République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 13077-A
Rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le projet de loi de Céline Zuber-Roy, Christina Meissner, Marc Falquet, Murat-Julian Alder, Cyril Aellen, Véronique Kämpfen, Beatriz de Candolle, Jean-Pierre Pasquier, Raymond Wicky, Jacques Blondin, Patricia Bidaux, Sébastien Desfayes, Jean-Marc Guinchard, Gabriela Sonderegger modifiant la loi sur l'organisation judiciaire (LOJ) (E 2 05) (Pour une Cour constitutionnelle qui respecte le fédéralisme)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 22 et 23 juin 2023.
Rapport de M. Jean-Marc Guinchard (LC)

Premier débat

La présidente. Mesdames et Messieurs, nous abordons notre dernière urgence, c'est-à-dire le PL 13077-A, dont le débat est classé en catégorie II, trente minutes. Vous avez reçu par messagerie un amendement signé par moi-même et M. Murat-Julian Alder; pour des raisons évidentes, une fois que j'aurai lancé le débat, je céderai la place à mon premier vice-président. Monsieur Jean-Marc Guinchard, vous avez la parole.

Présidence de M. Alberto Velasco, premier vice-président

M. Jean-Marc Guinchard (LC), rapporteur. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs, chères et chers collègues, la présidente a rappelé à juste titre que nous avons tous reçu un amendement, amendement qui est susceptible de modifier les conclusions de mon rapport. Je vais tout de même vous présenter le contexte du présent projet de loi.

La Cour constitutionnelle contrôle, sur requête, la conformité des normes cantonales au droit supérieur. La loi parle bien de normes cantonales, et non de normes constitutionnelles. L'interprétation historique de cette disposition, notamment détaillée par le professeur Tanquerel que nous avons auditionné, a clairement démontré que le constituant d'alors visait également la constitution elle-même.

Le texte qui vous est soumis corrige ainsi - corrigeait ainsi, dans sa version initiale - une anomalie purement genevoise en supprimant la possibilité d'attaquer des dispositions constitutionnelles genevoises devant la Cour constitutionnelle, dispositions constitutionnelles qui font de toute façon l'objet d'un examen par l'Assemblée fédérale. En cas de recours devant le Tribunal fédéral, ce dernier n'entrerait pas en matière dans la mesure où, dans le respect de la séparation des pouvoirs, il refuserait de se prononcer sur une décision émanant du Parlement fédéral.

Le PL 13077 a été adopté à l'unanimité, mais juste à la fin des travaux, plusieurs amendements ont été déposés qui ont été acceptés et qui, tout comme l'amendement que vous avez reçu, auraient peut-être nécessité - et là, je dis: «nostra culpa» - des auditions supplémentaires du Pouvoir judiciaire. Je vais donc en rester là, en rappelant tout de même que c'est à l'unanimité que ce projet de loi a été voté en commission.

Mme Masha Alimi (LJS). J'aimerais juste relever que la Cour constitutionnelle a été créée par l'Assemblée constituante et mise en place par notre Grand Conseil pour être une antichambre du Tribunal fédéral, sans toutefois qu'une voie de recours contre elle ait été prévue. Il n'est pas concevable d'aller à l'encontre du pouvoir suprême qu'est le peuple. Il est juste que le canton puisse faire recours suite à une décision prise par la Cour constitutionnelle, donc nous sommes favorables à ce projet de loi qui corrigera cette lacune. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Mauro Poggia (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, nous sommes saisis d'une demande d'amendement général. On le voit, le sujet est important, on parle de notre Cour constitutionnelle, donc il s'agit de ne pas rater la cible. Il est juste, effectivement, et c'était le but de ce projet de loi, de ne pas faire opérer par notre Cour constitutionnelle un contrôle de nos lois constitutionnelles, sachant que, de toute façon, les modifications des constitutions cantonales sont vérifiées au niveau de l'Assemblée fédérale - en plus de leur application dans des cas concrets, il va de soi -, donc nous soutenions le principe même de ce texte. Il en va de même de la possibilité pour le canton, le cas échéant, de se plaindre des décisions que peut prendre la Cour constitutionnelle.

Maintenant, voter un amendement général qui nous paraît judicieux en séance plénière, après que les travaux menés en commission ont abouti à des changements extrêmement importants par rapport au projet initial, me semble quelque peu cavalier et audacieux. Je pense qu'il faudrait renvoyer cet objet en commission pour que l'on détermine s'il faut revenir au texte initial, ce que semble demander cet amendement général, ou si, au contraire, certaines des modifications qui avaient été acceptées en commission doivent être maintenues. C'est donc un renvoi en commission qui est demandé. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Sur la proposition de renvoi en commission, je passe la parole au rapporteur, puis au Conseil d'Etat. Allez-y, Monsieur Guinchard.

M. Jean-Marc Guinchard (LC), rapporteur. Merci, Monsieur le président de séance. Le député Poggia l'a rappelé à juste titre, il s'agit d'un amendement général qui propose de revenir au texte initial, texte qui nous est parfaitement connu à l'heure actuelle. Je pense que, dans un premier temps, il vaudrait mieux laisser s'exprimer les auteurs de l'amendement général et renoncer à renvoyer ce texte immédiatement en commission.

Mme Carole-Anne Kast, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, hier, lors de l'examen de la politique publique J «Justice», vous avez été plusieurs à vous inquiéter, de manière parfaitement légitime, de l'augmentation récurrente de postes demandée par le Pouvoir judiciaire et de la lenteur de traitement des dossiers, ce qui met à mal la confiance nécessaire entre les citoyennes et citoyens et la justice.

Je vous ai répondu que je relaierais vos préoccupations; je vous ai également indiqué que le Pouvoir judiciaire, et pour lui sa commission de gestion, était toujours à la disposition de votre Grand Conseil pour répondre à ses questions et accompagner ses travaux, en collaboration étroite avec mon département. Malheureusement, le projet de loi tel qu'il ressort de commission va non seulement exiger l'octroi de nombreuses ressources en personnel, mais également considérablement ralentir le traitement des dossiers par la justice.

Initialement, cela a été souligné, il s'agissait de restreindre le champ d'examen de la Cour constitutionnelle en en excluant les lois constitutionnelles. Pour le Pouvoir judiciaire, cette restriction n'a pas de sens, sauf à considérer que le parlement est infaillible sur un certain type de lois et pas sur les autres. Cela étant précisé, en termes de mise en oeuvre, ce point de vue politique - qui vous appartient - ne pose pas de problème. Cependant, suite à cette limitation, la commission a fait preuve d'une créativité un petit peu débridée et a élargi le champ d'action de la Cour constitutionnelle à toute une série d'autres actes normatifs d'autres entités.

Mesdames et Messieurs, dans le domaine de l'organisation judiciaire comme dans d'autres, il est particulièrement important de s'interroger constamment quant à la faisabilité des propositions articulées. Or ni le Pouvoir judiciaire ni le département ne se sont exprimés sur les transformations du projet de loi initial apportées en commission. C'est pour toutes ces raisons que tant le Conseil d'Etat que le Pouvoir judiciaire vous demandent instamment de renvoyer ce projet de loi en commission, afin de pouvoir réaliser un travail de qualité autour de cet objet. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Je mets aux voix la demande de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 13077 à la commission judiciaire et de la police est adopté par 45 oui contre 44 non. (Exclamations et commentaires à l'annonce du résultat.)