Séance du
jeudi 11 octobre 2012 à
17h
57e
législature -
3e
année -
12e
session -
66e
séance
RD 944 et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Avec l'accord du Bureau, nous avons décidé de commencer à traiter les urgences immédiatement, avec en premier lieu le RD 944, la M 2112 et la R 707. Il s'agit d'un débat de catégorie II, quarante minutes. Monsieur le rapporteur, avez-vous quelque chose à dire ?
M. Fabiano Forte (PDC), rapporteur. Oui, merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez reçu un rapport du Bureau accompagné d'une motion et d'une résolution concernant la question de la haute surveillance de la Cour des comptes puisque, je vous le rappelle, selon la loi la haute surveillance de la Cour des comptes revient au Grand Conseil.
Le Bureau du Grand Conseil a été sollicité durant l'été par les magistrats titulaires et suppléants de la Cour des comptes qui souhaitaient le rencontrer pour lui faire part d'un certain nombre de réflexions. J'aimerais d'emblée dire ici que la pathétique affaire du seau d'eau qui est intervenue après le début des travaux du Grand Conseil n'a pas constitué le point cardinal de nos réflexions et de nos auditions. Le Bureau a souhaité prendre de la distance et procéder aux auditions dans le calme et la sérénité, sans autre forme de polémique, pour en arriver aux diverses propositions que nous vous faisons ce soir.
Lors de ces auditions, le Bureau du Grand Conseil a pu constater un certain nombre de choses. Un conflit de personnes évident, lequel a mené à des problématiques de fonctionnement, à des problématiques de rupture de collégialité, ce qui a conduit le Bureau - du moins une majorité de celui-ci - à se poser la question de savoir si la Cour des comptes était encore capable de remplir sa mission en toute indépendance. Ces auditions ont aussi amené le Bureau à faire un constat, à savoir que la haute surveillance sur la Cour des comptes, qui est définie dans la loi, fait l'objet d'un vide juridique, puisque nous ne savons pas - et ce soir nous l'ignorons toujours - comment s'exerce pratiquement cette haute surveillance. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé la motion 2112, qui propose à votre Grand Conseil la création d'une commission d'enquête parlementaire. La création d'une telle commission est une décision importante, une décision grave, mais une majorité du Bureau a estimé qu'il y avait lieu d'investiguer sur certains propos qui ont été dits et qui sont retranscrits dans mon rapport. Nous pouvons notamment lire ceci - je cite: «En effet, pour lui - l'un des audités - les rapports doivent être lus entre les lignes - il s'agit donc des rapports de la Cour des comptes - ils sont parfois biaisés pour protéger certains intérêts et le travail de la Cour des comptes n'est donc pas satisfaisant, car il est soumis à des influences qui remettent en question l'indépendance de la Cour.» Lorsque le Bureau a demandé plus de précisions quant à ces affirmations, il lui a été opposé le secret de fonction, ce qui ne sera pas possible devant une commission d'enquête parlementaire. Alors soit on documente ce genre d'affirmations qui sont graves et on prend les décisions nécessaires qui s'imposent, soit on démonte ces affirmations et on redonne crédibilité et autorité à la Cour des comptes.
Le deuxième élément du rapport est la résolution qui demande à votre Grand Conseil de charger le Bureau de trouver par voie légale, en proposant un projet de loi, les modifications législatives nécessaires pour définir l'exercice de cette haute surveillance. Il s'agit de savoir pratiquement comment elle doit s'exercer, qui doit l'exercer et quelles seraient les éventuelles sanctions qui pourraient découler de cette mission de haute surveillance.
Pour l'ensemble de ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, une majorité du Bureau vous invite à accepter la proposition de motion 2112 pour la création d'une commission d'enquête parlementaire sur la Cour des comptes, et le Bureau dans son unanimité vous demande d'adopter la proposition de résolution 707 visant à présenter des modifications législatives en rapport avec l'exercice de la haute surveillance du Grand Conseil sur la Cour des comptes.
Présidence de M. Pierre Losio, président
M. Charles Selleger (R). C'est avec une grande consternation, Mesdames et Messieurs les députés, que nous apprenons les querelles intestines, les querelles de personnes qui sont survenues au sein de la Cour des comptes. De par sa mission de contrôle des organes de l'Etat, des grandes régies et autres entités, cette Cour se doit de travailler dans la sérénité et la collégialité et d'être un exemple de sérieux. Une incompatibilité d'humeur entre deux magistrats semble avoir suffi à aboutir aux événements qui nous sont rapportés par le Bureau du Grand Conseil. Tout cela est parfaitement édifiant et incompatible avec le fonctionnement de cette Cour. Pour autant, faut-il vraiment mettre sur pied une commission d'enquête parlementaire ? Cette commission constitue un organe lourd, formé de quinze députés qui seraient appelés à travailler pendant six mois. Comme le dit le professeur Grisel lui-même, une commission d'enquête parlementaire doit faire la lumière sur des événements d'une grande portée ou amenant un préjudice matériel ou politique important, ou encore en cas de soupçon d'activités délictuelles à caractère pénal. Sommes-nous dans ce cas de figure ? Certainement pas ! Nous avons affaire à une histoire qui tient plus de Clochemerle que de l'événement politique de grande portée. Mettre sur pied une commission d'enquête parlementaire équivaudrait à tirer sur une mouche avec une grosse Bertha. Au surplus, les deux protagonistes vont très prochainement cesser leur activité, l'un partant à la retraite, l'autre ayant décidé de ne pas se représenter.
Voilà les raisons, Mesdames et Messieurs les députés, pour lesquelles les libéraux et radicaux renonceront à soutenir la M 2112. En revanche, ils accepteront la R 707, car ils considèrent de la première importance que les conditions de la haute surveillance que le Grand Conseil doit avoir sur la Cour des comptes soient parfaitement définies. Enfin, le PLR prendra acte de l'excellent rapport du Bureau sous la plume de M. Fabiano Forte.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, en tant que représentant du groupe MCG au Bureau, je vais à mon tour vous demander de soutenir la création de cette commission d'enquête parlementaire. Autant - et ça va peut-être vous paraître bizarre que ce soit moi qui le dise ! - nous pouvons avoir une certaine latitude dans le pouvoir législatif, où certains écarts sont commis... (Remarque.) J'entends déjà quelques-uns parler de verres d'eau; soit ! Nous sommes un parlement, nous parlementons, parfois les débats sont chauds, mais à tout le moins en dehors des sessions le respect est toujours maintenu, en tout cas en ce qui me concerne par rapport à tous mes collègues et inversement. Et je m'adresse particulièrement - vous l'aurez compris - à M. Weiss, avec qui, c'est vrai, nous avons parfois quelques mots, et de temps en temps, dans l'emportement et la passion des débats, on peut déborder.
Donc autant, Mesdames et Messieurs les députés, nous pouvons avoir certains écarts dans notre rôle de parlementaires du pouvoir législatif... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...autant je suis extrêmement sévère lorsque l'on parle de magistrats professionnels tels que ceux de la Cour des comptes. Et là ça ne va plus. En effet, on peut admettre le verre d'eau symbolique, mais quand on en arrive à aller chercher dans l'armoire de la femme de ménage un seau d'eau pour le jeter sur le bureau de son collègue, là je pense vraiment qu'il y a quelques rouages qui manquent dans la cervelle de certains. Et je le dis encore une fois avec toute la détermination, tout le respect qui est dû à la fonction de chacun. Mais là, visiblement, ça ne fonctionne pas. Alors, Mesdames et Messieurs les députés, il nous appartient, en tant que pouvoir législatif, puisque la loi est ainsi faite que nous sommes la haute autorité de surveillance de la Cour des comptes, comme nous sommes la haute autorité de surveillance du Conseil d'Etat, par exemple... Mais si ce sont des mots qu'on met comme ça dans des lois et qu'on espère ne jamais avoir à appliquer, eh bien pour cette fois c'est raté, car nous avons été saisis pour la première fois dans notre histoire de parlementaires avec le titre, l'expression «haute autorité de surveillance». Alors je puis vous certifier que mes collègues du Bureau et moi-même nous nous sommes regardés et avons cherché s'il y avait un règlement, une loi qui indiquait comment appliquer cette haute autorité de surveillance. Eh bien figurez-vous qu'il n'y en a pas ! Il n'y en a pas ! Donc c'est vrai que, du point de vue législatif, ce dossier un peu humide qui nous a été soumis est très intéressant, parce que nous allons effectivement proposer à la fin des travaux un règlement qui va définir ce qu'est la haute autorité de surveillance. Pour ne pas faire trop long, Monsieur le président...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Eh bien justement, vous voyez, comme quoi les grands esprits se rencontrent ! (Rires.) Je savais que ça vous plairait ! Alors je dirai simplement que j'invite aujourd'hui les magistrats professionnels de la Cour des comptes à faire preuve de plus de retenue et à éviter d'écrire tous les deux jours au Bureau du Grand Conseil, parce que l'on a l'impression d'être dans un jardin d'enfants... (Exclamations. Commentaires.) Et je vous le dis, Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas acceptable ! Le Bureau a maintenu une confidentialité totale sur ce dossier et les fuites sont venues d'ailleurs mais, encore une fois, à qui profite le crime ? J'en ai terminé.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, pour les Verts les faits qui se sont produits à la Cour des comptes sont graves. Ils concernent deux magistrats de cette institution, mais je pense qu'il faut avant tout souligner le travail qui a été réalisé par cette Cour et par ses collaborateurs, car je dois dire que le travail qu'elle a rendu pendant cette législature, pendant ces six ans d'exercice, est de très très haute qualité. C'est un travail qui a été utile pour la république et dans lequel nous avons senti les collaborateurs de la Cour des comptes, et généralement les magistrats, s'investir à fond afin de nous fournir des rapports de très grande qualité. Alors certes les événements qui se sont produits sont inexcusables, mais où va-t-on arriver, à quel type de sanction, si l'on va plus loin ?
Ce dont on se rend compte, c'est que les deux magistrats impliqués ne se représentent pas et que donc le problème va en gros se régler de lui-même. Je tiens cependant à remercier le Bureau du Grand Conseil pour le travail qu'il a effectué, et en particulier M. Fabiano Forte qui est rapporteur pour le Bureau, parce que nous avons eu l'information et que nous pouvons exercer par là notre devoir de haute surveillance. Nous pouvons dire que, non, nous n'admettons pas ce type de comportement, mais que comme nous savons que ces personnes ne se représentent pas, nous pensons que l'affaire va s'éteindre d'elle-même. Les Verts voteront néanmoins la résolution, mais ils s'opposeront à la création d'une commission d'enquête parlementaire de quinze membres. En effet, elle va travailler pendant des mois pour rendre une conclusion, comme la grêle après les vendanges, beaucoup trop tard, avec une non-possibilité de sanction parce que l'on ne pourra pas révoquer les magistrats vu qu'ils ne siègeront plus. Alors j'aurais envie de dire: tout ça pour ça ! Oui, nous pouvons solennellement regretter ce qui s'est passé, oui, nous pouvons dire que c'est inadmissible, non, nous ne voulons pas salir le travail de la Cour des comptes et surtout celui de ses collaborateurs, qui est remarquable, oui, nous pouvons dire qu'il y a eu là un dérapage que l'on ne veut plus jamais voir, mais nous nous réjouissons que des élections aient bientôt lieu autour de cette Cour des comptes et que nous puissions avoir une nouvelle Cour qui redémarre dans un climat apaisé.
M. Eric Bertinat (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, je vous renvoie au rapport pour peut-être mieux comprendre ce qui s'est passé à la Cour des comptes et en mesurer la gravité, car ce qui s'est passé est grave, et je ne parle pas uniquement de l'épisode calamiteux du seau d'eau, mais réellement du problème interne à la Cour des comptes - problème que certains partis ayant des magistrats dans cette institution ont bien envie de ne surtout pas aborder.
Le Bureau a été saisi le 17 août par M. Zuin et ses collègues, à l'exception évidemment de M. Devaud, qui lui ont fait part d'un fonctionnement insatisfaisant, ce qui ne désigne pas uniquement de simples problèmes de ressources humaines au sein de la Cour des comptes. Une insistance a été mise, comme vous pouvez le lire en haut de la page 3 du rapport: «Il est ressorti de cette audition que la Cour des comptes rencontrait manifestement des problèmes dans son fonctionnement.» Alors maintenant se pose la question de savoir qui a la main sur la Cour des comptes afin d'aider cette dernière à résoudre ce problème, ce problème finalement institutionnel, puisqu'il relève de son fonctionnement; ce n'est pas un problème relationnel entre deux personnes qui ne peuvent pas se supporter, mais bien un problème de fonctionnement. Ce problème de fonctionnement a également été relevé par M. Devaud, qui a laissé même planer d'autres doutes, plus importants encore, quant à la liberté dont le magistrat élu à la Cour des comptes dispose pour investiguer là où il veut.
C'est pourquoi il a été fait appel à cette notion de haute surveillance, qui nous a occupés quelque temps, une haute surveillance qui est dans les mains du parlement, dans les mains du Grand Conseil, dans vos mains. Alors maintenant que va-t-on faire ? J'ai bien compris que les partis qui ont des représentants à la Cour des comptes vont s'empresser de ne surtout pas créer une commission d'enquête parlementaire, mais si c'est le cas les accusations et les mauvais fonctionnements qu'il y a aujourd'hui à la Cour des comptes ne seront tout simplement pas résolus. Le problème relationnel sera réglé puisque les deux magistrats impliqués ne se représentent pas et seront remplacés dans quelques semaines, mais la suspicion qui règne sur la liberté de travailler dont disposent les magistrats et sur les problèmes institutionnels et de fonctionnement que l'on nous a expliqués ne sera pas levée. C'est la raison pour laquelle je regrette d'entendre les partis bourgeois et les Verts - j'attends d'entendre les socialistes - nous dire qu'ils ne soutiendront pas la création d'une commission d'enquête parlementaire, parce que sans la création d'une telle commission nous ne résoudrons rien du tout. Les problèmes qu'il y a eu avec les magistrats élus jusqu'à la fin de ce mois pourront très bien survenir dans quelques semaines avec les nouveaux magistrats, et sans doute que, à défaut d'avoir la tête dans le sable, vous l'aurez dans le seau. Donc l'UDC soutiendra quant à elle la création d'une commission d'enquête parlementaire, elle acceptera la résolution qui nous est proposée et elle renverra évidemment à qui de droit le rapport du Bureau.
En conclusion, je voudrais tout de même relever l'excellent travail qui a été réalisé jusqu'à présent à la Cour des comptes, particulièrement de la part de M. Zuin; je regrette vraiment ce qui s'est passé et j'aimerais vous dire que c'est un problème d'importance, et que l'importance qu'il y a justifie précisément la création d'une commission d'enquête parlementaire.
Une voix. Bravo !
M. Philippe Morel (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, certains épisodes de la vie politique genevoise pourraient être placés sous le titre «Histoires d'eau». Effectivement, nous sommes une ville du bout du lac et le jet d'eau inspire peut-être certaines personnes, mais au-delà de ces comportements affligeants, désolants et condamnables, il y a un instrument, la Cour des comptes, qui depuis six ans fonctionne de manière extrêmement satisfaisante - cela a été relevé à plusieurs reprises. En réalité, peut-être que le conflit des personnes est lié à un conflit d'interprétation du rôle de la Cour des comptes. On a d'un côté une interprétation très rigoureuse, très légaliste, très juridique, et de l'autre une interprétation tout aussi rigoureuse, mais peut-être plus éducationnelle et plus liée au contrôle et à l'aide qu'à la condamnation et à la juridiction. Et c'est peut-être au travers de ces deux interprétations que le conflit est né, au-delà bien sûr du conflit très regrettable et condamnable des personnes. Cette opposition des personnes sera réglée dans quelque temps, et nous espérons vivement que cela ne trace pas le chemin d'une mauvaise compréhension de fond. Nous suivrons ce dossier au-delà des personnes et nous verrons si les problèmes persistent, mais en l'état actuel le groupe PDC pense que la création d'une commission d'enquête parlementaire est exagérée, trop précoce et qu'elle n'est pas justifiée. Nous ne la soutiendrons donc pas. En revanche, pour ce qui est de la R 707, nous l'accepterons avec enthousiasme car elle permettra de fixer certaines règles qui actuellement n'existent pas et qui nécessitent d'être présentes dans l'avenir. Par ailleurs, nous prenons acte, avec remerciements et félicitations, de l'excellent rapport rédigé par M. Fabiano Forte.
M. Renaud Gautier (L). Monsieur le président, souffrez que je m'adresse plus précisément à vous, pour vous dire que vous vivez une année particulièrement difficile, où les atteintes aux institutions sont par trop fréquentes et où l'absence de sens desdites institutions se ressent partout. Votre Bureau a donc eu raison de se saisir de ce problème et de rédiger cette résolution - j'y reviendrai dans un instant. En revanche, pour ce qui est de la motion, je ne vais pas vous suivre.
Contrairement à ce qu'a exprimé M. le député Bertinat, on ne peut pas dire ici qu'il s'agit d'un débat politique de ceux qui ont un représentant à la Cour des comptes contre ceux qui n'en ont pas. Peut-être, Monsieur Bertinat, que le jour où vous aurez de bons candidats, vous serez vous aussi à la Cour des comptes ! La question est beaucoup plus fondamentale que cela. M. Stauffer a par ailleurs tort quand il dit qu'il n'y a jamais eu de demande de commission d'enquête parlementaire: il y en a eu une historiquement dans ce parlement, et elle a été refusée. Le problème de la commission d'enquête parlementaire, c'est que c'est le summum de la lourdeur et de la mise en doute d'une institution qu'on peut avoir. Dans la mesure où nous reconnaissons ici ne pas savoir exactement ce qu'est la notion de haute surveillance - ce qui a permis au Bureau de ce Grand Conseil de s'interroger sur ce point et de décider qu'il allait traiter cette question de la haute surveillance, ô combien nécessaire - nous ne pouvons pas, nous, nous aviser de dire que, du fait de l'incompatibilité entre deux personnes, nous allons nommer une commission d'enquête qui est régie par le droit judiciaire assez particulier, de manière à régler un problème qui de toute façon n'existera plus.
L'autre problème de la commission d'enquête parlementaire, c'est que si chaque fois qu'un service dysfonctionne à l'Etat il faut nommer une telle commission, à cent députés on va très vite ne pas être assez nombreux pour s'occuper de toutes les commissions d'enquête parlementaire qu'il faudrait nommer. Il y a donc là une proposition qui est à mon avis inadéquate et que je ne suivrai pas, mais en revanche je crois qu'il faut ici relever l'important travail que votre Bureau a commencé à réaliser, Monsieur le président, quant à cette réflexion sur la notion de haute surveillance. Où commence-t-elle et surtout où s'arrête-t-elle ? Est-ce que ce parlement a, comme il est dit dans les textes, la haute surveillance sur le Conseil d'Etat ? Et que signifie la haute surveillance de ce parlement sur le Conseil d'Etat ? Est-ce que cela voudrait dire qu'une décision de l'un ou l'autre conseiller d'Etat que nous trouverions injuste pourrait être remise en cause dans cette salle ? Je sens que les conseillers d'Etat ne vont pas apprécier. Ou au contraire est-ce d'une manière générale que nous devons nous poser la question, à savoir que ce principe de haute surveillance entend ainsi être le gardien des normes qui doivent régir la bonne gouvernance ? Cet ensemble de questions, vous le résoudrez dans le cadre du Bureau, d'une manière que je me réjouis déjà de lire et qui permettra effectivement de déterminer ensuite de quelle façon le Bureau de ce Grand Conseil sera amené à devoir se prononcer lorsqu'il est interpellé par la notion de haute surveillance, car je rappelle que si elle est conférée à ce parlement, elle est de fait déléguée au Bureau du Grand Conseil. Bravo donc, Monsieur le président, d'avoir fait l'entier de ces recherches. Je ne vous suivrai pas pour la motion, mais je crois qu'on ne peut tous être que très satisfaits de la résolution que vous nous proposez et que nous allons soutenir.
Mme Loly Bolay (S). Le 27 novembre 2005, tout le monde s'en souvient, le peuple genevois a accepté à près de 80% la modification de la constitution genevoise en instituant une Cour des comptes. Les premiers magistrats ont prêté serment en décembre 2006 et sont entrés en fonction en janvier 2007. La mission de cette Cour des comptes est le contrôle indépendant et autonome des services et départements de l'Etat, de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire, des institutions cantonales de droit public, des organismes subventionnés et des instances communales. En revanche, le secret fiscal est opposable à la Cour des comptes, contrairement à l'ICF. C'est un point dont il faut tenir compte. La Cour a un grand pouvoir d'investigation, on l'a souligné ici, et je ne manquerai pas de relever à mon tour l'excellent travail que cette Cour des comptes accomplit et que tout le monde reconnaît. Elle a donc un grand pouvoir d'investigation mais ne dispose pas d'un pouvoir de sanction, contrairement d'ailleurs à la Cour des comptes française qui, elle, a un pouvoir de sanction sur les trésoriers publics. Il s'agit là aussi d'un élément à prendre en considération.
Alors suite aux événements totalement inacceptables, pour ne pas dire plus, qui se sont produits et à la lecture du rapport édifiant du rapporteur Fabiano Forte, on se pose effectivement la question de l'opportunité ou non de créer cette commission d'enquête parlementaire. A ce propos, on a entendu ici des gens dire que la création d'une telle commission constituait une mesure trop radicale, mais de quel autre choix ce parlement dispose-t-il ? Avons-nous d'autres moyens ? Alors peut-être que la question à se poser concerne l'urgence - c'est peut-être là que réside le débat - mais pas la création de cette commission. En effet, Mesdames et Messieurs les députés, lorsqu'on lit le rapport de notre collègue et l'avis de droit, on se rend compte que nous devons savoir si la Cour des comptes connaît effectivement des problèmes de fonctionnement ou s'il s'agit uniquement d'un problème entre deux magistrats qui ont peut-être tous les deux des attitudes narcissiques. Le conflit entre ces deux personnes a-t-il été exacerbé parce qu'il existe justement des lacunes dans le fonctionnement de la Cour ? Y a-t-il eu des entraves à la Cour des comptes, comme certains protagonistes le prétendent ? Est-il vrai que la Cour des comptes est soumise à des influences qui remettent en question son indépendance, comme l'affirment certains protagonistes ? Ce sont des questions de fond, Mesdames et Messieurs les députés, et il est important que ce parlement le sache.
Concernant la haute surveillance, quand on lit l'avis de droit, que nous dit-il ? Selon l'avis de droit, on croit toujours que le Grand Conseil a cette haute surveillance et que donc tout le monde est protégé. Mais non, Mesdames et Messieurs les députés ! On l'avait déjà dit ici quand on a parlé des régies publiques et du fait que le Grand Conseil avait la haute surveillance. Mais que signifient ces mots ?
Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée !
Mme Loly Bolay. Il est dit dans l'avis de droit que cette haute surveillance est moins stricte, moins systématique et en quelque sorte plus distancée.
D'autre part, Mesdames et Messieurs les députés, certains d'entre vous ont dit qu'ils étaient d'accord avec la résolution, mais avez-vous lu ce qu'elle demande ? Elle invite le Bureau du Grand Conseil «à proposer au Grand Conseil les modifications législatives nécessaires pour clarifier le rôle et l'exercice de la haute surveillance du Grand Conseil sur la Cour des comptes». Mais si l'on n'a pas effectué ce travail en amont, si personne ne le fait, comment voulez-vous que le Bureau du Grand Conseil accomplisse ce travail ? Grâce à une baguette magique ? Non. Alors même s'il s'agit d'un outil peut-être un peu trop radical, on n'en a pas d'autre, Monsieur le président, et donc les socialistes sont en faveur de la création de cette commission d'enquête parlementaire.
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur le député Riedweg, le temps de parole de votre groupe est épuisé. Monsieur Eric Stauffer, vous avez quinze secondes pour faire une mise au point, puis je donnerai la parole à M. le rapporteur Fabiano Forte pour deux minutes.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez au député Gautier qu'il a tort, car c'est bien la première fois dans l'histoire de ce parlement que nous sommes saisis par le biais de l'expression «haute autorité de surveillance». Je n'ai pas dit que c'était la première fois qu'il était question de créer une commission d'enquête parlementaire ! Voilà simplement ce que je voulais rétablir.
Le président. Je vous remercie de cette précision. La parole est à M. le rapporteur Fabiano Forte.
M. Fabiano Forte (PDC), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, quelques mots de conclusion. Moi je suis tout à fait d'accord avec le président Gautier quand il dit que l'on ne va pas créer des commissions d'enquête parlementaire chaque fois qu'il y a un problème dans un service de l'Etat. Je suis entièrement d'accord avec vous, cher collègue, parce que je pense qu'aujourd'hui nous en serions à la troisième commission d'enquête parlementaire, ne serait-ce que pour la chancellerie. (Exclamations.)
On a parlé d'atteintes aux institutions. La Cour des comptes est une institution de cette république, elle est issue d'un vote populaire, ses magistrats sont élus, et on ne peut pas accepter d'entendre dire que des rapports sont biaisés, que des rapports sont influencés, sans investiguer. Si vous acceptez que ces propos sont tenus - propos auxquels on a opposé le secret de fonction, donc on n'en saura jamais plus - vous m'excuserez, Mesdames et Messieurs les députés, mais vous jetez le bébé avec l'eau du bain, pour celles et ceux qui ont dit que le travail de la Cour des comptes était de qualité. Je le reconnais du reste moi-même, mais permettez-moi d'avoir un doute.
Pour terminer, j'aimerais dire aussi que celles et ceux qui se plaignent de l'arrivée dans cet hémicycle de certains mouvements sont les mêmes qui, pendant un certain nombre d'années, n'ont pas voulu entendre, n'ont pas voulu écouter. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à voter cette motion qui vise à créer une commission d'enquête parlementaire pour documenter les accusations graves qui ont été portées contre cette Cour des comptes ou alors pour dégonfler ces accusations, et à ce moment-là vous reconnaîtrez le travail de cette Cour, à ce moment-là vous rétablirez l'autorité de cette Cour, toute l'autorité qu'elle mérite.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Le débat est clos. Nous allons procéder au vote dans l'ordre suivant: je vais d'abord mettre aux voix la M 2112, puis la R 707, et ensuite nous prendrons acte du RD 944.
Mise aux voix, la proposition de motion 2112 est rejetée par 50 non contre 40 oui et 1 abstention.
Le président. Il n'y aura donc pas de commission d'enquête parlementaire. Je vous fais maintenant voter la R 707.
Mise aux voix, la résolution 707 est adoptée et renvoyée au Bureau du Grand Conseil par 91 oui (unanimité des votants).
Le Grand Conseil prend acte du rapport divers 944.