Séance du
jeudi 21 mars 2013 à
14h
57e
législature -
4e
année -
6e
session -
37e
séance
M 2097
Débat
Le président. La parole est à M. Patrick Lussi, premier motionnaire.
M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je ne voudrais pas vous rappeler une évidence, mais simplement vous dire que cette motion a été déposée le 11 juillet 2012, suite à différents résultats de tribunaux, découlant notamment de l'arrêt du Tribunal fédéral du 18 juin 2011. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Pour ceux qui nous écoutent, voici grosso modo la situation: la loi, toujours actuelle, sur les taxis prévoit que pour obtenir un permis de taxi il faut payer un émolument d'entrée qui variait entre 40 000 F et 82 500 F. Quelques-uns ont payé 82 500 F: le Tribunal fédéral a jugé que cela était excessif, injuste ou du moins que la base légale n'était pas suffisante et qu'il fallait revenir à 40 000 F. Voilà donc où on en est actuellement. (Brouhaha.)
Il est clair, Mesdames et Messieurs les députés, tout le monde le sait, que la commission des transports a nommé une sous-commission ad hoc des taxis et nous sommes en train de revisiter complètement cette loi. Cependant, bien malin à ce jour celui qui oserait prétendre, prédire ou dire quelle sera la version finale qui aboutira et quelle sera la loi acceptée.
J'aimerais simplement vous rappeler que ce fonds, à la base, a été créé pour assurer un fonds pour la retraite des chauffeurs de taxis. Mis à part tous les considérants que nous avons inscrits dans l'exposé des motifs, je vous prie de considérer l'invite: «à prendre les mesures nécessaires à assurer que le fonds pour l'amélioration des conditions sociales de la profession ne pâtisse pas des remboursements ordonnés par la Cour de justice». Parce que, Mesdames et Messieurs les députés, nous en sommes toujours à ce point. Ce fonds existe, vous l'avez voté, vous l'avez décidé dans la loi de 2005 et la seule chose que nous demandons au Conseil d'Etat est de prendre des mesures pour que ce fonds ne pâtisse pas trop, parce que nul ne peut vous dire à ce jour - je le répète - ce qu'il en adviendra, s'il sera supprimé ou autre.
C'est la raison pour laquelle l'Union démocratique du centre avait déposé cette proposition de motion, la maintient aujourd'hui et vous demande simplement de la renvoyer au Conseil d'Etat, car en définitive ce sont des mesures directes qui sont nécessaires. Il ne s'agit pas de refaire un travail en commission. Ce dernier est déjà en train de se faire. Mais une fois de plus, personne ne peut préjuger de ce qui va se passer. C'est la raison pour laquelle nous vous demandons d'accepter cette motion pour que ce fonds soit préservé pour le moment jusqu'à la décision légale finale.
Présidence de M. Antoine Droin, premier vice-président
Mme Loly Bolay (S). Autant je partage sur le fond ce que mon préopinant vient de dire, autant le parti socialiste ne votera pas le renvoi de cette proposition de motion au Conseil d'Etat. Nous voterons le gel. Pourquoi ? Parce que, vu que la commission est en train de traiter ce sujet, cela ne sert à rien de renvoyer cette proposition de motion au Conseil d'Etat. On la gèle et on verra bien ce que la sous-commission des taxis va décider par rapport à cette problématique. A ce moment-là, on reprendra cette motion et on l'étudiera si nécessaire.
M. Jean Romain (R). Chers collègues, en période de dégel nous demandons aussi le gel de cette motion, parce que la sous-commission des taxis est en train d'élaborer une loi fondée sur un équilibre difficile entre les aspects juridique, économique et financier. (Brouhaha.) Cet équilibre difficile tentera précisément de respecter un principe d'équité que demande fort justement l'UDC et nous y souscrivons, mais il s'agit d'une profession difficile, nous le savons, c'est une profession qui est en butte à diverses attaques et à une concurrence déloyale.
Tout cela doit entrer dans quelque chose que nous sommes en train de mettre sur pied. Nous en parlerons dès que nous aurons la loi à la commission des transports, puis, comme le demande assez naturellement cette proposition de motion, le Grand Conseil prendra la décision finale.
Pour le moment, je crois qu'il est fort malvenu d'arriver avec cet objet, comme une sorte de contrainte ou d'épée de Damoclès, qui risque de rompre ce fragile équilibre que tous les partis présents à cette sous-commission des taxis tentent de conserver et qui va pour le moment relativement bien. Allons jusqu'au bout et nous reprendrons ensuite cette motion.
Le parti libéral-radical demande donc le gel de cette motion.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je vous rappelle que le parlement ne peut pas geler une proposition de motion mais il peut l'ajourner. C'est bien cela que vous demandez, Monsieur Romain ?
M. Jean Romain. C'est cela, Monsieur le président, nous demandons l'ajournement. Merci pour votre correction.
Le président. Très bien, nous soumettrons cette proposition au vote tout à l'heure. La parole est à Mme la députée Jacqueline Roiz.
Mme Jacqueline Roiz (Ve). Il s'agit effectivement d'un problème assez délicat dû à cet arrêt du Tribunal fédéral qui empêche le bon fonctionnement de ce fonds. Le groupe des Verts est très sensible à cette problématique. On propose le renvoi à la commission des transports, et à la sous-commission des taxis de décider si elle doit geler ou pas cette motion.
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Pour le parti démocrate-chrétien cette proposition de motion est tout à fait intéressante, mais bien évidemment elle doit être traitée dans le cadre de l'étude du projet de loi sur les taxis. Il doit y avoir cet aspect absolument technique qui appartient au Conseil d'Etat et nous estimons aussi beaucoup plus judicieux de l'ajourner, parce que cela doit faire partie d'un package, d'une étude systémique et en aucun cas, même s'il s'agit d'une bonne idée et que le souci est réel, d'isoler cela comme un élément qui serait étranger.
Nous vous proposons donc d'ajourner la proposition de motion et de reprendre les travaux lorsque éventuellement se présentera le risque d'avoir oublié cet aspect-là. Mais comme l'excellent député Antoine Barde préside la sous-commission, nous sommes convaincus que cet élément sera pris en compte.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, la problématique des taxis à Genève n'a que trop duré. Aujourd'hui, vous le savez, plus rien ne fonctionne entre les bleus, les jaunes et je serais tenté de dire que celui qui est pris en otage dans cette situation, c'est le client, le visiteur étranger qui demande un taxi, qui prend un taxi et qui se fait arrêter par la police sur les voies de bus où il est marqué «taxi»... Plus personne ne comprend et l'image de Genève en est devenue vraiment détestable.
Vous savez, puisque cela a encore récemment défrayé la chronique, qu'à l'Aéroport international de Genève la situation est toujours chaotique, car il y a aujourd'hui des taxis illégaux qui n'ont pas de couverture d'assurance et qui opèrent sur la zone aéroportuaire. Fort heureusement, le nouveau conseiller d'Etat Pierre Maudet a donné un coup de pouce pour essayer de mettre un léger «pansement» sur cette affaire, mais qui n'est de loin pas suffisant vu les réticences qu'il y a de la part du département de l'économie et de l'Aéroport international de Genève qui n'est même pas capable d'assurer le financement pour 300 000 ou 400 000 F par année, alors qu'en neuf mois il a dégagé 65 millions de F de bénéfices !
En ce qui concerne l'aéroport et son arrogance, je vous le dis - je fais partie de son conseil d'administration - pour lui son travail s'arrête au moment où les clients ont quitté la vitrine. Dès qu'ils sont sur le trottoir pour prendre un taxi, ce n'est plus le problème de l'aéroport ! (Commentaires.)
La problématique des taxis ne va donc pas se régler. Aujourd'hui, vous voulez ajourner cette motion: non, Mesdames et Messieurs ! Au mieux, vous devriez la renvoyer en commission puisqu'il y a effectivement un lifting de la loi sur les taxis qui est en train d'être effectué, mais je tiens à vous le dire, Mesdames et Messieurs les députés, cette loi en est à sa troisième version et c'est la deuxième fois que le Tribunal fédéral casse les décisions du gouvernement genevois en matière de transports publics sur les taxis et les limousines.
Alors je ne sais pas si ce sont les juristes de la couronne qu'il faut pendre haut et court ou si par ailleurs c'est le Conseil d'Etat qui n'arrive pas à donner les bonnes impulsions pour que nous arrivions à faire des lois qui sont en conformité avec le droit supérieur.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous mets en garde: la corporation des taxis est excédée ! Aujourd'hui, nous sommes vraiment au bord de l'explosion...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Je vais conclure, Monsieur le président. Les taxis ont eu une patience à toute épreuve jusqu'à maintenant, mais soyez assurés que cela ne durera pas et je n'arriverai plus à les contenir. J'ai réussi à le faire trois fois... (Commentaires.) Vous pouvez rigoler, Mesdames et Messieurs les députés, je vous dis juste - et M. Pierre Maudet le sait, puisque j'ai réussi à désamorcer une situation qui était en train de déraper à l'aéroport, il y avait même les brigades d'intervention spéciale de la police sur place - à force de prendre les taxis pour des imbéciles, je pense qu'on aura tous à y perdre.
M. Jacques Jeannerat. C'est une bande de charlots !
M. Eric Stauffer. Monsieur le député Jeannerat, vous traitez les taxis de bande de charlots, je pense qu'ils apprécieront la position du PLR. (Commentaires.)
Le président. Monsieur Jeannerat, s'il vous plaît !
M. Eric Stauffer. Vous défiez une partie des citoyens de Genève qui sont là aussi pour donner une bonne image de la Genève internationale ! Monsieur Jeannerat, vous n'êtes pas très plaisant envers cette corporation, mais ils sauront s'en souvenir.
Le président. Votre temps est écoulé, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG demande le renvoi à la commission des transports pour que le package global aboutisse enfin à une loi qui est conforme au droit supérieur !
M. Antoine Barde (L). Je pense qu'il faudrait qu'on parle juste du sujet, parce que mon préopinant n'a pas vraiment évoqué la problématique de cette proposition de motion. Effectivement, il y a un problème avec le fonds, il ne faut pas le négliger. Il faut qu'il soit traité à la commission des transports qui probablement décidera de renvoyer cette proposition de motion à la sous-commission des taxis.
Toutefois, je crois qu'il faut expliquer ici ce qu'est ce fonds: il a été voté dans la loi de 2005. Il s'agit d'un fonds qui est constitué aux fins d'améliorer les conditions sociales de la profession de chauffeur de taxi et de réguler le nombre de permis.
Je peux comprendre l'intitulé de la loi de 2005, cela étant, il faut bien comprendre que, quand un permis de chauffeur de taxi de service public est attribué, le chauffeur paie une certaine taxe, un certain montant qui va dans ce fonds et qui dort dans ce fonds aussi longtemps que ce chauffeur de taxi ne rendra pas son permis de service public.
Ce fonds ne porte aucun intérêt, je dirais donc que, quand on parle d'améliorer les conditions sociales de la profession de taxi, j'ai quand même un petit doute, parce que ce fonds ne rapporte finalement pas d'intérêts. Si tant est qu'on croie un peu à une économie libérale, personnellement, si j'avais une taxe à payer de 40 000 F, je pense que, si je travaille pendant trente ans, ces 40 000 F placés ailleurs auraient peut-être plus de chances de rapporter quelque chose et d'aider... (Remarque.) Oui, je sais que dans l'économie actuelle cela est peut-être plus incertain, mais je dirais que cette somme aurait plus de chances de rapporter quelques intérêts qui pourraient effectivement bénéficier au chauffeur de taxi une fois qu'il sort de la profession.
Aujourd'hui, ce fonds est un système de vases communicants: quand on y entre, on paie une somme et quand on en sort, on reçoit exactement la même somme. Cela ne sert à rien d'autre. J'ai donc des doutes sur le fait que cela améliore vraiment les conditions sociales de la profession de chauffeur de taxi.
Je vous demande donc de renvoyer cette proposition de motion à la commission des transports qui la traitera dans le cadre de la nouvelle loi sur les taxis. Je pense qu'il y a effectivement un sujet de fond à traiter.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Patrick Lussi pour trois minutes et dix secondes.
M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, méfions-nous quand même de ne pas sortir du sujet. Bien sûr qu'on parle des taxis, bien sûr que l'Union démocratique du centre comprend l'exaspération des taxis et travaille d'ailleurs à ce sujet dans le cadre de la sous-commission des taxis.
J'aimerais simplement vous rendre attentifs à l'intitulé de notre motion, parce que ce fonds existe depuis la loi de 2005. Ce fonds est entre les mains du département, donc il ne s'agit pas de discuter de ce fonds en commission, dans laquelle c'est un autre travail qui se fait. La motion demande de s'assurer que le fonds pour l'amélioration des conditions sociales de la profession ne pâtisse pas des décisions de justice. Elle demande simplement que le Conseil d'Etat analyse cela, car c'est quelque chose d'immédiat, c'est peut-être demain, c'est peut-être après-demain et il ne s'agit pas d'attendre la fin des travaux de la sous-commission, aussi importante et studieuse qu'elle soit, je m'en porte garant.
Je vous demande simplement d'être attentifs et de bien comprendre quel est l'objet que vise cette motion qu'il faut vraiment renvoyer au Conseil d'Etat afin qu'il prenne quelques mesures nécessaires. Il ne s'agit pas de rediscuter ce sujet, puisqu'il est l'objet de nos travaux actuels dans un cadre plus global - mon préopinant, président de la sous-commission des taxis avait raison. Mais je le répète: bien malin qui peut vous dire quelle sera la version finale et acceptée de cette loi.
Le président. Merci, Monsieur le député, la parole est à Mme la députée Béatrice Hirsch, à qui il reste deux minutes.
Mme Béatrice Hirsch (PDC). Merci, Monsieur le vice-président. J'aimerais juste vous demander de transmettre à M. Stauffer qu'il peut être rassuré: la sous-commission des taxis - cela a déjà été dit - dans laquelle sont représentés tous les partis, y compris le sien, étudie la problématique dont il est question dans cette motion.
Le parti démocrate-chrétien soutiendra l'ajournement, parce que les travaux sont difficiles. Nous allons aboutir à une loi suffisamment consensuelle pour que la sous-commission des taxis la vote si possible à l'unanimité et il n'est donc pas nécessaire de la parasiter avec l'étude d'une motion. Elle s'occupe déjà de cette problématique du fonds pour les chauffeurs de taxis et nous soutiendrons donc l'ajournement et non le renvoi à la commission des transports.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Renaud Gautier pour trente-quatre secondes.
M. Renaud Gautier (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, pour reprendre les élégants propos de M. Stauffer, les taxis sont à la Genève internationale ce que le MCG est à la politique.
Une voix. C'est-à-dire inutiles !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le conseiller d'Etat, Pierre Maudet.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Le Conseil d'Etat n'entend pas entrer, à l'occasion de cette motion, dans le débat général sur les taxis, qui est un grand serpent de mer au niveau cantonal.
Il s'agit ici d'une question de nature assez technique et juridique et nous comprenons la préoccupation qui est la vôtre quant à la destination finale de ces fonds ou leur stagnation dans ce fonds précisément, s'agissant quand même d'une somme ascendant, selon les calculs qui ont été faits, à plus de 2 millions et demi !
Le Conseil d'Etat considère qu'on est ici dans une situation finalement assez simple, comparable au cas où l'administration fiscale percevrait trop d'impôts sans cause. Pourquoi ? Parce que la Chambre administrative a décidé d'annuler et de priver de tout effet les arrêtés du Conseil d'Etat et que, dès lors, on doit rembourser le trop perçu.
La question peut se poser de savoir quand, mais l'effet du temps a relativement peu d'incidence puisque, comme l'a dit le député Barde tout à l'heure, ce fonds ne porte pas d'intérêts. En revanche, il est absolument certain qu'il faudra rembourser ce trop perçu et de ce point de vue le Conseil d'Etat n'entend pas entrer dans des discussions de nature politique, n'entend pas non plus parasiter les débats sur la loi qui, comme le rappelait tout à l'heure un député, a déjà tardé à revenir devant ce parlement.
C'est la raison pour laquelle en termes de technique législative, je ne sais pas si c'est mieux d'ajourner la motion ou de la renvoyer au Conseil d'Etat, mais dans tous les cas de figure il s'agira simplement de rembourser le trop perçu.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons d'abord procéder au vote concernant l'ajournement demandé par plusieurs députés, dont Mme Bolay. Si cet ajournement est refusé, nous passerons au vote de renvoi à la commission des transports.
Je mets aux voix l'ajournement de la proposition de motion.
Mis aux voix, l'ajournement de la proposition de motion 2097 est rejeté par 50 non contre 29 oui.
Le président. Je soumets donc le renvoi de cette proposition de motion à la commission des transports.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2097 à la commission des transports est adopté par 70 oui contre 8 non et 1 abstention.