Séance du vendredi 24 février 2012 à 15h
57e législature - 3e année - 5e session - 25e séance

P 1798-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition pour rendre accessibles les écoles aux personnes à mobilité réduite
Rapport de M. Antoine Droin (S)

Débat

M. Antoine Droin (S), rapporteur. J'aimerais rappeler que cette pétition a été déposée par deux jeunes femmes qui réalisaient un travail de diplôme. Le texte doit retenir notre attention, car il met en exergue l'intégration de personnes handicapées dans la vie active, sans préjudice notable. Les pétitionnaires relèvent que certains élèves handicapés ont été déplacés dans d'autres bâtiments faute de moyens logistiques satisfaisants; la conséquence en est la perte, petite ou grande, de repères et de vie sociale, tout autant que les inconvénients de trajets supplémentaires.

Et cela pose encore d'autres questions. En effet, les pétitionnaires ont interrogé le département, qui a été incapable de répondre à leurs questions et demandes d'information. L'audition du DIP a révélé qu'il était regrettable que les pétitionnaires n'aient pas pu avoir accès à l'information, probablement parce qu'elles ne se sont pas adressées au bon endroit. Par ailleurs, le nombre de personnes handicapées est restreint, en tout cas pour celles qui sont à mobilité réduite. Cela concerne cinq à dix personnes par année, quand on exclut les handicaps liés à l'ouïe ou à la vue qui n'empêchent pas forcément de se rendre dans tel ou tel établissement.

La discussion était partagée, en commission: une petite majorité estime que le renvoi de la pétition au Conseil d'Etat est indispensable, elle considère que c'est l'occasion de rappeler la loi de 2003 sur l'intégration des personnes handicapées, loi votée par le parlement, et de s'assurer qu'il n'y a pas de problème majeur et de discrimination; et je dirai qu'une grande minorité pense qu'il n'y a pas de problème majeur et que cette pétition peut être déposée sur le bureau du Grand Conseil, puisqu'il n'y a pas de réel enjeu ou de discrimination. Donc, à sept contre cinq, la commission des pétitions vous recommande le renvoi au Conseil d'Etat.

M. Jean Romain (R). Mesdames et Messieurs les députés, le rapport - je ne dis pas «de majorité», mais «l'unique rapport» - est tout à fait juste, de même que ce qui vient d'être dit. Ce sont deux élèves en fin de scolarité - deux excellentes élèves mues par un excellent professeur - qui ont déposé cette pétition. C'est assez complexe, parce qu'évidemment le problème touche des personnes meurtries dans leur chair. Et il est hors de question de pénétrer avec de gros souliers dans cette affaire. Mais enfin, il y a quand même cinq personnes en tout et pour tout qui sont touchées par cela dans tout Genève. Cinq ! (Remarque.) C'est ce qui nous a été dit... Il n'y a pas eu de rapport de minorité, parce que nous pensions que, pour cinq personnes, nous pouvions en discuter sans nécessairement occasionner un conflit.

Sur le fond, le seul problème qui risque évidemment de se produire est que des élèves soient amenés à devoir changer de bâtiment par rapport à celui qui leur serait normalement attribué, parce que, dans tel lieu, il n'y a pas de rampe d'accès ni d'ascenseur - ce qui est vrai. Et l'on comprend la gêne de ces personnes, puisque ces élèves ont travaillé avec un groupe, et voilà qu'il leur faut changer de lieu, peut-être même de zone d'arrondissement où l'on recrute pour tel ou tel bâtiment. Eh bien, il faut changer de lieu, c'est vrai. Mais enfin, il n'y a pas de discrimination ! Et, par rapport aux invites, ce n'est tout simplement pas possible d'installer un ascenseur dans tous les bâtiments ou de réaliser des rampes d'accès partout. En revanche, ce qui se passe, c'est qu'à chaque fois qu'il y a un problème comme celui-ci, et j'admets que c'en est un, le cas est résolu. C'est en définitive, Mesdames et Messieurs les députés, l'école qui s'adapte aux élèves, et non l'inverse. Et cet effort est entrepris ! C'est pourquoi le groupe PLR demande le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil.

M. Olivier Norer (Ve). Le groupe des Verts partage le point de vue de la majorité, soit de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, car il est important de donner un signal à la population en matière de respect des minorités, en l'occurrence les handicapés physiques.

Dans cette affaire, il est également important de manifester un certain respect envers les pétitionnaires, dont il a été fait état par le rapporteur de majorité et par M. Romain. En effet, il s'agissait de jeunes qui, dans le cadre d'un apprentissage scolaire, sur des problématiques de civisme, auraient tout à fait pu effectuer un parcours simple dans leur processus scolaire, sans nous envoyer de pétition; malheureusement, ils ont dû le faire, parce qu'ils n'ont pas obtenu de réponses aux questions simples qu'ils posaient. C'est problématique, car nous avons dû, nous, les poser à leur place. Alors qu'elles - ces deux jeunes élèves - auraient pu obtenir, de l'administration, une réponse. C'est dans ce contexte que le groupe des Verts, par respect, soutient le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat.

M. Pascal Spuhler (MCG). Cette pétition soulève quand même le problème suivant: avons-nous le droit de laisser un enfant ne pas aller à l'école sous prétexte de son handicap ? Monsieur Romain, vous dites qu'il peut éventuellement changer de quartier ou de structure... Je crois que, précisément, si quelqu'un est atteint dans son intégrité physique - dans sa mobilité, en l'occurrence - c'est d'autant plus compliqué de changer de quartier pour aller à l'école ! Il me semble quand même important de penser un peu plus loin que le bout de son nez ! Réfléchissons à la manière de construire nos écoles aujourd'hui ! J'espère qu'elles sont bien faites et que, pour celles qui ont été bâties hier, tout puisse être entrepris pour les améliorer. Il me semble important, en regard des lois que nous avons votées par rapport à l'égalité et au handicap, que nous fassions le nécessaire pour les vieilles écoles qui ne disposent pas des structures requises, afin de toutes les améliorer ! Et pour que toutes les personnes, tous les enfants, tous les élèves puissent y accéder. Merci.

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Pour le parti démocrate-chrétien, il ne s'agit pas de provoquer un conflit, ni de compliquer les choses: oui, il faut procéder à des aménagements dans la mesure du possible, au cas par cas, lors de situations qui sont parfois complexes mais qui doivent trouver des solutions. Je me souviens qu'ici, il y a encore quinze ans, quand je siégeais comme conseillère municipale, on nous a dit que l'on ne pourrait jamais aménager l'accès - ici - pour des personnes à mobilité réduite - «On ne pourra jamais !»... Eh bien, «jamais», cela ne doit jamais être dit, parce qu'il est impossible de dire «jamais» !

Donc aujourd'hui, nous avons à répondre à une préoccupation légitime, et nous savons qu'en renvoyant le texte au Conseil d'Etat une réponse pourra être apportée aux pétitionnaires. Je vous remercie.

Le président. Merci, Madame la députée. Je donne la parole à M. Jean-François Girardet, à qui il reste trente secondes.

M. Jean-François Girardet (MCG). Merci, Monsieur le président. Que demande cette pétition ? Elle demande simplement qu'il y ait dans les écoles des conformités à la législation fédérale. Renvoyer le texte au Conseil d'Etat permettra à ces pétitionnaires - qui sont des jeunes en apprentissage également de nos processus démocratiques - d'avoir la preuve que l'on a entendu leurs questions et qu'elles seront prises en compte par le Conseil d'Etat. Celui-ci leur rendra alors une réponse, éventuellement chiffrée, et proposera ensuite à notre parlement un projet de loi afin de procéder à des aménagements dans les écoles qui ne sont pas équipées pour recevoir des personnes handicapées. On peut parler de «personnes handicapées»...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Jean-François Girardet. Oui, Monsieur le président. ...mais nous pourrions tous l'être ! Equiper les écoles permettra à un jeune ayant eu un accident de ski et devant porter un plâtre pendant six semaines de ne pas devoir être transporté sur les épaules de ses camarades, mais par les ascenseurs. Ainsi, ce serait une bonne chose que de renvoyer la pétition au Conseil d'Etat, afin qu'il leur donne satisfaction.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée... (Remarque.) Ah ! Excusez-moi, Monsieur le député - et ancien président - Renaud Gautier ! A vous la parole !

M. Renaud Gautier (L). Je m'en souviendrai, Monsieur le président de séance. Je voulais dire que j'écoute toujours avec beaucoup d'intérêt les propos des philosophes de cette salle, et il y en a plusieurs. Mais il n'y en a qu'un seul qui en soit un vrai. Le motif pour lequel je vais me dissocier de son point de vue, c'est que j'aimerais beaucoup qu'il ait raison... Or je sais qu'il a tort.

Il existe un certain nombre d'endroits, dans ce canton - la Croix-de-Rozon, pour ne pas la nommer - dans lesquels, très effectivement, des enfants handicapés ont été forcés de rester dans un bâtiment qui n'est pas prévu pour eux, alors qu'à 40 mètres s'en trouvait un avec une rampe d'accès. Il a fallu une intervention musclée de Mme la députée Emery-Torracinta, d'une part, et d'un ancien président du Grand Conseil, d'autre part, pour que la situation évolue. C'est un cas pratique effectif dans lequel il a fallu une intervention extérieure pour qu'un problème qui aurait pu être réglé extrêmement simplement le soit. Car il ne l'était pas ! Ce n'était probablement pas la faute du département de l'instruction publique, mais plutôt une espèce de «trouille administrative».

Ainsi, je pense qu'il est bon que la pétition arrive sur le bureau du Conseil d'Etat, de façon que, d'une manière générale, la postulation que vous avez émise, mon cher collègue, comme quoi cela doit être le cas, le devienne. Mais cela ne l'est pas.

M. Jean Romain (R). Juste un mot, non pas pour répondre à mon excellent collègue, qui a le droit de penser cela, mais pour dire à M. Girardet qu'il ne s'agit pas de prendre en compte les gens qui ont une mobilité réduite momentanément parce qu'ils ont une jambe cassée. Il s'agit de cas beaucoup plus lourds, et ceux-ci sont peu nombreux. Et, tant que faire se peut, l'école fait tout son possible pour s'adapter en opérant des ajustements, mais ce n'est assurément pas pour quelqu'un qui aurait une jambe cassée.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous passons au vote.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1798 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 55 oui contre 20 non et 1 abstention.