Séance du
vendredi 14 septembre 2012 à
20h30
57e
législature -
3e
année -
11e
session -
63e
séance
PL 10898-A
Premier débat
Le président. Nous sommes maintenant au point 74 de l'ordre du jour. (Protestations.) Oui ! Décision du Bureau: on continue ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) J'appelle à leur table les rapporteurs de majorité et de minorité. Nous terminerons de toute façon à 23h ! Pile ! (Brouhaha. Quelques instants s'écoulent.) Mesdames et Messieurs les rapporteurs, prenez-vous la parole ?... Oui. Je la donne à M. le rapporteur de majorité.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. J'aimerais juste dire qu'il s'agit d'un projet de loi faisant partie d'un paquet de lois que nous allons traiter d'ici à demain matin. Ceux-ci touchent la LIPP, ce qui pose un certain nombre de problèmes, puisqu'ils remettent en cause l'équilibre au niveau de la LIPP, et c'est quelque chose qui heurte la majorité. Un accord avait été trouvé, et là on vient avec une espèce de splitting... (Remarque.)
Le président. Monsieur le rapporteur de majorité, est-ce que vous pouvez vous exprimer un peu plus fort ? - on ne vous entend pas. Merci.
M. Christo Ivanov. Oui, Monsieur le président. Je disais que nous allons traiter quatre projets de lois en urgence, ce soir et demain matin, que ces derniers remettent en cause la LIPP et que c'est quelque chose qui heurtait la majorité de la commission. Pour l'instant, j'en reste là.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, effectivement quatre projets de lois fiscaux vont suivre maintenant, dont trois sont issus des niches fiscales qui proviennent du projet de loi sur la loi d'imposition des personnes physiques votée en 2009, la fameuse baisse d'impôts. L'acceptation de ces quatre projets de lois permettrait une rentrée fiscale, à partir de l'année prochaine, estimée à environ 80 millions par année. Suite à ce que l'on vient d'entendre ce soir, que ce soit sur le global ou sur le contenu, à savoir que l'Etat a besoin de finances, c'est évident, il nous paraît important que ces projets de lois puissent être votés. Au passage, quand on parle de la LIPP, j'aimerais quand même rappeler que, en tant que rapporteur de minorité sur cette loi LIPP en 2008, nous avions - lors des travaux, dans cette même salle - déjà abordé toutes les niches fiscales qui vont être retravaillées durant l'examen de trois de ces projets de lois, donc LIPP, qui aidaient les familles mais qui, en réalité, aidaient surtout des personnes et contribuables riches.
Donc inutile de dire - comme vient de le faire le rapporteur de majorité - que la droite, dans ces dossiers-là, dogmatique, dira non et soutiendra un non à ces trois projets de lois LIPP. Dans le projet de loi qui nous intéresse ici, PL 10898 qui s'intitule donc «Suppression de l'exonération partielle de l'impôt sur la fortune des indépendants», la droite est hors la loi de par son «non» face aux lois fiscales et en particulier face à la loi d'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes, la LHID. Le texte LIPP, texte de loi actuellement en vigueur, prévoit ceci à l'article 58, alinéa 2: «Il est en outre accordé une déduction égale à la moitié des éléments de fortune investis dans l'exploitation commerciale, artisanale ou industrielle du contribuable, au prorata de sa participation, mais au maximum de 500 000 F», alors que la loi fédérale LHID stipule: «L'impôt sur la fortune a pour objet l'ensemble de la fortune nette.» Cette défiscalisation prévue dans notre loi actuelle augmente avec le montant de fortune nette du contribuable et peut aller jusqu'à une somme six fois supérieure à la déduction sociale sur la fortune de tout un chacun d'entre vous, d'entre nous - contribuables lambda, on va dire. Dans ce projet de loi et dans la loi actuelle, plus on est riche et plus on investit dans son entreprise, plus on peut déduire. A part jouer à soustraire un maximum au fisc, cette mesure n'a pas de sens. Pour nous socialistes, une déduction sociale sur la fortune devrait être plutôt réfléchie en vue de s'appliquer aux entreprises qui en ont besoin, aux petites PME. En l'occurrence, ici, le mécanisme actuel de la LIPP est l'inverse: plus on a de fortune et plus on peut déduire de son impôt - aussi de sa contribution à la collectivité. Elle n'a donc rien d'une loi sociale ou d'une loi d'aide aux petites PME. Cette mesure montre donc les buts des partis de droite, lesquels sont d'aider les plus riches des entrepreneurs et de laisser ramer les autres. Ce n'est pas notre logique, en tant que socialistes, et c'est pourquoi nous vous demandons...
Le président. Il vous faut conclure, Madame la rapporteure !
Mme Lydia Schneider Hausser. ...de mettre cet article aux normes fédérales et d'accepter ce projet de loi.
M. Christophe Aumeunier (L). J'avais prévu de faire une déclaration liminaire, parce qu'il y a un contexte à exprimer; malheureusement je dois renoncer, Monsieur le président. A cette heure-ci le coeur n'y est plus, la concentration des députés... (Exclamations.) ...n'y est plus, et ce que je me propose de faire, c'est d'improviser et de parler de la suppression de l'exonération partielle de l'impôt sur la fortune des indépendants, parce que c'est cela dont on traite. Evidemment, alors que l'on nous parle de niches fiscales - nous venons de voter une cathédrale d'avantages - où est, ici, la proportion et la proportionnalité ? L'on veut nous faire croire que nous voterons des hausses d'impôts pour financer les retraites des fonctionnaires. Je m'insurge en faux, Monsieur le président, contre cette manière de voir les choses ! Nous nous opposerons à toute hausse d'impôts et nous nous opposerons à cette suppression de l'exonération des indépendants à hauteur de 500 000 F, ce qui correspond à l'exonération de la fortune de... l'entreprise ! Il y a un grand nombre de pays européens qui ont déjà abandonné l'impôt sur la fortune. L'impôt sur la fortune est un impôt désuet, mais que dire de celui-ci, Monsieur le président ? Celui-ci est le plus inique qui soit, parce qu'il taxe, au fond, la force de travail ! Il taxe l'entreprise et l'emploi également. L'on nous dit que cette mesure serait contraire à la loi d'harmonisation fiscale: il n'en est rien ! Il n'en est rien, parce que, a priori, l'on aurait mal écouté ce qui s'est dit en commission, puisque quelques hésitations se sont faites de la part d'experts - éminents experts - dont le professeur Oberson est, et qui nous dit: «Oui, il y a peut-être une hésitation, mais il n'y a pas de doute à dire que c'est une exonération qui doit être imaginée comme une déduction sociale.» La déduction sociale est prévue par la loi d'harmonisation fiscale et, dans ce contexte-là, il n'y a pas de doute pour dire que cette exonération est une exonération parfaitement légale. Raison pour laquelle, en définitive, le groupe libéral refusera avec vigueur qu'il y ait une imposition de la force de travail, qu'il y ait une imposition de l'outil de travail, qu'il y ait une imposition de la création d'emplois, parce que nous souhaitons que la prospérité de Genève puisse perdurer ! Nous nous opposerons à ce projet de loi et nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à le refuser. (Applaudissements.)
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, en décembre dernier, les Verts avaient accepté le budget 2012, malgré de profondes réticences en raison des coupes opérées, en particulier dans les contrats de prestations. Si nous l'avons voté, c'est parce que le Conseil d'Etat nous avait alors présenté un nouveau plan financier quadriennal comportant non seulement le montant des économies à réaliser, mais également de nouvelles recettes. Les projets de lois fiscaux que nous allons voter ce soir et demain matin reflètent donc la volonté du Conseil d'Etat de ramener le budget dans les chiffres noirs, non seulement en agissant sur les dépenses, mais également sur les recettes. De plus, il est important de dire que ces projets de lois touchent tous à des niches fiscales, uniques en Suisse, et qu'il s'agit ici uniquement de mettre fin à certains particularismes genevois. Ce premier projet de loi en est la meilleure illustration: la déduction sur la fortune, en faveur des contribuables indépendants, contrevient clairement à la loi fédérale d'harmonisation. La loi d'harmonisation ne prévoit pas qu'une telle exonération de l'outil de travail soit possible, dès lors que l'ensemble de la fortune nette est soumise à l'impôt. Les Verts estiment donc qu'il est tout à fait raisonnable d'accepter ce projet de loi, qui nous mettra non seulement en conformité avec le droit fédéral, mais rapportera quelques recettes supplémentaires, bien utiles en ces temps difficiles. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Guillaume Barazzone (PDC). Quelques mots liminaires pour dire que nous avons bien compris que le Conseil d'Etat voulait faire entrer de l'argent dans les caisses. Pour notre part, le groupe démocrate-chrétien refusera la manière dont le Conseil d'Etat a voulu faire entrer l'argent dans les caisses, puisqu'il s'attaque aux niches fiscales, et les niches fiscales dont vous parlez, Madame, ce sont les personnes de la classe moyenne et les indépendants. Pour nous, il n'est pas question de toucher à ces gens-là, car ce sont ceux qui, année après année, paient des impôts et souffrent de la situation économique.
S'agissant de l'argument juridique, cela fait des années que cette situation est en place ! Et, bien évidemment, se cacher derrière des arguments juridiques, pour faire maintenant entrer de l'argent dans les caisses... Il nous semble un peu facile, cet argument ! Nous, nous pensons que l'on doit parler du fond. Et le fond, c'est que ces indépendants ont besoin de leur outil de travail, et qu'il est indécent de taxer cet outil de travail, puisque c'est lui qui sert à produire des revenus et des richesses dans ce canton. Donc, sur le fond, non, Madame Sophie Carbonnier, nous sommes contre l'idée de taxer ces indépendants, car il s'agit souvent de petits commerçants, de petites PME, et si nous acceptions ce projet de loi, ce sont ces gens-là qui seraient pénalisés.
S'agissant encore de l'argument juridique, le professeur Oberson l'a dit - M. Aumeunier le rappelait tout à l'heure - la loi d'harmonisation fiscale n'est pas claire, et, pour ce qui est du groupe PDC, nous préférons que les tribunaux disent le droit; nous, nous faisons ici de la politique. Nous disons que les petits indépendants, nous voulons les préserver de la ponction du fisc, et il en sera de même s'agissant des familles, des classes moyennes et de tous les projets du Conseil d'Etat. Cela étant, le PDC n'est pas contre l'idée d'augmenter les recettes, et c'est la raison pour laquelle, à condition que tous les projets de lois qui sont présentés devant ce parlement ce soir et demain matin soient refusés, eh bien, nous entrerons en matière et accepterons le projet de loi qui est actuellement à l'étude en commission fiscale et concerne l'augmentation des recettes induites par le calcul - diminution ou augmentation - des intérêts moratoires. Nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser ce projet de loi, ainsi que tous les autres.
M. Vincent Maitre (PDC). Effectivement, mon collègue Guillaume Barazzone a dit l'essentiel; Christophe Aumeunier, tout à l'heure, également. Je m'amuse, quant à moi, tout simplement de constater que le parti socialiste a une notion plus que variable de la légalité des projets de lois que nous votons, puisqu'il y a encore très peu de temps ils votaient un projet de loi sur la commission de conciliation en matière de baux et loyers, lequel, lui, était en violation flagrante du droit fédéral ! Et ils ont réussi, par quelques tours de passe-passe, à nous raconter que ce projet de loi était manifestement de compétence cantonale, ce qui n'en est évidemment rien ! Aujourd'hui, ils nous disent que cette niche fiscale est illégale et serait contraire au droit fédéral... L'un des plus éminents professeurs de droit fiscal de Suisse, qui rend lui-même régulièrement des avis de droit pour le Conseil fédéral, nous a expliqué qu'il n'en était rien, dans la mesure où l'on considérait cette exemption comme une sorte de contribution sociale pour les petites PME, et qui, elle - cette exonération fiscale - est complètement de compétence...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Vincent Maitre. ...est complètement de compétence cantonale, la LHID le prévoit. Au-delà de cela, ce projet de loi nous paraît pénaliser énormément de petites PME, pour des recettes qui, au final, sont extrêmement minimes, puisqu'on parle uniquement de 3 millions de francs. Taxer l'outil du travail est absolument, du point de vue du PDC, inenvisageable et inconcevable, quand on sait que l'impôt sur la fortune, à Genève, est déjà l'un des plus élevés au monde. A titre indicatif, il est deux fois plus élevé que celui de nos voisins français.
Le président. Vous avez épuisé votre temps de parole, Monsieur le député !
M. Vincent Maitre. Cela tombe bien, j'avais terminé, et je vous remercie. (Rires.)
Des voix. Bravo !
M. Pierre Conne (R). Dans le fond, la situation est extrêmement simple: pour pouvoir prélever des impôts, il faut créer des richesses. Et vous voulez ici supprimer un incitatif qui permet justement de créer des richesses, c'est-à-dire, effectivement, de valoriser l'utilisation de l'outil de travail. Je vais vous lire l'article que vous proposez de supprimer. Le voici: «Il est en outre accordé une déduction égale à la moitié des éléments de fortune investis dans l'exploitation commerciale, artisanale ou industrielle du contribuable». Et contrairement à ce qui a été dit par Mme la rapporteure de minorité, ce n'est pas au fur et à mesure que la fortune augmente. Parce que cette déduction est proportionnelle et plafonnée à 500 000 F ! Alors soyons raisonnables ! Le canton de Genève est face à une situation économique difficile, qui a besoin d'investissements. Ne tuons pas, s'il vous plaît, les incitatifs à investir dans les entreprises des indépendants ! Je vous remercie.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Eric Bertinat (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, l'UDC goûte assez peu, pour tout vous dire, ce projet de loi et il y voit certaines similitudes avec l'actuelle politique menée par gouvernement français: similitudes dans la dette par habitant - on en est à peu près au même niveau; similitudes dans la stratégie d'aller chercher, dans la poche de ceux qui travaillent, suffisamment de recettes pour couvrir les dépenses publiques. Ce qui, à nos yeux, fait bien assez pour refuser ce projet de loi, et cela non sans vous rappeler que l'avantage qui est octroyé - je mets «avantage» entre guillemets - aux entrepreneurs représente souvent pour ceux-ci un bas de laine. C'est un peu d'argent qui va leur servir en cas de problème, en cas d'investissement - d'achat de matériel, de nouveaux outils - et je trouve particulièrement malvenu d'aller chercher là cet argent, auprès de ceux qui travaillent et qui paient leurs impôts. Car ceux qui ont 500 000 F de fortune à disposition, ils paient des impôts ! Pas seulement sur la fortune, mais sur le chiffre d'affaires !
Vraiment, je trouve que ce n'est pas le bon moment pour nous proposer ce genre de projet. Et puis, je fais la même remarque que mon collègue libéral: alors que l'on vient de voter 5,2 milliards pour la fonction publique, présenter ce genre de projet de loi... Il y a vraiment de quoi nous faire tousser ! (Des députés toussent.) (Applaudissements.)
M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, nous ne voterons évidemment pas ce projet de loi. Il est clair que venir taxer les indépendants est carrément indécent ! Si c'est pour ajouter 3 millions à peine dans les caisses de l'Etat, alors que nous savons que le patrimoine des indépendants c'est leur entreprise, c'est leur vie, c'est ce qu'ils ont pour pouvoir vivre et pour pouvoir leur assurer une retraite - nous avons parlé pendant deux jours de retraites assurées pour les fonctionnaires, et aujourd'hui on veut priver les indépendants d'en avoir une... Non, Mesdames et Messieurs, ce projet est indécent et nous ne le voterons pas !
M. Serge Hiltpold (L). Mesdames et Messieurs les députés, je remarque que, ces derniers temps, nous avons eu beaucoup de préoccupations en ce qui concerne les multinationales, le secteur financier, et j'ai pu constater avec un certain regret quels étaient les propos du parti socialiste, qui tape sur les différents secteurs de l'économie. Vous voulez des emplois, vous voulez des PME... Et lorsqu'il faut les soutenir, vous leur crachez dessus ! Simplement, ces 500 000 F - qu'est-ce que ça représente, 500 000 F, dans une PME ? - c'est dix exercices comptables, avec un bénéfice de 50 000 F par année. Ce qui est relativement faible. Cela correspond à des fonds propres. Quant à vos théories visant à shooter ces niches fiscales, je vous invite, lorsque vous avez une PME, à négocier avec les banques, où vous devez aller obtenir des crédits commerciaux et où vous travaillez avec des liquidités... Vos propos sont simplement indécents !
Maintenant, concernant les indépendants. On vient, dans l'allégresse, de voter la fusion des caisses de pension et les conséquences qui en découlent... Est-ce que, ce soir, vous avez simplement pensé aux indépendants qui ont regardé ces débats ? Et dans la même foulée, vous votez un projet pour supprimer ces niches fiscales... C'est simplement indécent ! Je crois qu'en tant que libéraux - et dans ce groupe PLR - nous ne pouvons que shooter un pareil projet !
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Alain Meylan.
M. Alain Meylan (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés... (Remarque.)
Le président. M. Alain Meylan, à qui il reste très peu de secondes ! (Rires.)
M. Alain Meylan. Je vais essayer d'être aussi bref que possible ! Je voudrais juste dire que la remise en cause d'un certain nombre de décisions, par les quatre projets de lois que l'on aura à voter ce soir et demain matin, eh bien, c'est une remise en question des discussions, des négociations, des équilibres qui ont été acquis dans la modification de la LIPP, laquelle a été votée - et votée à une grande majorité ! - par le peuple, il y a de cela trois ans. Cela veut dire aussi que c'est une remise en question de la votation populaire. C'est une remise en question qui, à ce moment-là...
Le président. Monsieur le député, vous avez épuisé votre temps de parole !
M. Alain Meylan. Merci ! J'aimerais juste dire - et je le redirai lors de chaque projet de loi qu'on va voter ce soir et demain matin - que c'est une remise en question du vote populaire qui a été acquis par le peuple... (Brouhaha.) ...issu d'un équilibre et qui va être compensé par un projet de loi - cela a été dit tout à l'heure par M. Barazzone - lequel est actuellement à la commission fiscale et va compenser d'une autre façon des... (Brouhaha.)
Le président. Monsieur le député, vous... (Remarque.) On arrête là.
M. Alain Meylan. ...qui va apporter à l'Etat le moyen de fonctionner l'année prochaine. Refusez ce projet de loi et... (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est maintenant à M. Stauffer, à qui il reste trois minutes quinze.
M. Eric Stauffer (MCG). C'est amplement suffisant, Monsieur le président ! Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG va refuser ce projet de loi, pour la protection des PME. Et j'aimerais dire ici - Monsieur le président, vous transmettrez à ce qu'on appelle le PLR ou l'Entente - que leur petite trahison par rapport à la manne fiscale sur les impôts à la source, concernant un point qui va venir après, va leur coûter très cher lors du vote sur le bouclier fiscal. Alors, ce n'est pas parce que nous allons refuser ce projet de loi - et cela a du sens, afin de protéger les PME - que nous serons aussi conciliants par la suite. Car il y a des économies à faire, pour ne pas favoriser l'engagement des frontaliers au sein de l'économie privée genevoise, et là, le PLR, sous prétexte de soutenir les PME - ce qui, en réalité, ferait une différence de quelques centaines de francs par mois, alors que les grands groupes, eux, encaissent plusieurs millions par année sur la rétrocession pour conserver les impôts à la source... Ce vote-là vous coûtera très cher parce que vous n'avez pas voulu tenir votre parole - donc le MCG prend acte que le PLR ne respecte pas ses engagements. Eh bien, on verra plus tard ou demain matin, sans aucun problème - vous transmettrez au député Meylan.
Concernant ce projet de loi, nous allons nous y opposer. Parce que, les PME, c'est quand même le premier employeur du canton: elles sont à préserver, et non pas à tondre !
Des voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est maintenant à Mme la rapporteure de minorité Schneider Hausser, qui peut utiliser une partie du temps de parole de son groupe.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de minorité. Merci beaucoup. Mesdames et Messieurs, vous attribuez au parti socialiste des choses qui ne lui reviennent pas ! Et si vous n'êtes pas contents de la loi fédérale, je pense que, par rapport aux partis de droite, vous avez de quoi parler à Berne, avec vos collègues de Berne ! Nous, ce que nous sommes en train de voir ici, c'est qu'au niveau cantonal nous ne sommes pas en cohérence avec la loi fédérale. Que l'on soit d'accord ou pas, c'est un fait. Cela a passé dans un paquet ficelé qui était la LIPP, en 2009...
M. Alain Meylan. Cela a été voté par le peuple !
Mme Lydia Schneider Hausser. Oui ! Bon, d'accord, elle a été votée par le peuple. (Brouhaha.) Je vous rappelle... (Remarque.)
Le président. Monsieur le député Meylan, s'il vous plaît !
Mme Lydia Schneider Hausser. Je vous rappelle que des initiatives votées par le peuple pour augmenter les moyens octroyés aux EMS n'ont toujours pas abouti, au niveau de la concrétisation ! Donc une fois ça va, et une autre fois ça ne va pas ! Pour ce qui est de ce projet de loi, si vous avez quelque chose à dire, c'est effectivement à vos collègues, à Berne, afin de changer cette législation. Pour le moment, nous en restons là.
Ce qui a été dit quand même - je n'avais pas abordé cela - à propos du professeur Oberson, c'est qu'il estime que la seule manière de justifier cette déduction serait de la considérer sous l'angle d'une déduction sociale ! Elle pourrait être maintenue pour autant qu'elle figure dans un cadre restreint, dont le but serait social et viserait une aide aux petites entreprises ! Voilà ! Je voulais juste ajouter cela pour encore appuyer le «oui» à ce projet de loi.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi s'attaque aux indépendants, aux entrepreneurs, aux classes moyennes. C'est une remise en question de la LIPP, votée il y a trois ans par le peuple. Le gain escompté pour l'Etat est de 3 millions, au détriment des petits indépendants et des PME, déjà fortement ponctionnés. Cette exonération fiscale pour les indépendants, à hauteur de 500 000 F, est la fortune des entreprises et leur outil de travail. Ce sont des emplois et des créateurs de richesses, ce sont eux les plus gros employeurs du canton; il s'agit donc, pour la majorité de la commission, de refuser ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Il reste encore deux minutes à M. Deneys. Deux minutes trente ! (Brouhaha.)
M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes sont en faveur des PME...
Des voix. Ah ! (Commentaires.)
M. Roger Deneys. ...sont en faveur des indépendants. (Remarque.) Cela fait d'ailleurs de nombreuses années que quelques députés socialistes sont patrons ou indépendants, et nous savons très bien... (Brouhaha.) ...ce que c'est que de fonctionner dans des petites entreprises.
Le président. Monsieur le député, vous vous adressez au président !
M. Roger Deneys. Très volontiers, Monsieur le président. Mais il convient justement de relativiser la portée de ce projet de loi. Je crois que nous l'avons dit tout à l'heure, en quelques années la conjoncture peut évoluer - comme nous l'avons vu dans le projet de loi précédent - et nécessiter des mesures supplémentaires non prévues initialement. La baisse d'impôts était envisagée comme une mesure indolore pour Genève; quelques années plus tard, moins de cinq ans plus tard, nous nous rendons compte que ce n'est pas le cas ! Le refinancement des caisses de pension publiques voté tout à l'heure n'était pas envisagé il y a cinq ans, puisqu'on pensait que la situation était saine sur du moyen terme ! La conjoncture change, les besoins changent, il faut s'adapter à la réalité ! En l'occurrence, les contributions doivent être faites par toutes et tous lorsque la situation l'exige.
Les socialistes en appellent donc à des réflexes citoyens pour garantir l'avenir de notre communauté et, en l'occurrence, j'aimerais vous rappeler que l'impôt a une vertu essentielle que les taxes n'ont pas, c'est qu'il est calculé de façon relativement proportionnelle aux montants en jeu. Ainsi, ce projet de loi est, selon le rapport de minorité, de l'ordre de 170 F - par année - d'impôt pour une fortune inférieure à 900 000 F. (Brouhaha.) Est-ce que cela va tuer une entreprise - une PME - pour 160 F par année ?... Je crois qu'il faut garder un certain sérieux dans ce débat. J'aimerais aussi vous rappeler - et c'est très important pour les PME - que si les recettes fiscales sont...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !
M. Roger Deneys. ...que si les recettes fiscales sont insuffisantes, cela veut généralement dire, pour les PME et les indépendants, des augmentations de taxes qui, elles, ne sont pas proportionnelles à leur fortune ou à leurs bénéfices. Pour cette simple raison, cette solution préserve davantage les PME et les indépendants, et je vous invite à la soutenir.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...la crise dite «de l'euro» de l'été dernier a conduit, l'année passée, le Conseil d'Etat, évidemment, à revoir, à la lueur de l'évolution économique mondiale, et en particulier des effets du franc fort, sa planification. Les dégâts ne sont pas négligeables, même si le pire, à savoir l'explosion du plancher - ou du plafond, appelez cela comme vous le voulez - du franc suisse, nous l'avons évité. Nous l'éviterons sans doute quelque temps encore, à la suite des décisions des juges de Karlsruhe. N'empêche que... N'empêche que la situation, dont nous étions sortis à peine mouillés - de cet immense orage, tornade plutôt, qu'a été la crise de 2008-2009 - eh bien, depuis 2011, la situation a changé. Notre objectif était donc de faire un certain nombre d'économies supplémentaires - qui aujourd'hui, avec le budget 2013, ascendront à peu près à un cumulé de 130 millions - et, de l'autre côté, de réaliser des recettes supplémentaires pour équilibrer les choses. Notre objectif était surtout de prévenir une hausse généralisée de l'impôt, à savoir du barème général de ce que l'on appelle les centimes additionnels. Nous avons donc cherché ce que nous connaissions, à vrai dire, puisque nous avions averti ce parlement, lors du vote de la LIPP, qu'il y avait un certain nombre d'adjonctions qui avaient été faites, qui n'étaient pas conformes à la loi sur l'harmonisation et qui étaient totalement inhabituelles. Le professeur Oberson a confirmé que ce n'était pas possible de faire cela, qu'il faudrait limiter. Le professeur Oberson l'a confirmé, quoi que vous en disiez, et ce n'est pas la seule incongruité qu'on ait dans la loi fiscale ! Ni d'ailleurs dans d'autres lois ! Et elle ne rapporte que 3 millions, me direz-vous ! Mais n'empêche.
Donc, plutôt que d'enclencher le mécanisme de frein à l'endettement, qui vous obligera à choisir entre des propositions d'économies ciblées, une à une, et des augmentations d'impôts - vous ne pourrez pas dire: «Ah, le Conseil d'Etat doit trouver quelque chose»... Non, vous devrez dire: «Je veux 20 millions de moins à l'Université ou 20 millions de plus d'impôts.» Vous en aurez dix comme cela et vous devrez vous débrouiller avec cela, pour éviter la mise en oeuvre du frein à l'endettement, dont la principale vertu est d'éviter qu'on l'utilise. N'est-ce pas ? Eh bien, nous avons pensé qu'un certain nombre de ces mesures étaient adéquates. Celle-ci l'est, puisqu'il n'y avait pas trace de ce dispositif avant 2009, qu'en réalité il était dans un projet de loi qui dormait paisiblement depuis des années en commission et qu'il a été ajouté dans le projet général. Nous l'estimons non conforme à la LHID: nous ne voyons pas pourquoi un type de fortune devrait avoir une déduction sociale par rapport à une autre ! Toutes les fortunes ont une déduction sociale - elle est assez élevée à Genève. Alors, évidemment, me direz-vous, ce n'est pas cela le problème ! Le problème c'est que le taux d'imposition sur la fortune est élevé. C'est d'ailleurs la seule chose qui ressemble à la France, Monsieur le candidat Bertinat ! Parce que je veux quand même vous dire que 11 milliards divisés par 44 milliards, cela fait un taux de 25%. Si vous croyez que la France est à 25% de son PIB à l'endettement, c'est que vous lisez mal les journaux et que vous êtes un grand supporter de M. Sarkozy et de M. Hollande réunis ! Ils en sont à 90%, pas à 25% ! Alors quand cela sera grave, dites-le ! Mais ne dites pas des sottises comme celles-là ! Nous n'avons rien à voir avec l'endettement français ! C'est simplement, visiblement, que vous devez être en train de vous tromper de référent !
Cela dit, nous n'en ferons pas une maladie. C'est vous, partis, qui, le 31 mars 2014, aurez à vous prononcer, à choisir, une à une, mesure d'économie contre mesure d'augmentation d'impôts. Le peuple, je l'espère, sera sage et choisira ce qui dégradera le moins les conditions-cadres. Ce sera votre problème, pas le nôtre. Il est vrai que la commission fiscale a fait mine d'accepter le projet de secours que nous avons amené concernant les intérêts créanciers et débiteurs de l'administration fiscale. Certes ! Mais je vous rappelle que, dans la planification, nous avions encore 3 centimes additionnels d'augmentation sur l'impôt touchant les personnes physiques ! Et, ceux-là, si vous ne voulez pas abolir les niches, vous comprendrez bien qu'on ne va même pas vous les demander ! De sorte que, si nous avons tenu l'objectif des charges de la précédente planification, il manquera 70 millions au niveau des recettes - ce qui vous permet d'ailleurs de deviner le montant du déficit de 2013. Alors, bien ! Je constate que, sur ce dossier - et c'est peut-être normal - ne règne pas la paix qui régnait sur le précédent. On en revient aux fondamentaux de la politique, effectivement. Le Conseil d'Etat vous dit simplement: on peut s'arc-bouter, mais demain chacun devra donner des conditions de vote claires à son électeur et dire pourquoi il choisit un privilège - parce que c'est un privilège fiscal - à quelques dizaines de postes de plus pour la sécurité !
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat.
Mme Lydia Schneider Hausser. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenue ?
Des voix. Oui !
Le président. Oui... (Appuyé.) Oui, très bien ! Nous procédons par vote nominal. Mesdames et Messieurs, je vous fais voter l'entrée en matière sur le projet de loi 10898.
Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 10898 est rejeté en premier débat par 62 non contre 25 oui. (Brouhaha durant la procédure de vote.)