Séance du
vendredi 26 avril 2013 à
17h
57e
législature -
4e
année -
7e
session -
43e
séance
M 2040-B
Débat
Le président. Nous passons maintenant au point 33 de notre ordre du jour. La parole est à M. le rapporteur de majorité.
M. Pascal Spuhler (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, comme vous le constatez, cette motion a fait différents aller-retour entre la commission fiscale et cette plénière, retournant en commission puis revenant vers nous maintenant. Sur la base d'une motion MCG, nous demandions de fixer un délai raisonnable pour le retour des déclarations d'impôts. Effectivement, le Conseil d'Etat avait pris la décision fin 2011, donc pour 2012, de réduire le délai - qui se faisait quasiment automatiquement au 30 juin - pour le ramener au 31 mars; et, en cas de demande de délai, il fallait effectuer une démarche et payer une taxe de 10 F. Cela touchait environ 68 000 contribuables qui, chaque année, jusqu'à 2012, demandaient, ou plutôt usaient de cet accord tacite permettant un délai jusqu'au 30 juin. Nous trouvions un peu cavalier de procéder ainsi, puisque la décision avait été prise de manière relativement abrupte et que les fiduciaires, entre autres, avaient été mises devant le fait accompli, ce qui leur donnait un énorme travail.
Sur la base de notre première audition en commission fiscale, cette dernière n'avait pas jugé bon d'entrer en matière. Mais suite à, disons, quelques éléments nouveaux, elle a été d'accord de reprendre les discussions et finalement d'accepter la proposition de revenir à la situation ante. C'est-à-dire qu'un délai d'office au 30 juin peut être octroyé au contribuable qui le demande, cela sans frais supplémentaires. En l'occurrence, je peux préciser également que le Conseil d'Etat a déjà mis en place cette mesure pour cette année.
C'est pourquoi je vous demande de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, simplement pour confirmation et acceptation de cette décision.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de minorité. Nous sommes sur un terrain hautement politique, puisque le 23 avril 2012 j'étais rapporteure de majorité concernant cette motion, donc pour la refuser; et actuellement, depuis le 28 octobre 2012, je suis rapporteuse de minorité. Nous sommes dans le domaine de la fiscalité, nous sommes dans un délai où entre-temps, encore une fois, le bouclier fiscal a sévi; en effet, à un moment donné, il y avait eu négociation sur la suspension du bouclier fiscal et il a été refusé au moment du premier rapport, puis, tout d'un coup, cette motion est devenue acceptable pour la majorité de la commission. Voilà, ça c'était la petite histoire.
Nous avons continué à soutenir qu'il n'était pas bon qu'un délai supplémentaire soit octroyé pour rendre les déclarations fiscales. Pas parce qu'on adore faire notre déclaration fiscale à fin mars, mais parce que cette motion servait surtout à protéger les fiduciaires - à échelonner dans le temps le travail des fiduciaires - et aussi parce que, dans les faits, peut-être n'y a-t-il pas de frais supplémentaires mais les contribuables qui rendront leur déclaration en juin se rendront compte qu'il y a quand même des intérêts compensatoires qui commencent à courir à partir de fin mars.
Ce qui nous motivait le plus à refuser cette motion, c'était le tassement, la masse de travail à effectuer, non plus dans les fiduciaires mais à réaliser dans un délai donné, tassement et surcroît de travail qui seront répercutés dans l'administration fiscale ! Car il n'y pas de miracle, l'administration fiscale fait ses taxations, envoie les rappels et gère tout ce qui relève des déclarations d'impôts normalement à partir de fin mars, et là, de plus en plus - car les gens vont rapidement prendre le pli - ce sera à partir de fin juin. Donc bienvenue au club de la surdose de travail et de la surcharge, mais pas dans le privé et dans les fiduciaires, seulement dans l'administration fiscale !...
C'était la principale raison qui nous amenait à dire que de toute façon les déclarations fiscales sont rarement une joie - c'est rarement un moment sympathique de les remplir - or il faut le faire à un moment donné. Que le délai soit fin mars ou fin juin, cela ne change pas grand-chose, les documents sont quasiment tous en possession des contribuables, en tout cas pour les personnes physiques...
Le président. Il vous reste vingt secondes, Madame la députée !
Mme Lydia Schneider Hausser. ...à fin mars. De toute façon, je vais m'arrêter et ne dirai plus un mot, parce que dans les faits, comme l'a dit M. Pascal Spuhler, on n'a même pas attendu ce débat et ce rapport ici - cela a été accepté, donc voilà ! Notre parlement est une chambre d'enregistrement !
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion va dans le sens de ce que demandent plusieurs partis politiques dans cette assemblée, donc de diminuer les tracasseries aux citoyens.
Ce délai de retour fait partie de ces tracasseries. Il faut savoir que nous sommes quasiment le seul canton de Suisse qui exige une demande pour prolongation du délai de retour de la déclaration fiscale; les autres cantons fixent pratiquement tous ce délai au 30 juin. De plus, il y avait ce fameux émolument de 10 F qui a été supprimé par le Conseil d'Etat il y a deux mois, or le délai de retour, contrairement à ce qu'a dit la députée Schneider Hausser, subsiste toujours. C'est cela qu'il faut supprimer aujourd'hui !
Les autres cantons vivent avec ce délai de retour au 30 juin, tout en mentionnant sur la déclaration fiscale - pour chaque canton ayant un délai au 30 juin - que les intérêts moratoires démarrent à partir du 31 mars. Il y a donc des pénalités pour les personnes qui sont en retard quant au 31 mars. Mais, au lieu d'empoisonner la vie des Genevois... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...en leur demandant de faire une demande spéciale à l'administration, cela ne sera plus nécessaire si cette motion passe.
On a tous l'impression... Je fais partie des 68 000 contribuables genevois - j'aurais peut-être dû le déclarer en regard de l'article 24 - qui doivent chaque année présenter cette demande de prolongation. Alors que faut-il faire ? Il faut téléphoner à la fiduciaire - pour ceux qui envoient leurs impôts à une fiduciaire - pour s'assurer que cette dernière n'oublie pas de demander un délai et pour éviter d'être taxé d'office; et chaque fois que la fiduciaire reçoit ces appels, c'est un retard qu'elle prend dans le traitement de toutes les déclarations, voilà ce qu'il en est.
Aujourd'hui, on doit partir du principe que l'administration est au service du contribuable, du citoyen, et pas l'inverse ! Je dirai aussi que, dans le même élan, le PLR avait lui aussi proposé des textes pour simplifier un peu ce travail administratif que le citoyen doit fournir à l'administration, donc cette motion va tout à fait dans ce sens; nous avons eu à ce propos une discussion en commission et M. Hiler n'y était pas opposé, j'espère que son avis n'a pas changé entre-temps. Je pense que ce sera un bienfait pour les 68 000 contribuables - et plus, avec les années qui viennent - qui n'auront pas besoin de passer par une demande de prolongation qui ne fait que surcharger également l'administration. Aujourd'hui - et on l'a vu encore ces derniers temps - on veut limiter cette surcharge de travail à l'administration, eh bien voilà un exemple qui peut produire cet effet.
M. Christophe Aumeunier (L). Mesdames et Messieurs les députés, au fond, ce qui importe pour l'Etat de Genève, cet Etat qui est tellement endetté, c'est son cash-flow ou - je sais que vous n'aimez pas les anglicismes, Monsieur le président - son fonds de trésorerie. Et, comme nous sommes dans un système d'acomptes provisionnels, le retour des déclarations n'a - et je parle sous le contrôle de notre ministre des finances - que peu d'influence s'agissant de la trésorerie de l'Etat.
Pour cette raison, nous convenons, au parti libéral, qu'il est proportionné de ne pas embêter les contribuables avec des délais trop courts et que, donc, nous pouvons accepter cette motion.
M. Serge Dal Busco (PDC). Le groupe démocrate-chrétien suivra également l'avis de la majorité de la commission s'agissant de ce point. Le terme de «tracasserie» a été évoqué: on peut effectivement percevoir cela comme tel. La petite inquiétude que nous pourrions avoir, c'est qu'en prolongeant ces délais de retour des habitudes s'acquièrent au sein de la population - en tout cas pour les gens qui prendraient du temps à rendre leur déclaration - et que de ce fait, au niveau du département des finances, pour l'Etat, pour les comptes de l'Etat, pour sa fiscalité, pour celle des communes, il y ait ensuite une difficulté accrue à estimer les recettes fiscales.
En ce qui nous concerne, nous allons bien entendu soutenir cette proposition de motion, c'est quelque chose qui ne porte pas trop à conséquence. Mais je pense que les services de notre administration, et de notre administration fiscale en particulier, devraient observer si des changements d'habitudes s'installent et, peut-être, procéder à des corrections pour prévenir, précisément, que des aléas encore plus grands dans l'estimation des recettes fiscales n'apparaissent. Et l'on sait, notamment au moment de la discussion budgétaire, combien l'appréhension et l'estimation correcte de ces recettes fiscales sont importantes.
M. Pierre Conne (R). Le groupe radical soutient également cette motion qui, pour lui, va dans le sens d'une simplification administrative. Je tiens quand même à préciser que cette motion ne propose pas de changer les délais, mais simplement de fixer au 30 juin de l'année qui suit l'année fiscale la première période de demande de délai supplémentaire, sans percevoir d'émolument de 10 F.
Finalement, c'est un signe qui va dans le sens d'un assouplissement de l'administration, en disant: «Vous pouvez et vous devez rendre votre déclaration fiscale au 31 mars comme cela a toujours été le cas. Si vous demandez un délai supplémentaire, il vous sera accordé de manière facilitée - ça, c'est moi qui le dis, cela ne sera pas indiqué dans les textes, mais c'est l'esprit - moyennant quoi on ne vous taxera pas les 10 F qu'il faut payer aujourd'hui.» C'est, disons, un petit cadeau que nous faisons aux contribuables, qui implicitement leur demande évidemment de continuer à s'acquitter de leur déclaration fiscale dans les délais prévus.
Nous soutenons donc cette motion et nous vous demandons d'en faire de même. Je vous remercie.
M. Christo Ivanov (UDC). Nous sommes effectivement un des derniers cantons, si ce n'est le dernier, à maintenir un tel système. Cette motion propose de fixer le délai de retour des déclarations d'impôts, sur demande des contribuables, au 30 juin 2013, ce qui permettra d'étaler dans le temps le retour des déclarations, sans frais pour leurs demandeurs. Par conséquent, le groupe UDC soutiendra cette motion.
M. Pascal Spuhler (MCG), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, vous l'aurez compris, cette mesure que nous proposons vise simplement à faciliter la vie de nos concitoyens, puisqu'on ne parle pas de quelques personnes, mais bien de 68 000 contribuables qui chaque année faisaient appel à un délai supplémentaire. Le délai clé est donc le 31 mars, avec une prolongation facilitée au 30 juin; c'est tout ce que nous demandons, sans taxation, sans tracasseries administratives supplémentaires, afin que tout puisse bien se dérouler.
Contrairement à ce qui a été dit, non, il n'y aura pas de surplus de travail au sein de l'administration fiscale, puisqu'en supprimant cette demande de délai soumise à un paiement, on évite précisément les tracasseries administratives. Jusqu'à maintenant, avant que cette mesure ne soit mise en place, il y avait cet accord tacite pour le délai au 30 juin, et cela n'augmentait pas forcément les capacités de travail de l'administration fiscale. Je ne peux donc que vous enjoindre de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, en réalité, ce dont il s'agit, c'est d'un changement de système. Ce changement, vous en avez voté la première étape ici-même, il y a bientôt un an. Il permet d'être beaucoup plus souple sur cette question. Pourquoi ? Le souci de l'administration fiscale était double: d'une part, et c'est toujours un vrai souci, c'est que plus on connaît les déclarations tard, plus on taxe tard, mais aussi plus on introduit ces informations tardivement dans le système de prévisions. Comme ces dernières sont déjà établies sur la base d'une année et demie de prévisions, cela ne simplifie pas la vie. Mais il s'agit d'un aspect qui n'était pas le plus important.
Le point le plus important c'est que si l'on ne maintenait pas certaines obligations, le contribuable qui voulait jouer sur les délais pouvait le faire de façon assez facile - et là je corrige peut-être M. Aumeunier - simplement parce que les taux étaient bas !
Comme nous avions décidé précédemment d'avoir un taux unique lorsque la personne était en avance ou en retard, et que ce taux était très bas, vous pouviez avoir avantage, lorsque la pénalité était de 1%, à vous occuper d'autres factures, en repoussant le moment où vous alliez recevoir le bordereau. Et cela, c'est un peu plus que du cash-flow ! C'est aussi un risque de perte de l'entier !
Vous avez pris une mesure qui, légalement, nous autorise à faire une différence de 2,5% entre le taux que nous donnons au contribuable et celui que le contribuable, s'il est en retard, nous doit. Dans ces conditions, évidemment, l'incitation économique est quand même forte, de sorte qu'il n'est pas la peine de la redoubler d'un système basé sur un contrôle administratif.
Dans tous les cas, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais quand même vous dire que, de plus en plus, le travail administratif consacré à ces demandes ne s'effectue pas par un être humain, puisque chaque fois qu'elles sont envoyées par internet, sauf cas particulier ou dans les cas de personnes ayant des problèmes particuliers avec le fisc, c'est l'ordinateur qui envoie la réponse.
Nous avons pris des engagements qui sont déjà mis en place. Pourquoi sont-ils mis en place avant que vous ne les votiez ? C'est que nous les avions pris à l'occasion du vote de la modification de la loi sur la perception, loi qui, pour mémoire, rapportait 70 millions à l'Etat et qui a certainement facilité l'excellente décision, certes tardive mais excellente tout de même, de voter un budget pour notre république.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant plus demandée, je vais vous faire voter cette proposition de motion.
Mise aux voix, la motion 2040 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 52 oui contre 8 non et 18 abstentions.