République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 13137-B
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi de André Pfeffer, Stéphane Florey, Gilbert Catelain, Virna Conti, Marc Falquet, Thomas Bläsi modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (LRGC) (B 1 01) (Renforcement démocratique en matière budgétaire : l'usage des fonds publics est la plus importante prérogative du Grand Conseil, y compris lors du refus du budget du Conseil d'Etat !)

Premier débat

La présidente. Nous passons au point suivant de l'ordre du jour, soit le PL 13137-B, classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport, qui a été rédigé par M. Jean Batou, est repris par M. Alberto Velasco, à qui je laisse le temps d'aller à la table des rapporteurs. (Commentaires.) On m'a dit que vous aviez repris ce rapport ! (Remarque. Rires.) Installez-vous. (Remarque.) Comme le groupe Ensemble à Gauche n'est plus représenté au parlement, la commission des finances a dû choisir un nouveau rapporteur et elle vous a désigné. En tout cas, c'est l'information qu'on m'a donnée ! Si une autre personne a été désignée, qu'elle se fasse connaître, sinon, Monsieur Velasco, je vous cède la parole en tant que rapporteur de la commission des finances. (Commentaires.)

M. Alberto Velasco (S), rapporteur ad interim. Merci, Madame la présidente. Je vais improviser ! (Rires. Commentaires.) Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi, qui a été déposé par le groupe UDC, concerne les demandes de crédits supplémentaires. Comme vous le savez, à l'époque, lorsqu'un budget était refusé, le Conseil d'Etat était obligé de passer ensuite devant la commission des finances pour solliciter des crédits supplémentaires; en effet, si le Grand Conseil refusait le budget, le Conseil d'Etat repartait avec celui de l'année précédente. Vous me corrigerez si nécessaire, Monsieur le conseiller d'Etat ! Partant, chaque fois que le Conseil d'Etat voulait obtenir des crédits qui lui avaient été refusés sous la forme du budget déposé, il devait venir à la commission des finances. Or, certains députés de cette noble assemblée ont estimé qu'il y avait un contournement des compétences du Grand Conseil, puisque la commission des finances acceptait parfois de voter des sommes de 1, 2, 3, voire 4 millions. Face à cette situation, le groupe UDC a déposé un projet de loi, que nous traitons aujourd'hui, en vue de limiter ce montant à 2 millions.

Cela étant, chers collègues, la majorité de la commission a refusé ce texte, puisque la commission des finances dispose de ces compétences, comme vous le savez. Le problème n'est pas du tout là ! Le fait est qu'auparavant, chaque fois que la commission des finances ou plutôt le Grand Conseil refusait un budget, le Conseil d'Etat devait en représenter un nouveau dans les deux mois suivants. Ce n'était pas un gros livre; il s'agissait de quelques pages qui présentaient un nouveau budget deux mois après le refus. Le problème, c'est que cette disposition, qui figurait dans la LGAF, a disparu. J'ai donc déposé un projet de loi visant à remettre cette modalité obligeant le Conseil d'Etat à redéposer un budget en cas de refus, et ce texte a obtenu pratiquement l'unanimité de la commission, à l'exception d'Ensemble à Gauche, qui s'est abstenu.

Mesdames et Messieurs, je crois que le projet de loi que je viens d'évoquer, qui figure aujourd'hui à l'ordre du jour - on aurait d'ailleurs peut-être dû le lier au point qui nous occupe en ce moment -, remplace largement le texte de nos collègues de l'UDC. Je vous demande donc de refuser le PL 13137 et d'accepter le projet de loi que mon groupe, par ma personne, a déposé et qui a été adopté pratiquement à l'unanimité de la commission des finances. Merci, Madame la présidente. Voilà, l'improvisation est terminée !

M. André Pfeffer (UDC). La question qui se pose ici est simple, en réalité: les dépenses publiques sont-elles du ressort du Grand Conseil ? J'aimerais juste dire que c'est quasiment le cas partout: dans tous les autres cantons, la responsabilité des dépenses publiques est exclusivement de la compétence du Grand Conseil. A Genève, la pratique veut que la commission des finances, soit un groupe de quinze députés de notre parlement, puisse décider des crédits supplémentaires. Or ceux-ci sont votés sans débat public et, pour nous, initiants de ce projet de loi, c'est à ce niveau que le problème se situe.

Prenons l'exemple du budget que nous avons refusé en 2021: après son rejet par le Grand Conseil, le Conseil d'Etat n'en a pas déposé un nouveau et la commission des finances - soit ces quinze représentants - a tout simplement voté 1,6 milliard de crédits supplémentaires. Ces quinze personnes ont donc voté sans débat public des crédits de 1,6 milliard, à savoir principalement des dépenses qui avaient été refusées par le Grand Conseil.

Ce projet de loi est relativement raisonnable; nous nous basons sur ce qui s'applique dans d'autres cantons de Suisse romande (Neuchâtel et Fribourg), de façon que toutes les dépenses publiques soient de la compétence du Grand Conseil. Ce texte prévoit effectivement une limite de dépenses, mais la commission des finances aura tout de même la possibilité de voter des crédits, parce qu'il n'est absolument pas question, avec ce projet de loi, que nous bloquions le fonctionnement de l'Etat.

La présidente. Il vous faut conclure.

M. André Pfeffer. Nous voulons simplement rétablir ce qui nous semble correct, à savoir que toutes les dépenses publiques soient votées par le Grand Conseil, et surtout qu'il y ait systématiquement un débat public. Merci de votre attention.

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, nous sommes conscients que le fait que la commission des finances puisse voter un certain nombre de crédits supplémentaires est de nature à poser des problèmes démocratiques. Nous en sommes conscients ! Seulement, il faut aussi garder à l'esprit qu'il y a des objets qui doivent être traités avec une certaine urgence. Je ne vais pas rappeler tous les crédits supplémentaires qui ont été votés dans le cadre du covid, mais je pense qu'il était nécessaire de pouvoir réagir de façon rapide à ce moment-là. Je constate par ailleurs que la commission a refusé d'entendre le Conseil d'Etat et je me réjouis de l'écouter tout à l'heure, puisque M. Poggia est là. Nous aurons au moins son avis à cette occasion.

Nous sommes conscients du problème qu'il peut y avoir. Maintenant, est-ce qu'il faut trouver une solution ? L'UDC a proposé que la commission des finances puisse accorder des crédits supplémentaires seulement s'ils ne dépassent pas 2 millions, mais cette somme nous paraît basse. Je pourrais suggérer 10, 15 ou 20 millions, mais ce n'est pas mieux ! On peut fixer une limite, mais elle sera de toute façon arbitraire, ça n'a pas tellement de sens. (Le micro de l'orateur produit un bruit.)

La présidente. Ce bruit provient de vos feuilles lorsqu'elles touchent le micro.

M. Pierre Eckert. Ouh là, excusez-moi ! Nous avons vu que l'UDC avait fait une proposition d'amendement général, qui ne me paraît pas être meilleure. En voici la teneur: «Un crédit supplémentaire ne peut toutefois pas être demandé sur des dépenses refusées ou limitées par le Grand Conseil lors du vote ou de l'absence de vote de la loi budgétaire.» J'aimerais bien savoir comment on va appliquer ce principe d'une façon ou d'une autre: lors du vote du budget, de nombreuses lignes budgétaires sont acceptées, modifiées, etc., et je ne vois pas très bien comment tout ça peut fonctionner.

Fixer une limite arbitraire ne me paraît pas convenir, et l'amendement proposé ici ne semble pas être plus fonctionnel. Même si nous nous sommes abstenus en commission, nous avons changé d'avis et vous invitons à refuser ce projet de loi. (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG). Ce projet de loi aurait une conséquence logique et évidente: le blocage du fonctionnement de l'Etat. De manière irrémédiable, de nombreux objets arriveraient dans ce Grand Conseil, ils devraient d'abord être traités en commission pour préavis, puis seraient ensuite examinés en plénière, ce qui impliquerait un engorgement encore plus conséquent que celui que nous connaissons aujourd'hui. Voyez cet ordre du jour ! Actuellement, il comporte déjà 300 points. 300 points ! Nous ne sommes pas capables de les traiter; pourtant, nous voulons accroître encore cet ordre du jour en doublant le nombre de points.

Que cherche-t-on avec ce projet de loi ? A détruire le fonctionnement de l'Etat de Genève ?! Il faut être responsable ! J'ai le souvenir de ce qui s'est passé, notamment pendant la crise covid - le magistrat est présent, il peut en témoigner -, quand ce dernier a dû nous soumettre en catastrophe des dépassements de crédits considérables, pour que l'Hôpital cantonal puisse fonctionner pendant la crise. C'est très précis, très clair, très concret.

Si on suit l'opinion des personnes qui, malheureusement mal informées, ont déposé ce projet de loi, la conséquence sera évidente: le fonctionnement de l'Etat de Genève sera véritablement obstrué, des institutions comme les HUG ou d'autres services de l'Etat seront mis à mal et on arrivera à une anarchie généralisée. Si c'est ce qu'on veut, alors votons ce projet de loi, mais si on apprécie le bon fonctionnement de l'Etat, si on veut l'encourager, par pitié, refusons ce texte avec détermination. Merci.

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, je ne reviendrai pas sur l'argument de l'impact de ce projet de loi sur les travaux de notre Grand Conseil. Durant cette séance - et toutes les nouvelles et nouveaux députés le découvrent -, on voit que nous n'arrivons à l'ordre du jour ordinaire que maintenant, soit environ une heure avant la fin de la session. Je crois que vous avez là un aperçu du rythme que possède notre Grand Conseil: nous ne parvenons pas à avancer dans le traitement de nos objets parlementaires. L'impact serait donc catastrophique, car tous les crédits devant être votés à la commission des finances - qui aujourd'hui sont votés uniquement en commission - devraient passer ensuite sous forme de projets de lois devant notre plénière, alors que celle-ci n'arrive déjà pas à traiter son ordre du jour ordinaire.

Un argument assez particulier a été avancé, puisque a priori la représentation des partis politiques est mathématiquement la même au sein des commissions - dont la commission des finances - qu'au sein de notre Grand Conseil en séance plénière; nos nombres de sièges en commission représentent en effet les forces en présence lors de la plénière. Il n'y a donc pas de changement de force ou de majorité entre un vote durant une séance de commission de 15 membres et un vote durant une séance plénière de 100 députés.

S'agissant de la critique à l'égard du manque de transparence entourant les crédits qui pouvaient être votés à la commission des finances, eh bien elle n'a plus lieu d'être puisque, depuis maintenant je crois un an ou deux, une communication est publiée sur chaque crédit voté par cette commission. Tous les crédits sont par conséquent rendus publics à la population et il n'y a aucune opacité. Pour l'ensemble de ces raisons, Mesdames et Messieurs, le groupe socialiste vous invite à refuser ce projet de loi.

La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. Pierre Eckert pour cinquante-deux secondes.

M. Pierre Eckert (Ve). Merci, Madame la présidente. Je n'aurai pas besoin d'autant, car je voulais dire la même chose que mon collègue de Sainte Marie. Je signalerai juste à celles et ceux qui ne le savent pas que les demandes de crédits supplémentaires figurent sur le site du Grand Conseil, sous «Commission des finances», «Demandes en autorisation de crédits supplémentaires». Cela permet à l'ensemble des députés de dire aux commissaires de leur groupe ce qu'ils peuvent ou non accepter. La transparence à l'égard du reste du parlement est donc existante.

La présidente. Je vous remercie. L'UDC n'ayant plus de temps de parole, je cède le micro à M. Pierre Maudet.

M. Pierre Maudet (LJS). Merci, Madame la présidente. Le groupe Libertés et Justice sociale - composé de novices, comme vous le savez - a pris connaissance avec intérêt de ce rapport et des pratiques qui ont cours dans cet hémicycle; en effet, on constate - et je crois que c'est moins le problème de transparence que de cohérence qui s'exprime à cette occasion - que dans l'enceinte de la commission des finances les majorités basculent parfois à la faveur du passage à l'année suivante, et surtout dans le cadre d'une série de crédits complémentaires.

Néanmoins, nous sommes d'une part légitimistes et d'autre part attachés au fait que l'Etat puisse fonctionner. Pour ces raisons, le groupe Libertés et Justice sociale désapprouvera cette proposition, mais se réserve, dans les mois à venir, la possibilité de formuler à l'intention de ce parlement quelques suggestions sur son mode de fonctionnement, notamment sur les aspects invoqués par les uns et les autres concernant la transparence, la traçabilité des décisions et la capacité pour les citoyennes et citoyens de s'approprier des choix démocratiques, qui - il faut bien le dire - le sont un peu moins lorsqu'ils s'opèrent dans une commission, dont les débats restent par définition confidentiels. Nous voterons donc non à ce texte, mais nous serons attentifs, dans les mois à venir, aux propositions d'amélioration qui pourraient émerger.

La présidente. Je vous remercie. La parole est au rapporteur de commission pour une minute quatorze.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur ad interim. Magnifique ! Mesdames et Messieurs les députés, je tiens à réitérer ce que j'ai dit tout à l'heure: un projet de loi figure au point 132 de l'ordre du jour, sauf erreur, et nous en demanderons le traitement en urgence. Ce texte veut rétablir l'obligation pour le Conseil d'Etat, lorsqu'un budget est refusé, lorsque les députés refusent un budget pour des raisons qui leur sont propres, de revenir avec un nouveau budget, qui tienne peut-être compte de la majorité de la commission des finances et de ses souhaits, afin que l'Etat ne soit pas soumis au système des douzièmes provisoires pendant une année. Si en définitive, le budget est refusé une deuxième fois malgré cela, alors on ira en douzièmes, mais durant quelques mois - c'est ce qui figure dans ce projet de loi, que nous traiterons incessamment. Voilà, c'est une information que je tenais à vous donner, et je vous propose de rejeter l'entrée en matière sur le texte qui vous est soumis ce soir. Merci, Madame la présidente.

M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous demande également de rejeter ce projet de loi. Celui-ci émane - vous l'avez constaté - des représentants d'un parti politique qui, de manière dogmatique, refuse systématiquement toute augmentation de budget d'une année à l'autre. Le but de cette démarche n'est pas d'assurer plus de transparence, puisque les crédits supplémentaires sont publiés et donc portés à la connaissance de tous; le but est de bloquer le processus budgétaire pour empêcher l'activité de l'Etat et l'engagement de nouveau personnel. Il faut bien comprendre ce qui se trouve derrière cette proposition: ce n'est pas une démarche démocratique d'ouverture et de transparence, c'est une démarche de blocage, je dirais même d'opposition.

C'est d'autant plus surprenant que la commission des finances est composée de députés qui représentent très exactement les forces politiques en présence dans ce parlement. Cette mesure de défiance à l'égard de la commission des finances, qui serait un ovni échappant à tout contrôle des partis politiques et qui accorderait en catimini ce que la plénière aurait refusé, est évidemment une vue de l'esprit pour le moins particulière. Par la force des choses, nous devons pouvoir fonctionner. D'autant plus que - les nouveaux dans ce parlement le verront - les refus des budgets reposent quelquefois sur des positions pas toujours très compréhensibles ou transparentes, lesquelles sont parfois motivées par le jeu de forces politiques qui décident de mettre en délicatesse tel ou tel conseiller d'Etat et sa politique publique, plutôt que par une démarche de transparence et de défense de l'intérêt public. Or, si l'on en vient à empêcher l'Etat de fonctionner en passant systématiquement devant le parlement pour tout crédit supplémentaire, la conséquence sera celle qui est voulue et qui a été expliquée: le blocage du fonctionnement de l'Etat.

Quant au fait d'inviter le Conseil d'Etat - même si je ne suis bientôt plus concerné - à revenir avec un nouveau budget lorsque le premier est refusé, je dois dire que si cette pratique avait été demandée ces dernières années, j'aurais pour ma part été très en peine de savoir pourquoi le budget a été refusé et comment le modifier pour qu'il soit enfin accepté et qu'il reçoive l'onction de la sacro-sainte commission des finances, puis de la plénière. Sur ce point, je pense qu'il faudrait que les parlementaires s'astreignent aussi à un travail d'une certaine rigueur: ils devraient explicitement formuler leurs voeux et clairement désigner les postes sur lesquels il y a un dissentiment par rapport à la position du gouvernement au lieu de procéder à un rejet en bloc, parce qu'à un moment donné il faut s'allier à l'un ou à l'autre, ou montrer à l'un ou à l'autre que l'on n'est pas son allié. Je vous remercie.

La présidente. Merci. Mesdames et Messieurs, je soumets à vos votes l'entrée en matière sur ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 13137 est rejeté en premier débat par 63 non contre 27 oui.