Séance du
vendredi 28 juin 2013 à
10h
57e
législature -
4e
année -
10e
session -
59e
séance
R 737
Débat
Le président. Nous passons maintenant à la première urgence qui a été votée hier, à savoir la R 737 déposée par le Bureau du Grand Conseil, avec comme premier signataire notre président M. Gabriel Barrillier. Il s'agit du point 102 bis de l'ordre du jour et je passe la parole à M. Eric Leyvraz.
M. Eric Leyvraz (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, personnellement je n'ai pas été touché par la grêle, ce qui me permet peut-être de prendre la parole de façon plus libre pour vous dire que, au nom de tous les viticulteurs et de tous les paysans de Genève, je tiens à vous remercier vivement de la réaction qui a été la vôtre. Vous avez eu très peu de temps pour signer cette proposition de résolution - un jour ou un jour et demi - mais une grande partie de ce parlement a signé ce texte et je vous en remercie vivement, parce que lorsqu'on voit la grêle sur la campagne, et notamment sur les vignes de Bernex, on peut comprendre combien ça peut serrer le coeur de tous ceux qui ont travaillé pendant une année pour rien et dont la récolte de l'année prochaine va aussi être compromise.
S'agissant de l'aide aux paysans et aux viticulteurs, ce sont des gens qui ont l'habitude de se prendre en main, mais certainement qu'une aide qui pourrait être extrêmement efficace, notamment pour les viticulteurs, consisterait à permettre à ceux qui n'ont pas de récolte - et je pense aussi au vignoble de l'Etat, Monsieur le président, qui n'aura pas de récolte cette année, certainement pas - de déroger à la règle habituelle qui veut qu'un viticulteur n'a pas le droit d'acheter de la marchandise de plus de 2000 litres par année à un voisin ou à un collègue de la même appellation, parce que cela fait partie de l'essence même de ce qui constitue un vigneron indépendant. Alors si on veut aider les viticulteurs, il faudra que cette année on se penche sur cette mesure et que l'on fasse en sorte de permettre qu'un viticulteur puisse acheter à son voisin une certaine quantité de vin. En effet, ce n'est pas seulement la récolte qu'il perd, mais c'est aussi sa clientèle, parce que s'il n'a plus rien à vendre, les gens vont aller voir ailleurs ! Une clientèle, on met vingt ou trente ans pour la créer, mais on la perd extrêmement vite.
Il s'agit donc de défendre les vins de Genève, parce qu'il y a quand même de nombreux vins ou produits de Genève qui partent en vrac dans d'autres cantons et qui sont mis en valeur avec la plus-value de cette valeur dans les autres cantons - ce peut être du chasselas romand, du gamay romand - alors que si ces vins peuvent rester à Genève et être mis en valeur par le viticulteur lui-même, celui-ci va pouvoir garder sa récolte. En outre, la plus-value reviendra à Genève, peut-être sous la forme d'impôts qui seront payés ici, donc c'est bénéfique pour toute la communauté et c'est un encouragement qu'on pourra donner aux viticulteurs. Je pense aussi aux autres paysans qui sont touchés, mais quand on a une culture pérenne, la grêle est évidemment beaucoup plus grave que si l'on cultive des tournesols ou du blé.
Alors je vous remercie vivement de votre aide et je vous serais vraiment reconnaissant, quand on aura ces discussions concernant la possibilité pour des vignerons d'acheter un peu de récolte à leurs voisins, d'accepter ce genre de formule qui facilitera la vie de nos collègues.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Le parti socialiste accueille bien sûr avec beaucoup de bienveillance et de solidarité avec les viticulteurs cette proposition de résolution. Ce qui est assez paradoxal, c'est que le jeudi 20 juin en question où l'orage a eu lieu, à midi les viticulteurs genevois se trouvaient juste en bas d'ici, sous les canons, à fêter le millésime de l'année précédente et à déguster tous ces vins genevois, ces nombreux vins genevois, dont ceux d'ailleurs d'Eric Leyvraz ici présent, qui avait obtenu des distinctions. Puis quelques heures après l'orage s'est abattu et tout a basculé. Ça devrait peut-être aussi nous rendre humbles et nous rappeler que, en des temps plus anciens, c'était le lot des Genevois et de tous les habitants de cette planète: un orage pouvait provoquer une mauvaise récolte, et à l'époque cela avait des conséquences bien plus dramatiques, car cela conduisait souvent à des famines pour les personnes concernées. Aujourd'hui, Dieu merci, notre société a évolué, on a moyen d'avoir une solidarité qui permet de prendre en compte les victimes de ces intempéries, et donc on ne peut que soutenir cette proposition de résolution.
Et j'ajouterai encore un point qui me semble important: c'est aussi l'occasion - et c'est pour cette raison que je trouve ce texte extrêmement intéressant - de rappeler qu'il y a à Genève une agriculture et une viticulture de proximité et qu'on doit tout faire pour que cette viticulture ou cette agriculture de proximité soit prise en compte prioritairement dans les achats des Genevois. Ce genre d'occasion offre aussi le moyen de le rappeler, et je souhaite donc que ce parlement soit unanime dans le soutien de cette résolution.
Mme Patricia Läser (R). Pour ma part aussi, au nom de tous les agriculteurs genevois qui ont été touchés par la grêle, je remercie ce parlement de sa solidarité. Je voudrais insister sur un point spécialement, c'est la requête des agriculteurs visant à ce que leurs employés puissent toucher le chômage partiel. Vous avez peut-être vu dans les journaux que la première réaction du SECO a été de refuser cette autorisation permettant aux employés des exploitations agricoles touchées de percevoir le chômage partiel, alors je crois qu'il est important que le Conseil d'Etat fasse aussi pression pour que le chômage puisse être touché par ces gens. C'est économiquement très important, principalement pour les maraîchers ici à Genève dont toute une partie des employés n'ont pas de travail pour les trois mois à venir. Je vous remercie donc encore une fois et, effectivement, comme l'a souligné Mme Emery-Torracinta, il est important que les Genevois fassent preuve de solidarité et achètent principalement les produits de proximité. (Quelques applaudissements.)
Présidence de M. Gabriel Barrillier, président
M. Pierre Weiss (L). Voyez-vous, nous avons affaire ici à un objet qui est spontanément issu de nos rangs. Tout à l'heure, M. Hiler a rendu hommage au Grand Conseil d'avoir initié des changements en matière d'examen des comptes, mais nous ne sommes pas seulement des comptables, nous sommes également des députés sensibles au sort qui peut frapper les populations hors du canton et cette fois-ci dans le canton. Je remarque du reste que M. Leyvraz, lui, n'est pas touché dans sa région et néanmoins se joint évidemment aux préoccupations de sa corporation. Il se trouve que la mienne de région l'est nettement plus que la sienne, la Champagne nettement plus que le Mandement, et s'agissant du vignoble de l'Etat dans la Champagne, eh bien je ne sais pas ce qu'il en sera à l'avenir ou disons l'an prochain du millésime 2013 qui vient égayer la fin d'année des députés, mais je crois que nous devons parfois savoir attendre une année pour permettre aux viticulteurs et aux paysans de reprendre leur élan, en espérant simplement que la gravité des dommages ne soit pas telle qu'elle interrompe les récoltes pendant deux ans, comme on peut le craindre pour certains plans après en avoir parlé avec des viticulteurs de ma commune.
Je soutiendrai donc avec conviction totale cette proposition de résolution et je m'associe aux propos de Mme Emery-Torracinta qui, elle aussi, a bien compris qu'il fallait qu'il y ait l'unanimité en une telle circonstance.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je précise que le Bureau et les chefs de groupe étaient tous unanimes ! La parole est à M. Christian Bavarel.
M. Christian Bavarel (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, bien évidemment les Verts soutiendront cette proposition de résolution. Nous avons beaucoup parlé des viticulteurs, nous nous faisons du souci pour ces derniers, mais nous nous en faisons encore plus pour les maraîchers qui, eux, ont du personnel qui a maintenant besoin d'un chômage partiel ou technique pendant un certain temps, parce que les récoltes sont compromises, avec une difficulté de replanter pour l'automne, et qu'il est tard en saison pour pouvoir changer son fusil d'épaule.
Mesdames et Messieurs les députés, pour nous ce qui est extrêmement important, c'est que nous soyons solidaires avec l'agriculture genevoise. Un pays sans paysans, ça ne fonctionne pas, et à Genève nous n'aurions pas de nature ni toute la qualité de l'environnement qui est la nôtre sans les personnes qui travaillent dans ces endroits-là. Ce qu'on oublie parfois, c'est que nos agriculteurs ne sont pas là simplement pour créer un joli paysage: ils ont des entreprises, ce sont des entrepreneurs et ils en tirent un revenu. Dans une situation de ce type-là, les autres pays connaissent des classifications relatives aux catastrophes naturelles; nous n'avons pas cet objet ici en Suisse, mais nous devons vraiment appuyer le gouvernement pour qu'on puisse être solidaire avec l'agriculture qui a été extrêmement durement touchée par cet orage de grêle.
M. Jean-François Girardet (MCG). Monsieur le président, je tiens tout d'abord à vous remercier vous, personnellement, puisque vous avez été l'initiateur de cette proposition de résolution, qui vient démontrer que notre parlement sait être à l'écoute de la population et de ses problèmes. C'est un problème qui est survenu de manière inattendue; on connaît l'expression «arriver comme la grêle après les vendanges», qui est souvent un reproche, mais là en l'occurrence c'est bien avant les vendanges que cette grêle a surpris une partie du canton. Je proviens moi-même d'une famille de viticulteurs du Mandement et mon père me disait que nous avions été protégés. Or si vous avez été protégés au Mandement, si nous avons été protégés au Mandement, il y a d'autres régions comme la Champagne qui ont dû subir ces déprédations, ces inconvénients de l'orage, et nous remercions donc le président du Grand Conseil d'avoir pris l'initiative d'être solidaire avec les viticulteurs, les maraîchers et tous ceux qui ont pâti des effets de cette grêle. En conclusion, je vous remercie de soutenir unanimement cette proposition de résolution.
M. Bertrand Buchs (PDC). Monsieur le président, le groupe démocrate-chrétien vous remercie d'avoir eu l'idée de cette proposition de résolution, parce que c'est la force du symbole ! Vous êtes le premier citoyen du canton et le premier citoyen du canton a décidé de déposer une proposition de résolution au nom de tout le parlement. C'est le symbole qui est important, c'était à vous de le faire, vous l'avez fait, et je vous en remercie.
Il est naturel de s'entraider, il est facile de le dire, et c'est vrai que le bon côté de l'être humain, c'est qu'il aide facilement son voisin quand ce dernier en a besoin. C'est la magnifique valeur des choses ! Et, pour terminer, je crois que l'on peut dire que l'on reconnaît la force d'une communauté quand elle permet de s'entraider lorsque cela va mal.
Mme Michèle Künzler, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat considère évidemment cette proposition de résolution avec beaucoup de sérieux et essaiera d'agir au mieux, d'une part afin d'obtenir une dérogation pour l'acquisition de raisins dans la région - dans la région genevoise, j'entends - et d'autre part afin de voir comment on peut actionner le chômage partiel ou les autres conditions pour les maraîchers notamment. Le problème se pose évidemment aussi pour d'autres personnes venant du Portugal ou de Pologne qui ont dû retourner chez elles et qui n'auront pas de travail cette année, ou alors à un autre moment.
Les conditions ont été extrêmement difficiles; je me suis rendue sur place et, pour montrer notre solidarité, nous avons continué la tradition de la Vigne des Nations, même si notre vignoble est quasiment anéanti. Je ne sais pas si vous aurez l'occasion d'avoir des bouteilles de vin à Noël, car pour l'instant le vignoble de l'Etat est particulièrement touché. Il nous semble cependant important de maintenir le soutien à l'agriculture genevoise, d'avoir toujours les produits Genève Région - Terre Avenir, comme vous le savez, et de vraiment inviter chacun à favoriser ces produits lors de ses achats.
D'autre part, il convient effectivement de disposer de toutes les mesures sociales afin d'accompagner ces secteurs économiques qui sont parfois un peu trop particuliers pour répondre aux conditions soit du chômage soit des prestations qu'on pourrait leur fournir par ailleurs. Comme ce type de travail est plus exceptionnel, les prestations sont chaque fois plus difficiles à obtenir, et ce sera une tâche à accomplir au niveau du Conseil d'Etat, puisque cela concerne à la fois les questions de chômage, mais que c'est aussi le chimiste cantonal qui permet l'acquisition de raisins chez des collègues. Nous nous engageons donc dans cette voie de manière exceptionnelle, car certains ont véritablement été très durement touchés alors que d'autres, ma foi - heureusement pour eux - ont été épargnés, et pour rétablir une certaine équité à Genève nous nous engageons à faire ce chemin. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous allons à présent nous prononcer sur cette proposition de résolution.
Mise aux voix, la résolution 737 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 71 oui (unanimité des votants).
Le président. Vous l'avez acceptée à l'unanimité, et je vous en remercie ! (Applaudissements.)