Séance du
vendredi 29 juin 2012 à
14h
57e
législature -
3e
année -
10e
session -
58e
séance
PL 10865-A
Premier débat
Le président. Nous continuons maintenant l'examen des urgences avec la PL 10865-A, traité en catégorie II: trente minutes, trois minutes par groupe. Je donne la parole à M. le rapporteur Guy Mettan.
M. Guy Mettan (PDC), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Vous aurez constaté que ce projet de loi n'est pas tout à fait anodin, puisqu'il s'agit de voter la bagatelle de 830 millions de francs par année sur quatre ans. Je vois tout de suite le ministre de la santé qui essaie de calmer un peu les choses. Mais voilà, il s'agit évidemment d'une somme très importante, et tant la commission de la santé que la commission des finances ont pris leur temps pour examiner ce contrat de prestations; elles ont aussi pris la peine d'aller au fond des choses. C'est pour cela que les annexes au présent rapport, vous l'aurez constaté, sont assez épaisses, dans le sens où j'ai tenu à mentionner l'étude qui a été faite sur les critères de choix d'un établissement hospitalier, une étude assez complète qui montre que nos Hôpitaux tiennent la route et que, au vu du benchmark, nos Hôpitaux universitaires s'en tirent plutôt bien par rapport aux autres hôpitaux concurrents. Donc je vous recommande de jeter un coup d'oeil sur ces graphiques. J'attire aussi votre attention sur le plan stratégique 2010-2015, qui figure également en annexe; il présente tout à la fois la vision, les objectifs et les programmes d'actions de nos Hôpitaux universitaires pour les années à venir.
Pour le Mémorial - je ne vais évidemment pas tout lire - j'aimerais juste rappeler les quatre enjeux qui sont essentiels pour l'avenir de nos Hôpitaux. Il y a d'abord l'adaptation de la capacité aux nouveaux besoins de la santé publique. Ensuite, l'enjeu numéro deux consiste à renforcer l'attractivité dans un contexte de concurrence toujours plus grande. L'enjeu numéro trois est de développer la coopération avec les membres du réseau de soins, puisque - vous le savez - depuis cette année sont entrées en fonction cette nouvelle répartition et la collaboration notamment avec les cliniques privées. Voici enfin l'enjeu numéro quatre: assurer un bon financement de l'activité et dégager des moyens pour innover. Je dis cela en quelques mots - voyez aussi les pages 6 et 7 du rapport - parce que je pense ce rappel important quand on s'apprête à voter des sommes aussi considérables.
La commission des finances a eu une préoccupation concernant notamment l'inclusion du projet Curabilis dans le financement qui nous a été proposé. En effet, il s'est trouvé que, au moment de notre discussion, l'Inspection cantonale des finances a publié un rapport qui faisait état de certains problèmes concernant l'avancement du projet Curabilis, et nous avons eu une discussion à cet égard. Finalement, nous sommes tombés sur un compromis. Peut-être que d'autres interviendront sur ce compromis. L'idée a été de modifier...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Guy Mettan. ...avec l'assentiment du Conseil d'Etat, le projet de loi de financement et de vous proposer celui qui vous est soumis aujourd'hui, soit de 819 millions pour l'année 2012 à 849 millions - parce que cela inclut aussi la maternité - pour l'année 2015. Donc je vous propose, Mesdames et Messieurs, d'adopter ce projet de loi tel qu'il vous est présenté.
Mme Christine Serdaly Morgan (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, l'approbation d'un contrat de prestations n'est pas le lieu du refus. Les commissions de la santé et des finances ont attentivement étudié, avec les éléments qu'elles avaient, la situation de l'institution et son avenir. Comme on l'a dit hier - et le député Guy Mettan l'a rappelé maintenant - les objectifs stratégiques des HUG sont clairs. Ce qui n'est pas clair, c'est la mise en oeuvre, la gestion, ce sur quoi le Grand Conseil n'a très justement pas prise, parce qu'il y a à la fois un conseil d'administration pour leur gestion et un conseiller d'Etat pour leur contrôle. Il y aura aussi, bientôt, une nouvelle direction à la tête de cette très grosse institution. Or nous tenons aujourd'hui à exprimer un certain nombre de craintes et de désaccord quant à la manière dont vogue le bateau des HUG et à demander qu'il soit entendu tant par le CA que par le Conseil d'Etat. Par ailleurs, quatre ans, c'est long, et nous demanderons que la commission de la santé puisse revenir sur la situation des HUG une fois la nouvelle direction nommée.
Notre désaccord porte sur un certain nombre de pratiques mis au jour durant ces derniers mois, et encore avant-hier. Nous sommes dubitatifs. Où est la cohérence entre d'un côté une institution qui n'a cessé d'accepter voire de montrer une proactivité face aux plans d'austérité comme Victoria ou, plus récemment, Per4mance, et de l'autre une institution qui semble se débattre dans un ensemble d'actions, petites ou grandes, mais souvent peu acceptables ? A force de dire oui et de penser qu'il le pouvait, le directeur général des HUG, M. Gruson, ne s'est-il pas mis dans des situations difficiles, peu claires, contradictoires, où le mélange des genres prédomine ? On fait de la coopération au Maroc et à l'Ile Maurice. On en tire quelques avantages personnels voire partagés, puis il y a soudain des économies à trouver, et on se dit qu'il y a là peut-être moyen de profiter de ces investissements. (Brouhaha.) Monsieur le président, je peux vous demander de faire régner un peu de silence ? Merci. Les pratiques relatives aux nominations sont aussi traversées d'intérêts plus ou moins lisibles.
L'addition de ces petits et grands événements met différentes choses en évidence. Sur le plan des RH, peu de choses ont été anticipées, en tous les cas du côté des équipes soignantes. L'on ne parle que de pénurie d'infirmières, mais les équipes sont plurielles, de l'aide-soignante aux infirmières et en fonction des départements et des spécialités. Il y a une vraie réflexion à faire sur l'organisation des équipes, que les HUG ont par ailleurs enterrée en 2006 alors qu'ils avaient effectué une réflexion pionnière sur l'intégration des assistantes en soins et santé communautaire, par exemple. On manque de techniciens en salle d'opération...
Le président. Il vous faut conclure.
Mme Christine Serdaly Morgan. Très bien, Monsieur le président. Résultat, on dépense des moyens très importants pour aller former des Mauriciens, formation que l'on finit par déguiser sous les attraits de la coopération, parce que cela ne fonctionne pas si bien et que c'est finalement discutable.
La division privée des HUG et le bassin de recrutement des HUG, qui n'est pas en adéquation aujourd'hui avec la taille de l'institution... (Remarque.) ...sont souvent rappelés par M. Gruson comme une préoccupation. Ce sont autant de points sur lesquels nous aimerions revenir. Nous adopterons ce contrat de prestations, mais nous demandons instamment au Conseil d'Etat de jouer son rôle. Nous aimerions aussi rappeler le sien au conseil d'administration des HUG.
Le président. Merci, Madame la députée. Madame Loly Bolay, je suis désolé, le temps de parole de votre groupe a été épuisé. La parole n'étant plus demandée... (Remarque.) Si, par M. Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Je serai très bref. Je rappelle simplement l'importance d'un investissement et d'un plan de prestations, ainsi que l'importance d'avoir les moyens pour que l'Hôpital puisse se développer. En effet, l'Hôpital, c'est quand même l'un des plus grands employeurs du canton, c'est la possibilité pour les jeunes d'avoir une formation de haute tenue et c'est surtout la possibilité d'attirer des emplois, de développer des entreprises en connexion avec l'Hôpital. C'est ce que l'on sait faire le mieux. Je crois que, au niveau de la santé, il est vraiment important d'être extrêmement attentif au développement de l'Hôpital. Donc nous soulignons et approuvons ce budget.
M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, les députés libéraux et radicaux du PLR se sont abstenus lors du débat à la commission des finances concernant l'Hôpital, non pas qu'ils mettent en cause la mission de l'Hôpital, qui est évidemment pour eux prioritaire, mais parce qu'ils se sont inquiétés de certains dysfonctionnements récents, en particulier de la façon dont les conflits de travail ont été traités, avec des relations peu claires ou des responsabilités peu claires, quant à savoir celles qui incombaient au directeur de l'Hôpital, respectivement au chef du département. Nous serions heureux d'en entendre plus; nous serions heureux d'entendre plus de la part du chef du département quant au rôle joué par lui-même et par le directeur de l'Hôpital dans les conflits du travail. En effet, ces conflits du travail ont un coût; or ce coût, pour le contrat de prestations qu'une grande majorité s'apprête à adopter dans ce parlement, n'est pas indifférent compte tenu de l'état des finances cantonales. Voilà un premier point.
J'aimerais dire aussi qu'il s'agit de ne pas prendre l'accessoire pour l'essentiel et que la question que je pose ne remet évidemment pas en cause l'activité déployée non seulement par les collaborateurs de l'Hôpital, mais également par son directeur dans la conduite de la plus grande entreprise cantonale. Quand on en vient à épingler certaines relations avec des pays étrangers, il peut y avoir des maladresses et des obscurités à lever. Mais sachons faire également preuve d'élévation de vue et de compréhension de la difficulté à gérer un établissement dans lequel certains - je pense notamment à un représentant syndical, par bonheur absent de ce parlement - ont une responsabilité de pyromanes dans les difficultés qu'a pu connaître l'Hôpital. Alors, avant d'accuser les autres, il faudrait d'abord balayer devant sa porte.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, le texte qui nous est proposé est un projet de loi qui nous fait dépenser à peu près 1 milliard par année - un peu moins, on est d'accord, mais nous ne sommes pas très loin de cette somme. C'est l'une des politiques publiques extrêmement importantes. Or nous avons été, à la commission des finances, quelque peu surpris de la vitesse à laquelle on voulait nous faire voter et à laquelle la commission de la santé l'avait traité.
Nous ne pouvons pas dire que, sur un budget de presque 8 milliards de l'Etat de Genève, 1 milliard est une somme négligeable. Nous n'arrivons pas à avoir une vision claire à terme des besoins financiers qu'il faudra pour continuer à faire tourner cet hôpital. Nous savons tous que cette politique est essentielle. Néanmoins, que va-t-il se passer avec le vieillissement et l'accroissement de la population ? Quelles sont les perspectives d'avenir autour de ce contrat de prestations ? Alors on a effectivement une vision sur quatre ans avec quelque chose qui est développé. Nous nous rendons aussi compte que d'énormes efforts ont été faits à l'Hôpital pour avoir une gestion la plus rigoureuse possible et que l'on arrive peut-être aux limites de l'exercice. On parle souvent de couper dans le gras. Vous savez bien que, au bout d'un moment, quand on fait un régime trop strict, ce n'est plus le gras que l'on enlève, mais le muscle. Le risque, au sujet de l'Hôpital, est aussi là: il faut se demander jusqu'où on peut aller autour de cet Hôpital en termes de prestations ? A certains moments, faire plus d'économies peut nous faire dépenser plus d'argent ailleurs. Donc le tout est assez difficile et assez délicat.
Aujourd'hui, je ne peux pas dire que nous allons voter, nous le groupe des Verts, avec une conviction immense. Nous allons voter en nous disant: «On ne peut pas faire autrement ni se permettre de faire prendre des risques à l'Hôpital.» Mais nous souhaitons - c'est de notre faute - avoir une meilleure qualité d'information. La commission des finances et la commission de la santé doivent prendre plus de temps pour étudier les différents documents que nous fournit l'Hôpital. Les documents sont là; ce n'est pas un reproche à l'Hôpital d'avoir caché quoi que ce soit. C'est une inquiétude de notre part consistant à dire ceci: donnons-nous le temps d'étudier correctement cet élément-là, qui représente quand même 1 milliard sur notre budget. Je vois d'autres discussions qui ont été très longues sur des sommes autour de 20 000 F; en effet, là, tout le monde se dit: «C'est bon, ce sont des sommes que je maîtrise bien.» Dès que l'on arrive au milliard, cela devient plus angoissant, et on se dit: «Ouille, qu'est-ce qu'on va faire ? Là, cela devient trop dangereux si je fais une erreur.»
Mesdames et Messieurs les députés, nous voterons donc ce projet de loi, mais nous devons rester extrêmement attentifs à ce type-là d'objets. J'ai aussi une demande vis-à-vis du département, c'est de nous rendre attentifs plus tôt à ce qui arrive. Peut-être qu'il faut que l'on commence à étudier les différents indicateurs en avance et que l'on essaie de mieux cibler, d'avoir une discussion un peu plus fine, autour des choses qui vont être pertinentes. L'information est vaste et touffue, mais nous devons certainement l'améliorer. Les sommes qui sont en jeu et l'avenir pour notre population - les enjeux pour notre population - sont vraiment essentiels autour de ce projet de loi.
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, il est des situations où le groupe UDC aussi se trouve pris en cheville entre la rationalisation et la santé, qui est un bien nécessaire pour les Genevois et pour tout le monde. Or, comme l'a dit mon préopinant, 1 milliard sur le budget cantonal, ce n'est pas rien. C'est loin de n'être rien. Le groupe UDC s'est abstenu au vote final et continuera à s'abstenir aujourd'hui. Parmi les principales raisons à cette abstention - ce n'est pas simplement d'être un «Neinsager», ce que nous ne serons pas - on peut relever qu'il nous manque des documents, comme l'a dit mon préopinant. Le recul est bon, mais on nous parle d'un milliard. L'une des choses qui nous donne à réfléchir se trouve à la page 5 du rapport; M. Gruson dit: «Ce contrat prévoit un volume de recettes à la hausse. Pour ce faire, il faut qu'ils élargissent le plus possible le périmètre de recrutement de patients.» Alors bien sûr que l'efficience, c'est bien. Mais alors, pour 1 milliard, jusqu'où devons-nous aller chercher des patients pour équilibrer cela ?
Mesdames et Messieurs les députés, il est clair que nous n'allons pas refaire le débat de la commission des finances. Nous en arrivons simplement à la conclusion qu'il est prématuré de dire non; il sera important d'examiner cela lors du budget. Mais, pour ce projet de loi, comme nous l'avons dit et ainsi que nous avons voté en commission, le groupe UDC s'abstiendra.
M. Michel Forni (PDC). Je suis un peu intrigué par la frilosité qui règne dans ce parlement cet après-midi; c'est un contraste avec la température extérieure. (Remarque.) Je suis un peu inquiet de l'interprétation tendancieuse qui est faite, par le petit règlement de compte, et je tiens à faire une première comparaison. Tous les hôpitaux de la taille du nôtre, des Hôpitaux universitaires de Genève, lorsque vous leur mettez une échelle européenne, sont déficitaires. Exception: le nôtre. Pourquoi ? Comprenez qu'il est bien géré. Voilà le point un. Point deux, cet Hôpital a une gouvernance opérationnelle. Il a été en mesure de se renforcer sur le plan de l'informatique. Il a des modèles et des programmes - sept programmes: qualité, soins, excellence, ressources humaines, etc. Je pourrais continuer, mais je m'en tiens là. Il a des collaborations proches. Je mentionne encore le plan informatique, le leadership et la prévention des infections. Il a aussi une comptabilité analytique, qui permet - je m'excuse de vous répondre, Monsieur - de trouver des patients ailleurs, de les amener à l'hôpital et de développer notre système; cela représente au minimum 100 millions. C'était soumis dans l'exercice 2010, avec un résultat positif: 17,7 millions. Donc ce n'est pas un élément déficitaire ! Il y a bien sûr des indemnités de fonctionnement. Il y a la recherche, cela a été dit. Cet Hôpital est bien gouverné.
Alors c'est vrai que cela peut irriter et coûter d'être bien gouverné. Mais, là derrière, avec un outil de travail et une telle entreprise, que cela signifie-t-il ? Cela signifie qu'il y a cinq dimensions. La première est que nous devons avoir une confiance politique dans cet outil de travail, qui est le fleuron de Genève. Nous devons avoir une confiance institutionnelle dans une grande institution par rapport aux défis de la médecine que nous essayons de relever et de développer. Nous devons avoir une confiance économique, car son mode de fonctionnement est très analytique. Nous devons aussi avoir une confiance sociétale, parce que tous les pôles sociaux sont à l'hôpital, des pauvres aux riches, des Suisses aux étrangers, des bons aux mauvais payeurs. Nous devons enfin avoir une confiance individuelle, car son personnel est de bonne qualité - il est intéressé et travailleur; sa direction est efficace et ses cadres sont prêts pour le combat de demain. C'est la raison pour laquelle je vous demande d'accepter avec beaucoup de conviction ce programme.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je salue à la tribune la présence de l'ancien président du Grand Conseil M. Claude Blanc et de notre ancien collègue M. Louis Serex, dit «Loulou» ! (Applaudissements.) La parole est à M. le député Renaud Gautier.
M. Renaud Gautier (L). Il faut le dire ici, M. Forni a totalement raison. Pourquoi critiquer l'Hôpital ? Le seul défaut de son raisonnement est qu'on peut le reprendre à la virgule près pour chacun des sujets qui intéressent l'un ou l'autre député et l'appliquer en tant que tel à tous les problèmes, tous les postes ou toutes les politiques publiques. A force de faire ce raisonnement, tout le monde sera ravi de la bonne gestion de l'Hôpital, des TPG, des SIG, de tel ou tel département. On n'ira juste pas très loin avec les réalités financières qui s'imposent.
Le débat sur l'Hôpital ne consiste pas en un débat sur la qualité de l'Hôpital et de la direction de celui-ci, même si l'on entend dire que la succession est un peu compliquée. Il s'agit simplement de s'interroger, ce qu'a fait la commission des finances, sur l'efficience des sommes gigantesques, comme l'a dit M. Bavarel, qui vont à l'Hôpital. Elles ne sont pas contestées. C'est simplement une mise en perspective. C'est d'autant plus troublant lorsque...
Le président. Monsieur le député, je m'excuse, mais votre préopinant, M. Pierre Weiss, avait presque épuisé le temps de parole de votre groupe.
M. Renaud Gautier. J'aurais dû me rappeler ce fait-là, Monsieur le président. Je vous remercie.
Le président. Je suis désolé, Monsieur le député. La parole est à M. le président du Grand Conseil... (Rires.) Pardon: la parole est à M. le président du Conseil d'Etat Pierre-François Unger.
M. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous pouvez prendre les budgets cantonaux de tous les cantons suisses, la santé y apparaît soit comme numéro un, soit comme numéro deux des dépenses publiques. On n'a pas à s'en réjouir, mais c'est un état de fait. Un huitième du budget, c'est bien sûr énorme - ce n'est pas tout à fait un huitième du budget, mais c'est en gros un huitième du budget - par rapport aux dépenses qui sont faites. Ce sont des dépenses qui sont consenties dans un contexte particulier à Genève, un canton-ville qui ne dispose comme réseau publique que d'un hôpital, lequel est universitaire, dont on sait donc que les surcoûts par rapport à un hôpital non universitaire sont en gros de 20%. Ces surcoûts sont voulus parce que nous devons former du personnel à tous les niveaux: aides-soignants, infirmiers, médecins, universitaires, ainsi que des gestionnaires d'hôpitaux, dont le métier ne s'apprend pas simplement ni à Fontainebleau, ni à Saint-Gall.
Vous avez eu raison, Monsieur Bavarel, de dire que, quand on reçoit, à la commission des finances, un préavis de la commission de la santé, préavis typiquement positif, on doit un peu tout recommencer. En effet, il est difficile de se dire qu'ils ont préavisé favorablement sur autre chose que la santé, puisque l'on est soi-même à la commission des finances. J'ai le souvenir d'un ancien président du Grand Conseil, qui n'est pas éloigné de nous ce jour, qui disait que tout projet de loi traité par deux commissions était voué aux gémonies. (Commentaires.) Je suggère que votre parlement s'interroge; je n'ai moi-même pas d'avis spécifique à donner, surtout pas sur l'organisation des travaux qui sont les vôtres.
Deuxième point, nous avons organisé, au courant de l'année 2011, une séquence que l'on espérait pédagogique, en déposant au printemps la planification sanitaire, en attendant la fin de l'été pour déposer les contrats de prestations qui correspondaient à la concrétisation pratique des dépenses liées à la planification sanitaire. Il se trouve que les textes relatifs aux cliniques de Joli-Mont et de Montana ont été votées il y a un mois, celui de la FSASD il y a deux mois; celui des Hôpitaux, je l'espère, le sera aujourd'hui. Votre Grand Conseil risque de ne pouvoir se saisir de la planification, qui est l'acte fondateur des dépenses de santé, qu'à la fin du processus, quand le reste aura été voté. Alors pardonnez-moi, mais, malgré ce synchronisme que le Conseil d'Etat avait voulu donner pour faciliter la compréhension des choses, l'organisation de votre parlement n'a pas permis de la rendre aussi visible que nous le souhaitions.
Pour le reste, les rôles relatifs du Conseil d'Etat, du directeur général et du conseil d'administration sont parfaitement connus. Cela ne veut pas dire pour autant qu'ils soient parfaits; mais enfin, c'est connu. Oui, quand j'ai appris hier qu'on envoyait au Maroc des rapports de radiologie pour qu'ils y soient traités informatiquement avant de revenir, j'ai dit que je ne voulais pas que des choses comme cela se produisent. Mais quand on creuse un peu, on constate que l'on n'a pas de pool de secrétaires qui connaissent les termes médicaux et qui puissent, soit en cas de surcharge, soit en cas de déficience d'un certain nombre de secrétaires, assumer ce travail-là. Alors vers qui se tourne-t-on ? D'abord en Suisse, bien sûr ! Le problème est que, en Suisse, on parle allemand et que taper un rapport de radiologie en allemand et le donner à un médecin genevois ne fait pas l'affaire, vous l'admettrez.
C'est la raison pour laquelle on se tourne vers la France, où l'on trouve une compagnie qui sous-traite avec une vingtaine - un peu plus - d'hôpitaux universitaires français la rédaction des rapports de radiologie, parce que ces problèmes se rencontrent dans tous les hôpitaux. Alors on passe un contrat avec cette entreprise. On découvre cependant qu'elle fait cela au Maroc, et le Conseil d'Etat dit: «Non, cela, je ne veux pas.» Cela a été accepté immédiatement. Mais la mondialisation est un phénomène qui existe. Quand vous répondez au téléphone à un vendeur de lessive ou d'assurance-maladie et que vous essayez de rappeler au numéro qui s'est affiché, il n'est pas rare que l'on vous parle hindi ou arabe, parce que c'est ainsi que cela se fait. J'ai trouvé que c'était politiquement inacceptable, raison pour laquelle j'ai interdit cela.
Pour le reste, il y a des objectifs, des stratégies et des actions bien déclinés et bien maîtrisés. J'entends que l'on aimerait voir plus loin, savoir ce qui va se passer dans dix ans ou vingt ans. Supprimez le parlement fédéral, et au moins on est sûr que les règles actuelles ne changeront pas ! Elles changent tous les deux ans, sur le financement hospitalier, sur les impératifs de planification, sur la manière dont on répartit le financement entre les assureurs et l'Etat, et sur la manière dont on répartit les investissements sur les assurances et sur l'Etat. Bref, ces choses-là amènent des incertitudes.
Je suis désolé, Mesdames et Messieurs, que vous n'ayez pas pu assister, pour des raisons d'organisation des travaux, à une planification qui vous prédit que les budgets hospitaliers resteront stables. Ils ne vont pas diminuer, parce qu'il y a plus de cas et que la population vieillit, mais les dépenses resteront stables par les gains d'efficience. En revanche, pour l'aide à domicile, tout cela augmentera, parce que la démographie exerce là un poids important si l'on veut garder les gens à la maison.
Alors, Mesdames et Messieurs, en cohérence avec ce que nous avons eu l'occasion de discuter à la commission des finances et à la commission de la santé - la même discussion, par ailleurs, qui a été répétée deux fois à huit mois d'intervalle - je vous encourage à traiter ce projet et à lui réserver un bon accueil.
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous nous prononçons sur l'entrée en matière du PL 10865.
Mis aux voix, le projet de loi 10865 est adopté en premier débat par 56 oui et 15 abstentions.
Deuxième débat
Le président. Madame Loly Bolay, vous avez un amendement ?
Une voix. C'est une erreur.
Le président. Vous prendrez la parole en troisième débat, comme vous me l'avez demandé.
Le projet de loi 10865 est adopté article par article en deuxième débat.
Troisième débat
Mme Loly Bolay (S). Mesdames et Messieurs les députés, ce qui inquiète les socialistes dans ce projet de loi est que le montant est hors Curabilis. C'est d'ailleurs indiqué dans le rapport. Alors vous pourrez me dire si c'est faux. La problématique est déjà que Curabilis ne sera pas ouvert - toutes les étapes - comme le canton de Genève s'était engagé vis-à-vis du concordat. Ensuite, il est dit que l'on ne pourra pas engager en 2013 le personnel pour former le personnel qui devra travailler à Curabilis. Je rappelle quand même que Curabilis est un nouvel établissement - tout nouveau en Suisse romande - et que la problématique est de trouver des personnes qui aient les connaissances pointues pour traiter ce genre de détenus, de patients, etc. Donc mon inquiétude est là, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Rassurez-moi.
Je suis allée voir le rapporteur, qui m'a confirmé que ce montant est effectivement hors Curabilis et que vous allez revenir plus tard pour demander une somme supplémentaire, ce qui nous cause énormément de soucis pour les raisons que je viens d'énumérer. En tout cas, c'est un souci de la commission des visiteurs, tant pour le retard de Curabilis - puisque tout ne pourra pas être ouvert dans les délais, je le rappelle - que pour les personnes qui vont y travailler, puisque l'on sait déjà à l'heure actuelle qu'il y aura pénurie de personnel qualifié pour travailler dans cet établissement.
M. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat. Je peux vous rassurer, Madame la députée. C'est dans l'augmentation des indemnités pour les prestations relatives aux missions d'intérêt général que sont comprises les augmentations liées à Curabilis, et vous voyez que c'est dans ces lignes budgétaires; à l'article 2, vous voyez les montants passer de 127 millions en 2012 à 148 millions en 2015, ce qui correspond au développement et à l'implémentation de Curabilis entre, en réalité, fin 2013 et 2015. Il est prévu un montant de plus de 3 millions, l'année prochaine, pour engager plus précocement des gens de telle manière à les former. Ce n'est pas encore très simple de savoir où on va les former; c'est cependant prévu que l'on puisse les former ne serait-ce qu'à l'unité cellulaire psychiatrique, qui est déjà une approche du problème rencontré. Il y aura le déploiement progressif de deux pavillons d'abord, puis d'un autre, puis d'encore un autre, parce que l'on ne pourrait pas, quand bien même on disposerait de l'argent tout de suite, engager tous les gens en même temps. Et, à vrai dire, comme on n'a pas l'argent tout de suite, cela donne une raison supplémentaire d'étaler cela sur trois ans. Mais ces montants sont compris dans le projet de loi qui vous est présenté.
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous nous prononçons sur le projet de loi 10865 en troisième débat.
La loi 10865 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10865 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 53 oui et 21 abstentions.
Le président. Nous passons maintenant au traitement des extraits.