Séance du vendredi 16 mars 2012 à 15h
57e législature - 3e année - 6e session - 30e séance

M 1916
Proposition de motion de Mmes et MM. Yves Nidegger, Eric Bertinat, Stéphane Florey, Antoine Bertschy, Céline Amaudruz, Patrick Lussi, Marc Falquet, Eric Leyvraz, Christina Meissner, Fabiano Forte, Guy Mettan, Vincent Maitre, Philippe Schaller, Michel Forni, François Gillet : Bouclier LAMal contre la paupérisation de la classe moyenne
Délai de traitement en commission dépassé (cf. article 194 LRGC)

Débat

M. Pierre Conne (R). Le groupe libéral et le groupe radical demandent le renvoi de cette motion à la commission des affaires sociales pour qu'elle puisse y être traitée dans un délai de six mois. Je vous remercie.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Monsieur le député Conne, cette motion a déjà été traitée par la commission des affaires sociales, en parallèle avec un projet de loi socialiste déposé quelques semaines avant. Aussi bien cette motion que le projet de loi partaient d'une réalité extrêmement importante, c'est le pourcentage du revenu que les foyers genevois mettent pour financer leur assurance-maladie. En ce qui concerne le groupe socialiste, nous étions partis des débats qui avaient eu lieu dans les années nonante au parlement fédéral où, dans son message, le Conseil fédéral avait annoncé qu'il ne faudrait pas que la LAMal, qui allait être mise en place, pèse plus de 8% dans le revenu des ménages. Avec l'explosion des primes, on s'est aperçu, notamment dans des cantons comme Genève, que c'était bien plus de 8% que nombre de familles allaient dépenser.

Le problème qui demeure est de savoir comment régler la question. Je ne sais pas si vous étiez là à l'époque en commission, Monsieur le député, mais nous avions longuement examiné les choses et nous avions remarqué que si nous voulions revenir à une idée d'une assurance-maladie plus raisonnable, cela induirait des coûts énormes pour le canton. Alors, nous avions abouti à l'idée qu'il fallait peut-être geler tout cela en attendant le vote sur la caisse unique qui était partiellement une piste de réponse. Je ne suis donc pas sûre qu'il faille traiter cette motion, parce qu'elle va repartir en commission et que va-t-on faire ? L'accepter ? Je ne crois pas, parce que nous en avions déjà discuté. La refuser serait absurde. Je pense que le groupe PDC devrait la retirer, quitte, selon la manière dont les choses évoluent à terme, à redéposer un texte semblable dans quelque temps. Mais, pour l'instant, je trouverais plus raisonnable de la retirer.

M. Michel Forni (PDC). Pour le groupe démocrate-chrétien, nous sommes dans une équation particulière, puisque nous partons d'un degré de paupérisation et nous arrivons parfois à la pauvreté; il faut éviter d'arriver à la misère. Mais ce modèle, qui repose sur une certaine stratégie d'assurance, ne va pas se résoudre tout de suite, comme cela a été dit par ma préopinante. Il y a donc une raison de le geler ou de le mettre un petit peu dans une phase d'hibernation en attendant que les éléments nouveaux interviennent, qui découlent justement du problème des assurances. C'est la raison pour laquelle le groupe démocrate-chrétien propose actuellement de ne pas donner suite à la proposition de nos amis du groupe radical, mais de le mettre en expectative armée.

M. Eric Stauffer (MCG). Monsieur le président, vous transmettrez à notre collègue, Anne Emery-Torracinta, que je suis tout à fait d'accord avec ses propos, mais depuis quand faut-il croire les politiques ? Puisque vous avez dit dans votre intervention que les politiques nous avaient promis que les primes d'assurance-maladie de la LAMal ne dépasseraient pas 8% du revenu, depuis quand croit-on les politiques ? Vous devriez le savoir ! Cela fait assez longtemps que vous êtes sur ces bancs avec nous. Et c'est bien pour cela que l'arme du citoyen est toujours le bulletin de vote pour essayer de faire changer les choses. En tout cas, c'est ce que nous nous affairons à entreprendre au MCG.

Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG va évidemment voter cette motion pour essayer de faire quelque chose. Je vous rappelle que ce n'est pas moins de 105 000 citoyens de notre canton qui sont au bénéfice des subsides d'assurance-maladie pour un montant record d'environ 280 millions de francs. Au MCG, nous avons toujours déclaré que c'était le thermomètre social à Genève. Quand un quart de la population est sous perfusion pour les subsides d'assurance-maladie, c'est qu'il y a forcément quelque chose de mauvais dans la loi actuelle.

Alors nous sommes pris en otage par ces puissants lobbies que forment les caisses d'assurance-maladie. Et là nous ne pouvons que féliciter l'action de M. Pierre-François Unger qui, avec M. Maillard dans le canton de Vaud, est allé taper du poing sur la table à Berne pour ces problèmes d'assurance-maladie. Mais, visiblement, ce n'est pas suffisant. Les cantons ne sont pas respectés par la Berne fédérale, pour la simple raison que les millions que génèrent ces caisses d'assurance-maladie ont complètement corrompu le système. Aujourd'hui, une majorité de membres de la commission de la santé à Berne sont par ailleurs membres des conseils d'administration des assurances-maladie. Je le dis et je dénonce une fois encore cette escroquerie d'Etat. Nous vous l'avions dit pendant la campagne au National: c'est une escroquerie d'Etat ! Pour moi ce sont des gens qui font une espèce de corruption passive. Si l'ancien président ou vice-président du PLR, M. Ruegg, voulait encore déposer une plainte contre moi, je lui dis d'ores et déjà que j'accepte la levée de l'immunité parlementaire dont je bénéficie aujourd'hui en m'exprimant. C'est une honte ! C'est une honte de faire payer aux citoyens de ce canton des primes aussi élevées ! C'est une honte qu'ils soient volés par rapport à leurs réserves, et qu'ils ne puissent pas en bénéficier en cas de décès, de changement de canton ou de caisse d'assurance-maladie ! C'est encore une honte de faire des prix différenciés pour un service unique - qui est le même - défini par...

Le président. Il vous reste dix secondes, Monsieur le député.

M. Eric Stauffer. ...la loi - je vais conclure, Monsieur le président - et qui génère des millions de commissions pour les courtiers en assurance qui jouent au ping-pong d'une caisse maladie LAMal à l'autre. C'est une honte ! Et, Monsieur le conseiller d'Etat, vous aurez tout notre soutien, tant et aussi longtemps que vous irez taper du poing sur la table pour défendre les intérêts des assurés genevois.

M. Stéphane Florey (UDC). En effet, comme l'a dit Mme Emery-Torracinta, cette question n'est pas encore réglée; le groupe UDC considère qu'il n'est absolument pas normal de s'appauvrir pour pouvoir payer ses primes d'assurance-maladie. C'est pour cela que nous vous demandons de suivre la proposition du groupe PLR et de renvoyer la motion à la commission de la santé ou des affaires sociales, en espérant que cette question soit traitée le plus rapidement possible cette fois-ci. J'aimerais juste ajouter que l'acceptation de cette motion, même si elle n'est pas parfaite - un renvoi au Conseil d'Etat - permettrait de donner un signal clair de ce que veut le Grand Conseil. Et par là même, le Conseil d'Etat agirait d'autant plus vite s'il dispose de ce signal du parlement.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). J'aimerais formuler une ou deux remarques. Tout d'abord, ce n'est pas la commission de la santé, mais celle des affaires sociales qui devrait s'en charger, puisque l'on se trouve dans la question des subsides d'assurance-maladie. Deuxième chose plus fondamentale: sur le fond le groupe socialiste partage la préoccupation exprimée par cette proposition de motion. Mais alors, Mesdames et Messieurs les députés - et je m'adresse notamment à l'UDC et au PLR - il faudra peut-être que vous acceptiez 100 millions de francs de plus au budget. En effet, de ce côté de l'hémicycle, pour l'instant je n'ai pas vu de moyens accordés à cela. Alors si vous souhaitez renvoyer la motion en commission, soit, nous la traiterons à nouveau avec le projet de loi socialiste, mais il faudra aussi que vous en assumiez les conséquences financières par la suite.

Mme Esther Hartmann (Ve). Le groupe des Verts va soutenir le renvoi à la commission des affaires sociales. Nous pensons qu'il est important de pouvoir traiter cette motion qui a quand même été conçue avec des données assez précises, ce qui n'est pas le cas de toutes les motions. Donc nous soutiendrons son renvoi à la commission des affaires sociales.

M. Christian Bavarel (Ve). Je voulais simplement dire que c'est avec plaisir que j'ai entendu dire tout à l'heure par un des préopinants que, lorsque les gens qui sont dans une commission font partie des conseils d'administration, cela pose un problème. C'est d'ailleurs pour cela que nous avions soutenu des règles qui faisaient que dans le parlement on ne voulait pas que les députés soient membres de certaines commissions d'entreprises en mains publiques. Merci.

M. Pierre Conne (R). Je reprends la parole pour préciser que le contexte dans lequel nous pourrions reprendre le travail sur cette motion a changé, puisqu'en 2012 des dispositions fédérales ont été introduites, notamment celles relatives au régime de compensation des risques et de calcul des réserves. Ces éléments modifient probablement la donne sur le calcul des primes d'assurance-maladie. C'était mon premier point.

Le deuxième point est que les questions concernant la LAMal sont du ressort du droit fédéral, mais rien ne nous empêche, et l'histoire récente l'a montré, de transformer la motion - en tout cas sur le fond de la question qui a trait, je vous le rappelle, au lancinant problème de la charge des primes d'assurance-maladie sur les familles - en résolution de commission adressée aux Chambres fédérales. Je maintiens et je confirme ainsi notre demande de renvoi de la motion à la commission des affaires sociales. Je vous remercie.

M. Pierre Weiss (L). Rassurez-vous je ne taperai pas du poing sur la table ni sur personne, contrairement à d'autres. Je voulais simplement vous dire, Monsieur le président, que, s'agissant des dépenses de la santé, il faut bien entendu penser à tous les partenaires impliqués: les prestataires de soins d'une part et les consommateurs de l'autre. Les premiers sont concernés par les masses salariales en question. On sait quelle est la masse salariale pour les prestataires de la santé dans le secteur public dans les différents cantons, comme dans le secteur privé, par spécialisation de médecin. On sait aussi quelle est la consommation en matière de santé par les malades, les patients. On sait aussi ce qu'il en est de la non-consommation des médicaments qui sont prescrits. Le taux de consommation de médicaments prescrits n'est pas de 100%. Il y a beaucoup de gâchis et de surconsommation. Vous voyez donc que, dans la réflexion sur le bouclier, il faut également penser à ceux qui le portent et à ceux contre qui le bouclier est porté.

M. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je crois que la voie de vraie sagesse serait de retirer cette motion, parce que beaucoup de choses ont changé depuis qu'elle a été écrite. Elle n'est en réalité plus compatible à l'heure actuelle avec l'article 65, alinéa 1 de la LAMal qui décrit comment doit se passer la politique des subsides. On ne peut pas faire n'importe quoi. Il y a une loi fédérale qui dit comment cela doit être accompli. D'autre part, elle ne tient pas compte de la mise en place d'une Genève très innovante qui a créé le revenu déterminant unifié, avec une stratification des aides et la prise en compte des montants à chaque reprise pour l'octroi de l'aide différente. Elle ne considère pas non plus la baisse de la fiscalité des familles qui a été introduite dès 2010, ni l'accroissement assez considérable du montant des subsides, et vous y avez fait référence, Monsieur le député. Enfin, elle ne tient pas compte de la future mais prochaine entrée en vigueur du système des prestations complémentaires familiales. A vouloir trop de boucliers dans tous les sens, sans savoir si l'on considère l'impôt versé ou non versé, sans savoir si finalement le fait de ne pas payer d'impôt va favoriser ou non la perception de nouveaux subsides, je pense que le système est trop compliqué pour être traité sous la forme de cette motion.

Si, par impossible, parce que ce problème de paupérisation de la classe moyenne est réel, vous estimiez qu'il faille traiter le sujet sans forcément trop s'attarder sur les défauts de cette motion, alors le Conseil d'Etat vous suggèrerait de la renvoyer à la commission des affaires sociales, mais en sachant que l'issue passera très vraisemblablement par une voie fédérale d'abord, puisque le canton ne pourra pas s'occuper seul de cette affaire, par la prise en compte des nombreux partenaires qui ont un rôle à jouer dans la modération de la consommation des soins et dans sa rationalisation. Monsieur le député, vous avez fait allusion aux déchets fantastiques liés aux médicaments non absorbés, soit par un défaut de compliance du malade soit par la non-existence d'emballages qui permettent de prendre la bonne dose, mais qui, au contraire, imposent de vendre le double de ce qui sera nécessaire, par exemple pour le traitement d'une angine. On voit donc l'immensité du travail qui serait à effectuer. A vrai dire, je vous suggérerais plutôt de retirer cette proposition de motion... Dans le doute, de la renvoyer à la commission des affaires sociales pour reparler une fois encore de la manière dont les soins sont financés dans notre pays, mais certainement pas pour aboutir à ce texte-là quelle qu'en soit la forme définitive. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Je soumets au vote le renvoi de la proposition de motion à la commission des affaires sociales.

Mis aux voix, le renvoi pour six mois de la proposition de motion 1916 à la commission des affaires sociales est adopté par 58 oui et 17 abstentions.

Un rapport doit être rendu dans les six mois (article 194 LRGC).