Séance du
vendredi 20 avril 2012 à
20h30
57e
législature -
3e
année -
7e
session -
41e
séance
RD 835-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Le rapporteur est M. Edouard Cuendet, à qui je donne la parole.
M. Edouard Cuendet (L), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, je suis extrêmement fier de commencer cette nouvelle ère d'objets nouveaux après l'épuisement de l'ordre du jour ordinaire. En revanche, ce qui m'attriste, c'est de l'entamer avec un acte de sédition du Conseil d'Etat qui, dans cette affaire, déteste avoir tort, boude lorsque c'est le cas et le manifeste en ne promulguant pas un texte régulièrement adopté par notre parlement. En l'occurrence, notre Grand Conseil a adopté en 2009 un projet de loi visant à améliorer le processus démocratique et permettre aux citoyens de se fonder une opinion claire sur la base d'une synthèse brève et neutre pour chaque objet soumis à votation. On se rappellera ici que, par le passé, une brochure avait été attaquée devant les tribunaux avec succès, parce que la prise de position exprimée par le Conseil d'Etat dans la brochure omettait de présenter la position du Grand Conseil, ce qui est un comble, puisque jusqu'à nouvel ordre nous sommes le législatif et qu'il est normal que le citoyen sache ce que pensait celui qui a adopté la loi.
Ainsi, comme la loi lui en donne le droit, le Conseil d'Etat a refusé de promulguer la loi adoptée par le Grand Conseil et, conformément à la procédure en place, a dû rédiger un rapport sur ce sujet. La commission législative, quant à elle, a dû reprendre les travaux à ce propos et, dans le cadre de ces dernier, nous avons procédé à une étude archéo-juridique pour savoir les origines de ces différentes brochures. Nous sommes remontés jusqu'au début du XXe siècle pour nous plonger dans l'histoire fascinante des brochures de vote et, en fin de compte, suite à ce travail d'archives, la majorité de la commission a estimé à juste titre que le maintien de cette synthèse se justifiait pleinement, que les citoyens ne lisaient souvent pas toute la brochure, qu'ils devaient pouvoir se baser sur une synthèse brève et neutre et que c'était indispensable au bon fonctionnement de la démocratie. Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter ce projet de loi et à prendre simplement acte du RD 835-A.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, pour les Verts nous sommes là face à un objet qui est quelque peu particulier. Le parlement dit à des gens qui sont élus - et qui ne sont pas forcément de la même tendance, car nous avons connu des Conseils d'Etat à majorité de gauche avec un parlement à majorité de droite ou des configurations allant dans d'autres sens ou encore avec des opinions diverses: «Vous êtes sympas, vous qui êtes élus, vous allez raconter objectivement ce que nous, nous pensons.» Comme exercice, très honnêtement... Si je demande à un parti politique, par exemple au PLR, de nous faire un rapport objectif sur ce que pense le parti socialiste... (Commentaires.) ...ou alors si d'autres réussissent à le faire d'un point de vue vraiment objectif, avec le risque d'un recours au Tribunal fédéral pour que ce soit plus amusant... Nous sommes en train de mettre en place une machine à enrichir les avocats et à donner du boulot aux juges fédéraux. A partir de là, nous entendons bien, Monsieur Weiss, que vous dites que c'est le but du PLR, et nous avons bien compris que le but de ce parti était d'enrichir les avocats et de faire fonctionner le Tribunal fédéral, mais nous, nous pensons que dans une démocratie il faut que chacun puisse remplir son rôle, ce pour quoi il a été élu, et il est beaucoup plus simple que le gouvernement tienne la position du gouvernement, que le parlement tienne la position du parlement, et que l'on évite la confusion des genres ! C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas partager les conclusions du rapporteur, et nous vous invitons donc à voter l'inverse de ce qu'il vous a recommandé précédemment !
Mme Loly Bolay (S). Mesdames et Messieurs les députés, je tiens tout d'abord à remercier le rapporteur, parce qu'il est vrai qu'il n'était pas facile de rédiger un rapport qui revient somme toute sur plusieurs années de législature. Il faut rappeler qu'effectivement en 2008 il y a eu un recours suite à la votation sur l'initiative 134, les recourants estimant que l'argumentaire du Conseil d'Etat était beaucoup trop favorable au contreprojet de cette initiative, et que le Tribunal administratif a annulé cette votation.
Je rappelle en outre que la commission des droits politiques avait voté à l'unanimité le projet de loi 10415, que ce plénum avait confirmé ce vote, et qu'il avait même amendé ledit projet de loi afin de sauvegarder le droit du parlement. Or le Conseil d'Etat a refusé de promulguer cette loi. Alors, c'est clair, il est ici aussi question du respect des uns et des autres, et en l'occurrence du premier pouvoir. Le premier pouvoir a décidé de voter ce projet de loi, mais le Conseil d'Etat a dit non, qu'il refusait de promulguer cette loi.
Le parti socialiste a donc décidé de confirmer le vote que nous avons fait ici en 2009, et j'aimerais quand même vous rappeler ce que prévoit l'article 53, alinéa 2, 2e phrase, de la LEDP: «Il comprend une synthèse brève et neutre de chaque objet soumis à votation, défend de façon objective le point de vue du Grand Conseil et indique le résultat du vote en mentionnant, le cas échéant, l'avis du Conseil d'Etat et d'importantes minorités.» Et c'est là le problème, Mesdames et Messieurs les députés: il est normal que l'avis des minorités, que l'avis de ce parlement soit connu des électeurs ! C'est la raison pour laquelle je vous demande de suivre les conclusions de la majorité et de confirmer le vote que nous avons fait, tant à la commission des droits politiques que dans ce plénum, en acceptant ce projet de loi 10415. Je vous en remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le premier vice-président de ce parlement, M. Gabriel Barrillier.
M. Gabriel Barrillier (R). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, je crois que ma préopinante a bien expliqué les tenants et les aboutissants de ce projet de loi. Elle a insisté - et je reprends ce qu'elle a souligné - sur l'importance d'abord d'avoir des explications équilibrées, qui représentent les opinions tant de l'exécutif que du législatif. J'aimerais pour ma part aussi insister sur le fait que nous vivons dans une société où les gens ont finalement peu de temps pour étudier les textes et qu'une synthèse brève et neutre peut être très utile pour les citoyennes et les citoyens pressés, avant qu'ils aillent voter. Et je sais bien que la neutralité absolue n'existe pas, mais la synthèse, oui, et brève, elle doit pouvoir l'être !
J'aimerais enfin, avant de vous inviter à voter ce projet de loi, attirer votre attention sur le fait que, dans tous les cas, le Conseil d'Etat soumet son projet de commentaire au Bureau du Grand Conseil. Alors je n'ai pas une expérience très longue du Bureau, mais je puis quand même ici confirmer et affirmer que ce travail de contrôle ou en tout cas de participation du pouvoir le plus important, soit du pouvoir législatif, se fait avec sérieux. Dans ces conditions, je ne puis que vous inviter à voter ce projet de loi, qui d'ailleurs a trouvé son origine dans un projet de loi radical. (Exclamations.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Charles Selleger, à qui il reste...
M. Charles Selleger (R). Une minute trente !
Le président. ...à qui il reste un certain temps.
M. Charles Selleger. Une minute trente ! J'ai compté, Monsieur le président ! Je vous remercie de me donner la parole, et je serai beaucoup plus bref.
J'aimerais simplement répondre aux arguments de M. Bavarel - et vous lui transmettrez - qui nous explique, la bouche en coeur, que l'exercice consistant à rédiger une synthèse brève et neutre est tout simplement impossible pour notre Conseil d'Etat et que cela va nourrir les recours, qui iront jusqu'au Tribunal fédéral. Moi je veux bien, mais c'est pourtant exactement ce qu'a fait le Conseil d'Etat au cours des législatures précédentes ! Pendant bien des années, il a servi, sous le titre «L'essentiel en bref», une rubrique qui était fort utile au citoyen afin de lui permettre de se décider de manière intelligente lorsqu'il vote. Et tout à coup, parce qu'une fois il y a eu un couac, on décrète que c'est impossible. Alors soit c'est vraiment impossible, mais je n'y crois pas, soit c'est le Conseil d'Etat actuel qui est devenu incapable.
Une voix. Très bien !
M. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, c'est le chef des incapables qui s'exprime devant vous ce soir... (Exclamations. Rires.) ...de telle manière que vous soyez rassurés sur notre incapacité collective.
J'aimerais, Madame la députée Bolay, vous dire que la partie du texte à laquelle vous tenez, c'est-à-dire que le Grand Conseil soit maître de la révision de la proposition de brochure, n'est pas touchée par ce dont on discute ce soir. Ce dont on discute ce soir, c'est uniquement «L'essentiel en bref», ou la synthèse neutre, bienveillante et peu indicative. «L'essentiel», le parlement l'avait écrit et l'avait voté, puisque c'était un texte d'origine parlementaire qui avait été adopté et qui fonctionne très bien. Ce qui fonctionne moins bien, c'est la synthèse brève et neutre, mais en réalité le Conseil d'Etat n'a pas refusé de promulguer une loi, contrairement à ce que vous dites; il a appliqué l'article 94 de la constitution, qui prévoit que, dans le cas où c'est le Grand Conseil qui rédige une loi, le Conseil d'Etat peut, avant de la promulguer, la représenter au Grand Conseil avec des observations dans un délai de six mois. Ce n'est pas un refus ! Nous avons profité d'une possibilité qui est ouverte dans la constitution pour dire que nous ne la sentions pas exactement comme vous, et nous l'avons fait à travers un rapport qu'on vous a rendu et que vous avez discuté. Ensuite vous pouvez confirmer votre loi, ce que vous allez très vraisemblablement faire ce soir, ou au contraire vous pouvez vous dire: «Tiens, nous sommes assez sensibles au fait que cette toute petite partie n'est pas ce qui était important pour nous. Ce qui l'était, c'est que le Grand Conseil ait un droit de regard sur la brochure préalablement à sa diffusion.» Et c'est le cas même si vous refusez ce projet de loi aujourd'hui ! C'est le cas ! La seule chose que vous nous forcez à faire ce soir, c'est une synthèse brève et neutre. Alors nous la ferons, et vous la relirez aussi, parce que cela nous apaisera de savoir que les recours, qui ne manqueront pas d'avoir lieu, porteront sur un objet sur lequel vous aurez posé votre bienveillante attention. Voilà, le roi des incapables vient de vous parler, prenez la décision que vous entendez !
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Nous passons maintenant au vote.
Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission RD 835-A.
Mis aux voix, le projet de loi 10415 est adopté en premier débat par 40 oui contre 25 non et 13 abstentions.
La loi 10415 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10415 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 42 oui contre 38 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)