Séance du
vendredi 14 septembre 2012 à
17h
57e
législature -
3e
année -
11e
session -
62e
séance
PL 10847-A
Suite du deuxième débat
Le président. Nous avions terminé notre séance d'hier soir par le refus d'un amendement à l'article 28A. Nous en sommes donc à l'article 29, pour lequel nous sommes saisis d'un amendement du rapporteur de minorité M. Deneys, dont voici la teneur:
«Art. 29, al. 2, lettre c (nouvelle teneur)
c) suspension partielle ou totale de l'indexation des pensions et, pendant une durée de 4 ans consécutifs, prélèvement d'une cotisation temporaire maximale de 1% des traitements cotisants prise en charge à raison de 2/3 par l'employeur et de 1/3 par le membre salarié.»
Je donne la parole à M. Deneys afin qu'il explique son amendement.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Le temps de prendre place et de revenir dans le sujet... Mesdames et Messieurs les députés, je pense que vous vous souvenez certainement de ce dont nous parlons: il est question de l'impérative nécessité imposée par le droit fédéral de refinancer, de recapitaliser de façon supplémentaire la caisse de pension publique, ce qui demande effectivement un apport des collectivités publiques de l'ordre de 800 millions de francs immédiatement. On a eu l'occasion d'évoquer le fait que, à cette occasion, les efforts devaient être partagés entre l'employeur, qui met ces 800 millions, et les employés, qui voient donc leur durée de cotisation ainsi que leur taux de cotisation augmenter, en même temps qu'ils voient leurs prestations baisser.
Fondamentalement, les socialistes ne sont pas opposés à ces principes de refinancement, notamment en raison de l'augmentation de l'espérance de vie de nos concitoyennes et concitoyens, mais pour nous il est primordial de maintenir l'esprit du partenariat social. Le Conseil d'Etat l'a d'ailleurs très bien compris, puisque dans son projet de loi 10847 initial il respecte l'ensemble de l'esprit de l'accord qu'il a conclu avec les représentants de la fonction publique. Evidemment, la situation financière notamment boursière ayant changé et le cours du franc suisse ayant évolué de façon défavorable, les besoins de financement sont plus élevés qu'au moment de la signature de l'accord, et c'est vrai que c'est bien l'esprit de l'accord qu'il s'agit de préserver à défaut de sa lettre.
Nous en arrivons maintenant à l'article 29 qui s'intitule «Mesures en cas de découvert temporaire». Hier soir, nous avons terminé nos travaux par le vote d'un article 28A, «Chemin de croi... ssance», qui impose des taux de couverture tous les cinq ans et qui donc implique, si cette couverture n'est pas atteinte, des mesures en cas de découvert temporaire. Le problème c'est que, au détour de cette disposition, la majorité PLR-PDC-UDC de la commission a imposé une formulation qui remet en cause le principe de la cotisation deux tiers-un tiers, soit deux tiers à charge de l'employeur et un tiers à charge du membre salarié. Comme je l'ai dit hier, les socialistes ne sont pas opposés au principe de la discussion sur la répartition des taux d'effort entre l'employeur et les employés, mais selon nous ces négociations doivent avoir lieu en bonne et due forme entre partenaires sociaux et, le cas échéant, faire l'objet d'un accord pour être ensuite validées par notre Grand Conseil. Il est totalement inadmissible de remettre en cause ici, au détour d'une mesure en cas de découvert temporaire, ce principe fixé en concertation entre les partenaires sociaux. C'est d'autant plus inadmissible que cette mesure en cas de découvert temporaire peut se prendre pour une durée de quatre ans, qui plus est avec un chemin de croissance qui fixe des échéances tous les cinq ans. Ce qui veut donc dire qu'on peut, tous les cinq ans, revenir à un mécanisme de cotisations supplémentaires paritaires - 50-50 - en lieu et place du deux tiers-un tiers. Cette disposition est particulièrement mesquine, parce qu'en plus elle s'applique à un pourcent supplémentaire de cotisation et non pas à l'ensemble; elle est donc, on va dire, simplement provocatrice, inutilement provocatrice. Elle ne change absolument rien aux coûts globaux de ce projet de loi, ou en tout cas de façon très marginale, et c'est ce qui explique pourquoi les socialistes ne comprennent pas la volonté de la majorité PLR-PDC-UDC qui a voté cette formulation, parce que les provocations sont totalement inutiles pour arriver à un accord et surtout pour éviter qu'un référendum aboutisse éventuellement. L'esprit du partenariat social doit être préservé, le Grand Conseil doit être garant de cette paix sociale, garant des acquis de la fonction publique, et si le fonctionnement des rapports entre le Conseil d'Etat employeur et les employés de la fonction publique doit changer, cela doit se faire d'abord par le biais de négociations entre partenaires sociaux, et ensuite seulement devant notre Grand Conseil. Cette disposition introduite ici amène une brèche inadmissible dans les mécanismes habituels de concertation, et c'est bien cela que nous regrettons. C'est une provocation gratuite, j'ai envie de dire, parce qu'elle ne rapporte rien et ne coûte certainement pas grand-chose, mais elle constitue une provocation de plus et c'est dommageable.
Présidence de M. Gabriel Barrillier, premier vice-président
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, mon collègue rapporteur de minorité, M. Deneys, a eu raison de rappeler que, pour l'essentiel, le projet préservait l'esprit de l'accord. D'autre part, il a rappelé avec raison que, depuis le moment de la signature de l'accord, les conditions générales avaient changé, et notamment que les besoins financiers étaient supérieurs. Ce qu'il n'a pas précisé - et c'est la raison de mon intervention - c'est que ce sur quoi nous nous sommes mis d'accord vaut pour des circonstances normales. Dans des circonstances normales, nous ne dérogeons pas à la proportion deux tiers-un tiers - deux tiers payés par l'employeur, un tiers par l'employé. En revanche, au cas où il conviendrait d'aller au-delà - de façon prolongée, nous le verrons pour un autre article, ou de façon exceptionnelle, comme nous le voyons pour cet article - alors le rapport deux tiers-un tiers est mis en cause au profit d'un rapport moitié-moitié. Il s'agit donc de rester fidèle à l'esprit et à la lettre pour cet accord, c'est-à-dire que nous assainissons à raison de deux tiers-un tiers d'efforts financiers de chaque partie. En réalité, nous assainissons à raison de 71% du côté de l'employeur, parce qu'il faut ajouter à cela les 800 millions initiaux et les 350 millions qu'il faudra aussi payer pour non-atteinte de l'objectif de 75% en 2030, ce qui fait quand même une petite différence. C'est donc un milliard cent cinquante millions de plus à la charge unique de l'employeur, mais je laisse cela de côté. Je dis simplement que pour le moment, pour ce montant minimal mais seulement conditionnel et extraordinaire, il s'agit là de quelque chose qui ne fait pas partie de l'accord, qui va au-delà, au cas où les choses dérailleraient, au cas où il faudrait davantage d'argent. Et s'il fallait davantage d'argent, alors là une solidarité plus forte de la part de l'employé serait invoquée. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de refuser l'amendement socialiste.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix l'amendement de M. Deneys à l'article 29, alinéa 2, lettre c.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 44 non contre 13 oui et 26 abstentions.
Mis aux voix, l'article 29 est adopté.
Le président. Nous passons à la section 2 «Cotisations, rachats, remboursements et prestations d'entrée». A l'article 30 «Cotisations annuelles», nous sommes saisis d'un amendement de la minorité qui consiste à abroger l'alinéa 3, et je prie M. Deneys de nous le présenter.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit en fait de la même question que tout à l'heure, qui est introduite non pas lors de mesures en cas de découvert temporaire, comme à l'article 29, mais dans le principe même des cotisations annuelles. On a un alinéa 3 qui est maintenant formulé ainsi: «Toute augmentation du taux de cotisation fixé à l'alinéa 1 est à la charge de l'employeur, à concurrence de moitié.» On peut déjà s'interroger sur la validité légale de cet alinéa 3, dans la mesure où, si à l'alinéa 1 le taux est fixé à 27% du traitement cotisant, on ne voit pas très bien pourquoi on indique dans un alinéa 3 qu'il pourrait y avoir une augmentation de ce taux et que dans ce cas elle serait pour moitié à la charge de l'employeur. Ce que l'on peut éventuellement comprendre de cette disposition, c'est que c'est le comité de la caisse qui irait au-delà de 27%, mais je trouve ça assez étonnant, parce que je ne vois pas comment ce comité pourrait prendre une mesure allant au-delà du plafond fixé dans la loi, d'autant moins que cette loi établit dans plusieurs articles la référence aux 27%. Ce n'est donc pas très logique, et je doute même de la validité et de la légalité de cet alinéa 3. Mais pour les socialistes, il y a bien plus grave. Bien plus grave ! Une fois de plus, cette disposition qui fixe à concurrence de moitié l'augmentation à la charge de l'employeur - formulation au demeurant particulièrement tordue, puisqu'on ne dit pas que c'est moitié employeur, moitié employé, on dit que la moitié est à charge de l'employeur - formulation d'un parti qui se distingue en général par son esprit girouette et qui...
M. Pierre Weiss. Inutile, inutile !
M. Roger Deneys. Non, non, ce n'est pas inutile, parce que c'est le même parti qui demandait le gel des annuités de la fonction publique dans le cadre du projet de budget 2012 et qui donc cherche systématiquement à introduire des dispositions provocatrices à l'encontre de la fonction publique.
Ce que j'aimerais dire, comme je l'ai déjà indiqué tout à l'heure, c'est que les socialistes ne sont pas opposés à la discussion sur la question de la répartition des efforts de cotisations, mais que ces discussions doivent être menées en tant que telles ! Elles ne peuvent pas être faites au détour de ce projet de loi sous prétexte d'assainir, de refinancer une caisse de pension ! Les questions de salaires, de prestations sociales et de durée de travail doivent être discutées en tant que telles entre partenaires sociaux et faire l'objet d'un accord qui doit être soumis à notre Grand Conseil. Il n'est pas possible de procéder de la sorte, sauf à vouloir décourager les collaboratrices et collaborateurs de la fonction publique. Et ce qui me frappe dans ce projet de loi avec ce genre de dispositions mesquines, c'est qu'on finit par décourager les bons collaborateurs de la fonction publique. Parce que les mauvais, ceux qui énervent tout le monde, eh bien ils s'en fichent ! S'ils travaillent mal mais qu'ils sont de toute façon payés et qu'ils ont de toute façon une bonne retraite, ça ne changera rien pour eux. En revanche, les gens qui font des efforts, qui se donnent, qui sont très conscients de leurs responsabilités...
Une voix. C'est 95% !
M. Roger Deneys. Au moins 95% de la fonction publique... (Remarque.) Et je pense que même ceux qui font grève sont généralement très conscients, justement, des enjeux de leur travail. D'ailleurs je les félicite d'exprimer leur ras-le-bol devant les mesures du Grand Conseil qui sont simplement, en général, de la provocation inutile. Mais ce que l'on doit dire, c'est que ces collaboratrices et collaborateurs ne font pas seulement leur travail pour les conditions salariales dont ils bénéficient: ils le font aussi parce qu'ils aiment leur métier, parce qu'ils sont attachés aux personnes qu'ils servent - que ce soit dans l'enseignement, dans la santé ou dans toutes les autres professions de la fonction publique - or ces employés sont découragés par ces brimades ! En l'occurrence, remettre en cause les accords entre les représentants de la fonction publique et le Conseil d'Etat qui, dans sa sagesse, respecte des principes fixés à un moment donné, c'est tout simplement décourageant pour les collaboratrices et collaborateurs de la fonction publique. (Brouhaha.) Nous en avons d'ailleurs encore eu la preuve mercredi dernier en commission des finances, puisque nous avons reçu un courrier de l'autorité cantonale de surveillance qui évoquait justement le fait que de nombreuses personnes qui travaillent aujourd'hui dans la fonction publique prennent des retraites anticipées ! Parce qu'elles en ont ras le bol des brimades ! Ras le bol des décisions à la petite semaine de ce Grand Conseil qui gèle les annuités un jour et remet en cause le principe des deux tiers-un tiers un autre jour, sans concertation ! On peut discuter de tout, mais il faut donner du temps au temps, c'est la base d'une bonne politique, et les socialistes y sont attachés.
En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes vous invitent à revenir sur cette disposition et donc à abroger cet alinéa 3 qui remet en cause le principe des deux tiers-un tiers, sur des bases légalement peu claires par ailleurs.
Présidence de M. Pierre Losio, président
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, oui, ce principe des deux tiers-un tiers, soit on le tient, soit on ne le tient pas. Il est ici petit à petit grignoté, certes encore de manière modeste, mais c'est quand même un début. Un début qui montre que les risques de la fortune et du rapport de celle-ci - qui, je le rappelle, sont constitués d'obligations pour un tiers, d'actions pour un tiers et d'avoirs immobiliers pour un tiers - ces risques qu'on fait courir en placements à court terme... On l'a d'ailleurs vu hier dans le débat sur l'article relatif au chemin de croissance qui sera évalué tous les cinq ans, lequel pousse et poussera certainement de plus en plus les caisses à chercher des capitaux qui rapportent, donc des capitaux à risque. Et tous ces éléments-là font que, en arrêtant de pratiquer ce deux tiers-un tiers, on va faire porter aux employés les risques, les risques que la fortune court à être une fortune boursière et liée aux marchés financiers. C'est vrai aujourd'hui pour les employés de l'Etat - pour lesquels il y a de réelles questions, que nous sommes en train de nous poser - et il est important de défendre les travailleurs de la fonction publique, mais aussi plus largement les travailleurs tout court ! Parce que si dans un rempart comme l'Etat de Genève ou d'ailleurs on enlève cette parité, ou plutôt cette disposition qui existait entre les employés et les employeurs, pourquoi ne la supprimerait-on pas dans tous les domaines au niveau de la LPP ? On éroderait donc petit à petit les droits des travailleurs à avoir une retraite, laquelle n'est pas uniquement liée à la bourse mais effectivement aussi à des années de service, à un service à la population qui, comme l'a relevé le rapporteur de minorité, est un bon service à la population pour la plupart des employés de l'Etat. Et je crois que ce qui est en jeu ici dans l'amendement à l'article précédent qui a été refusé et dans celui dont il est question maintenant, c'est de décider à un moment donné ce que l'on fait primer: soit on fait prévaloir des années de service et de bons services pour des gens qui ont travaillé, qui ont mis leur énergie dans leur travail, et on essaie de faire en sorte que cet accord deux tiers-un tiers reste, soit on privilégie les marchés financiers, avec tous les risques qu'on connaît aujourd'hui.
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Avant de m'exprimer sur l'amendement, Monsieur le rapporteur de minorité, je voulais simplement dire que, jusqu'à présent, nous avons l'un et l'autre fait preuve de respect envers chacun, et non seulement chacun mais aussi envers chaque parti. Je crois donc que nous pouvons continuer. Et même si le PDC n'est pas à la table des rapporteurs, nous pouvons lui manifester le même respect que je manifeste à votre parti, qui n'a pas la même vision du monde que moi. Il est par conséquent inutile d'agir ainsi ! Lorsqu'il se prononce en faveur des rues piétonnes, je crois que vous êtes très heureux, et nous ne l'attaquons pas pour autant, alors aujourd'hui ayez la même élégance envers le PDC.
Cela étant dit, c'est la même question qui se pose - vous l'avez justement rappelé - qu'à l'article précédent et je donnerai donc la même réponse, pour laquelle je vous renvoie au Mémorial. Sur la valeur légale, en revanche, que vous avez mise en cause, vous avez probablement lu un peu rapidement la réponse de l'autorité de surveillance cantonale du service des fondations, puisqu'elle ne mentionne en aucun cas cet article comme étant sujet à un non-respect de la loi. Par conséquent, je pense que votre remarque, en tout cas auprès de lecteurs aussi attentifs que les membres de l'autorité de surveillance, ne trouverait pas beaucoup d'échos ou du moins n'en a pas trouvé jusqu'à présent.
J'apprécie au demeurant votre effort et votre esprit d'ouverture quant à une répartition moitié-moitié pour l'avenir, mais, vous savez, ce n'est pas tous les jours que l'on discute d'un projet à 6,3 milliards pour les contribuables ! Cependant, si vous êtes prêt à en discuter pour l'avenir, je vous incite à anticiper cet avenir en le faisant commencer aujourd'hui. Et dans la mesure où il commence aujourd'hui, s'il devait y avoir un dérapage, eh bien je suggère précisément que l'on prévoie ce dérapage avec un autre système de répartition. Parce que dire que ce n'est pas le lieu d'en parler, vous savez, c'est faire comme ces gens qui estiment que ce n'est jamais le lieu de parler de certaines choses, et ça me fait penser à ceux qui ont des tabous. Or, non, il n'y a pas de tabous, même aujourd'hui l'on peut en discuter. D'ailleurs quand vous donnez une raison pour ne pas en parler en disant que cette répartition moitié-moitié serait une brimade, alors je ne sais pas comment vous appelez le montant de 6,3 milliards que les contribuables devront payer ! Si passer d'un tiers de pourcent à un demi-pourcent est une brimade, passer de rien du tout pour assainir la caisse de pension à 6,3 milliards en quarante ans, à 130 millions par an, comment cela s'appelle-t-il ? Ça s'appelle un coup d'assommoir ! Vous confondez brimade et assommoir ! Et personnellement, s'il faut brimer, brimons un peu, mais n'assommons pas ! Et s'il fallait ne pas assommer, il faudrait ne pas avoir cet assainissement. Et j'ai dit hier soir que de ne pas avoir cet assainissement c'était aller vers le chaos. Pour éviter le chaos, il faut cet assainissement, quitte à ce qu'il y ait ce que vous qualifiez de «brimade», quitte à ce qu'il y ait un peu plus de solidarité de la part des travailleurs dans des cas exceptionnels !
Je conclurai en disant que, s'agissant du courrier auquel vous vous êtes référé, il ne s'exprime pas du tout sur les questions de retraite anticipée. Mais je passe sur ce point. J'y reviendrai si vous le jugez nécessaire ou si vous m'y invitez par votre prochaine intervention.
M. Renaud Gautier (L). Madame la députée, tout à l'heure votre langue a fourché d'une manière amusante: vous avez parlé de parité de traitement. C'est bien ça qui est en jeu ici, mais je crois qu'il faut juste rappeler que, en termes de caisses de retraite, il n'y a pas de règle autre que celle d'une participation de l'employeur à raison de 50% au minimum. Certains employeurs privés se contentent de ce taux, d'autres effectivement offrent plus, par analogie avec l'Etat qui prend en charge 75%, mais rien n'est fixé dans le marbre ! Je pense que, vu les situations, prévoir dans un cas une augmentation serait nécessaire et en venir à une règle plus conforme à celle qui s'applique dans la grande majorité des cas me paraît juste.
Enfin, Madame, je vous rends attentive au fait que j'ai un peu de peine à comprendre en quoi la notion de qui paie combien a un lien avec des investissements spéculatifs que l'on est obligé d'avoir ! Il n'y a pas de rapport entre les deux choses ! En l'occurrence, le seul élément qui est évoqué ici est celui, en cas d'une nécessaire correction financière à effectuer, d'une participation moitié-moitié. On ne touche pas dans cet article, de quelque manière que ce soit, à la façon dont seront gérés ces fonds, dont je rappelle ici qu'ils le seront par les membres de ladite caisse.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. J'aimerais faire une remarque. On peut discuter de la répartition des efforts, mais il ne faut pas se tromper: la situation actuelle, ce besoin de refinancement n'est pas de la responsabilité des salariés de la fonction publique; ce besoin de refinancement est la conséquence directe de vos choix, Mesdames et Messieurs de l'Entente et des Verts, puisque vous avez voté en 2010 la nouvelle loi fédérale qui fait passer le taux minimal de couverture de 50% à 80% des engagements de retraites ! Dans un délai que l'on peut en fait qualifier de raisonnable, puisqu'on parle de 2052, mais en imposant des mesures immédiates dès 2014 ! Ça, c'est votre choix à vous ! C'est un choix fait dans la précipitation, sous la pression des milieux bancaires, des milieux de la spéculation, qui avaient besoin de capitaux après le crash boursier. Parce qu'on a toujours faim quand on a de l'argent à placer pour spéculer ! Et quand on perd, eh bien, il faut essayer de se refaire. Et c'est ça le problème ! En réalité, ce n'est pas la caisse de pension publique qui a des difficultés; ces dernières sont dues au fait qu'on demande beaucoup plus d'argent dans un délai extrêmement court, ce qui met effectivement notre canton en difficulté. Mais ça ce sont vos choix, ce ne sont pas ceux de la fonction publique ! On l'a dit hier, ce qui manque actuellement pour atteindre le précédent minimum légal qui était de 50% se monte à 276 millions, pas à 6 milliards, comme l'évoque M. Weiss. Donc en réalité la répartition des efforts n'est pas correcte ! Prétendre aujourd'hui que c'est de la responsabilité de la fonction publique s'il y a un tel découvert est tout simplement inexact. Pour cette simple raison, d'ailleurs - j'aimerais déjà le dire - votre rhétorique qui est inexacte et incorrecte me convainc, contrairement à ce que j'imaginais au début de ces travaux, de finalement voter non, définitivement non à ce projet de loi, parce qu'il est conçu sur des bases qui sont inexactes et qu'il a finalement des présupposés également inexacts en termes de prévisibilité à long terme.
M. Patrick Saudan (R). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, depuis hier le rapporteur de minorité nous sort un scénario selon lequel ce projet de loi serait une conséquence directe de la loi fédérale votée par tous les partis hormis les socialistes pour pallier des pertes en bourse et subvenir à des besoins de grands capitalistes financiers. Je pense que c'est une lecture qui est complètement tronquée, complètement fallacieuse, et il faut revenir à ce qu'a été cette loi fédérale de 2010: elle est en fait basée sur une initiative fédérale de 2003, qui avait déjà été lancée à l'époque par le parti libéral, par le conseiller parlementaire Serge Beck, qui demandait une couverture à 100% des caisses de prévoyance sociale. Pour quelle raison ? Parce que déjà à l'époque il y avait un gros problème structurel avec une diminution du nombre d'actifs par rapport au nombre de retraités, ce qui constitue le point fondamental, Monsieur Deneys ! Oui, nous, au parti libéral-radical, nous ne voulons pas léguer des dettes à nos enfants: nous voulons un Etat fiable et une prévoyance publique qui soit financée dans l'avenir, et c'est pour cette raison que je pense qu'il faut refuser cet amendement.
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, l'une des annexes vous présente la situation comparée des difficultés financières des différentes caisses de pension, et l'on voit que la situation genevoise est plus difficile que celle d'autres cantons. Quand on regarde le taux de couverture, on s'aperçoit que la situation est difficile non seulement en francs, en montants absolus, mais aussi en pourcentage, en montants relatifs. Dire, comme M. Deneys, qu'il n'y a aucune responsabilité des salariés, c'est - je crois - sauter un peu vite aux conclusions. Je pense qu'il serait peut-être intéressant de retracer une fois l'histoire complète de cette institution - je parle de la CIA - pour voir de quelle façon il y a eu, notamment dans la décennie précédente et dans la première moitié de celle-ci, des oppositions à certaines réformes nécessaires, à quel point il y a eu en réalité un déni face aux difficultés qui allaient s'amoncelant et comment, à un certain moment, le présent Conseil d'Etat a été forcé de prendre le taureau par les cornes, précisément parce qu'il y avait une obligation fédérale d'arriver à certains seuils d'ici à 2052. Vous devriez savoir, Monsieur Deneys, que si le canton de Genève avait eu pour sa principale caisse de pension le même taux de couverture que celui qu'ont eu d'autres cantons suisses - je ne parle même pas de cantons alémaniques, mais d'autres cantons romands - alors l'effort aujourd'hui serait moindre.
Dans la recherche des responsabilités, le conseiller d'Etat Hiler avait dit qu'il y avait certes une responsabilité des autorités, mais il y a également une responsabilité à trouver du côté des employés, et notamment du côté des représentants des employés, ces derniers n'ayant pas versé suffisamment parce que leurs représentants n'ont pas suffisamment voulu qu'ils versent davantage. Et je crois que ceci constitue la cause d'une Genferei dont nous payons et dont deux générations à venir paieront les conséquences. A un certain moment, le prix de la facture s'impose à nous et, si nous ne voulions pas le payer, alors les conséquences de la liquidation seraient pires. C'est la raison pour laquelle je dis aujourd'hui, Monsieur le rapporteur de minorité, qu'il faut reconnaître les faits, refuser votre amendement et maintenir ce projet de loi tel qu'il est.
M. Eric Leyvraz (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, je serai très bref. M. Weiss a déjà évoqué la chose, mais il faut quand même bien être conscient que, dans beaucoup de cantons, notamment suisses allemands, il n'y aura pas de projet de loi semblable à celui-ci pour la simple et bonne raison que les caisses sont couvertes ! Ce sont pourtant des gens qui ont connu la même crise en 2008-2009, qui rencontrent le même problème avec le franc fort et qui sont face aux mêmes difficultés que nous avec les obligations d'Etat qui rapportent peu. Alors dire que c'est uniquement la faute de ce parlement, que c'est la faute de la droite ou ce genre de choses, c'est un peu léger, Monsieur Deneys.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Le rapporteur de minorité a parlé de répartition des efforts. Dans cette caisse de pension de l'Etat de Genève, on a négocié la primauté de prestations, et là, je dois le dire, les fonctionnaires ont été très habiles, parce qu'on aurait bien pu aussi négocier la primauté de cotisations. Du reste, on a beaucoup parlé de ces deux primautés, mais sans en expliquer la différence, je vais donc essayer de le faire maintenant de manière assez brève.
Dans le système de primauté de prestations, la pension de retraite se calcule sur le dernier salaire - on en a souvent parlé - alors que le régime de primauté de cotisations prévoit que la pension de retraite est calculée sur le montant des cotisations accumulées durant toutes les années et sur le rendement des capitaux. Il y a donc une nette différence dans le système de primauté de prestations: si le fonctionnaire a une grosse augmentation de salaire les dernières années, eh bien c'est sur ce montant-là que l'on va calculer sa rente.
D'autre part, dans le régime de primauté de prestations, le risque financier - donc le rendement du capital - et le risque de la longévité ne sont pas à la charge des fonctionnaires, mais de l'institution de prévoyance, alors que dans le système de primauté de cotisations le risque financier, donc le rendement, ainsi que le risque de longévité sont à la charge de l'assuré et les rentes ne sont plus garanties. C'est un point relativement important !
Il faut encore savoir que le régime de primauté de prestations sera indubitablement condamné ces prochaines années. Il n'y a plus que 10,5% des caisses de pension en Suisse qui sont en primauté de prestations, ce qui signifie qu'à peu près 90% sont en primauté de cotisations. La caisse des fonctionnaires PUBLICA ainsi que Swisscom et la Poste ont changé de régime, passant de la primauté de prestations à la primauté de cotisations, et il n'y a plus que deux sociétés du Swiss Market Index qui appliquent encore le système de la primauté de prestations. Il me semble d'ailleurs que je n'ai pas vu, dans les 811 pages de ce rapport, que l'on se soit posé la question de savoir si on allait mettre la caisse de pension de l'Etat de Genève en primauté de prestations ou de cotisations. (Commentaires.) On me fait un signe de tête pour m'indiquer que cela a été fait - mais en attendant les fonctionnaires ont quand même bien joué dans ce coup-là. Si j'avais siégé à la commission des finances, une solution aurait été de suivre le modèle de la Banque cantonale de Genève, où les employés gagnant jusqu'à 104 000 F sont en primauté de prestations, et pour la partie du salaire supérieure à 104 000 F, ils sont en primauté de cotisations.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le rapporteur de minorité Roger Deneys pour la troisième fois.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. J'invite M. Riedweg à préciser sa pensée: aurait-il souhaité renvoyer ce projet de loi en commission ? Je le lui déconseille en tout cas, mais en l'occurrence nous en avons parlé et je crois que nous l'avons dit, tant M. Weiss, pour la majorité, que moi-même: en réalité, il est vrai que respecter le partenariat social a été l'un des objectifs, en même temps que d'obtenir ce financement supplémentaire et la répartition des efforts entre les employés de la fonction publique et la collectivité publique, que nous représentons. Cette répartition est pour nous insatisfaisante et, précisément, s'exprime avec quelques modifications par rapport aux accords conclus. Revenir en arrière sur la primauté de prestations était une déclaration de guerre majeure à laquelle - je le reconnais bien volontiers - la majorité a renoncé, à part quelques-uns, au dernier moment - mais ce sont parfois les émois du printemps qui provoquent ce genre d'effets ! Nous en sommes donc, c'est vrai, restés au régime de primauté de prestations.
Cependant, j'aimerais quand même rappeler que, à la page 796 du rapport, vous avez une annexe qui ne figure pas dans le rapport de majorité et qui montre bien cette baisse de fortune de la CIA en 2008, laquelle a perdu plus d'un milliard de francs en une année ! Eh oui ! Eh oui, je vous invite à la consulter ! En plus, toujours à la page 796, on voit bien que cette perte se situe sur les actions essentiellement, et il manque aussi 400 millions à la CEH sur la même période. Et ça, ce n'est pas la faute des fonctionnaires, je suis désolé ! Donc il faut bien avoir conscience de ces éléments, et c'est pour cette raison que je pense que les propos de M. Saudan sont inexacts. Il y a au PLR une volonté délibérée de favoriser les privatisations, qui demandent un taux de couverture de 100%. Nous ne sommes pas favorables aux privatisations, et c'est vrai que nous ne pouvons pas accepter ce changement de taux de couverture au détour d'une volonté politique qui est contraire aux intérêts de la collectivité publique. On voit bien les effets néfastes des privatisations dans tous les pays qui nous entourent, et les socialistes sont attachés à ce que l'Etat fonctionne de façon efficace, avec des collaborateurs motivés, et en l'occurrence il n'est pas raisonnable de demander des efforts financiers au canton de Genève pour simplement satisfaire les appétits de la finance.
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Monsieur le président, je renonce à considérer que le parti socialiste - et M. Deneys en particulier - est inspiré dans son discours par un complot visant à supprimer le deuxième pilier, et je le prie de renoncer à penser que le PLR, lui, a pour vocation de favoriser la spéculation mondiale, et même d'y réussir.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je me permets d'intervenir sur deux points. Le premier, c'est pour vous rappeler que l'article au sujet duquel vous êtes en train de discuter - je l'ai indiqué en commission - est purement déclamatoire. En effet, pour changer le taux de façon durable, il faut en réalité repasser devant le Grand Conseil, donc dans cette loi le parlement actuel informe un parlement qui pourrait se réunir dans dix ans qu'il souhaiterait que la répartition se fasse à raison de 50-50. Il n'y a par conséquent pas de portée concrète, parce qu'il faut de toute façon changer la loi pour augmenter les taux de cotisation.
D'un autre côté, je ne veux pas non plus laisser passer certaines affirmations de M. Deneys qui pourraient induire quelque peu le public en erreur. Ce ne sont pas seulement des questions de normes qui nous forcent à venir au secours de cette caisse. Sur le rythme peut-être, mais la réalité d'aujourd'hui - et je crois qu'il faut la rappeler à chacun - c'est que, pour les personnes qui sont d'ores et déjà pensionnées, il n'y a plus assez de fortune pour assurer leurs rentes jusqu'à la fin de leur vie, et il y a 0 F disponible - 0 F disponible ! - pour tous les assurés. Or - et je crois que tout le monde n'a pas bien compris ce problème-là - l'Etat garantit les rentes actuelles ! Pas les rentes futures. De sorte qu'une situation où toute la population active de la fonction publique a 0 F de disponible sur tout ce qu'elle a cotisé est extrêmement dangereuse pour ces assurés, qui risquent à tout moment de se retrouver à payer l'ensemble de la facture par la liquidation - mais ce n'est qu'un scénario - ou par la primauté des cotisations, qui est difficile à introduire avec des taux de couverture aussi faibles... mais on peut être créatif !
Ne disons donc pas qu'il s'agit simplement de la conséquence de ce qui a été décidé au niveau fédéral. Il y a effectivement dans la loi fédérale quelques inepties, je le pense, et, comme je vous l'ai indiqué hier, on aurait pu faire le travail sur une période plus longue. Mais le découvert, ce n'est pas un découvert qui a été créé par la loi ! L'argent qui manque aujourd'hui, il faut de toute façon que quelqu'un le remette dans la caisse; il s'agit de 8 milliards de francs si l'on veut une recapitalisation intégrale ou de 6 milliards si l'on veut les 80%. Cet argent manque pour assainir la caisse, et quelqu'un devra payer. Alors c'est vrai, avec le système dit des experts, qui avait été défendu par les caisses de pension publiques, par le canton de Genève et par le canton de Vaud, on aurait pu lisser le processus sur deux générations. Là on ne fait payer qu'à une génération, mais ne laissez pas croire - et je pense que ce n'est pas votre objectif, Monsieur Deneys, mais vous vous êtes peut-être laissé emporter par la rhétorique - que le découvert n'existe que par des normes. Non, le découvert est là et bien là, et tant qu'il sera aussi important, il représente pour tous les assurés, pour toutes les forces vives de la fonction publique, une menace qu'il faut essayer de réduire dans l'avenir. Parce que vous voyez bien ce qui se passe dans le monde: on n'est jamais assuré si facilement que l'Etat est pérenne... Pérenne, il l'est, mais sa capacité d'endettement l'est-elle ? Voilà des questions sur lesquelles vous avez certainement médité en regardant les actualités dans d'autres pays depuis un certain nombre d'années.
Voilà ce que je tenais à préciser mais, je le répète, c'est une phrase pour rire ! On peut donc faire un débat d'une demi-heure pour enlever une phrase de ce genre, mais ça reste de toute façon une phrase pour rire ! Ce n'est qu'une sorte de testament du Grand Conseil actuel à un prochain Grand Conseil, qui lui dirait ceci: «Si jamais vous augmentez les cotisations - ce que je demande encore à voir - n'oubliez pas de les fixer à 50-50 !» Mais comme de toute manière il faut pour cela changer la loi, c'est le futur Grand Conseil qui décidera.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je mets aux voix l'amendement de M. Deneys consistant à abroger l'alinéa 3 de l'article 30.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 49 non contre 13 oui et 27 abstentions.
Mis aux voix, l'article 30 est adopté, de même que l'article 31.
Quatrième partie du débat: Session 11 (septembre 2012) - Séance 63 du 14.09.2012