Séance du
jeudi 6 juin 2013 à
17h
57e
législature -
4e
année -
9e
session -
50e
séance
RD 989
Le président. Je vous informe que nous avons reçu la démission de M. René Desbaillets... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...de son mandat de député. Je prie M. le vice-président Fabiano Forte de bien vouloir nous lire cette lettre 3231. (Applaudissements à l'issue de cette lecture.)
Le président. Il est pris acte de cette démission. Mesdames et Messieurs les députés, me voilà fort emprunté puisque M. Desbaillets a écrit dans sa lettre l'essentiel de l'hommage que je me préparais à lui rendre. Je me permets toutefois d'ajouter que René Desbaillets - il m'autorisera à l'appeler ainsi - a accompli près de trois législatures au Grand Conseil. Elu en 2001 sur la liste du parti libéral, il a été réélu brillamment en 2005 et en 2009. Durant son mandat, il a siégé à la commission de réexamen en matière de naturalisation, de même que dans celles de l'énergie, des transports, des affaires communales, des travaux, des pétitions, de grâce et, enfin, dans celle de l'environnement et de l'agriculture, dont il a assuré la présidence en 2004-2005.
Malgré ce qu'il écrit, René Desbaillets a quand même déposé deux propositions de motions, l'une pour la création d'une nouvelle route à Satigny, motion qui a été adoptée, et l'autre, ayant trait à la pose urgente de signalisation lumineuse pour les piétons, dont le rapport figure à l'ordre du jour de cette session.
J'ajouterai que s'il a peu écrit, il ne s'est pas abstenu de prendre la parole en plénière, avec cette touche d'humour et de bon sens terrien qui parvenait des fois à décrisper certains débats et qui lui valut un hommage remarqué lors de la dernière Revue des députés; ses propos étaient peut-être parfois hors ligne, mais en tous les cas ils n'étaient pas «hors sol !»
Nous formons tous nos voeux pour la suite de ses activités et lui remettons, fidèles à la tradition, un stylo souvenir. (Remarque.) Je précise que René Desbaillets vous attend à la buvette - pas tout de suite ! (Rires.) ...à 19h, où il nous permettra de goûter certains de ses crus prestigieux. Bravo, mon cher ! (Applaudissements. Le président descend de l'estrade, donne l'accolade à M. René Desbaillets et lui remet le stylo souvenir. M. René Desbaillets serre la main du président. Applaudissements.)
Avant de passer la parole à plusieurs députés, pour les hommages, je tiens à saluer, à la tribune, la présence de Mme Fabienne Gautier, notre ancienne collègue. (Applaudissements.) La parole est à M. le député Eric Leyvraz.
M. Eric Leyvraz (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'UDC, parti terrien à l'origine, salue chaleureusement notre député paysan démissionnaire ! René Desbaillets, vigneron émérite, de ceux qui ont changé la viticulture genevoise de ces trente dernières années, vit dans le charmant hameau de Chouilly, au coeur de l'aristocratie campagnarde, où les abeilles ne peuvent être que d'or et les rêves, exotiques... Ah, la Douce Noire ! René est rapidement tombé dans la marmite libérale, et ce n'était pas facile dans la commune de Satigny, où les radicaux avaient la majorité absolue ! Si, si, ça a existé ! Il y a longtemps, au siècle passé - beaucoup d'entre vous n'étaient pas nés ! Et vous pouvez me croire, ce n'était pas le temps de cadeaux entre radicaux et libéraux ! Aujourd'hui non plus, mais enfin c'est une autre histoire ! (Rires.)
De fil en aiguille, René a pris sa place dans son parti et est devenu l'un des députés les mieux élus au parlement. Après Barthassat, Gros, Baudit, Serex, voilà encore un digne représentant de la terre, qui s'en va... Et qui va être votre seul vigneron encaveur ? Le dernier qui pourra vous verser en toute légalité un pot de vin ?... Je sens que je vais être chouchouté !
René est nommé aussi «Néné». Dans le Mandement, on se connaît tous, les hommes ne sont pas des numéros, et les surnoms sont très fréquents. Il y a les diminutifs de prénoms, Néné, Loulou, Lulu, Bébert, Jean-Mi, Riquet, Rickson - c'est moi - ou ceux provenant d'événements ou d'anecdotes: Canette, Bouchon, Gâteau sec, Plume d'oie, Rapiat, Poumil... Certains ont même deux surnoms: Pissoti et Pisse-froid, ou Caramel et Tullius detritus - un merveilleux semeur de zizanie. Donc, Néné est un solide compagnon sur qui l'on peut compter, il répond présent quand il y a une cause à défendre comme lors des manifestations à Berne, prêt à prendre des coups et à les rendre. Regardez les photos de l'époque, j'y étais aussi - comme je suis petit on ne me voit pas, mais je suis juste derrière.
Si René a décidé quelque chose, pas la peine de vous lever de bonne heure pour essayer de changer son opinion... Effort inutile. Il fonce, plus difficile à arrêter qu'un TGV à pleine vitesse. Avec lui on sait où l'on va ! Si c'est oui, c'est oui; si c'est non, c'est non ! Il ne va pas changer d'avis en cinq minutes, ce qui en fait un député libéral tout à fait atypique.
Ses interventions sont toujours attendues avec une certaine crispation par son chef de groupe - je l'ai vu, Monsieur Slatkine, bien sûr ! «Mais qu'est-ce qu'il va encore nous inventer ?»... René parle souvent spontanément, un peu à l'emporte-pièce, utilisant un langage coloré, sachant avec humour mettre les rieurs de son côté. Il ponctue ses phrases d'un péremptoire «etc., etc.», prouvant par là que s'il n'a pas tout dit, il n'en pense pas moins !
C'est le plus ardent défenseur d'une espèce difficulté, dans cette ville qui déborde de bus et de trams: la camionnette de livraison ! Il veut pouvoir se déplacer où il veut, quand il veut, par n'importe quel temps, pour approvisionner bistrots et restaurants de ses vins, par ailleurs excellents !
René a eu la rare délicatesse de ne pas surcharger notre ordre du jour avec des résolutions douteuses, des motions boiteuses et des PL inutiles. (Rires.) Si tous les députés étaient comme lui, on n'en serait pas au PL 11200, mais tout au plus au numéro 80... (Rires.) ...et la république ne s'en porterait certainement pas plus mal !
En résumé, René est un personnage ayant un côté mythique qui ressort dans certaines de ses phrases, où l'on voit poindre un soupçon de confiance en soi, comme dans celle-ci: «J'ai eu tort d'avoir raison avant les autres !»
Quand, sur une carte du canton, on relie par une ligne la cave de René, celle de Louis Serex et la mienne, cela forme un petit triangle. Certes, ce n'est pas le triangle des Bermudes, mais il peut se révéler tout aussi dangereux et, avouons-le, nous nous y sommes parfois perdus ! Chers collègues, vous avez compris qu'une vraie amitié nous lie tous deux, depuis, mon Dieu... plus de quarante ans ! Et c'est pour cela que je peux dire avec tranquillité: à bientôt, mon très cher camarade ! (Applaudissements.)
Le président. La parole est à M. Bertrand Buchs, chef de groupe PDC.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Cher René, je suis un jeunet par rapport à toi et ta longue carrière politique, mais je me pose une question, et j'interpelle le président du Grand Conseil, à la sagesse légendaire, pour lui demander si l'on peut accepter la démission d'un député vigneron sans qu'il soit remplacé par un député vigneron ! Je pense que c'est une grande erreur de notre règlement de ne pas avoir prévu... (Commentaires. Rires.) ...Oui, la même chose pour les médecins ! Je pense que c'est une grande erreur que de n'avoir pas prévu l'obligation de remplacer un député vigneron par un député vigneron. Le PDC a perdu ses députés vignerons, mais peut-être va-t-il gagner un conseiller d'Etat vigneron... Et nous espérons que les vignerons seront toujours représentés dans ce parlement, parce qu'ils font des élections du tonnerre de Dieu, et puis ils apportent une certaine sagesse et une façon de voir les choses qui permettent souvent, dans un débat, de ramener le calme et de nous remettre à notre juste place.
Maintenant, je voulais aussi proposer au Conseil d'Etat, surtout au département de l'instruction publique, d'introduire dans les épreuves de mathématiques des problèmes qui seraient en lien avec la camionnette de M. Desbaillets... Par exemple, si M. Desbaillets part de Chouilly à telle heure, à quelle heure va-t-il arriver au Grand Conseil, s'il doit livrer à plusieurs endroits, avec les bouchons, les feux rouges, le pont Wilsdorf et la rue de l'Ecole-de-Médecine ? Va-t-il pouvoir livrer tous ses clients à temps ? C'est un problème très intéressant, et je pense que les étudiants auraient de la peine à le résoudre ! (Rires.)
René, le parti démocrate-chrétien te salue, les hommes démocrates-chrétiens te serrent la main, et nos deux dames te font une grosse bise ! (Applaudissements.)
Une voix. Eh bien bravo !
Le président. La parole est à M. Yvan Slatkine.
M. Ivan Slatkine (L). Merci, Monsieur le président. Vous me permettrez de me retourner et de regarder mon collègue ?
Le président. Exceptionnellement, Monsieur le député !
M. Ivan Slatkine. Cher René, difficile pour moi de rendre hommage, ce soir, à l'un des plus anciens, que dis-je, au plus ancien des députés de ce parlement ! Elu en 2001 en deuxième position sur la liste libérale, tu as été réélu en 2005, toujours en deuxième position, pour terminer en apothéose lors de ta troisième législature, en 2009, comme meilleur élu de notre Grand Conseil, avec 15 047 suffrages. A croire que les Genevois apprécient le bon vin, mais surtout le bon sens de ceux qui le produisent !
Venant d'une pure famille genevoise installée à Chouilly depuis plus de cinq cents ans, tu as dans les veines non seulement de la Douce Noire, mais aussi un sang genevois qui te colle à la peau et qui fait de toi le plus genevois des députés. Le plus genevois des députés car, Genève, tu la vis tous les jours: dans ta camionnette, en parcourant notre beau canton pour livrer ton vin ! Telle une abeille, tu te faufiles dans les bistrots, dans les immeubles ou maisons de notre canton, sur les routes, en évitant les bouchons. Tu remplis de joie nombre de Genevois et d'étrangers qui découvrent, à travers tes vins, les senteurs et les richesses de la terre de notre canton. Cette richesse, elle se traduit par ton bon sens; bon sens d'un terrien, bon sens d'un chef d'entreprise qui vit à Genève au quotidien, et qui parle en connaissance de cause quand il intervient. Tu as siégé, sauf erreur, dans sept commissions différentes durant ces douze années passées au parlement. Je ne les citerai pas, mais dans chacune de ces commissions - comme en plénière, d'ailleurs - tu es toujours intervenu de manière directe, faisant valoir tes expériences et ton bon sens, justement. Engagé, entreprenant, affichant clairement tes convictions, tu as toujours défendu les valeurs libérales au sens noble du terme. Et ce ne sont pas tes remarques sur le développement du «Grand Genève», comme on dit, qui feraient de toi un populiste. Car populiste, tu ne l'es pas ! Comme tu nous l'as encore écrit ce soir, tu t'es engagé dans le mouvement Ecologie libérale dès son origine, défendant un libéralisme humain, proche de la nature et des équilibres; un libéralisme qui défend les petits, qui défend l'être humain, et non le grand capital.
Il est certain que ton départ va créer un grand vide dans notre groupe comme au parlement: non seulement c'est un ami qui s'en va, mais c'est aussi un fin connaisseur de notre environnement, apprécié par la population, qui nous quitte. Ciel, justice, beauté, richesse, noblesse, vertu, ardeur, amour et courage sont, en langage héraldique, les armes Desbaillets, celles de tes armoiries. Ce sont les tiennes, à n'en point douter ! Cher René, c'est avec impatience que je me réjouis de boire un verre avec toi durant la pause, si ce n'est de faire un tour en camionnette ! Santé ! Et merci ! (Applaudissements.)
M. Charles Selleger (R). Cher René, je n'ai jamais eu le plaisir de siéger en commission avec toi, mais j'ai eu l'occasion d'apprécier tes interventions en plénière, notamment sur les problèmes de circulation qui te tiennent tant à coeur. Tes propos ont toujours été marqués par le bon sens et par ta proximité par rapport aux soucis de nos concitoyens, ceux qui quotidiennement doivent se déplacer pour leur travail, qu'ils soient pendulaires ou livreurs. Nous avons entendu tes arguments, et nous les partageons !
Mais c'est surtout de l'homme dont je veux parler. René, tu représentes pour moi l'exemple du chic type. Jamais acide par rapport à tes opposants, peut-être parfois en colère mais jamais vraiment fâché, pas même amer lorsqu'un combat est perdu, mais surtout jamais hypocrite: tu sais être direct et dire simplement les choses. Ta dernière élégance est de nous quitter un peu en avance sur le calendrier électoral, afin de permettre à ton successeur de mettre le pied à l'étrier. Les rangs radicaux se joignent à moi afin de te souhaiter plein succès pour la suite de ta carrière, pour le Domaine des Abeilles d'or, pour tes déplacements en camionnette, et, bien sûr, pour ta santé ! (Applaudissements.)
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, pour les Verts, René Desbaillets a toujours été un paradoxe: libéral, on n'en a jamais été tout à fait certains; par contre, un homme libre, ça, c'est absolu ! Quelqu'un qui a toujours défendu l'environnement et qui l'a fait avec beaucoup de vigueur, mais qui en même temps est un passionné de voitures et qui, en plus, possède de beaux modèles - on parle toujours de sa camionnette, mais il bichonne aussi d'autres types de véhicules. Par ailleurs, c'est aussi quelqu'un qui est capable de venir avec vous pour mener des luttes contre les OGM - on a fait un beau parcours ensemble de ce côté-là. C'est un patron, rugueux et sincère, comme il y en a peu dans ce parlement, un vrai patron et en même temps un pourfendeur de la mondialisation qui broie l'être humain.
Et, René, je vous conseille vivement de le côtoyer les soirs où il a un peu profité des produits qu'il élabore, et de lui demander de vous raconter l'histoire d'Umberto, le roi d'Italie. Je me rappelle avoir pleuré de rire, un soir de commission où l'on étudiait les problèmes liés aux sangliers sur le territoire genevois... Je peux vous dire que ça vaut la peine, demandez à René de le refaire !
René, il ne me reste plus qu'à te dire que j'ai eu un immense plaisir à te côtoyer depuis 2001 dans ce parlement. Et puis, je sais où tu habites, donc ne t'inquiète pas, tu risques de me voir venir traîner dans ta cave de temps en temps ! (Applaudissements.)
Le président. La parole est maintenant à Mme la députée Loly Bolay.
Mme Loly Bolay (S). Merci, Monsieur le président. «Et sa camionnette...!» (L'oratrice chante ces mots sur l'air de «A bicyclette». Rires.) Cher René, tu es un défenseur de l'agriculture de proximité, mais surtout tu aimes la terre, et c'est assez rare pour le souligner. Aujourd'hui, tu es presque le dernier des Mohicans agriculteurs qui nous quitte, et c'est bien dommage !
J'ai un souvenir qui me restera à jamais, c'est lorsqu'il y a eu la canicule en 2003 - vous vous souvenez de cet été meurtrier, durant lequel il y a eu beaucoup de décès, hélas. Nous avons eu un débat fort intéressant, ici, pour se demander comment soigner les personnes âgées et comment leur faire boire régulièrement de l'eau; et voilà que notre René a commencé à nous faire toute une apologie du vin... Qu'il fallait boire, oui, mais du vin ! Alors je me suis imaginé René avec «sa camionnette...!» (L'oratrice chante ces mots sur l'air de «A bicyclette».) ...en train de faire le tour de tous les EMS du canton !
René, tu nous as fait rêver par moments, et souvent, c'est vrai, tu remettais l'église au milieu du village. Alors surtout ne change pas, même si tu n'es plus député, parce que c'est comme ça qu'on t'aime ! Merci René ! (Applaudissements.)
Le président. Merci ! Chers collègues, nous passons au point 5.b: RD 990.