Séance du
jeudi 19 septembre 2013 à
17h
57e
législature -
4e
année -
11e
session -
66e
séance
GR 522-A
Le président. Je prie Mme Sophie Forster Carbonnier de bien vouloir s'installer à la table des rapporteurs pour nous présenter le dossier de grâce, et M. le député de regagner sa place. (Le président est interpellé par M. Eric Stauffer.) Non, non, on passe à la grâce !
M. Eric Stauffer (hors micro). Monsieur le président, je vais demander une interruption de séance, conformément à l'article 79A ! (Un instant s'écoule.)
Le président. Plus tard !
M. Eric Stauffer (hors micro). Mais non, je suis désolé !
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que la grâce est une compétence régalienne, je vous prie donc d'écouter le rapport de Mme Forster Carbonnier.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve), rapporteuse. Merci, Monsieur le président...
M. Eric Stauffer (hors micro). Monsieur le président, je demande une interruption de séance, conformément à l'article 79A de la loi portant règlement du Grand Conseil ! (Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît, Monsieur le député !
Mme Sophie Forster Carbonnier. Je constate que nous avions résolu de travailler dans la dignité et je regrette que nous en arrivions là.
M. Eric Stauffer (hors micro). Je demande une suspension de séance afin de réunir le Bureau. Vous avez fait une erreur, et ça peut porter préjudice à l'ensemble des travaux du parlement !
Le président. Monsieur le député...
M. Eric Stauffer (hors micro). Je demande donc une interruption de séance, conformément à l'article 79A de la loi portant règlement du Grand Conseil !
Le président. Monsieur le député, nous allons traiter ce rapport de la commission de grâce et ensuite nous examinerons votre demande.
M. Eric Stauffer (hors micro). Très bien, je vous en remercie !
Le président. Madame la députée, vous avez la parole.
Mme Sophie Forster Carbonnier. Merci, Monsieur le président, nous allons donc poursuivre dans la dignité qui nous est si coutumière dans ce parlement.
Mesdames et Messieurs les députés, la demande de grâce qui nous est aujourd'hui adressée est celle de M. B., lequel avait déjà sollicité la grâce de notre Grand Conseil en avril dernier. Cette grâce lui avait été refusée par 74 voix et 1 abstention. Je vous invite à consulter le Mémorial du 19 avril 2012, car Mme Fontanet avait alors fait un rapport extrêmement complet.
M. B., âgé aujourd'hui de 89 ans, a été condamné le 17 juin 2010 à dix ans de prison pour contrainte sexuelle, tentative de contrainte sexuelle, viol et actes préparatoires délictueux commis entre 1993 et 2000 à l'encontre d'un enfant. La Cour d'assises a reconnu le caractère particulièrement abject de tels comportements à l'égard de l'enfant, qui était la fille de l'auteur. La Cour a ajouté que le mode d'exécution était ignominieux: isolement culturel, éducatif et social pour fragiliser la victime, et isolement spatial pour passer à l'acte sans risque pour l'auteur. La volonté délictueuse de l'auteur était intense; les mobiles, purement égoïstes. Il sied de préciser que d'autres actes commis étaient déjà prescrits - actes d'ordre sexuel avec enfants, actes de pornographie - et concernaient également deux filles de l'auteur.
Un pourvoi en cassation a été déposé contre le jugement de la Cour d'assises: il a été rejeté le 14 juin 2011. Un recours au Tribunal fédéral a été déposé contre le jugement de la Cour de cassation. Le 10 novembre 2011, le Tribunal fédéral a rejeté le recours entrepris. Dans son recours, le recourant se plaignait de ce que la Cour n'avait pas tenu compte de l'effet de la peine sur son avenir, vu son âge avancé et son état de santé. Le Tribunal fédéral a estimé que la peine prononcée - qui a été fixée à dix ans, alors qu'elle aurait pu être de quinze - ne pouvait être considérée comme d'une sévérité telle que les juges auraient dû se voir reprocher un abus.
J'en viens maintenant aux nouveaux développements que ce dossier a connus depuis que notre Grand Conseil a refusé la première fois d'accorder la grâce à M. B. Le 8 février 2013, celui-ci a saisi le Tribunal d'application des peines et mesures - le TAPEM - d'une demande d'interruption de l'exécution de sa peine. Le TAPEM a accédé à cette requête le 14 mars 2013 au motif que M. B. était gravement atteint dans sa santé, tant physique que psychique, et que son état s'était détérioré depuis sa condamnation en juin 2010. En effet, s'il souffrait déjà à l'époque de démence et de trouble dépressif, un cancer de la prostate lui avait été diagnostiqué depuis lors, et cette affection engage son pronostic vital. Le TAPEM constatait aussi que M. B. bénéficie, en raison de ses problèmes de santé, de formes d'exécution dérogatoires de sa peine privative de liberté, soit de nombreuses hospitalisations aux HUG. Le TAPEM concluait alors que les alternatives à la détention avaient atteint leurs limites et qu'il n'était plus possible de maintenir M. B. à la prison de Champ-Dollon, dans la mesure où dans son état cela violerait l'interdiction des peines cruelles, inhumaines ou dégradantes.
Saisie d'un recours du Ministère public, la Chambre pénale a annulé le jugement de première instance le 23 avril 2013 et rejeté la demande d'interruption de peine. La Cour note ainsi que ce n'est pas l'incarcération ni sa continuation qui font peser un risque sérieux sur la vie et la santé de M. B., mais le cancer qu'on lui a diagnostiqué. Des soins lui sont prodigués, puisque M. B. est hospitalisé à l'unité de médecine pénitentiaire des HUG. Comme il s'agit de traitements palliatifs, on ne peut pas soutenir qu'un endroit plus adéquat qu'une hospitalisation en lieu fermé permettrait une amélioration de son état de santé. Contrairement au TAPEM, la Cour estime qu'il s'agit d'un établissement approprié. Selon la Cour, rien ne permet de croire que la continuation de l'incarcération revêt un caractère inhumain ou dégradant. Un recours au Tribunal fédéral est actuellement pendant à l'encontre de l'arrêt du 23 avril 2013.
Il faut encore noter que, l'avocat ayant demandé des mesures tutélaires à l'endroit de M. B., une expertise psychiatrique de ce dernier fut ordonnée afin de déterminer si, pour cause de déficience mentale, de troubles psychiques ou d'un autre état de faiblesse, M. B. devait être mis sous tutelle. Le 30 avril 2013, un médecin adressa au Tribunal son rapport d'expertise. Un diagnostic de démence mixte de degré modéré à sévère, de troubles mixtes de la personnalité ainsi que de trouble dépressif récurrent est posé. Une curatelle a donc été instituée par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant et un mandat a été confié au Service de protection de l'adulte.
En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, après avoir examiné le dossier de M. B., la commission a estimé à l'unanimité que les faits pour lesquels M. B. a été condamné sont très graves. Elle a donc refusé la grâce à l'unanimité et vous demande de suivre son préavis.
Le président. Merci, Madame le rapporteur. La parole est à M. Eric Stauffer. Est-ce sur la demande de grâce ? (Remarque.) Bien, c'est une erreur. Nous allons donc nous prononcer sur le préavis de la commission de grâce, à savoir le rejet de la grâce.
Mis aux voix, le préavis de la commission de grâce (rejet de la grâce) est adopté par 81 oui (unanimité des votants).