Séance du
vendredi 20 avril 2012 à
17h
57e
législature -
3e
année -
7e
session -
40e
séance
M 2061
Débat
Présidence de M. Gabriel Barrillier, premier vice-président
Le président. Nous sommes au point 32 de notre ordre du jour. Je donne la parole à M. le député Vincent Maitre.
M. Vincent Maitre (PDC). Merci, Monsieur le président. Ecoutez, je crois que tant les considérants que l'exposé des motifs de cette motion s'expliquent d'eux-mêmes. Vous l'aurez... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...compris, il s'agit d'une simple réorganisation, sur une portion congrue de toute l'organisation de la police, qui vise tout simplement à libérer davantage de forces et de temps pour les policiers, afin que ceux-ci puissent exercer leur mission première qui est celle du maintien de l'ordre et de la sécurité sur le domaine public, et qu'ils ne soient pas mobilisés, ou plutôt immobilisés à des tâches qui ne relèvent pas de leurs attributions, raison pour laquelle je vous demande de réserver un accueil favorable à cette motion.
M. André Python (MCG). Il faut déjà savoir comment fonctionne le garage de la police. Ce dernier gère 1054 véhicules et engins divers. Il est composé de trois cadres et sept mécaniciens - trois mécaniciens auto, deux moto et deux électro. Ils ont à leur disposition douze véhicules de réserve pour gérer environ 345 véhicules de tourisme. Les policiers allant au garage de la police amènent leur véhicule, le garage leur prépare un véhicule de remplacement, et il faut approximativement cinq minutes, voire dix minutes pour changer le matériel de véhicule et repartir.
Sur le trajet de la voiture de police en direction du garage, les gendarmes à l'intérieur du véhicule sont opérationnels: ils peuvent être détournés. Au moment où ils repartent, ils sont à nouveau opérationnels. Il faudrait donc, pour gérer le problème de ces 1054 véhicules, créer directement une compagnie de transporteurs pour amener et reprendre les véhicules. Alors au niveau de la gendarmerie, cela ne pose pas de problème: un exemple est effectivement marqué dans la motion, mais cet exemple n'a eu lieu qu'une fois, l'on ne peut donc pas faire d'un exemple une généralité. De plus, les gendarmes perdent très peu de temps au garage de la police. Cela vaudrait peut-être la peine de se déplacer une fois et de voir comment cela se passe dans ce garage-là.
Le garage de la police ne gère pas uniquement les véhicules de gendarmerie, mais quasiment tous les véhicules du DSPE ainsi que d'autres services comme le DARES, le DCTI, le DF, le DIM, etc. Donc le groupe MCG vous propose de refuser cette motion qui n'a vraiment pas lieu d'être, et qui n'apporte rien du tout.
M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, cette motion paraît effectivement sympathique. Elle est sympathique, mais dans la pratique ce n'est pas aussi simple que cela, parce que si le garagiste prend un rendez-vous pour aller chercher le véhicule d'un policier, il risque évidemment d'attendre toute la journée si le policier est en réquisition, ou s'il a une urgence. Alors ce qu'a dit mon collègue est tout à fait juste: le changement de véhicule prend cinq minutes. Il y a toujours des véhicules de rechange pour les policiers.
De plus, pour ce qui est du cas concret des vélos, il suffit de les attacher dans le fourgon, je pense que le gendarme l'aura compris, et que la prochaine fois il attachera bien les vélos - les deux-roues - dans le fourgon pour qu'ils ne tombent pas, le problème est là. Le véritable problème de la police n'est pas du tout cela. Contactez des chefs de postes - je ne sais pas où vous avez eu cette information - peut-être que, dans certains cas, il s'avère que cela peut être intéressant.
Mais le véritable problème de la police est évidemment le code de procédure pénal qui est totalement dissuasif pour celle-ci. Et puis le sommet du blues qui l'a totalement démotivée, on ne le répétera jamais assez, ce sont les policiers qui arrêtent quotidiennement les mêmes délinquants depuis des années. (Brouhaha.) Le délinquant est arrêté, emprisonné, le juge le relâche, et quelquefois ils arrêtent les personnes dix fois, quinze... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...fois, vingt fois ! La même personne est arrêtée vingt fois durant l'année !
Des voix. Hors sujet !
M. Marc Falquet. Alors c'est cela le véritable problème, ce n'est pas un problème de garage.
Le président. Revenez au sujet Monsieur le député.
M. Marc Falquet. Mais c'est le sujet, parce que le sujet est l'efficacité, l'efficience de la police ! (Commentaires.) Et c'est cela le problème: la police est démotivée parce qu'elle fait du travail de singes !
Des voix. Chut !
Mme Christiane Favre (L). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai été extrêmement contente d'entendre mon collègue M. Python, parce que penser deux secondes que la police ait besoin de la réflexion croisée de cent députés pour résoudre un souci d'intendance comme celui décrit dans cette motion est assez angoissant. Alors que la situation sécuritaire tendue que nous vivons avec une pénurie de personnel justifie des avalanches d'heures supplémentaires, il faudrait imaginer des patrouilles de police bloquées au poste, désoeuvrées ou pire jouant aux cartes au bistrot... (Exclamations.) ...pendant plusieurs heures ou plusieurs demi-journées dans l'attente d'une bagnole. Parce que c'est cela que la motion présente comme un problème aussi paralysant pour les patrouilles: amener son véhicule au garage de la police et attendre qu'il soit réparé.
Alors je ne sais pas à quel rythme les motos ou les voitures de la police doivent être entretenues et réparées, certainement à un rythme fréquent, bien plus fréquent que celui auquel j'amène ma voiture au garage. Mais moi qui ne suis pas au taquet pour garantir la sécurité de mes concitoyens, j'ai résolu ce problème depuis longtemps: si ma voiture est en panne j'appelle une dépanneuse, si elle roule encore ou s'il faut faire un service, je l'amène au garage, et mon brave garagiste me prête une voiture. Quand je lambine, je perds dix minutes; j'ai appris que la police en perdait cinq, je suis ravie. Alors il est vrai que dans cette histoire j'ai un avantage sur la patrouille: je n'ai pas besoin de rouler dans une voiture marquée «police», je... (Rires.) ... peux me permettre de rouler dans une voiture marquée «garage». Mais si j'avais les moyens de la police et ce détail à régler, je crois que sans me vanter j'aurais trouvé, tout comme vous, une solution depuis longtemps, et je suis contente d'apprendre que la police l'a trouvée.
Mesdames et Messieurs les députés, je ne prétends pas qu'il n'y a pas de problèmes d'intendance dans un bateau aussi gros que celui de l'Etat, le contraire serait bien étonnant. Mais s'il fallait une motion pour demander que l'on réfléchisse à l'interaction entre forces de police et garage de la police afin que la police parvienne à résoudre une affaire aussi simple que celle-ci, alors il faudrait se faire beaucoup de soucis, et ce ne serait plus une question de voiture, ce serait beaucoup plus grave que cela: je ne me sentirais personnellement plus du tout protégée dans la République, ce qui n'est bien évidemment pas le cas. Donc j'ai toute confiance en la police pour qu'elle vienne à bout de ce petit souci, si tant est qu'il existe, et l'on vient d'apprendre qu'il n'existe pas. Donc nous ne soutiendrons évidemment pas cette motion. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée pour cette intervention rafraîchissante. La parole est à M. le député Roberto Broggini.
M. Roberto Broggini (Ve). Merci, Monsieur le président. Les Verts... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...ont été extrêmement dubitatifs face à cette motion. Il est vrai que nous avons entendu... (Commentaires.) ...les députés précédents s'exprimer sur les voitures et les motos, mais il y a aussi des vélos à la police ! (Exclamations.)
L'on part de l'exemple d'un malheureux policier qui ne sait pas qu'il faut arrimer un véhicule dans un fourgon. Eh bien j'espère qu'il aura lui-même réparé ses dégâts, ou au moins qu'il aura été - peut-être pas sanctionné - averti, et qu'on lui aura également expliqué que l'on ne transporte pas n'importe quel véhicule de n'importe quelle manière.
Il est vrai que j'aurais, pour ma part, volontiers fait un tour au garage de la police, mais je demanderai peut-être cela tout à fait personnellement à Mme Rochat afin d'éviter qu'une commission ne se déplace à ce garage, garage qui s'occupe également d'autres véhicules de notre parc de véhicules de l'Etat.
Je crois que nous n'allons pas devoir nous étendre plus longuement sur cette motion qui part d'un exemple malheureux pour en faire une généralité. Et je vous encourage, Mesdames et Messieurs, à refuser cette motion.
M. Frédéric Hohl (R). Mesdames et Messieurs les députés, la motion part d'une bonne intention: il est vrai que l'on n'a pas envie que les policiers abandonnent la sécurité du canton pour jouer les livreurs de voitures. Merci, Monsieur Python, vous nous avez donné votre expérience: l'on voit que, somme toute, il n'y a pas de problème. Merci, Madame Favre, l'explication était délicieuse. Je crois que, comme tout le monde, nous allons refuser cette motion.
M. Vincent Maitre (PDC). Vous le savez tous, je ne suis pas membre de la police; je n'ai pas inventé les exemples de cette motion. Alors, Monsieur Python, vous qui êtes très bien informé et puisque vous me posiez la question tout comme M. Falquet, je vous réponds bien volontiers: cette question m'est tout simplement venue de la part de la présidence de votre syndicat - l'UPCP - par la voix de son président et de son vice-président. Et cela fait notamment partie - et là je me tourne vers Mme Favre - du catalogue des cent cinquante revendications que l'UPCP adresse à Mme Rochat, et pour lequel et sur la base duquel ce syndicat menace de faire des grèves à répétition. (Commentaires.)
Alors je ne sais plus comment faire pour savoir de quelle manière il faut aborder de part et d'autre les problèmes de la police à Genève. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Si les policiers eux-mêmes pensent que ce que disent leurs syndicats n'est pas conforme, très franchement l'on ne sait plus qui croire ! (Commentaires.) Alors vous ferez ce que vous voulez de cette motion, il ne s'agit en l'occurrence pas d'un exemple unique mais - de ce que l'on m'a dit - d'un cas, d'un problème à répétition qui existe et qui est, du point de vue de l'UPCP, flagrant. Faites-en ce que vous voulez. Pour ma part, je m'étonne simplement du double discours et du double son de cloche, d'une part, des membres des forces de police et, d'autre part, de leurs syndicats. Alors je comprends peut-être ensuite un peu mieux la position de Mme Rochat, lorsqu'elle affirme avec toute la conviction qu'il faut que tout n'est pas toujours vérité venant de la bouche de certains milieux. (Applaudissements. Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Loly Bolay.
Mme Loly Bolay (S). Merci beaucoup, Monsieur le vice-président. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Puisque tout a été dit, Monsieur le président, eh bien le groupe socialiste ne soutiendra pas cette motion, parce que... (Brouhaha.) ...j'ai... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...écouté avec beaucoup d'intérêt M. Python qui a une expérience de trente ans dans la police qu'il connaît bien, et il me semble qu'effectivement cette motion n'a plus aucune raison d'être. Donc je me réjouis d'entendre la cheffe du département afin de savoir si ce qui est dit dans la motion existe vraiment, ou bien s'il n'y a pas un autre problème comme celui de la pénurie des véhicules de police - mais c'est une autre chose.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Pierre Weiss, à qui il reste trente secondes.
M. Pierre Weiss (L). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je voulais simplement me réjouir de la conversion finale qu'a effectuée notre collègue M. Maitre dans la motivation de sa motion. Après avoir expliqué combien il avait puisé son argumentation dans la lecture du journal du syndicat de la police, il a finalement écouté ce qu'a dit la conseillère d'Etat. Voilà une position centriste que je considère comme tout à fait habile.
M. André Python (MCG). Je voudrais simplement répondre à M. Vincent Maitre que je ne fais plus partie de la police depuis 2008; je suis donc à la retraite. Par contre, je peux dire une chose: je suis passé au garage de la police - garage où je connais également du monde - et vous auriez pu faire de même, donner un coup de fil, ou aller les trouver afin de voir ce qu'il se passait vraiment là-bas. (Commentaires.)
M. Jean-Marie Voumard (MCG). Je voudrais simplement vous préciser qu'à la lecture de cette motion, qui part dans le bon sens je le reconnais - je ne suis pas syndicaliste accru, vous transmettrez à M. Maitre - sur la base des considérants proposés, il y a cinq invites qui ne sont pas d'actualité du tout.
Donc faire une motion dans ce genre-là est bien, mais il faut au moins prendre ses renseignements avant. La seule invite valable serait celle qui consiste «à libérer les agents de police de cette contrainte chronophage et manifestement hors attributions», tels que les mandats de conduite de l'office des poursuites ou d'autres instances, mais il est vrai qu'il y a quelques années vous avez refusé ces idées.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Vincent Maitre. (Remarque.)
M. Vincent Maitre (PDC). Je vous remercie, Monsieur le président. Je voudrais juste prendre acte...
Le président. Il vous reste une minute, Monsieur le député.
M. Vincent Maitre. Cela suffira largement. Je voulais juste prendre acte que le MCG ne considère pas que les forces de police sont en sous-effectifs, ne considère pas qu'elles sont mobilisées à des tâches autres que leur mission première, et ne considère pas... (Commentaires.) ...qu'il faut tenter de les aider à effectuer leur travail au sens propre, c'est-à-dire à assurer la sécurité dans les rues. Cela ne leur semble pas poser problème que les policiers soient mobilisés à des tâches qui ne relèvent manifestement pas de leurs compétences. (Applaudissements. Commentaires.)
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je ne peux pas laisser... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...M. Vincent Maitre remettre en question la crédibilité du président de l'UPCP ainsi que les députés qui siègent et qui ne soutiennent pas sa motion. Il faut savoir que s'il y a un catalogue de cent cinquante revendications, il est peut-être fait état d'un problème avec le garage de la police. Mais est-ce que - comme l'a soulevé Mme Favre à juste titre - ce problème-là doit être traité au parlement ? J'estime qu'au cas où il y a un petit problème ce dernier doit être réglé avec le département, mais sans passer par nous. (Brouhaha.) Je pense que nous écouter sur ce parcours n'est pas forcément intéressant pour la population.
Et je considère que si vous voulez aider la police en matière de conditions de travail, il y a déjà suffisamment de choses à faire au niveau des heures supplémentaires, heures que vous refusez chaque fois de payer. (Brouhaha.) Vous avez refusé les annuités... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...à la fonction publique. Je pense qu'il est ici beaucoup plus important pour les policiers de travailler d'une manière sereine; autrement, vous leur causez des problèmes financiers ainsi qu'à l'ensemble de la fonction publique. (Brouhaha.) Si vous voulez donner des leçons par rapport à la fonction publique, occupez-vous des vrais problèmes dont vous êtes les principaux responsables ! (Applaudissements. Commentaires.)
Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs, très rapidement. Je salue bien fermement toutes les propositions visant à collaborer avec moi pour trouver des moyens d'aider la police à mieux faire son travail sur le terrain. Je crois que c'est une chose à laquelle toute personne présente dans cette salle peut adhérer. Je me permettrais toutefois de ne pas partager avec vous mes nuits blanches s'agissant de mes relations avec le syndicat,... (Commentaires.) ...et je pense que chaque chose a sa place. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Ceci dit, puisque l'on se rend compte que la voiture mène effectivement à tout, je vous propose très sérieusement de mettre cette motion au garage, tout en remerciant les motionnaires d'avoir voulu aider la police à mieux effectuer son travail. Cette motion a quand même l'avantage de me laisser une fois vous signaler combien de véhicules de réserve sont prévus. Il y a treize véhicules de réserve en standby afin de permettre à la police de ne précisément pas rester en standby devant... (L'oratrice dit en rythme ces paroles.) ...«la porte du garage», pour ceux qui ont certaines références de M. Charles Trenet. (Applaudissements. Commentaires.)
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Je vous invite à passer au vote sur cette proposition de motion. (Commentaires pendant la procédure de vote.)
Mise aux voix, la proposition de motion 2061 est rejetée par 69 non contre 7 oui et 1 abstention. (Brouhaha. Le président agite la cloche. Applaudissements et exclamations à l'annonce du résultat.)