Séance du jeudi 13 décembre 2012 à 17h
57e législature - 4e année - 3e session - 11e séance

M 2069
Proposition de motion de Mmes et MM. François Haldemann, Beatriz de Candolle, Alain Meylan, Jacques Béné, Fabienne Gautier, Frédéric Hohl, Pierre Weiss, Ivan Slatkine, Christiane Favre, Mathilde Chaix, Daniel Zaugg, Michel Ducret, Christophe Aumeunier, Renaud Gautier, Serge Hiltpold, Nathalie Schneuwly, Patricia Läser, Gabriel Barrillier pour le toilettage de la zone agricole

Débat

Le président. La parole est à M. François Haldemann, premier motionnaire.

M. François Haldemann (R). Merci, Monsieur le président. Cette motion a été déposée le 14 mars dernier, donc il aura fallu un certain temps pour qu'elle arrive devant notre hémicycle. Nous venons de voter tout à l'heure le PL 11005-A concernant le déclassement du périmètre de Palexpo et j'ose imaginer que le dépôt de cette motion n'y est pas tout à fait étranger. Je remercie d'ailleurs le département d'avoir déposé ce projet de loi, parce que cela fait plus de trente ans que Palexpo est toujours sis en zone agricole.

Je vais vous faire une petite liste, qui n'est pas exhaustive, mais il faut savoir que le collège de Claparède, les infrastructures sportives de Vessy, l'hôpital de Loëx, l'autoroute de contournement, le CESCO - à Bellerive - tous ces grands périmètres - et, bien sûr, ce n'est pas exhaustif... (Remarque.)

Le président. Monsieur le député, excusez-moi: est-ce que vous pourriez parler plus près ou en tout cas dans l'axe de votre micro, car on ne vous entend pas bien ! (Commentaires.)

M. François Haldemann. C'est un problème d'équipement, Monsieur le président, il faudra peut-être y remédier pour les prochaines sessions !

Je disais que ces périmètres sont toujours sis en zone agricole, et nous souhaiterions, par le biais de cette motion, voir ces périmètres passer par un toilettage qui serait une mise en conformité de ces derniers.

La deuxième partie de cette motion consiste en un enjeu peut-être beaucoup plus important en termes d'urbanisation. Il y a de nombreux périmètres en zone agricole qui sont construits, cela par des habitations... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et ces périmètres de construction d'habitations, toujours en zone agricole, sont soumis à l'article 42 de l'OAT, ainsi qu'aux articles 24C et 24D de la LAT, qui disent en substance que des agrandissements ou des constructions ne peuvent pas être réalisés.

Mais la vraie question est de savoir s'il ne serait pas judicieux de prévoir des déclassements de ces périmètres - qui sont d'ores et déjà le plus souvent sortis de la loi sur le droit foncier rural, puisqu'il n'y a pas d'activité agricole sur ces périmètres - afin de pouvoir y construire des logements. C'est tout l'enjeu de cette motion.

Vous pouvez bien évidemment renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat, si vous le jugez bon; si vous souhaitez la traiter en commission, c'est volontiers que nous y consacrerons du temps. Bien évidemment, si vous nous faites le plaisir de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, cela pourrait nous permettre d'aller plus rapidement dans le processus.

Le président. Merci, Monsieur le premier motionnaire. Je ferai voter à la fin du débat l'une ou l'autre des propositions que vous faites, on va voir ce que les autres groupes disent. La parole est à Mme Christina Meissner.

Mme Christina Meissner (UDC). Mon préopinant a bien résumé la situation: il y a des choses surprenantes qui perdurent, en matière de zones, et c'est ainsi que l'on voit une partie de l'autoroute située en zone agricole, voire même, jusqu'à récemment: Palexpo ! Donc, on ne peut pas dire que nous soyons en conformité avec une zone agricole qui puisse être véritablement cultivable.

Dès lors que nous allons nous pencher sur un nouveau plan directeur cantonal l'année prochaine, il nous paraîtrait nécessaire que l'on travaille sur une situation qui soit conforme à la réalité, pour qu'on sache véritablement quelles sont les zones que l'on peut effectivement urbaniser - celles qui le sont déjà. Et puis, il y a quand même un enjeu fort, c'est notre surface agricole utile, que l'on doit garder et qui aujourd'hui est entamée d'une manière assez importante - je pense notamment à des périmètres comme les Cherpines, qui devront sortir de cette zone agricole. Il y en a d'autres, et il est ainsi nécessaire de procéder actuellement à ce toilettage de la zone agricole. Nous vous suivrons donc volontiers.

Je rappellerai que la zone agricole n'est pas la seule dans cette situation: pratiquement toutes les zones dites «ordinaires» sont dans la même situation. C'est le cas, notamment, de la zone villas ou, du moins, de ce qu'il en reste. Donc, un toilettage est nécessaire pour la plupart des zones qui ne sont plus en conformité avec leur usage actuel.

M. Jean-Louis Fazio (S). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste soutiendra le renvoi de cette motion à la commission de l'environnement et de l'agriculture, et non pas le renvoi direct au Conseil d'Etat, puisque, en commission, nous avons déjà commencé à travailler sur ce sujet dans le cadre de l'étude de la motion 1951 qui s'intitule «Déclassement de la zone agricole», où nous avons déjà parlé de ces parcelles telles que Palexpo ou l'autoroute de contournement.

Dans le cadre de nos travaux, le département nous a déjà fourni l'inventaire des parcelles agricoles enclavées au 31 décembre 2008. Un renvoi dans notre commission permettrait au département de faire le point de la situation, aussi en ce qui concerne les négociations avec Berne, sur le mode de comptabilisation des surfaces agricoles utiles.

Donc, nous vous invitons à soutenir le renvoi en commission, afin que nous ayons directement les informations.

M. Serge Dal Busco (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, en ce qui nous concerne, nous, groupe démocrate-chrétien, sommes favorables au renvoi direct au Conseil d'Etat.

Comme l'a très bien expliqué mon excellent collègue François Haldemann, la situation est assez claire: il y a vraiment une utilisation de la zone agricole - près de 2000 hectares sur un total de 13 000 - qui est différente de celle pour laquelle cette zone a été conçue et destinée. Donc il est assez urgent de procéder à un inventaire, et qui d'autre que le Conseil d'Etat est le mieux outillé, le mieux à même de procéder à cet inventaire, à cette analyse de la situation ?

M. François Haldemann a évoqué le cas du projet de loi qu'on a voté tout à l'heure au sujet de l'autoroute; on a été très surpris de constater qu'une bonne partie de l'autoroute, ainsi que d'autres endroits et d'autres équipements cantonaux sont situés en zone agricole. Je pense que cela relève du bon sens que de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, afin que le travail se fasse dans l'administration et que, ensuite, des propositions de déclassement nous soient faites.

Concernant l'invite qui demande au Conseil d'Etat de «[...] procéder, par déclassement, à [...]», il faut juste ne pas oublier que c'est le Grand Conseil qui déclasse, et non le Conseil d'Etat. Nous attendons alors volontiers les propositions du Conseil d'Etat pour mettre en conformité cette situation.

M. François Lefort (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion met le doigt sur un problème que l'on aborde fréquemment en commission d'aménagement, en commission de l'environnement, et le problème, c'est quoi ? C'est que quelques centaines d'hectares - peut-être 2000 hectares, comme l'indique la motion - ne sont plus, dans la réalité, des terres agricoles cultivées, alors qu'elles le sont encore sur le cadastre. Et parler d'une zone agricole de 13 000 hectares à Genève est donc tout à fait virtuel !

Comment en est-on arrivé là ? Cette situation est le fruit d'une histoire où l'utilisation des exceptions de l'article 24 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire a permis d'aller vite quand il fallait aller vite, dans le cadre de l'intérêt public. Mais on peut aussi considérer que, parfois, aller vite est aller trop lentement. C'est une mauvaise habitude qui perdure puisque, récemment, un parking a été créé pour la prison de Champ-Dollon, en zone agricole, et que, encore plus récemment, un parking pour le CERN, sur zone agricole, a été mis à l'enquête. Cela date de novembre 2012.

Maintenant, il faut considérer quand même qu'il est tout à fait rationnel de mettre en conformité à leur utilisation actuelle ces anciennes zones agricoles sur lesquelles se trouvent des routes, des parkings, des équipements publics; les Verts ne pensent pas qu'au final une grande partie de ces terrains agricoles soient ou puissent être des grands réservoirs de logements, mais, s'il y en a quelques-uns de plus, pourquoi s'en priver ? (M. François Lefort est interpellé.) Non, Madame von Arx, la plupart sont des parkings et des autoroutes, alors ça va être difficile de construire dessus !

Le président. Monsieur le député, vous vous adressez au président !

M. François Lefort. Excusez-moi ! Monsieur le président, vous transmettrez - évidemment. Parallèlement au recensement de ces zones agricoles qui n'en sont plus - et l'excellent député Fazio l'a mentionné - il existe aussi des zones agricoles enclavées dans d'autres zones, principalement des zones 3 et 4. Un inventaire a été réalisé en 2008, effectivement; il recense 61 hectares de telles zones enclavées. Il est évident que, par leur situation, leur déclassement en zone de développement 3 ou 4 devient urgent, même très urgent, et cela vaut la peine de le mentionner, afin que le Conseil d'Etat se rappelle de préparer les projets de lois de déclassement ad hoc.

Enfin, M. Fazio a rappelé que nous avions des travaux en commission de l'environnement; nous travaillons effectivement sur une motion UDC qui veut protéger définitivement les 9000 hectares de zone agricole. Il va falloir considérer que la pression sur la zone agricole, maintenant, est insupportable et, évidemment, on comprend que les défenseurs des zones agricoles, donc des paysans, se manifestent par de telles motions un peu extrémistes.

Pour conclure, le groupe Vert acceptera cette motion et vous recommande, bien sûr, d'en faire autant. Il vous recommande surtout de la renvoyer directement au Conseil d'Etat - surtout pas à la commission de l'environnement ! (Remarque.) Non, Monsieur Fazio ! Pardon !... Vous transmettrez, Monsieur le président ! Donc surtout pas à la commission de l'environnement, où nous n'en avons pas besoin.

M. Sandro Pistis (MCG). Chers collègues, pour le MCG, cette motion pose de vraies questions. Les signataires nous indiquent qu'en 2003 un recensement a été effectué et a relevé l'existence de 2000 hectares de zone agricole non cultivée, avec des bâtiments et des routes. Depuis près de dix ans on n'a pas réglé ce problème, ainsi que vous l'avez indiqué dans votre motion.

Nous sommes surpris de voir comme signataires de cette motion des députés PLR !... Il aurait été plus judicieux d'en parler au conseiller d'Etat de votre parti - le PLR étant en charge du dossier - afin qu'il agisse. C'est une première remarque. (Brouhaha.)

Deuxième remarque: votre motion mélange deux choses. Il faut un «toilettage du passé» pour régulariser les situations acquises, comme des bâtiments ou des routes qui ont été placés en zones agricoles. Cela concerne le passé, et chacun sera d'accord qu'il faut agir.

L'autre question posée concerne l'avenir. Dans les zones agricoles qui ne sont plus cultivées pour une raison ou une autre, il faut des «microdéclassements»: pourquoi pas ? Si l'on peut construire des logements sans réduire la surface cultivée, pour les agriculteurs le groupe MCG soutient ce principe.

Le MCG souhaite que cette motion soit mieux énoncée; à l'heure actuelle, sa forme maladroite constitue une ambigüité. Toutefois, le MCG soutient les principes avancés par la motion, pour une bonne gestion de l'Etat et pour le logement. Mais le MCG aimerait également qu'on agisse, plutôt qu'on fasse de beaux discours. Je vous encourage, chers collègues, à renvoyer cette motion à la commission d'aménagement.

Des voix. Bravo !

M. Eric Leyvraz (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe UDC est aussi d'accord de renvoyer cette motion à la commission de l'environnement, puisque nous allons traiter une motion de notre parti concernant la protection définitive d'une certaine surface agricole sur ce canton.

Vous permettrez quand même au paysan que je suis d'être extrêmement surpris de voir dans quelle situation nous nous trouvons: l'année passée, nous avons reçu de la part de l'Etat des corrections de terres agricoles, notamment viticoles, qui concernaient, sur des parcelles de 15 000 m ou 20 000 m, des corrections de 10 m2 ou 15 m2 - en plus ou en moins. Nous avons dû refaire les papiers de propriété pour 15 ou 20 m2, et puis, d'un autre côté, il y a environ 2000 hectares qui sont construits en zone agricole !... On trouvait quand même qu'il y a un peu d'abus dans la manière de gérer les terres sur ce canton.

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il vous appartiendra de choisir si vous voulez renvoyer cette motion au Conseil d'Etat ou à une commission parlementaire. Je vais peut-être vous indiquer quelques éléments: il y a effectivement des chiffres qui circulent, mais il ne faut pas non plus fantasmer sur l'ampleur de ceux-ci !

Ces 2000 hectares de zone agricole qui ne seraient pas affectés à l'agriculture sont une chose, mais il y a un peu de tout dans cela. Les zones agricoles qui sont susceptibles d'abriter des constructions, parce qu'elles sont enclavées elles-mêmes dans des villages ou dans des zones qui sont par au moins trois de leurs côtés - c'est la définition d'une enclave - des zones urbanisées représentent très exactement 27 hectares sur l'ensemble du canton, répartis dans 17 périmètres.

C'est évidemment bon à prendre. C'est évidemment, dans la crise du logement que nous connaissons, quelque chose qui peut être utile, mais il ne faut pas fantasmer sur le potentiel de ces zones agricoles de 2000 hectares, d'abord parce que le Conseil d'Etat ne vous proposera pas de les déclasser au seul motif qu'elles ne sont pas utilisées pour l'agriculture - sauf à imaginer que cela constitue un puissant encouragement aux agriculteurs à ne plus cultiver leurs terres pour obtenir un déclassement automatique - mais bien d'en faire un inventaire.

Nous avons corrigé un certain nombre de choses. Il faut que vous vous rendiez compte que, si nous n'avons pas fait tout ce travail, c'est qu'il faut des forces colossales. Mesdames et Messieurs les députés, il y a un mois et demi, un collaborateur qui a travaillé onze ans à plein temps sur ce seul dossier - M. Bucheler - a terminé les différents remembrements nécessaires à la constatation de la construction de l'autoroute de contournement. Ces opérations foncières étaient nécessaires, parce que les subventions provenant de la Confédération en dépendaient. L'autoroute de contournement a plus de vingt ans d'âge, ce qui vous donne une idée de l'immensité de la tâche.

Nous l'avons fait tout à l'heure - cela a été signifié - pour une autre opération, celle de Palexpo. Cela ravira Mme Rochat. Je ne vous cache pas que j'avais insisté pour que Palexpo, dont j'avais la charge il y a encore quelque temps, puisse avoir une zone qui corresponde à son affectation réelle - et ce n'est manifestement pas une zone agricole, même pendant la période des «Automnales.» C'est bien une activité destinée à ce à quoi nous l'avons aujourd'hui consacrée.

Mais ce sont des opérations qui demandent un temps tout à fait considérable en procédures, en procédures d'opposition qui doivent être ouvertes, en procédures de consultation des communes, qui font que cela n'a absolument aucun intérêt de consacrer aujourd'hui des forces, dans un Etat qui ne dispose pas de budget et qui doit procéder par économie de moyens, pour constater qu'il y a trente, quarante ou cinquante ans, nous avons construit des routes sur des zones agricoles et que nous n'avons pas dézoné cet endroit. Cela ne va être d'aucun secours pour l'agriculture, cela ne va être d'aucun secours pour le logement de le constater.

Concentrons-nous donc sur les surfaces qui ont des potentiels, notamment des potentiels de droits à bâtir. Je vous l'ai dit: 27 hectares répartis sur 17 périmètres ! Il y a d'autres possibilités. Le Conseil d'Etat répondra volontiers à cette motion, si elle lui est renvoyée.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vais en premier lieu vous faire voter le renvoi de cet objet à la commission de l'environnement et de l'agriculture.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2069 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est rejeté par 57 non contre 21 oui et 1 abstention.

Le président. Je vous soumets maintenant la prise en considération de cette motion.

Mise aux voix, la motion 2069 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 61 oui contre 14 non.

Le président. Vous avez ainsi accepté la prise en considération de cette motion, c'est-à-dire son renvoi au Conseil d'Etat. Nous passons... (Commentaires. Le président est interpellé.) Non, le renvoi à l'aménagement n'a pas été demandé !

Des voix. Si ! (Commentaires.)

Le président. Monsieur Fazio, quel renvoi avez-vous demandé ? (Remarque.)

Une voix. Le MCG a demandé le renvoi à l'aménagement.

Le président. Alors excusez-moi, Monsieur le député, j'ai cru comprendre que vous étiez... (Commentaires.) Je vais vous faire voter, Mesdames et Messieurs, le renvoi à la commission d'aménagement. Le vote est lancé.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2069 à la commission d'aménagement du canton est rejeté par 46 non contre 32 oui.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, avez ainsi refusé le renvoi à la commission d'aménagement. Pour le bon ordre de notre séance, je vous soumets à nouveau la prise en considération de cette proposition de motion.

Mise aux voix, la motion 2069 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 61 oui et 13 abstentions.

Motion 2069