Séance du vendredi 20 avril 2012 à 15h
57e législature - 3e année - 7e session - 39e séance

P 1788-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition pour la survie de l'atelier Danse Manon Hotte/compagnie Virevolte
Rapport de M. Pascal Spuhler (MCG)

Débat

M. Pascal Spuhler (MCG), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, cette pétition nous demandait simplement d'entrer en matière sur un complément de subvention pour l'Atelier Danse Manon Hotte - l'ADMH. Ce complément de subvention a finalement été accordé en novembre 2011 - ceux qui ont eu la patience de lire le rapport le savent - par le Conseil d'Etat. Vous allez peut-être me dire: mais alors pourquoi renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, si la demande est réalisée à ce jour ?! Eh bien la commission des pétitions - qui a auditionné non seulement les pétitionnaires, évidemment, mais également de nombreux acteurs de la fonction publique - se pose la question suivante par rapport à ce système de subventions: comment peut-on accréditer et subventionner une école qui travaillait auparavant dans le cadre privé afin qu'elle devienne une école officielle, certifiée et qualifiée pour dispenser des cours et des certificats de capacité de danseur - ce qui signifie donc reconnaître la qualité de cet Atelier Danse Manon Hotte - si nous lui imposons finalement par une complexité technocratique des conditions administratives et de structure importantes et que nous ne lui en donnons pas les moyens ? Qu'est-ce que cette machine à subventions, qui exige des conditions mais qui ne donne finalement pas la possibilité de les réaliser ? C'est donc la question que la commission se pose à propos de cette pétition, et nous aimerions demander au Conseil d'Etat de bien vouloir y réfléchir un peu et de nous trouver une solution efficace, parce qu'examiner ce genre d'objets engendre une telle perte de temps ! En effet, on se demande ce que l'on fait, bon Dieu, si l'on regarde par le petit bout de la lorgnette ce type de sujets, que l'on distribue des subventions finalement inutiles et que l'on impose des conditions qui sont irréalisables en fin de compte, si bien que nous devons refaire tout le travail à l'envers !

Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose donc de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat et de poser clairement les questions suivantes: comment se passent ces attributions de subventions ? Est-ce que nous examinons bien et de manière efficace les demandes qui sont formulées ? Ne devrions-nous pas peut-être revoir un peu les conditions liées à ces subventions ?

Mme Christine Serdaly Morgan (S). Le groupe socialiste aimerait souligner les propos du rapporteur et aller peut-être encore un peu plus loin en insistant sur la nécessité d'une équité dans le traitement des subventionnés, en particulier ceux qui bénéficient de contrats de prestations ou qui sont accrédités dans le cadre de politiques publiques. On l'a vu hier, et je me suis fait la «défendeuse»... (Remarque.) ...«défenseuse», «défendrice», défenderesse... (Rires. Commentaires.) ...la défenseure du Genève Futur Hockey avec quelques pincements au coeur, parce que...

Le président. Ce fut hier soir un joli numéro de claquettes, Madame ! (Rires.)

Mme Christine Serdaly Morgan. Je crois qu'on a plutôt pensé que j'étais une spécialiste du patinage artistique, hier soir ! Mais précisément à ce sujet, j'aimerais dire que l'on constate que, dans des contrats de prestations, certains peuvent conserver 50% du bénéfice et l'Etat est solidaire de 50% de leurs pertes, alors que dans d'autres on se situe à des ratios fort différents et les pertes sont assumées par les structures... Je remarque que, dans le cas de l'école de danse de Manon Hotte, c'est la même chose ! Finalement on accrédite une école en même temps que le Conservatoire de Musique de Genève, mais on donne certains moyens à l'un et pas à l'autre, auquel on demande de se débrouiller avec des salaires de misère ! Alors un peu d'équité dans la manière dont on traite nos partenaires, qu'ils soient petits ou grands, et fixons quelques lignes directrices sur les salaires ainsi que les conditions de fonctionnement. Nous attendrions cela du gouvernement, et dans cet esprit-là nous vous demandons de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

M. Stéphane Florey (UDC). En effet, comme l'a dit le rapporteur, le Conseil d'Etat n'a pas eu besoin de cette pétition pour répondre à la demande concernant le trou qu'il y avait eu dans les finances de cette école. De fait, la pétition n'a plus d'objet et elle ne sert plus à rien.

Par ailleurs, j'ai entendu parler de «salaires de misère». Je suis désolé, mais on nous a justement présenté les échelles de salaires de cette association, et les revenus sont deux fois, voire deux fois et demie supérieurs à ceux d'une caissière à la Migros. Ce sont des salaires qui se situent largement dans la moyenne cantonale, alors ne venez pas parler de salaires de misère ! Parce que la misère, ce n'est pas vraiment cela; un salaire de plus de 7000 F, ce n'est pas vraiment ce que j'appelle un salaire de misère !

Un autre point a été soulevé en commission. Les pétitionnaires nous ont parlé d'une baisse du nombre d'écoliers inscrits dans cette école de danse, et, à la question de savoir d'où provenait cette baisse, nous n'avons obtenu aucune réponse. Mais c'est peut-être là-dessus qu'il aurait fallu porter les recherches ! S'il y a un manque d'intérêt, finalement, c'est là qu'il faut se poser la question, parce que c'est bien joli de subventionner, mais subventionner encore et toujours, et toujours plus... Effectivement, une partie du déficit provient du fait que l'Etat a demandé à cette école de s'aligner sur certaines normes. Alors on pourrait se poser la question suivante: pourquoi demander à avoir des contrats de prestations, une augmentation de subvention, et se retrouver avec un déficit ? En résumé, sur le fond cette pétition n'a plus d'objet, elle ne sert donc plus à rien et nous refuserons son renvoi au Conseil d'Etat.

M. Renaud Gautier (L). Monsieur le président, il existe quelques grands chefs-d'oeuvre littéraires, comme les Rougon-Macquart, dont l'ensemble des volumes mesure environ 4,5 mètres, et il y a bien évidemment ensuite la LIAF et le parti socialiste. On va bientôt dépasser les 4,5 mètres...

J'aimerais maintenant donner quelques informations à l'intention de ma très estimée collègue. Premièrement, il existe un ensemble de règlements, et le département des finances - j'en suis intimement convaincu - pourra vous donner le petit classeur qui a été réalisé et qui indique un certain nombre de critères d'attribution des subventions.

Deuxièmement, il n'y a dans la subvention à priori pas de démarche consistant à dire qu'il faut faire plus particulièrement attention à ceci - en l'occurrence les salaires - qu'à cela, puisque par définition le montant global de la subvention allouée doit permettre à l'institution que l'on décide de subventionner de fonctionner.

Troisièmement, je ne suis pas tout à fait certain que l'Etat ne fasse pas de facto ses propres contrôles quant à la problématique des salaires qui, je vois, vous préoccupe particulièrement, parce que je n'ai pas le souvenir - et ça fait un certain temps que je siège à la commission des finances - que nous ayons jamais été confrontés à une subvention accordée à une entité dont les employés recevaient objectivement des salaires totalement en dehors du marché ou de la réalité.

Quatrièmement, il y a la problématique du choix. Vous avez rappelé que vous étiez hier la défenderesse, si j'ai bien compris, du problème du patinage artistique. C'est très bien, mais je vois mal par définition que nous arrivions toujours à obtenir une unanimité de ce parlement sur le fait de subventionner plutôt ceci ou plutôt cela. C'est regrettable, je vous l'accorde, mais si nous étions - comme la commission des finances le redemande régulièrement - aptes à traiter les prestations par politique publique et non pas un peu quand elles arrivent, ce qui crée une confusion extrêmement déplorable, je pense effectivement que par thème nous aurions une meilleure vision et nous pourrions peut-être faire un certain nombre de correctifs dans un sens ou dans un autre. Actuellement, pour des raisons qui m'échappent et qui relèvent du Conseil d'Etat, nous ne recevons pas ces informations globales; nous ne recevons donc pas les informations sur les subventionnés par politique publique, mais un peu au gré de la chance ou du bonheur qui fait que tout à coup arrive telle subvention et six mois après telle autre, alors qu'il y a probablement des économies à faire. Donc je vous recommande vivement, Madame la députée, de demander à l'excellent ministre des finances qu'il vous mette à disposition ce classeur qui donne un certain nombre de «guidelines» sur l'application des subventions de l'Etat. Cela étant, il m'apparaît normal que ce parlement s'offre de temps à autre une danseuse, qu'elle soit «Hotte» ou pas «Hotte». Je ne vois pas dans le fond une particularité qui ferait que nous refusions celle-ci plutôt qu'une autre.

M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que, sur l'objet qui nous occupe, la question de ce cas particulier a l'air d'avoir été réglée à satisfaction par rapport à la situation de 2011. Je rappelle toutefois que, dans le domaine de l'enseignement musical et de la danse, un certain nombre de changements sont intervenus ces dernières années. Nous avons d'ailleurs eu l'occasion il y a quelques sessions de présenter le cas de l'AMAmusique: cette association qui travaillait et qui travaille toujours activement dans le cadre de l'enseignement musical aux adultes a, elle aussi, subi les conséquences d'un certain nombre de changements au niveau notamment de la loi sur l'enseignement musical de base. C'est vrai que certaines situations, telles que celle de l'Atelier Danse Manon Hotte ou de l'AMAmusique, ont montré clairement que nous avions mal pris en compte l'accompagnement de ce processus et que des associations qui faisaient un travail essentiel dans le domaine culturel étaient menacées de disparition.

Le groupe démocrate-chrétien demandera le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, sachant que cette question précise est réglée, mais d'une façon générale nous souhaitons attirer l'attention du Conseil d'Etat sur le fait que, pour un certain nombre de cas, il est nécessaire de poursuivre notre soutien, afin que des prestations importantes dans le domaine de la musique ou de la danse ne disparaissent simplement pas parce que certains changements sont intervenus dans notre législation.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Antoine Droin, à qui il reste une minute.

M. Antoine Droin (S). Merci, Monsieur le président. J'aimerais simplement dire que le travail de l'ADMH est un travail connu, reconnu, et c'est précisément pour cela aussi que l'aspect de la subvention a été âprement discuté. L'ADMH, dont le statut initial partait d'un bon sentiment, est devenu une association et a dû se professionnaliser. Cette professionnalisation a eu un coût et cette école s'est retrouvée devant des problématiques où il fallait répondre à des exigences et en même temps les financer; il est donc normal que l'Etat participe aussi à l'augmentation des prestations financières en fonction de ce qui est demandé à ladite école. Mais derrière tout cela le plus important est de savoir quelle est finalement la délégation que l'Etat entend donner aux associations pour remplir un certain nombre de missions. C'est là que se situe le vrai débat, le débat de fond. Si l'on entend confier des prestations à des associations pour remplir le devoir d'un Etat, par exemple, en termes de partenariat, au travers de contrats de prestations ou autres, eh bien il faut que l'Etat en donne les moyens. Partant de là, tout le fond de la question consiste à savoir jusqu'où l'on va dans la délégation de compétences de l'Etat auprès du monde associatif.

M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, à l'origine je ne souhaitais pas intervenir, mais je vais quand même apporter deux ou trois précisions et en même temps fournir quelques réponses à vos questions, Monsieur Florey. La première chose, c'est que j'ai présidé l'ADMH à l'époque des différents problèmes; je ne participerai donc pas au vote, non pas que je possède encore aujourd'hui un quelconque lien avec cette école, mais je ne me sens simplement pas à l'aise dans ce rôle de député où il me faudrait prendre une décision alors que j'ai été partie prenante à un certain moment. Cependant, j'ai démissionné, ce qui me permet de retrouver ma liberté de parole et de pouvoir m'exprimer ici au sein de ce parlement.

Il est vrai que l'ADMH - de même que le Conservatoire - a effectué une démarche d'accréditation, démarche qui est extrêmement lourde. Il faut en outre savoir que l'ADMH était une petite structure privée, qui tournait sur des fonds uniquement privés. Cette démarche d'accréditation a donc eu un coût, et il est extrêmement important. Par ailleurs, concernant le pourcentage par élève, lorsque vous êtes le Conservatoire et que vous avez énormément de monde, vous possédez une administration correspondante, mais lorsque vous êtes une petite structure, on vous demande de fournir le même travail, ce qui vous coûte très très cher ! Il faut donc que l'on réfléchisse à notre manière de faire afin de savoir si, d'un point de vue administratif, on peut toujours imposer les mêmes exigences à une grosse structure et à une petite.

Il est certain qu'à un moment l'ADMH a été extrêmement fragilisé, ce qui a provoqué une crainte chez les parents. En effet, on se trouve dans un système associatif où les gens sont informés, où l'on explique aux uns et aux autres que les choses sont compliquées, et lorsque vous dites à des parents qu'ils doivent payer leur cotisation annuelle mais que l'on n'est pas sûr de pouvoir dispenser les cours jusqu'à la fin de l'année, eh bien ceux-ci se demandent s'ils vont inscrire leurs enfants ou pas. Car ce n'est pas bon marché ! Et tant que l'on n'est pas subventionné, c'est d'autant moins bon marché ! Donc vous dites aux parents que c'est sympa, qu'ils vont prendre le risque entrepreneurial avec nous, qu'ils vont payer des cours de danse mais que peut-être à la moitié de l'année on va être obligé de fermer. Ça, c'est la réalité, et c'est l'une des réalités qui a fait qu'il y a eu une baisse des effectifs à un certain moment.

Maintenant, si l'on compare les salaires des enseignants, qui sont non seulement des danseuses et des danseurs professionnels, mais en outre des pédagogues, à ce qui se pratique dans les autres écoles, on remarque que l'on était largement en dessous des coûts qui pouvaient exister. Alors vous pouvez considérer que ce type-là de formation est équivalente à celle d'autres genres de professions, et si l'on regarde sur le marché des enseignants de danse, qui est un marché dans lequel effectivement les salaires sont déjà très bas...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Christian Bavarel. ...eh bien vous vous retrouvez... (Remarque.) Ne confondez pas, Monsieur Florey, l'échelle des salaires que l'on demande aujourd'hui en acceptant l'accréditation et les salaires qui étaient pratiqués avant, ainsi que les salaires qui ont dû être énoncés dans le cadre de scénarios et ce qui est demandé - des salaires qui seront à terme les mêmes que ceux du Conservatoire. C'est très différent !

Moi je vous dis que la problématique reste la même, et il serait intéressant que le Conseil d'Etat s'en saisisse, parce qu'il y a une réflexion à mener pour savoir comment l'on fait pour subventionner différentes entités. Nous avons eu hier le cas de Genève Futur Hockey; en réalité, il y a moins de public qui vient voir les spectacles de danse...

Le président. Monsieur le député, voudriez-vous conclure ?

M. Christian Bavarel. Oui, je conclus, Monsieur le président !

Le président. J'espère ! (Exclamations. Rires.)

M. Christian Bavarel. Nous devons simplement nous dire que le Conseil d'Etat doit se poser la question sur ce sujet-là, et c'est la raison pour laquelle il faut lui renvoyer cette pétition.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Stéphane Florey, à qui il reste trente secondes.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez à M. Bavarel, qui malheureusement n'était pas en commission, que l'on nous a présenté les échelles de salaires des enseignants et que je peux vous assurer que ce ne sont en tout cas pas des salaires de misère, contrairement à ce qui a été mentionné tout à l'heure.

Maintenant, sur le fond, ce que vous dites ne démontre qu'une chose, à savoir les effets pervers engendrés par le fait que certains groupes ici présents veulent absolument subventionner toutes les associations, qu'elles soient privées ou publiques. On a là la démonstration qu'étatiser le tout coûte de l'argent et revient même plus cher, il faut donc simplement arrêter ces pratiques...

Le président. Monsieur le député, la misère c'est que vous devez conclure votre intervention parce que vous avez épuisé votre temps de parole !

M. Stéphane Florey. ...et refuser cette pétition.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le rapporteur Pascal Spuhler, à qui il reste une minute.

M. Pascal Spuhler (MCG), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, on a facilement glissé et dérapé de la danse aux patins, et j'aimerais qu'on revienne au sujet du jour, à savoir le problème des subventions, et plus précisément le problème de l'examen de ces subventions et de la façon de les attribuer. Toute la question se situe là. M. Bavarel a bien expliqué en quelques mots clairs certaines raisons pour lesquelles l'Atelier Danse Manon Hotte n'a pas pu assumer les charges qui lui étaient imposées avec les subventions accordées. Il s'agit donc bien au final de savoir quelle subvention on doit accorder, à quelles conditions, et si on peut les assumer. En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, je vous enjoins de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat afin qu'il y ait une réelle réflexion de fond sur la machine à distribution des subventions et son résultat.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous passons maintenant au vote sur le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1788 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 42 oui contre 9 non et 6 abstentions.