Séance du
vendredi 4 octobre 2013 à
20h30
57e
législature -
4e
année -
12e
session -
75e
séance
RD 1005
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, Monsieur le président du Conseil d'Etat, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, nous voici parvenus au terme de la 57e et dernière législature, qui avait débuté avec la constitution entrée en vigueur en 1847. Nous avions, il vous en souvient, marqué le passage à la nouvelle constitution le 1er juin par une cérémonie sobre mais solennelle dans la cour de l'Hôtel de Ville, à l'issue de notre séance du 17 mai. A cette occasion, j'avais exprimé ma satisfaction de voir la république et ses institutions en voie de régénération et de modernisation, grâce à un texte adopté en votation populaire. J'avais aussi relevé que cet aggiornima... A-ggio-rna-men-to, excusez- moi... (Rires. Applaudissements.) J'étais sûr de trébucher sur ce mot, c'est fait ! J'avais donc relevé que cet aggiornamento, somme toute pas si anodin, s'était fait sans révolution ni coups de fusil, ce qui est le propre d'une société pacifiée. Il reste maintenant au Grand Conseil à mettre les nouvelles dispositions en musique. Les travaux ont d'ores et déjà commencé avec célérité; le Conseil d'Etat et le Bureau du Grand Conseil ont fait le nécessaire pour que le renouvellement de l'exécutif et du législatif ait lieu conformément aux nouvelles dispositions et dans les meilleures conditions possibles. Il incombera à la nouvelle assemblée de continuer le travail. Je songe particulièrement à l'exercice de la haute surveillance des institutions, qui reste l'apanage du parlement.
Il y a un an, dans mon message inaugural, j'avais exprimé mon intention d'exercer la présidence en veillant à maintenir l'équilibre entre les pouvoirs, dans le but de renforcer les institutions. Je crois y être parvenu avec le soutien du Bureau, et aussi - je me plais à le souligner - grâce aux relations de confiance entretenues avec l'exécutif, en particulier avec son président, que j'ai eu le plaisir de côtoyer. Ensemble, nous avons représenté la république à maintes reprises, montrant par-là que les pouvoirs s'appuient les uns sur les autres pour solidifier l'édifice.
Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je quitte le perchoir avec la conviction que nos institutions ressortent renforcées de la révision constitutionnelle, qui s'est globalement traduite par un léger rééquilibrage en faveur du législatif, accompagné, il est vrai, par l'institution d'une présidence de l'exécutif de cinq ans. Ceci compense cela... Aussi, j'avoue avoir peine à comprendre que l'on puisse qualifier nos institutions de «pourries», au risque de jeter la suspicion sur les élus et les fonctionnaires qui les servent loyalement. (Longs applaudissements.)
Je n'entends pas, ce soir, au moment de prendre congé d'un tiers du parlement, faire un bilan chiffré de notre action durant l'année écoulée, ni d'ailleurs durant la législature, pas plus que durant les 166 années qui nous séparent de l'acte fondateur de la Genève contemporaine. S'agissant de notre fonctionnement, mon appréciation sur le déroulement de nos travaux est pour le moins mitigée. Au fil des sessions, nous avons accumulé un énorme retard, retard qui génère chaque fois un chambardement de l'ordre du jour, chacun voulant faire passer en urgence ses propres textes. Cette réaction en chaîne est en train de paralyser le premier pouvoir de la république, en dépit des mesures prises par le passé pour accélérer les débats. Toutefois, à l'exception de deux ou trois moments particulièrement chauds lors des deux dernières sessions, le climat général peut être qualifié de correct, malgré l'année des hannetons. Mais ce calme, vous le savez, est tout relatif, et l'explosion n'est jamais loin...
Mesdames et Messieurs les députés, il va falloir se ressaisir, et vite ! La comparaison avec les autres cantons romands n'est pas à notre avantage. Les membres du Bureau qui m'ont accompagné pas plus tard que le samedi 21 septembre à la réunion annuelle des Bureaux des parlements romands, de Berne et du Tessin, ont pu une nouvelle fois vérifier le fossé qui nous sépare de la sérénité, du bon climat et du respect qui semblent présider aux débats chez nos voisins confédérés. Certes, Genève est ainsi: emportée, trublione, souvent à la limite de l'échauffourée... du moins verbale, frondeuse, sensible à la bise, serrée dans sa cuvette. (Commentaires.) Une vraie fourmilière, quoi ! Mais ce n'est pas une raison, chers collègues, pour que nous nous laissions entraîner dans des comportements indignes de notre mandat, et ce en foulant allègrement aux pieds nos engagements. N'ayons pas peur des mots: nous n'avons, surtout récemment, pas été dignes de notre fonction d'élus du peuple. J'enjoins amicalement, mais fermement, les candidates et les candidats à une élection ou une réélection à méditer le sens de leur engagement.
Lorsque le Grand Conseil a de la fièvre, c'est l'ensemble du corps social qui souffre. Nous n'en sommes pas là, mais la menace existe. Outre notre comportement à revoir, il existe des mesures pratiques susceptibles d'améliorer notre efficacité. Elles sont connues ! Certaines sont à l'étude depuis plusieurs années mais peinent à se concrétiser, faute de majorités, parce que ce n'est jamais le moment, parce que c'est trop coûteux, etc. Là aussi, la comparaison avec nos voisins est utile... Je souhaite donc que la nouvelle assemblée ose voter sans tarder:
- le crédit pour transformer la salle du Grand Conseil et en faire un lieu moderne, propice au débat politique, et non une fosse aux lions qui favorise la polémique stérile, comme c'est le cas dans la disposition actuelle;
- une organisation différente des sessions avec suppression, dans un premier temps, des séances nocturnes, si peu propices à la sérénité des débats. (Applaudissements.) Des propositions existent, il faut en discuter !
- la réduction du nombre de commissions.... (Remarque.) ...en les regroupant et en rationnalisant leur travail. Le nouveau Grand Conseil est d'ores et déjà saisi d'une proposition à ce sujet. Elle sera l'une de ses priorités.
Chers collègues, en vous livrant une note plus personnelle, je vous avouerai qu'après les quelques sueurs froides des débuts j'ai aimé cette année de présidence, car j'ai été bien entouré par mon Bureau, en particulier par l'homme de gauche modéré siégeant à ma droite... (Applaudissements. Rires.) ...mon premier vice-président, Antoine Droin, dont j'ai apprécié la sérénité et le calme en toute occasion. Je souhaite vivement qu'il accède à la présidence. (Applaudissements.) Merci aussi à Fabiano Forte - excusé aujourd'hui - deuxième vice-président, mon vif-argent aux conseils avisés, qui a surmonté avec courage et lucidité son accident de santé. Merci aussi aux autres membres du Bureau, que la fréquence des réunions m'a permis de mieux connaître, donc d'apprécier, en allant au-delà de la seule confrontation politique et de la gestion des affaires courantes. Il s'agit d'Antoine Barde, ici présent, de Stéphane Florey, François Lefort et Eric Stauffer ! (Applaudissements à l'annonce de chaque nom.) Et puis - c'est bientôt fini ! - je dis ici toute ma fierté d'avoir travaillé avec le Secrétariat général, Maria Anna en tête, la perle du Genfersee... (Vifs applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. ... qui a largement compensé l'absence de députée au Bureau... (Exclamations.) ...absence que j'ai regrettée ! Je disais donc, la perle du Genfersee, solide, avisée, que la Suisse entière nous envie. La patronne, quoi ! (Rires.) Quant à Laurent Koelliker, il est la force tranquille de l'attelage qui conduit une équipe qui marche et qui gagne pour le plus grand bien de la république. (Applaudissements.) Je vais regretter mes visites et la disponibilité de chacune et chacun, les petits cafés et l'accueil toujours souriant.
Cette année au perchoir m'a enfin permis d'approfondir mes connaissances du microcosme genevois, si riche en sociétés diverses, en personnalités admirables, des plus humbles aux plus visibles. Ainsi, les visites effectuées à plusieurs communautés religieuses et associations, ainsi que la poursuite de la tournée des conseils municipaux inaugurée par Pierre Losio, ont enrichi mon coeur et mon esprit. (Applaudissements.)
Enfin, j'adresse aussi un clin d'oeil, ce soir, à mon épouse Michèle... (Applaudissements.) ...à ma fille Céline, mon fils Fabien et mes petits-enfants présents, Lola et Thomas, ainsi qu'à mes frères et soeurs ! (Vifs applaudissements. Exclamations.)
Vive la république ! Vive Genève ! Vive la Suisse ! (Très longs applaudissements. Les députés et le Conseil d'Etat se lèvent.) Je vous remercie infiniment, je suis très ému. Je passe la parole à mon vice-président Antoine Droin !
M. Antoine Droin (S). Monsieur le président,
Chers collègues,
Hommage !
Hommage pour notre président !
Il m'incombe la lourde de tâche et le plaisir de l'honorer.
Joël Dicker, en 670 pages, définit et relate la feuille blanche. La peur de l'écrivain sans inspiration mais enrobant le néant dans un morceau de «vérité sur une affaire...».
Je me retrouve devant une page blanche, je ne suis pas écrivain et n'ai pas le génie de la vérité. Reste cet hommage qui devrait me permettre de déclamer: «la vérité sur l'affaire Gabriel Barrillier.» (Rires.)
Je cherche alors l'inspiration. J'en trouve une bribe, qui me traverse l'esprit. Je tente alors, comme un croassement: ô-mmage, ô désespoir ! ô vieillesse ennemie ! N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
D'infamie certes pas, mais hommage ! Hommage pour notre président !
En numérologie, le trois représente la sociabilité.
En pensant à vous, cher président, et à notre cohabitation, j'ai vite compris que tout allait par trois.
Quelques exemples pris au hasard (quoique...) se rapportant parfaitement à l'homme que vous êtes:
«Passé, présent, futur.»
«Corps, esprit, âme.»
«Sagesse, force, beauté.» (Rires.)
«Physique, émotif, intellectuel.»
«Père, fils, Saint-Esprit.» (Rires.)
Ou alors:
«Les trois pouvoirs.»
Et bien entendu le «PPP» qui vous est cher - partenariat public-privé.
Gabriel Barrillier est donc le trois authentique:
«Ga - bri - el»
«Ba - rri - llier» (Rires.)
Qui parfois, il est vrai, s'entend par un «Gaston» bien moins poétique. (Rires.)
Mais je vous le dis, le trois est:
«Monsieur, Gabriel, Barrillier.»
Ou alors:
«Monsieur, le, président.»
L'énumération pourrait être longue tant, Monsieur le président, un hommage, même cubique, ne saurait être complet pour vous représenter.
Votre parcours, que je devine grand, m'est finalement peu connu. Je vous laisse cependant découvrir, entrevoir, débusquer les trilogies qui s'y rapportent.
J'ouïs que votre terre natale est: pays, de, Vaud. Que vous êtes originaire de Cossonay, Bonvillars, Ins. (Rires.) Vous migrez alors vers Genève pour Croix, de, Rozon.
Après vos études, vous vous engagez dans une vie professionnelle tripartite entre acteurs sociaux, employés et patronat ! A la: F.M.B.
Vous avez donc en tout temps trouvé la troisième voie, la voie qui rassemble, responsabilise, fédère.
Tel un mousquetaire - tiens, ils étaient quatre, ce qui confirme l'exception - vous adoptez une philosophie qui dépasse les conflits. Vous savez donc apaiser, convaincre, réunir. Mais au-delà, vous avez assumé, assuré, endossé le rôle de président, marquant comme jamais - et c'est tout à votre honneur - le lien entre l'homme, la fonction et l'éthique.
Vous voici donc à l'Hôtel, de, Ville accédant à la troisième et plus haute marche du podium pour mener la barque du Grand, Conseil, genevois. (Rires.)
Indéfectible bâtisseur, votre assiduité, votre opiniâtreté, votre entêtement, nous permettront de ne garder de vous que d'excellents souvenirs.
Vos convictions guident donc vos pas et font de vous, immanquablement et malgré tout, un proche, un confident, un ami.
Craignant de vous importuner, Monsieur le président, par davantage de propos, d'éclabousser, de ternir, de salir cet hommage, il me plaît à vous transmettre mes voeux les meilleurs pour une retraite présidentielle, le retour à une vie moins trépidante et une brillante élection ce week-end.
Monsieur le président, je vous prie maintenant de bien vouloir descendre au pied de ce perchoir, aux côtés de l'huissier.
(Le président descend de l'estrade et rejoint l'huissier.)
Au nom de la corporation des artisans du bois de ce Grand Conseil dont font partie MM. Hiltpold, Fazio et Droin, il vous est remis - symboliquement ! - le nouveau maillet permettant à la cloche présidentielle de sonner, résonner, retentir, selon les besoins ! (Rires. Vifs applaudissements.)
Monsieur le président, la cérémonie est terminée, vous pouvez regagner votre place ! (Rires. Applaudissements.)
Je vous remercie.
Le président. On va voir s'il marche ! (Le président fait sonner la cloche à l'aide du maillet.) Oui, il va bien ! (Rires.) Je suis très honoré, très ému, et je dois dire que je n'y croyais plus, à ce marteau ! (Rires.) Je n'y croyais plus ! Donc je le répète, je suis très très ému et honoré que les artisans qui siègent dans cet hémicycle aient réalisé ce chef-d'oeuvre, qui permettra à mes successeurs de maintenir la discipline... (Le président agite la cloche.) ...et l'efficacité dans cette enceinte. Je vous remercie ! (Applaudissements.) Il me reste à remercier également mon premier vice-président pour cet exercice extrêmement intéressant et qui lui a donné beaucoup de peine, je pense, et demandé beaucoup de travail.