ça n'étonnera donc personne qu'il tienne ce genre de propos.
Pour le reste, il a dit que l'ASLOCA était contre la proposition PLR selon laquelle il faut qu'il s'agisse d'un primo-acquérant. Soyons sérieux ! Si le propriétaire n'habite pas son logement, ça veut dire qu'il va y placer un locataire, et donc d'une certaine façon la solution PLR rendrait même service à l'ASLOCA ! Nous, les socialistes, nous voulons que la personne habite dans son logement. Qu'elle soit propriétaire ou locataire, pour nous ce n'est pas ça le problème ! Ce qui nous importe, c'est que la personne qui a la chance de trouver un logement en zone de développement - un privilège rare quand on sacrifie de la zone agricole - puisse et doive y habiter ! C'est une condition sine qua non pour permettre à des Genevoises et des Genevois d'habiter leur propre logement. Je pense donc que ce n'est pas excessif de le demander, et cela ne favorise en aucun cas l'ASLOCA, je crois qu'il faut le reconnaître. C'est vraiment pour l'intérêt général que nous voulons cette disposition. C'est bien pour cette raison, Mesdames et Messieurs les députés, que nous sommes attachés au retour au projet de loi initial, et nous pensons que les amendements tels que débattus ce soir méritent réellement que l'on retourne en commission. Cependant, on ira au bout de ces amendements ! On va essayer de raccourcir le débat, mais je ne suis pas sûr que cela va aider qui que ce soit à clarifier les intentions du législateur. Quoi qu'il en soit, on en prendra acte et s'il y a des recours ou des problèmes par la suite, tout le monde devra prendre ses responsabilités. Nous sommes pour des projets de lois qui sont débattus sérieusement, qui sont argumentés en commission et qui font l'objet de rapports circonstanciés sur les propositions formulées, et non pas d'amendements à la petite semaine comme on l'a vu hier soir et aujourd'hui.
Le président. Merci, Monsieur le député. Les deux rapporteurs doivent encore s'exprimer, puis en principe nous pourrons voter. Monsieur le rapporteur de deuxième minorité, vous avez la parole.
M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. J'aimerais juste répondre à la remarque selon laquelle dans notre amendement il n'y aurait pas l'obligation de vendre. C'est effectivement le cas, mais ce problème est réglé dans l'article 9, alinéa 3, que vous proposez, puisqu'il est écrit que «les propriétaires des appartements destinés à la vente, qui, sans justes motifs, ne les aliènent pas à une personne physique dans les trois ans qui suivent la délivrance de l'accord provisoire de vente [...] sont considérés comme contrevenant à l'article 5, alinéa 1, lettre b». Ainsi, l'obligation de vendre est comprise dans cet article et il n'est donc pas nécessaire de la répéter dans l'article 5, raison pour laquelle, je l'espère, celui-ci n'a plus de défaut selon votre appréciation, Monsieur Maitre, et vous le voterez ainsi amendé.
M. Christian Dandrès (S), rapporteur de première minorité. Etant donné que les amendements sont interdépendants, Monsieur le président, je souhaiterais pouvoir prendre la parole avant le vote de chacun d'entre eux, parce que je ne vais pas commenter des amendements qui, peut-être, n'auraient aucun sens. Est-ce que c'est possible ?
Le président. Oui, oui !
M. Christian Dandrès. Très bien. Alors dans la mesure où M. Buschbeck s'est abondamment exprimé au nom de l'Alternative sur la modification proposée à l'article 5, je ne parlerai pas davantage sur cette disposition.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je vais maintenant mettre aux voix...
Une voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, c'est le cas. Je vais donc vous faire voter dans l'ordre l'amendement de MM. Buschbeck, Dandrès et Pagani... (Remarque.) Il est retiré ?
M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Oui, Monsieur le président, nous l'avons effectivement retiré au profit d'un autre amendement que nous avons déposé en cours de séance aujourd'hui et qui comporte un ajout, à savoir que les logements «ne doivent faire l'objet ni d'une acquisition à titre fiduciaire, ni d'un pacte d'emption ou de réméré». Cet amendement remplace donc le premier amendement que nous avions déposé.
Le président. Merci, Monsieur le député, pour cette précision. Nous allons donc voter l'amendement de M. Buschbeck, puis celui de MM. Stauffer, Buchs et Hiltpold. Voici la teneur du nouvel amendement de M. Buschbeck:
«Art. 5, al. 1, lettre b (nouvelle teneur)
1 En exécution de l'article 2, alinéa 1, lettre b, la délivrance de l'autorisation de construire est subordonnée à la condition que:
Logements destinés à la vente
b) les bâtiments d'habitation destinés à la vente, quel que soit le mode d'aliénation (notamment cession de droits de copropriété d'étages ou de partie d'étages, d'actions ou de parts sociales) répondent, par le nombre, le type et le prix des logements prévus, à un besoin prépondérant d'intérêt général; les logements destinés à la vente doivent être occupés par leur propriétaire, sauf justes motifs agréés par le département. Ils ne doivent faire l'objet ni d'une acquisition à titre fiduciaire, ni d'un pacte d'emption ou de réméré. Sont notamment considérés comme des justes motifs:
1° des circonstances imprévisibles au moment de l'acquisition du logement, soit, notamment, le divorce des acquéreurs, le décès, la mutation temporaire dans un autre lieu de travail ou un état de santé ne permettant plus le maintien dans le logement;
2° le fait que le propriétaire du bien-fonds ait reçu le ou les appartements concernés en paiement du prix du terrain pour permettre la construction de logements prévus sur son bien-fonds ou une circonstance d'échange analogue;
3° une situation sur le marché du logement ne permettant pas de trouver un acquéreur au prix contrôlé et admis par l'Etat.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 54 non contre 37 oui (vote nominal).
Le président. Nous passons au vote de l'amendement de MM. Stauffer, Buchs et Hiltpold, dont je vous rappelle la teneur:
«Art. 5, al. 1, lettre b (nouvelle teneur)
1 En exécution de l'article 2, alinéa 1, lettre b, la délivrance de l'autorisation de construire est subordonnée à la condition que:
b) les bâtiments d'habitation destinés à la vente, quel que soit le mode d'aliénation (notamment cession de droits de copropriété d'étages ou de partie d'étages, d'actions ou de parts sociales), répondent, par le nombre, le type et le prix des logements prévus à un besoin d'intérêt général; sauf justes motifs agréés par le département, les logements destinés à la vente doivent, pendant la période de contrôle fixée à l'alinéa 3, être aliénés à une personne physique qui n'est pas déjà propriétaire d'un logement dans le canton. Sauf justes motifs agréés par le département, les logements destinés à la vente ne doivent faire l'objet ni d'une acquisition à titre fiduciaire, ni d'un pacte d'emption ou de réméré, pendant la période de contrôle fixée à l'alinéa 3. Sont notamment considérés comme justes motifs:
1° le fait que le propriétaire du bien-fonds ait reçu le ou les appartements concernés en paiement du prix du terrain pour permettre la construction de logements prévus sur son bien-fonds ou dans une circonstance analogue;
2° le fait que l'acquéreur ait conclu une promesse de vente du logement dont il est déjà propriétaire dans le canton;
3° une situation sur le marché du logement ne permettant pas de trouver un acquéreur au prix contrôlé et admis par l'Etat;
4° le fait que le logement soit acquis dans le cadre d'une succession.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 75 oui contre 13 non et 4 abstentions.
Mis aux voix, l'article 5, alinéa 1, lettre b (nouvelle teneur), ainsi amendé est adopté.
Le président. Nous sommes maintenant saisis d'un amendement de MM. Buschbeck, Dandrès et Pagani qui vise à ajouter un article 8A, dont voici la teneur:
«Art. 8A Aliénation des logements destinés à la vente (nouveau)
Si un logement destiné à la vente selon l'article 5, alinéa 1, lettre b, est loué sans justes motifs au sens de l'article 5, alinéa 1, lettre b, pendant la période de contrôle instituée par l'article 5, alinéa 3, son aliénation ne peut en principe pas être autorisée en application de l'article 39, alinéa 4, lettre a, de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation, du 25 janvier 1996.»
Je passe la parole à M. Christian Dandrès.
M. Christian Dandrès (S), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Dans la mesure où le Grand Conseil a décidé de privilégier la position qui était celle de la droite, la proposition d'amendement concernant l'article 8A tombe. La soumettre au Grand Conseil n'aurait évidemment pas de sens, et donc je la retire.
Le président. Merci, Monsieur le député. Vous retirez donc cet amendement ?
M. Christian Dandrès. Oui !
Le président. Très bien. Nous passons donc à l'article 9, pour lequel nous sommes saisis d'un amendement de MM. Buchs, Hiltpold et Stauffer. En voici la teneur:
«Art. 9 Mesures et sanctions al. 2 à 4 (nouveaux, avec modification de la note)
2 Tout contrevenant à l'article 5, alinéa 1, lettre b, est passible d'une amende administrative fixée entre 20% et 50% du prix de revient de l'appartement.
3 Les propriétaires des appartements destinés à la vente, qui, sans justes motifs, ne les aliènent pas à une personne physique dans les trois ans qui suivent la délivrance de l'accord provisoire de vente délivré par l'office du logement à la fin des travaux, sont considérés comme contrevenant à l'article 5, alinéa 1, lettre b. Les justes motifs mentionnés dans l'article 5, alinéa 1, lettre b, étant réservés.
4 Au surplus, les mesures et sanctions prévues aux titres V et VI de la loi sur les constructions et installations diverses, du 14 avril 1988, sont applicables par analogie.»
La parole est à M. Christian Dandrès.
M. Christian Dandrès (S), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Il y a deux demandes d'amendement qui ont été déposées: l'une est corrigée à la main, l'autre pas. Est-ce que l'on se prononce bien sur l'amendement qui est corrigé à la main ? (Commentaires.)
Le président. Moi je n'ai qu'un amendement à l'article 9, Monsieur Dandrès.
M. Christian Dandrès. Il faudrait pouvoir vérifier, parce que l'amendement initial posait une énorme difficulté dans la mesure où il supprimait les sanctions pour les autres infractions à la LGZD. Cet amendement-là n'était donc pas acceptable. En revanche, le second, même s'il contient certains éléments qui nous échappent... Par exemple l'impact: est-ce que 20% ou 50% sont suffisants ? Dans la mesure où la modification de la LDTR va de facto être refusée, il aurait été utile qu'on puisse avoir quelques informations complémentaires. Vu le temps que le Bureau a décidé d'octroyer aux groupes sur cette thématique, j'imagine que nous ne pourrons pas aller plus loin, mais il s'agit effectivement d'une amélioration par rapport au projet tel qu'il est sorti des travaux de commission. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste l'acceptera.
M. Cyril Aellen (PLR). Très brièvement, j'aimerais confirmer ce qui vient d'être dit par M. le député Dandrès. Effectivement, il s'agit de l'amendement qui contient une annotation manuscrite et qui modifie l'article 9, alinéas 2 à 4, de sorte qu'il maintient les sanctions qui existent déjà à l'alinéa 1 dans l'actuelle loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. Est-ce que tout le monde a reçu cet amendement ? (Commentaires.) Très bien. Je vais donc vous le soumettre. Est-ce qu'il remplace bien le premier ? Monsieur Aellen ? (Brouhaha. Un instant s'écoule.)
M. Cyril Aellen. C'est celui qui a été distribué, Monsieur le président !
Le président. Très bien, j'ai compris. Je vais donc mettre aux voix cet amendement tel que je l'ai énoncé tout à l'heure.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 84 oui contre 2 non et 8 abstentions.
Mis aux voix, l'article 9 (nouvelle teneur de la note), alinéas 2 à 4 (nouveaux), ainsi amendé est adopté.
Le président. Nous passons à l'article 12, pour lequel nous sommes saisis de deux amendements. Le premier, qui émane de MM. Pagani, Buschbeck et Dandrès, a la teneur suivante:
«Art. 12 Dispositions transitoires (nouvelle teneur de la note), al. 4 (nouveau), et al. 5 et 6 (biffés)
Modifications du (date d'adoption de la modification, à compléter ultérieurement)
4 Les articles 5, alinéa 1, lettre b, deuxième phrase, 8A et 9 ne sont applicables qu'aux appartements pour lesquels un acte de vente n'a pas été inscrit au registre foncier à la date d'entrée en vigueur de la loi.»
Le deuxième amendement a été déposé par M. Ivanov et s'énonce comme suit:
«Art. 12 Dispositions transitoires (nouvelle teneur de la note), al. 4 (nouveau), et al. 5 et 6 (biffés)
Modifications du (date d'adoption de la modification, à compléter ultérieurement)
4 L'article 5, alinéa 1, lettre b, n'est applicable qu'aux appartements pour lesquels un acte de vente n'a pas été signé et, cumulativement, n'a pas fait l'objet d'une réquisition d'inscription au registre foncier à la date d'entrée en vigueur de la loi.»
La parole est à M. Buschbeck.
M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Il faut juste que je retrouve l'amendement de M. Ivanov... (Rires.) Voilà ! Je sais qu'on a tous envie de rentrer, mais je pense qu'on arrive finalement à savoir si vos intentions sont vraiment celles que vous prétendez. Tout le monde, tous les groupes se sont aujourd'hui révoltés par rapport à la situation de La Tulette. Tout le monde a dit que cela ne devait plus se reproduire. Pour notre part, nous pensons que cela ne doit pas se produire ! Actuellement, personne n'habite à La Tulette, et nous voudrions donc que cette loi s'applique déjà à ce projet immobilier. Alors je mets en garde ceux qui seraient tentés de vouloir exclure La Tulette de ce projet de loi, car ce sera le début d'un scandale qui va durer plusieurs années. En effet, lorsque les gens emménageront, nous verrons au registre foncier qui est effectivement concerné par ces appartements, quels milieux protègent quels milieux et quelles personnes, quelles familles, quels réseaux sont concernés par La Tulette. Dans ce sens-là, cet article est peut-être le plus important de la soirée.
Dans la proposition qui nous est présentée par l'UDC - et j'espère qu'elle a été faite par maladresse et non par malice - il est prévu que l'article 5, alinéa 1, lettre b, ne soit applicable qu'aux appartements pour lesquels un acte de vente n'a pas été signé et, cumulativement, n'a pas fait l'objet d'une réquisition d'inscription au registre foncier. Pour notre part, nous voulons que la disposition ne s'applique que dans le cas où l'acte de vente n'a pas été inscrit au registre foncier, nous ne parlons pas de la réquisition d'inscription ! Parce que très concrètement, si nous votons l'amendement de M. Ivanov tel qu'il est rédigé, lundi matin toutes les personnes actuellement au bénéfice d'une promesse de vente à La Tulette se retrouveront chez le notaire pour faire une réquisition d'inscription au registre foncier et, à partir de là, La Tulette aura effectivement échappé à cette loi. En revanche, l'amendement que nous avons déposé évoque l'inscription effective au registre foncier et, dans ce sens-là, La Tulette ne pourra pas échapper à cette loi. Alors j'invite tous ceux qui se sont révoltés contre La Tulette ce soir à voter notre amendement, et cela bien sûr au vote nominal ! Et effectivement nous verrons, si cet amendement ne passe pas, quels intérêts ont été défendus au moment où nous connaîtrons - parce que leurs noms n'ont jamais été prononcés ce soir - les promesses de vente à La Tulette. Et si cet amendement vient à être rejeté, nous les Verts nous refuserons cette loi, car nous ne cautionnerons pas l'exclusion de La Tulette de ce projet de loi. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. J'ai bien compris votre demande de vote nominal. Il en sera fait ainsi tout à l'heure. La parole est à M. Christo Ivanov.
M. Christo Ivanov (UDC). Monsieur le président, j'aimerais quand même dire qu'en commission l'UDC, le PDC et la gauche ont fait passer un amendement qui se basait uniquement sur l'acte de vente, et on a écarté la promesse de vente qui était un amendement des Verts. Alors je m'étonne de ce petit numéro, parce qu'on avait déjà fait le nécessaire en commission.
En ce qui concerne l'alinéa 4, j'aimerais vous rappeler que, lorsque l'acte de vente authentique est signé chez le notaire, celui-ci doit le déposer dans les quarante-huit heures auprès du registre foncier, ce qui est d'ailleurs conforme à la loi actuelle. Avec cet amendement, c'est donc cette date qui fera foi, et par conséquent je vous demande de bien vouloir voter l'amendement de la droite élargie.
M. Cyril Aellen (PLR). En ce qui me concerne, j'ai toujours fait de la politique pour défendre des projets de lois, pour défendre des principes, pour défendre des valeurs, pour défendre des convictions. (Brouhaha.) Laissez-moi finir ! L'article 12 tel qu'il est proposé prévoit que cela s'applique immédiatement... Enfin, il ne prévoit pas que cela s'applique immédiatement, mais il mentionne les actes de vente et les réquisitions d'inscription au registre foncier, il faut donc que ces deux choses soient faites. Je ne sais pas personnellement ce qui se passe à La Tulette, mais il a été dit à plusieurs reprises aujourd'hui... (Brouhaha.) S'il vous plaît ! ...que les actes de vente n'étaient pas passés. J'en prends acte, car je l'ignore à titre personnel, si ce n'est par les propos de certains députés. J'ai aussi pris connaissance de l'amendement du Conseil d'Etat, qui demande l'application immédiate de la loi, c'est-à-dire au jour de son adoption. Pour ma part, je fais preuve de cohérence; il n'y a pas d'effet rétroactif, il y a une loi qui est votée, alors si vous souhaitez qu'elle soit votée et appliquée immédiatement, afin que cela concerne La Tulette, moi cela me convient très bien. A partir du moment où il n'y a pas d'effet rétroactif, c'est applicable aujourd'hui, donc je pense que l'amendement proposé par la droite et visant à ce que cela s'applique à la fois aux appartements pour lesquels un acte de vente n'a pas été signé et n'a pas fait l'objet d'une réquisition d'inscription au registre foncier, avec une entrée en vigueur immédiate, ce qui peut faire baisser toutes les craintes... Personnellement je n'ai aucun souci, puisque c'est conforme à mes valeurs, à mes convictions et à mon engagement politique. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Roger Deneys. Il vous reste deux minutes, je crois. Non, une minute !
M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je crois que l'amendement du Conseil d'Etat qui demande l'entrée en vigueur immédiate est tout à fait raisonnable. J'aimerais quand même répondre à ceux qui disent qu'on ne sait pas qui est concerné. Dans le fameux article d'un journal qui n'est pas spécialement gauchiste et qui s'appelle «Tout l'immobilier», je vois que M. Unger indique que son épouse... (Commentaires.) ...que sa future épouse avait signé une promesse d'achat au tout début de la commercialisation de La Tulette. Au tout début ! Je dis donc simplement qu'il y a bien des cas qui concernent des gens proches de ce parlement, proches de ce gouvernement, et que par conséquent les conflits d'intérêts existent bel et bien d'une certaine manière. Alors il est évident que si l'entrée en vigueur est la plus rapide possible, c'est mieux, même si en réalité, avec les amendements que vous avez réussi à faire passer ce soir et ceux que vous avez pu faire voter en commission, eh bien vous avez vidé ce projet de loi de sa substance... (Commentaires.) Eh oui ! Vous avez permis aux personnes qui se livraient à ce genre de pratiques de poursuivre dans cette voie, et c'est déplorable.
M. Bertrand Buchs (PDC). Ce genre de propos sont intolérables, parce que M. Unger s'est récusé devant le Conseil d'Etat quand ils ont parlé de La Tulette, et qu'il a toujours dit très clairement que ce n'était pas encore sa femme qui avait acheté un appartement à La Tulette, ou plus précisément qui avait fait une promesse de vente. Qu'est-ce qu'il a fait de faux ? Est-ce que c'est contraire à la loi ? Il n'a pas le droit, sa future femme n'a pas le droit d'acheter un appartement, Monsieur Deneys ? (Brouhaha.) Parce que c'est la future femme de M. Unger ? (Commentaires.) C'est n'importe quoi ! C'est minable ! Et ce qui me fait rire maintenant, c'est que nos amendements qui sont arrivés bricolés sur le coin d'une table de la cuisine, nos amendements qui ne tenaient pas la route ont été votés respectivement par 84 voix et 75 voix. Ça me fait rire !
M. Cyril Aellen (PLR). J'aimerais juste relever une contradiction: on veut l'effet immédiat de cette loi, sans renvoi en commission pour gagner du temps et, le cas échéant, permettre à certains de se conformer à cela. On verra qui vote quoi ! (Exclamations.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Velasco, je ne peux pas vous donner la parole, car votre temps est épuisé, selon ce qui a été convenu. (Exclamations.) Je vais donc mettre aux voix l'amendement de MM. Pagani, Buschbeck et Dandrès à l'article 12, que je vous ai lu tout à l'heure.
Une voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, nous passons donc au vote nominal.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 37 oui et 1 abstention (vote nominal).
Le président. Nous allons maintenant nous prononcer sur l'amendement de MM. Ivanov, Stauffer et Aellen à l'article 12. (Remarque.) Monsieur Medeiros, vous renoncez ? (Commentaires.) Très bien, nous passons au vote.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 62 oui contre 32 non.
Mis aux voix, l'article 12 (nouvelle teneur de la note), alinéa 4 (nouveau), ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté.
Le président. Nous sommes à présent saisis d'un amendement du Conseil d'Etat à l'article 2 souligné, qui s'énonce comme suit: «La loi entre en vigueur le jour de son adoption.» Il y a juste une question en rapport avec le règlement que nous devons résoudre au sein du Bureau, je vous propose donc une suspension de séance de deux minutes, afin qu'on puisse traiter ce point. (Protestations.)
La séance est suspendue à 23h05.
La séance est reprise à 23h07.
Le président. Voilà, nous pouvons reprendre nos travaux. Je passe la parole à M. le président du Conseil d'Etat au sujet de cet amendement à l'article 2 souligné.
M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, à l'issue de cette discussion vous allez probablement en troisième débat voter une loi qui n'est pas celle que le Conseil d'Etat aurait souhaitée, mais qui, comme mon collègue Antonio Hodgers l'a dit tout à l'heure, est une loi meilleure que celle qui est ressortie du deuxième passage en commission. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat, sans être extraordinairement satisfait de ce résultat, peut s'en contenter. Il aimerait indiquer que vous avez toutes et tous souligné les difficultés que présentait la situation actuelle, les situations intolérables dans certains cas qui ont été mis à jour ou qui seront mis à jour, et vous avez exprimé une volonté, qui est une volonté forte, celle de mettre fin à certaines dérives. C'est une volonté qui s'est exprimée aujourd'hui, mais qui doit aussi s'appliquer aujourd'hui, raison pour laquelle nous vous proposons un amendement qui fixe l'entrée en vigueur de cette loi au jour de son adoption, c'est-à-dire aujourd'hui, de manière que la situation soit claire pour tout le monde et qu'aucune personne, qu'aucune situation ne vienne à être perturbée ou transformée dans les jours qui viennent pour échapper à cette volonté forte que vous avez voulu manifester ce soir, à savoir celle d'arrêter certaines dérives.
Je vous invite donc à voter cette disposition qui, d'un point de vue juridique, répond à toutes les conditions que la jurisprudence fixe pour faire entrer une loi en vigueur le jour de son adoption, c'est-à-dire, pour autant que vous la votiez avant minuit, ce jour, le 14 mars 2014.
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Nous allons donc nous prononcer sur cet amendement du Conseil d'Etat à l'article 2 souligné.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 95 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, l'article 2 (souligné) ainsi amendé est adopté.
Troisième débat
M. Michel Ducommun (EAG). Ce que j'avais envie de relever, c'est la surprise que j'ai eue par rapport à l'acharnement des discussions, qui nous ont du reste menés de 17h à plus de 23h. Il y a eu un acharnement dans une situation où l'on disait pourtant: «Non, nous sommes tous d'accord ! Non, nous avons les mêmes buts ! Que ce soit le projet de loi du Conseil d'Etat ou le nôtre, nous voulons aller au même endroit !» Convaincre la population et les gens - qui ne sont pas des imbéciles - que cinq heures de discussions, entre personnes qui sont d'accord sur l'essentiel, sont nécessaires, je crois que ce n'est pas très crédible. Je pense réellement que l'opposition à la proposition du Conseil d'Etat veut préserver certaines choses que ce projet ne préservait pas. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) J'ai envie de dire que ce qui risque d'être voté majoritairement dans ce troisième débat... (Brouhaha.) ...va effectivement s'éloigner d'un certain nombre de choses et, comme on l'a entendu aujourd'hui, cela laissera ouvertes des possibilités de détourner la loi qui seront beaucoup plus faciles, ce qui transforme un problème de logement en un problème de possibilités d'investissements financiers. Je pense que la population ne se laissera pas avoir, puisque, au niveau des zones de développement, la volonté de faire en sorte qu'il y ait des logements moins chers que ceux du marché, c'est l'idée d'aider le logement des classes moyennes. Je crois que, dans la population, cette idée est fortement ancrée, et si l'on aide les gens à habiter un logement qu'ils peuvent acheter, c'est effectivement pour qu'ils l'habitent. Par conséquent, pour ce qui est de ne pas mettre cette condition comme prioritaire mais de tournoyer autour d'amendements qui permettent d'autres solutions, je pense que la population ne se laissera pas avoir.
Je suis forcément un peu déçu de ce type de résultat. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) La seule consolation que j'estime pouvoir avoir, c'est que la crédibilité des forces de droite qui se disent ni de gauche ni de droite, mais présentes pour défendre la population, va prendre beaucoup de coups avec un vote pareil, et j'en suis très heureux. (Applaudissements.)
M. Alberto Velasco (S). Je pensais jusqu'à la dernière minute qu'il y aurait quand même un revirement, pour une question de dignité, mais enfin, voilà, nous en sommes là. Ce qui est extraordinaire, c'est que nous avons tous voulu savoir quelles étaient ces familles qui avaient signé ! (Commentaires.) Et ce soir on ne le saura jamais parce que, vous voyez, avec l'article 12 que vous nous avez proposé, Mesdames et Messieurs, on légalise ces situations. Vous voyez, on a fait un blanchiment, et on appellera ce texte «loi de blanchiment des magouilles immobilières de la république» ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) C'est comme ça qu'on va appeler cette loi ! (Commentaires.) Oui, effectivement, la loi de blanchiment des magouilles immobilières de la république ! Cinq heures de débat pour blanchir une saloperie qui a été faite justement avec des acquisitions... (Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît ! Un peu de silence !
M. Alberto Velasco. On ne peut pas travailler comme ça ! (Le président agite la cloche.) Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, l'initiative qui vous a été annoncée, eh bien aujourd'hui elle se justifie de plus en plus, et nous la lancerons. (Applaudissements.)
Mme Béatrice Hirsch (PDC). Les appartements en zone de développement sont destinés à la classe moyenne, là-dessus nous sommes tous d'accord. Comme vous tous, le parti démocrate-chrétien ne veut plus d'abus ni de violation de l'esprit de cette loi qu'est la loi sur les zones de développement. Pour faciliter l'accès à la propriété pour la classe moyenne, la construction d'appartements en PPE - n'en déplaise à l'extrême gauche - est indispensable. La loi que nous allons voter ce soir - et ça, personne ne peut le nier - améliore grandement la loi actuelle en recadrant drastiquement, je dis bien drastiquement, la vente de ces appartements en zone de développement, zone dont les prix sont contrôlés par l'Etat.
Comme la plupart des personnes qui se sont exprimées ce soir, j'aimerais saluer le courage du président du Conseil d'Etat, M. François Longchamp, qui a osé dénoncer une situation que nous avons tous qualifiée ce soir de scandaleuse. (Brouhaha.)
Le président. Chut !
Mme Béatrice Hirsch. Cette loi que nous allons adopter est facile à comprendre et facile à appliquer. Il s'agit d'avoir un appartement par personne, et pas plus d'un appartement. La spéculation sur un seul appartement, c'est quand même extrêmement compliqué, donc si les gens achètent un appartement et ne sont propriétaires que d'un seul appartement, l'objectif que nous poursuivons tous ici, à savoir l'occupation de ces logements par les propriétaires, sera atteint. Dans le projet de loi initial, il n'y avait pas l'interdiction du droit d'emption et de réméré; nous l'avons ajoutée, et c'est clairement un plus.
En conclusion, non, nous ne soutenons pas les spéculateurs; non, nous ne magouillons pas; non, nous ne sommes pas pour les privilèges: nous rendons juste ces appartements à la classe moyenne, car c'est à elle qu'ils doivent bénéficier en premier lieu. Le parti démocrate-chrétien est très fier d'avoir pu participer à l'amélioration de cette loi sur les zones de développement, nous accepterons ce texte avec enthousiasme, et nous vous encourageons à faire de même. (Applaudissements.)
M. Cyril Aellen (PLR). Monsieur le président... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !
M. Cyril Aellen. Avec la loi telle qu'elle est voulue aujourd'hui par le parlement...
Une voix. Par la majorité !
M. Cyril Aellen. ...nous devrons être comptables de deux choses, à savoir que les PPE continueront d'être construites, dans une quantité comparable, mais aussi que les abus dénoncés ne se reproduisent pas. Nous devrons y veiller, parce qu'il en va de notre crédibilité. (Applaudissements.)
Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, le parcours et le sort de cette loi sont une malheureuse illustration de la façon dont parfois en politique les intérêts particuliers et les lobbies prennent le dessus sur l'intérêt collectif. En passant d'une législature à l'autre, nous avons assisté à des retournements de veste mémorables, le plus spectaculaire étant celui du MCG, qui, quelques semaines après avoir gagné des sièges dans ce parlement en promettant aux citoyens genevois, et en particulier aux classes moyennes et défavorisées, de défendre leurs droits et leurs intérêts, changeait d'avis - désavouant même son rapporteur de majorité, M. Pistis, qui visiblement n'a malheureusement pas pu être parmi nous ce soir... (Commentaires.) - et décidait de combattre le projet de loi qui avait été déposé par le gouvernement.
La loi qui va être votée dans quelques minutes, semble-t-il, permet encore d'acheter plusieurs appartements par famille. Certains abus pourront être évités, mais d'autres pourront encore avoir lieu. Les Verts défendent l'accès à la propriété pour le plus grand nombre et continueront à le faire, peut-être par le biais d'une initiative, si celle-ci devait être lancée par l'ensemble de la gauche. D'ici là, nous accepterons ce soir ce projet de loi, non pas parce que nous en sommes satisfaits, mais bien parce qu'il est un peu meilleur que la situation actuelle et qu'il permettra notamment de régler la situation absolument scandaleuse du projet de La Tulette. Pour cette raison, nous l'accepterons donc, mais nous ne cesserons pas de nous battre pour offrir l'accès à la propriété au plus grand nombre, et non à quelques privilégiés. (Applaudissements.)
M. Romain de Sainte Marie (S). Nous avions les moyens ce soir, et depuis un an que le projet de loi a été initié par M. Longchamp, de lutter pleinement contre la spéculation, mais la majorité de droite du Grand Conseil a décidé l'inverse, et c'est bien dommage. C'est pourquoi, si la majorité de droite du parlement ne cherche pas pleinement à lutter contre la spéculation... En effet, acquérir un appartement et ne pas y habiter, expliquez-moi, si ce n'est pas de la spéculation, à quoi ça sert, car je ne comprends pas. Surtout en zone de développement, alors qu'il y a des familles dans ce canton qui cherchent à se loger et que l'on peut aider la classe moyenne. Là, tout ce que nous sommes en train de faire, ou plutôt que la majorité de droite du parlement est en train de faire, c'est de maintenir les privilèges dans ce canton. Alors si vous souhaitez maintenir ces privilèges, eh bien nous, les socialistes, les Verts et certainement Ensemble à Gauche, nous voulons casser cette dynamique-là qui dure depuis trop longtemps et qui entretient cette crise du logement à Genève, ainsi que cette spéculation. Nous lancerons donc une initiative, et je me réjouis d'ores et déjà de pouvoir en débattre avec vous. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Roger Deneys pour trois minutes.
M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, comme je l'ai dit, l'histoire était écrite, on savait très bien que cela allait se terminer ainsi, et je le déplore. Durant le débat, on a eu l'occasion de mentionner à deux reprises, je crois, les Cherpines, et on a évoqué le fait que je m'étais opposé et que j'avais rédigé un rapport de minorité à ce sujet. J'aimerais insister là-dessus, car c'était un exemple typique: on a de la zone agricole, où le terrain vaut 10 F le mètre carré, il est revendu, c'est de la zone de développement, et cela devrait justement servir à loger des classes moyennes supérieures pour la PPE, parce que le prix du terrain à la base est bon marché. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, avec le résultat de ce soir, on continuera les pratiques des promoteurs ainsi que de leurs copains qui sont dans les partis de l'Entente, et de l'Entente élargie avec le MCG, on continuera les pratiques de copinage qui font que les choses se décident avant même d'arriver sur le marché, et ces logements contrôlés pendant dix ans seulement seront revendus avec des plus-values telles qu'ils échapperont à la classe moyenne. Ce projet de loi n'atteint donc maintenant plus du tout son objectif, et nous le déplorons. Je pense en effet que, si notre objectif n'est pas forcément d'encourager la propriété en général, parce que ce n'est pas le souhait, je crois, de la majorité de la population, une partie de la population a ce droit légitime de vouloir se loger dans un appartement qui lui appartient, et vous l'empêchez d'y parvenir. Vous êtes en train d'entretenir des privilèges de copinage, et nous le déplorons vivement. Nous espérons que le Conseil d'Etat publiera la liste des noms qu'il a en sa possession concernant La Tulette... (Commentaires.) ...parce que nous aimerions bien que cela soit clarifié... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Nous allons du reste déposer un projet de loi pour que les propriétés des députés soient aussi mentionnées dans les liens d'intérêts, car ce n'est pas le cas aujourd'hui, et c'est une lacune pour le Grand Conseil. (Commentaires.)
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, la gauche nous déclare ce soir qu'elle va lancer une initiative, alors soit nous n'avons pas entendu le même discours prononcé par le Conseil d'Etat il y a quelques minutes, soit nous n'avons pas assisté au même débat. La loi, selon le Conseil d'Etat, n'est pas parfaite, mais va dans le bon sens. N'oubliez jamais, Mesdames et Messieurs de la gauche, que sans investisseurs il n'y a plus d'appartements, et que sans personnes qui gagnent de l'argent vous n'avez plus rien à dépenser. Alors je me réjouis d'ores et déjà, si vous arrivez à récolter le nombre de signatures nécessaire, d'en débattre. Et nous viendrons expliquer à la population que ce projet de loi qui limite la vente aux primo-acquérants - mais je ne referai pas ici le débat - avec interdiction du droit d'emption, de réméré, et de l'acquisition à titre fiduciaire, favorise vraiment l'accessibilité à la propriété pour le plus grand nombre. Evidemment, ce sont les clivages dogmatiques qui parlent maintenant, et je m'adresse bien sûr à la gauche... (Commentaires.) ...parce que nous n'avons pas de dogmes au MCG... (Exclamations.) Nous sommes simplement là pour favoriser le plus grand nombre, et c'est bel et bien ce projet de loi, tel qu'il a été amendé aujourd'hui, qui va dans ce sens-là. Et rappelez-vous que notre devise - que j'espère, un jour, vous ferez vôtre - est la suivante: une économie forte pour faire du social efficace ! Merci, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements.)
Le président. Très bien, nous arrivons au terme de nos débats. Avant de passer la parole à M. le conseiller d'Etat Antonio Hodgers, je vous rappelle que, après le vote d'ensemble de ce projet de loi, nous devrons encore nous prononcer sur l'entrée en matière du PL 11141-2. Il ne faudra donc pas quitter la salle trop vite, pour qu'on puisse finir nos travaux. Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez la parole.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, à l'issue de ce débat de bonne tenue, quoiqu'un peu long, je veux voir le verre à moitié plein, voire aux trois quarts plein. Tout d'abord, les débats ont montré, et au-delà même du texte législatif sur lequel vous êtes appelés à vous prononcer, un certain accord de vues sur différents éléments que j'aimerais souligner ici. Je citerai en premier lieu le principe que l'Etat doit avoir une maîtrise des prix en zone de développement, si l'on veut pouvoir voir la classe moyenne y accéder. Par là même, on reconnaît que la classe moyenne - cette classe qui gagne suffisamment pour ne pas être subventionnée, mais pas assez pour se loger convenablement - a longtemps été la grande oubliée de la politique du logement, et je m'engage à revenir vers vous ces prochains mois, ces prochaines années, avec des propositions complémentaires pour viser cette fameuse classe moyenne en matière de logement.
Deuxièmement, je crois qu'on peut convenir que l'Etat n'a pas vocation à créer des produits financiers immobiliers à hauts rendements sécurisés par l'Etat, mais a bien comme objectif et mandat de fournir des logements pour la population, et par conséquent de lutter contre les abus spéculatifs s'ils se produisent. A défaut de pouvoir promettre une PPE à chaque habitant qui le souhaiterait, nous devons avoir un processus transparent dans la distribution de celles qui sont créées. Enfin, la nouvelle mouture reprend l'idée qui était à la base du projet de loi du Conseil d'Etat, à savoir qu'il ne doit y avoir qu'un appartement par personne, et ce point commun entre les deux versions est important et fort. Pour finir, j'admets volontiers que la notion de mono-acquérant - qui est plus précise que celle de primo-acquérant - s'adresse aux non-propriétaires, principalement aux non-propriétaires, et par là même discrimine les gens qui sont plus fortunés et qui souvent sont déjà propriétaires. On a donc une cible qui se rapproche aussi entre les deux projets de lois.
Sur la base de cette conclusion, même si - et cela a été dit par le président du Conseil d'Etat - notre Conseil estime que son projet de loi reste plus pertinent, il pourra vivre avec cette nouvelle mouture, qui est nettement meilleure que celle qui est sortie de commission. Et dans le sens d'une bonne application de ces principes, je me permets de vous annoncer certaines mesures qui relèvent de mon département et qui vous sont communiquées ce soir. Tout d'abord, la nécessité impérieuse de transparence des opérations immobilières des PPE en zone de développement m'amène à vous annoncer la publication, sur le site internet du DALE, dès début avril, de l'ensemble des opérations immobilières de vente en zone de développement. Autrement dit, toutes les PPE qui sont en vente seront publiées sur le site internet du DALE, avec l'adresse exacte et le prix de vente. (Exclamations. Applaudissements.) Ce dispositif permettra de garantir une certaine transparence. Evidemment, l'Etat ne peut pas imposer à un propriétaire la personne à laquelle il destine son bien, cela reste de la libre entreprise, mais au moins les gens verront passer ces appartements. Et j'appelle les promoteurs immobiliers à jouer le jeu - le jeu non seulement de la transparence, qui sera garantie par l'Etat, mais aussi de l'équité - et à se fixer des règles éthiques, de manière que le promoteur ou que les associations de promoteurs puissent expliquer à la population comment ils distribuent ces appartements. J'en appelle à la responsabilité éthique des associations professionnelles qui travaillent dans ce domaine-là.
Ensuite, considérant qu'il peut y avoir des abus manifestes, où le propriétaire n'a jamais habité dans son logement et n'en a jamais eu l'intention et où les appartements sont vraiment achetés dans le but de créer une plus-value au bout de dix ans, les appartements qui seraient loués dès le départ, dès l'achat, pourraient faire l'objet de procédures visant à les considérer comme des appartements locatifs, et par conséquent ils seraient traités comme tels.
Enfin, et je conclurai par là, un député PLR a dit en commission que, avec ce nouveau dispositif, il estime que 98% des propriétaires habiteront leur logement et par là même atteindront l'objectif visé par le Conseil d'Etat. Si c'est le cas, Mesdames et Messieurs, nous aurons parcouru deux chemins différents pour arriver à la même destination. Mais j'annonce aussi ce soir que je veillerai particulièrement, à chaque opération de promotion, à ce que ce soit le cas. Et si l'administration constate à nouveau un écart important entre le nom du propriétaire d'un appartement et le nom de l'habitant de cet appartement, et que par conséquent, malgré ce nouveau dispositif qui est réel et fort, on s'aperçoit qu'on est dans une vue spéculative des PPE en zone de développement, eh bien je reviendrai devant vous, le Conseil d'Etat reviendra devant vous, Mesdames et Messieurs les députés, avec un dispositif plus musclé que celui que vous aurez adopté ce soir. Sur ces propos, je vous remercie pour ce débat et le Conseil d'Etat vous invite à accepter cette loi. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je vais donc mettre aux voix l'ensemble de ce projet de loi tel qu'il a été amendé.
Des voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenus ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, nous passons donc au vote nominal.
La loi 11141-1 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 11141-1 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 70 oui contre 21 non et 3 abstentions (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. Je vais passer la parole à M. Antonio Hodgers.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Pour la bonne forme, j'annonce le retrait du PL 11141-2 qui accompagnait le précédent dispositif et qui n'a plus raison d'être.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Il en est pris acte.
Le projet de loi 11141-2 est retiré par son auteur.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous donne rendez-vous le jeudi 27 mars à 8h. Bon week-end !
La séance est levée à 23h30.