Séance du jeudi 22 mars 2012 à 8h
57e législature - 3e année - 6e session - 33e séance

M 2037
Proposition de motion de Mmes et MM. François Lefort, Mathilde Captyn, Emilie Flamand, Catherine Baud, Sophie Forster Carbonnier, Brigitte Schneider-Bidaux, Anne Mahrer, Miguel Limpo, Jacqueline Roiz, Olivier Norer, Sylvia Nissim pour l'utilisation de bitume vert

Débat

Le président. Nous sommes au point 41 de notre ordre du jour. Le premier motionnaire est M. le député François Lefort, à qui je donne la parole.

M. François Lefort (Ve). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, cette motion vous propose tout simplement de changer les habitudes en matière de revêtements routiers et, maintenant, d'en installer qui soient protecteurs de l'environnement.

Qu'est-ce que le bitume vert ? Il s'agit simplement de revêtements routiers à base de déchets végétaux, qui ont l'intérêt, d'une part, de ne pas diffuser d'hydrocarbures - tels que les actuels revêtements routiers à base de goudron - et, d'autre part, d'utiliser moins d'énergie, parce qu'ils sont produits à partir de déchets. De plus, ils sont élaborés à des températures inférieures à celles des goudrons, donc leur fabrication requiert encore moins d'énergie, et, surtout, ils peuvent être fabriqués de façon locale... (Brouhaha.) ...c'est la production de revêtements routiers locaux. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) La technique est récente, elle est installée à Genève et disponible; pourquoi alors se priver - dans le cadre du plan d'aménagement 2030, qui verra de nombreux nouveaux quartiers, routes, places et pistes cyclables - eh bien, pourquoi se priver de l'utilisation de ce nouveau type de revêtement, qui peut être fabriqué à Genève, qui n'est pas polluant et qui est plus perméable que le revêtement traditionnel à base de goudron ?

Pour ces avantages, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, de renvoyer directement cette motion au Conseil d'Etat. Sinon, à la commission de l'environnement.

M. Philippe Morel (PDC). Nous pourrions commencer cette belle journée par un extrait du poème de Jean-Yves Couton, intitulé «Le poète du bitume»:

«Je suis le poète du bitume

Le Prévert du macadam

Je prose dans l'atmosphère qui fume

La rime au vague à l'âme.»

Il est vrai que des entreprises spécialisées proposent des enrobés à chaud dans lesquels les liants végétaux remplacent le bitume, qui, lui, comme on le sait, est fabriqué à partir du pétrole. Ce procédé, comme cela vient d'être rappelé, permet de réduire de 40°C les températures de fabrication et d'application, par rapport aux enrobés classiques, ce qui constitue une économie d'énergie de 20% et une réduction des émissions de CO2 d'environ 20% également.

Ces produits végétaux sont à base d'huiles de colza et de tournesol, et ils sont utilisés dans la constitution des bitumes fluxés; ces produits végétaux peuvent également être utilisés dans la composition des marquages routiers tels que peinture et résine. Bref, voilà un développement qui paraît extrêmement intéressant, et c'est pourquoi le groupe PDC recommande de renvoyer cette proposition de motion à la commission des travaux.

M. Stéphane Florey (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion part d'un bon sentiment et elle est intéressante sur le fond. Néanmoins, elle suscite un grand nombre d'interrogations, à savoir quel est son coût par rapport à un revêtement classique, quelle est la durée de vie de ce genre de revêtements routiers et quelles sont les performances phoniques. On parle beaucoup d'assainissement du bruit alors qu'on sait que les bitumes traditionnels ont beaucoup évolué et présentent de grandes capacités à absorber le bruit. Donc, en relation avec toutes ces questions, nous demandons également le renvoi à la commission des travaux.

Mme Patricia Läser (R). Effectivement, cette proposition de motion mérite d'être étudiée. Au vu des invites, il nous semble également important de la renvoyer à la commission des travaux.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Ce matériau, le bitume vert, ne contient aucun dérivé pétrochimique et présente aussi l'intérêt de pouvoir être utilisé avec divers granulats locaux - nous en avions déjà parlé et sommes déjà allés visiter un site, avec la commission des travaux, il y a quelques mois de cela, voire quelques années. Une grande entreprise de la place utilise déjà une matière - qui s'appelle Végécol - dans divers revêtements posés à Genève; ce matériau ne demande aucun traitement ni méthode d'application spécifiques, et il est résistant. Le bitume vert s'applique à 110 degrés, alors que les revêtements habituels nécessitent 150 degrés. Outre ses qualités écologiques, il permet de laisser apparaître des teintes naturelles, des granulats, et cela ne fait pas de mal dans les paysages urbains. Il y en a d'autres, dans le monde, que le matériau qui est utilisé à Genève, donc nous pourrions... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...examiner en commission ces données techniques.

Les bitumes végétaux sont fabriqués à partir de granulats - qui peuvent être locaux - mais aussi, parfois, avec des granulats végétaux pouvant éventuellement servir à des cultures vivrières sur certains continents. C'est pourquoi il nous semble important d'étudier cette proposition de motion en commission, afin d'empêcher qu'en acceptant le principe des bitumes verts nous fassions diminuer des possibilités vivrières dans certains pays, comme c'est le cas pour plusieurs fabrications hors bitume.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste vous invite à renvoyer cette proposition de motion intéressante en commission - des travaux ou de l'environnement, peu importe.

M. Sandro Pistis (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, effectivement, cette proposition de motion est intéressante. Il s'agit d'apporter un peu de verdure sur les voies de tram. Donc nous soutiendrons également le renvoi à la commission des travaux.

M. Serge Hiltpold (L). Mesdames et Messieurs les députés, je crois que cette proposition de motion parle d'un élément intéressant: le bitume vert et, surtout, la problématique des revêtements et des liants développés par Colas, pour ne pas le citer, qui a déposé un brevet appelé Végécol. Cette solution est très bonne. (Brouhaha.)

Par contre, lorsqu'on préconise un certain matériau, il faut faire attention à pouvoir favoriser quand même la concurrence. On a vu, dans des dossiers de Cento Rapido, lorsqu'on imposait des éléments préfabriqués - comme avec Element AG - qu'il était, pour les entreprises, difficile de faire des variantes. Alors il s'agit d'une proposition de motion intéressante... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...mais elle suscite d'autres problématiques.

Ce que j'aimerais relever, au niveau du groupe PLR, c'est la problématique des revêtements phonoabsorbants. On a vu que c'est quelque chose qui devait être traité. Les phonoabsorbants - vous en avez à la route de Vernier - c'est efficace et cela va dans le sens du citoyen, en termes de confort et de pollution sonore. Ces liants Végécol sont-ils aussi compatibles avec des revêtements phonoabsorbants ? Il y a pas mal de questions à développer.

Il y a un élément important, comme je l'ai dit, c'est de ne pas focaliser uniquement sur un matériau de base. En effet, si le matériau de base est uniquement développé par Colas - qui n'est pas une petite société artisanale mais l'un des premiers groupes au monde, en matière de revêtements - il faut que les autres entreprises locales puissent aussi faire des variantes et apporter peut-être d'autres bitumes végétaux.

Pour toutes ces raisons un peu techniques, le groupe PLR soutiendra le renvoi à la commission des travaux, afin de faire le tour de tous ces procédés et avoir une analyse objective.

M. François Lefort (Ve). Merci, Mesdames et Messieurs les députés, de l'accueil réservé à cette proposition de motion, abordée de manière poétique par M. Morel. Voici quelques précisions, pour apaiser quelques inquiétudes. La proposition de motion, dans les invites, parle bien de matériaux recyclés locaux, pas de granulés ou de granulats qui proviendraient de pays du tiers-monde. Et nous pouvons faire les revêtements routiers avec des matériaux recyclés locaux, dont on a déjà abondamment parlé dans cette commission.

Enfin, concernant l'absorbance phonique, ces matériaux, qui ne sont pas simplement destinés à être produits par une seule entreprise locale, mais plutôt par beaucoup d'entreprises - espérons que toutes les entreprises du secteur des bitumes passent à ce genre de techniques - eh bien, ces matériaux présentent une meilleure absorbance phonique et une meilleure résistance à la fatigue.

L'intérêt de cette proposition de motion est de montrer que le parlement s'intéresse à cela dans le cadre de l'aménagement du canton, pour les trente prochaines années. Ce signal doit être déterminant pour les entreprises, lesquelles sauront que, à Genève, nous préférons ce genre de bitumes plutôt que des bitumes à base d'hydrocarbures. (Applaudissements.)

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, c'est avec bienveillance que le Conseil d'Etat accueille cette proposition de motion. Elle fait état d'un produit porteur d'avenir, qui a des caractéristiques très favorables sur les plans tant écologique qu'énergétique. Vous avez eu l'occasion, en tout cas en délégation, de vous en rendre compte, et l'office du génie civil a déjà fait usage, dans le cadre d'un chantier test, de ce bitume vert, pour la réalisation d'une piste cyclable. Mais c'est évidemment un produit qui peut être utilisé à plus grande échelle et de manière plus large. C'est en tout cas notre intention.

C'est avec bienveillance que le Conseil d'Etat accueille donc cette proposition de motion. Vous pouvez faire le choix de la lui renvoyer directement, si vous le désirez, ou de la faire transiter par une commission parlementaire si c'est là votre souhait. Le Conseil d'Etat tiendra devant la commission parlementaire, comme dans la réponse qu'il vous adressera si la motion lui est renvoyée directement, le même discours bienveillant à l'endroit des intentions de cette dernière.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets d'abord le renvoi de cette proposition de motion - comme l'a demandé le motionnaire - à la commission de l'environnement et de l'agriculture. (Remarque.) Il y a une demande du motionnaire pour un renvoi à la commission de l'environnement: je commence par vous soumettre cette proposition ! Ensuite, si c'est refusé, nous nous prononcerons sur le renvoi à la commission des travaux. (Commentaires.) Madame la députée, s'il vous plaît, voudriez-vous soit vous exprimer plus discrètement, soit tenir vos discussions dans un autre lieu, je vous prie ! Nous procédons au vote.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2037 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est rejeté par 50 non contre 9 oui.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2037 à la commission des travaux est adopté par 61 oui (unanimité des votants).