République et canton de Genève

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IN 182-C
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée de rédiger un contreprojet à l'initiative populaire cantonale 182 « Climat urbain : de la place en ville pour les arbres, la mobilité douce et les transports publics ! »
PL 13348
Projet de loi de Sébastien Desfayes, Adrien Genecand, Dilara Bayrak, Rémy Burri, Grégoire Carasso, Florian Dugerdil, Lionel Dugerdil, Raphaël Dunand, Arber Jahija, Matthieu Jotterand, David Martin, Fabienne Monbaron, Geoffray Sirolli, Gabriela Sonderegger, Nicole Valiquer Grecuccio sur l'arborisation, la végétalisation, la mobilité douce et les transports publics dans l'aire urbaine (Contreprojet à l'IN 182)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 31 août et 1er septembre 2023.

Premier débat

La présidente. Nous passons à notre deuxième point fixe, les objets liés IN 182-C et PL 13348, classés en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole au rapporteur, M. Sébastien Desfayes.

M. Sébastien Desfayes (LC), rapporteur. Pour trois minutes, c'est juste ?

La présidente. Plus trois minutes de votre groupe.

M. Sébastien Desfayes. Merci, Madame la présidente. Je ne suis pas le rapporteur de majorité, je suis le rapporteur d'unanimité, parce que la commission d'aménagement est parvenue à accomplir un exploit, à savoir de se mettre d'accord sur un contreprojet à l'IN 182 et de voter ce projet de loi 13348 sur l'arborisation.

Vous vous souviendrez de cette fameuse initiative 182, que je vais résumer ainsi: elle imposait à l'Etat d'imposer à son tour aux communes de plus de 10 000 habitants de retirer de leur surface totale 1% de voies publiques accessibles au trafic individuel et prévoyait que cette surface serait transformée pour moitié en espaces verts et arborés et, pour l'autre moitié, en infrastructures de mobilité douce. Elle prévoyait également la suppression du principe de compensation des places de parking.

La mise en oeuvre de cette initiative se heurtait à des obstacles rédhibitoires d'ordre financier (comment financer ces projets ?), politique, technique (il s'agissait, d'après les initiants, de planter des arbres sur d'anciens giratoires, d'anciennes routes et d'anciens parkings) et juridique. Ce qui était aussi désagréable avec cette initiative - mais je vois qu'il me reste vraiment très peu de temps...

La présidente. Vous avez le temps de votre groupe, si vous le souhaitez.

M. Sébastien Desfayes. Heureusement ! ...c'est qu'elle faisait fi de l'indépendance des communes: le canton imposait - le canton jacobin, je ne sais pas, je regarde Pierre Maudet - aux communes sa toute-puissance.

Bien évidemment, tant le Grand Conseil que le Conseil d'Etat se sont opposés à cette initiative. Mais il fallait aussi reconnaître que l'on ne pouvait que souscrire à la volonté de repenser les espaces publics, d'améliorer, de manière générale, la qualité de vie des habitants du canton et d'embellir le territoire sur lequel nous vivons, et, à cet effet, se concentrer sur deux axes: l'arborisation et la mobilité. Dans ces circonstances, l'option choisie par la commission a été de sortir du projet de loi climat deux articles, consacrés pour l'un à l'arborisation et pour l'autre à la mobilité, et de les retravailler dans le cadre du contreprojet. C'est ce que nous avons fait.

Quel est le résultat de ce travail ? S'agissant de l'arborisation, notre contreprojet pose un objectif: planter, dans un horizon de dix ans, 25 000 arbres dans les communes de plus de 10 000 habitants. Mais - et il y a un grand «mais» -, alors que l'IN 182 exige que les arbres soient plantés sur les espaces dévolus au trafic individuel motorisé, le contreprojet mentionne qu'il s'agit d'une priorité, mais non d'une exclusivité. Cela signifie en d'autres termes que tous les espaces du domaine public, cantonaux et communaux, peuvent faire l'objet de plantations d'arbres pour la poursuite de cet objectif. Une deuxième différence en lien avec l'arborisation, c'est que la suppression de la compensation des places de parking est abandonnée.

Pour ce qui est de la mobilité, le choix a été fait de se focaliser notamment sur les vélos et les transports collectifs, avec des engagements posés dans le contreprojet, des engagements qui sont très ambitieux: 175 kilomètres d'aménagements en faveur des cyclistes et des piétons, comprenant 100 kilomètres de pénétrantes pour vélos, 25 kilomètres de voies vertes ainsi que des voies complémentaires. Une des grandes différences avec l'initiative est que le contreprojet, s'agissant de la mobilité, ne se focalise pas sur les communes de 10 000 habitants, ce qui permet d'éviter des «no man's land» dans le trafic de mobilité douce entre les communes.

Quant au volet des transports collectifs, le contreprojet prévoit de réaliser notamment, dans un délai de dix ans, 8 kilomètres d'extension du réseau de tramways, une nouvelle ligne de tramway dite de ceinture et 22 kilomètres de lignes de bus à haut niveau de service.

En conclusion, il s'agit d'objectifs réalistes, mais ambitieux, parce que créer autant d'infrastructures dans un délai de dix ans est effectivement ambitieux. Ce qui est aussi louable, c'est qu'on ne se concentre pas sur certaines communes, mais sur le canton et même sur la région du Grand Genève. Le projet de loi présenté comme contreprojet est volontairement court, simple, avec quelques articles posant des objectifs ambitieux, mais beaucoup plus réalistes que ceux de l'initiative. La commission d'aménagement du canton a adopté à l'unanimité ce contreprojet et la plénière est invitée à faire de même.

M. David Martin (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, nous parlons, dans cette plénière, du contreprojet à l'initiative «Climat urbain», mais permettez-moi de revenir quelques instants sur l'initiative en tant que telle, que les Verts soutiennent depuis ses débuts. Pourquoi ? Parce que cette initiative permet d'empoigner deux problèmes à la fois.

Le premier, c'est celui des îlots de chaleur. Je pense que nous l'avons toutes et tous vécu cet été: être en ville en pleine canicule, où la température est jusqu'à 10% plus élevée qu'à la campagne, est une véritable souffrance. On sait que cela ne va pas s'arranger avec le futur climat. C'est le premier problème auquel l'initiative permet de répondre. Le deuxième, c'est celui du report modal. Sur l'autre volet du climat, c'est-à-dire celui de la lutte contre les émissions de carbone, cette initiative permet d'aller vers plus de report modal, puisqu'elle donne plus d'espaces aux transports en commun et à la mobilité douce.

Nous avons donc soutenu l'initiative, mais le principe du contreprojet a été accepté. Nous nous sommes joints aux travaux autour de ce contreprojet. Résultat des courses, nous le soutenons également. Pourquoi ? Certes, à nos yeux, il est moins bon que l'initiative. Le principal sacrifice est le renoncement - le rapporteur de majorité l'a évoqué - à la suppression du principe de compensation (cette inscription dans la loi du fait que, lorsqu'on enlève une place en surface, il faut la compenser ailleurs). C'est un renoncement, mais nous avons intégré le message passé par les communes, notamment par l'ACG, selon lequel l'assouplissement de ce principe voté par la population il y a quelques années donne encore une grosse marge de manoeuvre pour la reconversion d'espaces de stationnement en surface.

L'autre sacrifice, c'est le passage de 10% dans l'initiative à 8% dans le contreprojet. C'est certes moins bien, mais, pour voir le verre à moitié plein, l'avantage, c'est qu'on a une conversion de ce pourcentage en arbres et en kilomètres: cela a été dit, 25 000 arbres - donc là, on sait de quoi on parle -, 175 kilomètres pour la mobilité douce et 30 kilomètres pour les transports en commun.

Une dernière raison à nos yeux de soutenir ce contreprojet, c'est la qualité du travail, du dialogue et du compromis autour de ce texte, qui a satisfait à la fois les départements, l'ACG et l'unanimité de la commission. Merci, Madame la présidente.

M. Florian Dugerdil (UDC). Chers collègues, l'initiative 182, bien que présentant des objectifs louables et admissibles par l'entier des groupes politiques qui composent cet hémicycle, se trouve aller diamétralement à l'encontre du programme de mobilité de l'Union démocratique du centre, que je représente ce soir.

En effet, il est simplement inconcevable pour nous de péjorer annuellement 1% de la voie publique - soit 10% au terme des dix ans définis dans cette initiative populaire - au détriment des usagers de la route, qui ne peuvent déjà plus circuler librement dans le canton de Genève. Le Conseil d'Etat lui-même, après une analyse, conclut que même si cette initiative rejoint les objectifs adoptés dans le cadre du plan climat cantonal, elle reste trop ambitieuse et incompatible avec le rythme d'avancement des grands projets menés par le canton et par les communes, avec les enjeux techniques et financiers qui leur sont inhérents.

Le contreprojet a l'avantage de reprendre la demande initiale de cette initiative tout en limitant l'impact sur nos routes. Il se distancie donc de l'initiative 182, qui paraît abstraite et un peu trop arithmétique. L'idée est de réaliser quelque chose de plus concret, plus pragmatique et de proposer des objectifs en lien avec des projets en préparation et en cours de réalisation, tout en restant en adéquation avec le plan climat cantonal.

Notre groupe salue le travail effectué pour l'élaboration de ce contreprojet certes ambitieux, mais réaliste. C'est pourquoi l'Union démocratique du centre le soutiendra. Merci.

Une voix. Très bien !

La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. Yves Nidegger pour une minute vingt-trois.

M. Yves Nidegger (UDC). Je serai même plus bref que cela, Madame la présidente. Je dirai un mot pour rappeler que le climat est aujourd'hui un dieu si puissant qu'il suffit d'invoquer son nom en début de phrase pour dire ensuite n'importe quoi et être applaudi. Le texte de cette initiative propose des choses plutôt antihumanistes, puisqu'elle s'en prend aux êtres humains au nom de ce dieu vengeur et particulièrement teigneux qu'on nous inflige comme religion officielle et obligatoire depuis maintenant deux ou trois ans.

L'initiative est évidemment à rejeter, comme vient de le dire mon collègue Dugerdil. Le contreprojet est à envisager avec méfiance. Quand on considère ce que le magistrat précédent - sortant et aujourd'hui sorti, fort heureusement - a réussi à faire avec un vote populaire qui s'intitulait «pour une mobilité cohérente et équilibrée», on doit évidemment trembler à l'idée de ce que fera le prochain magistrat en plantant des arbres là où c'est possible ! (Rire.)

M. Matthieu Jotterand (S). Mesdames et Messieurs les députés, commençons par ce qui est positif dans ce contreprojet, qui vise une requalification d'une certaine part de l'espace public et qui va dans la direction des initiants pour une bonne partie. On peut saluer un véritable élan pour l'arborisation et la perméabilisation des sols. Du point de vue de la mobilité, on voit qu'un vrai plus est prévu pour les mobilités actives, ce dont nous nous réjouissons. S'agissant des transports publics, un saut qualitatif dans l'offre est nécessaire, et le rythme actuel trop lent des projets est inadapté. Nous devons l'accélérer. Voilà pour le positif.

Cela étant dit, le contreprojet comporte également de fortes concessions par rapport à l'initiative. Vous me direz que c'est le principe d'un contreprojet; toute la question est de savoir jusqu'où vont les concessions. Premièrement, cela a été mentionné, la suppression du principe de compensation des places de stationnement que prévoit l'initiative a été abandonnée, ce qui est une vraie perte. On peut également évoquer les infrastructures piétonnes et cyclables: on parle de 175 kilomètres, un chiffre impressionnant, mais s'agit-il réellement de davantage que de la peinture jaune qui s'arrête aux carrefours ? On parle aussi de voie publique (dans le contreprojet) plutôt que de routes (dans l'initiative), c'est donc une réduction de nettement plus que celle de 20% (soit le passage de 10% à 8%), car c'est aussi un changement de monnaie en quelque sorte: on ne parle plus seulement des routes, mais de l'ensemble de l'espace public. On passe donc d'un vrai changement de paradigme à de belles intentions.

Ensuite, le volet transports publics est peut-être un des points les plus décevants: il couvre en réalité uniquement les projets qui sont déjà plus ou moins dans les tuyaux pour la prochaine décennie et n'apporte donc pas réellement quelque chose de plus. En fait, on passe d'une volonté de changement à une sorte d'autofélicitation.

Malgré ces ombres au tableau, que nous regrettons, nous soutenons le compromis sorti de commission à l'unanimité - c'est une chose assez rare pour qu'on la salue, même si mon préopinant a montré qu'il souhaitait s'isoler de plus en plus en mettant une petite ombre personnelle au tableau. Pour une fois, nous sommes prêts à aller dans le même sens dans le domaine de la mobilité, nous soutiendrons donc ce compromis. La réponse ne sera pas suffisante, mais c'est déjà un début pour aller dans le sens d'une arborisation, d'un report modal, et nous estimons cela tout à fait positif.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, merci pour cette belle harmonie; je n'en demandais pas tant en début de législature sur cette thématique compliquée des transports. Je n'entends pas ici invoquer en sautant comme un cabri le «dieu climat», mais simplement évoquer - cela devrait plaire à l'Union démocratique du centre - les vertus de notre démocratie directe, la beauté de l'initiative populaire, dont vous savez comme moi, Mesdames et Messieurs les députés, qu'en matière de droits politiques, c'est parfois davantage le processus que le résultat qui compte. On verra dans quelques années quel sera le résultat de ce contreprojet, qui semble faire l'unanimité.

On peut d'ores et déjà dire que les vertus de cette initiative - et il faut saluer le rôle des initiants - ont été de faire en sorte que le Conseil d'Etat, qui a d'emblée, de son côté, proposé un contreprojet, mais également la commission répondante - et je veux remercier l'ensemble de la commission pour son travail, et le rapporteur en particulier -, dans un processus de recherche de compromis, ont réussi, cela a été dit par plusieurs d'entre vous, à poser les bases d'un projet, de ce contreprojet en l'occurrence. Le rapporteur a dit «réaliste, mais ambitieux». Je dirais plutôt l'inverse: «ambitieux, mais réaliste».

Pourquoi est-ce ambitieux ? Parce que, vous le savez, en matière de transports - et là, je me permets de reprendre le propos du préopinant UDC -, il vaut mieux planter des arbres que planter des projets. En matière de transports, on a passé notre temps à planter des projets. Alors sans doute les méthodes n'étaient-elles pas bonnes, mais on a ici l'occasion de démarrer une législature en matière de transports sur des objectifs que d'aucuns décriront comme minimalistes et que d'autres trouveront peut-être excessifs, mais qui vont se réaliser concrètement.

J'aimerais dire aussi au député Jotterand, qui s'exprimait en déplorant le fait qu'on ne fasse en quelque sorte qu'accompagner des projets existants: oui, mais quand même, ces projets, ce sont 175 kilomètres d'axes de mobilité douce, 25 000 arbres et 30 kilomètres de nouvelles lignes de transports publics. Alors certes, c'est projeté, mais on va les faire réellement, ce d'autant plus qu'on aura du vent dans les voiles avec ce contreprojet.

Ce contreprojet est donc ambitieux, mais réaliste. Il est ambitieux parce qu'il est concret. Et être concret aujourd'hui, c'est une vraie ambition dans notre canton: réaliser réellement ! (Rire.) Et réaliste parce qu'il est précis ! Et ça, c'est précieux ! C'est précieux ! Ça n'a de sens et de valeur que si les initiants - et je veux ici leur lancer un appel - concrétisent leurs promesses, ce qu'ils devraient pouvoir aisément faire, puisqu'on va ce soir vers l'unanimité, en retirant leur initiative, ce qui nous fera gagner du temps.

Je vous appelle donc, au nom du Conseil d'Etat, à soutenir ce compromis intelligent, ce contreprojet, dans une belle quasi-unanimité, à donner du vent dans les voiles, et à nous retrouver dans les années qui viennent pour l'ambition et le réalisme, la concrétisation et la précision de projets qui vont améliorer la qualité de vie des Genevoises et des Genevois. Merci.

La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote.

Mis aux voix, le projet de loi 13348 est adopté en premier débat par 88 oui et 1 abstention.

Le projet de loi 13348 est adopté article par article en deuxième débat.

Mise aux voix, la loi 13348 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 85 oui et 3 abstentions (vote nominal).

Loi 13348 Vote nominal

Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 182-C.