Séance du vendredi 24 février 2012 à 15h
57e législature - 3e année - 5e session - 25e séance

P 1772-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition pour des exceptions et aménagements à la loi sur la «fumée passive»
Rapport de majorité de M. Vincent Maitre (PDC)
Rapport de minorité de M. Pascal Spuhler (MCG)

Débat

Le président. Nous sommes en débat de catégorie II: trois minutes. La parole est à M. le rapporteur de majorité, qui est remplacé par M. Buchs.

M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de majorité ad interim. Je prends la parole au débotté, puisqu'on ne peut pas compter sur les jeunes dans ce parlement. (Rires. Exclamations.) J'interviendrai en fonction des débats.

M. Pascal Spuhler (MCG), rapporteur de minorité. Ce rapport de la commission des pétitions, chargée d'étudier la pétition pour l'aménagement de la loi sur la fumée passive, provient d'une demande de l'association «Les dissidents de Genève». Ces derniers s'estiment lésés, en tant que regroupement, entre autres de fumeurs qui ne trouvent pas d'endroits pour se réunir et, en même temps, profiter de l'herbe à Nicot.

La cigarette est effectivement un gros problème. Nous avons voté une loi qui a péniblement passé, mais qui l'a quand même fait. A présent, nous constatons tous, notamment à la commission des pétitions... En effet, nous sommes sans arrêt sollicités par des textes relatifs aux nuisances nocturnes, par exemple dans les établissements publics, puisque de nombreux fumeurs doivent aller dehors, au froid ou au chaud, pour tirer sur le mégot; alors ils sont dehors, à faire du bruit et évidemment à provoquer des nuisances. Nous voyons donc que des conséquences collatérales découlent de cette loi contre la fumée passive, ce qui pose un problème. C'est pourquoi je vous recommande de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat, et non pas de le déposer sur le bureau du Grand Conseil.

Genève a pris une décision beaucoup plus restrictive que la Confédération, décision qui autorise des locaux de moins de 80 m2 à inclure des aménagements pour les fumeurs. Genève n'en a trouvé aucun, Genève s'est voulu plus restrictif, et j'estime qu'une grande partie de la population est lésée dans son désir de fumer une cigarette.

M. Olivier Norer (Ve). Les débats en commission des pétitions étaient fort intéressants, car ils ont permis de relever que la loi votée par le Grand Conseil - certes, à une majorité relativement faible, mais confirmée deux fois dans les urnes par une très forte majorité de la population - a peut-être produit des effets collatéraux gênants en termes de bruit, au pourtour des bistrots, mais a surtout engendré des effets très positifs sur la santé des Genevois.

Les Verts souhaitent relever cela, à savoir que la loi est positive pour la population, car elle a permis une diminution de 7% des infarctus et des angines de poitrine, comme démontré par les services du DARES, de M. Unger. Le groupe des Verts ne souhaite dès lors pas remettre en cause le vote de la population, exprimé par deux fois à près de 80%. Et nous considérons qu'en ce sens cette pétition est parfaitement excessive et ne permet pas de répondre aux besoins de santé de la population. Nous avons ainsi voté pour la déposer sur le bureau du Grand Conseil et voulons toujours le faire, malgré les qualités du rapport de minorité - le rapport de majorité en ayant également, bien sûr.

M. Claude Aubert (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le rapporteur de minorité pose une question absolument fondamentale, quand il demande comment trouver une réponse et une solution qui puissent satisfaire l'ensemble de la population, c'est-à-dire une réelle majorité de nos citoyens, et non pas les 80% de votants. «Il convient de rappeler - écrit-il - que ceux-ci ne représentent en fait - les 80% - que la partie de la population qui a daigné aller voter.» La question est donc de savoir comment, dans notre démocratie, cela se décide; à moins de tomber, bien évidemment, dans les systèmes politiques où tout se détermine à 99% de la population.

Par conséquent, je me suis demandé comment répondre à une question très intelligente. Et je me suis dit: «On va prendre les TPG.» Eh bien, je ne sais pas si vous empruntez les TPG; je les prends plusieurs fois par jour, et je n'ai jamais vu quelqu'un fumer dans un tram, jamais ! Or, ce n'est pas le conducteur du tram qui va être pénalisé, si quelqu'un fume dans le véhicule. Alors qu'un restaurateur pourrait l'être... J'en conclus que toutes les personnes qui entrent dans le tram votent pour le fait qu'il n'y ait pas de fumée. Par conséquent... (Commentaires.) Eh bien oui ! (Exclamations. Commentaires.) Si vous pouvez me montrer que quelqu'un fume dans le tram, je serai d'accord !

Je verse donc à votre dossier cette réflexion, celle de savoir comment se définit que la majorité de la population décide de quelque chose. Comme vous le savez, les députés libéraux-radicaux sont assez partagés sur la question, mais, personnellement, je prends la «règle du tram», c'est-à-dire que, puisque personne ne fume dans le tram, tout le monde est donc d'accord que l'on n'y fume pas !

M. Stéphane Florey (UDC). Ce qui est regrettable dans cette affaire, c'est que des personnes ne puissent pas fumer dans des lieux où nous aurions pu permettre des aménagements spéciaux. Il est vrai que ce Grand Conseil n'en a pas voulu, alors que, au cours du débat concernant la loi sur la fumée, nous avions déposé des amendements tout au plus pour nous aligner sur la loi fédérale: ce Grand Conseil n'en pas voulu. Il est regrettable que des citoyens envoient des pétitions au parlement, pour, justement, demander ces assouplissements. Malheureusement, ce Grand Conseil, apparemment, se borne à les refuser. Il est donc fort probable qu'à l'avenir nous recevions encore et encore des plaintes de citoyens... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...qui le déploreront. C'est pourquoi nous demandons le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat.

M. Pascal Spuhler (MCG), rapporteur de minorité. Je comprends bien que les citoyens ne veuillent pas fumer dans les trams, d'ailleurs certains ne le prennent que pour un arrêt, ils n'ont peut-être pas le temps d'allumer une cigarette ou d'en profiter. Et puis, il faut quand même un minimum de respect envers les gens, et je crois que c'est une bonne coutume à Genève.

Là, nous ne parlons pas des trams, nous parlons des établissements publics, des salles de réunion, des discothèques et autres lieux où l'on peut se rencontrer. Et tout un chacun - du moins les fumeurs - sait à quel point il est agréable de discuter devant un verre, avec des amis, en bonne compagnie, et de fumer une cigarette en même temps, cela fait partie des plaisirs de la vie - pour ceux qui aiment la cigarette, nous sommes bien d'accord !

Nous sommes bien d'accord également que, dans un restaurant, incommoder les gens, manger en fumant, ce n'est pas très agréable. Je ne parle donc pas de restauration, mais bien de trouver des solutions, pour la minorité, soit ! mais pour une minorité quand même importante de fumeurs qui aimeraient pouvoir profiter... plutôt que de mourir, peut-être pas d'une maladie liée au tabac mais d'une bronchopneumonie, à force d'essayer de fumer misérablement...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Pascal Spuhler. ...leur mégot devant l'entrée des immeubles, et plus spécifiquement ceux de l'administration.

M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de majorité ad interim. Je crois que, de nouveau, dans cette affaire, nous sommes dans un débat ayant trait à ce qu'a voulu le Conseil d'Etat, c'est-à-dire, par principe de précaution, protéger la population et surtout les gens qui ne fument pas. On peut être d'accord ou pas. Et quand une décision est prise, il est clair que l'on touche une minorité, or la majorité s'est prononcée.

Deuxième chose, il est important de le relever, c'est la protection du personnel, du personnel des établissements. Il y a une nette différence, au niveau de la santé, maintenant que les gens ne fument plus dans les établissements publics ! C'est très important.

S'agissant des nuisances en dehors des établissements publics, soit les gens qui discutent dans la rue, c'est un problème devant être traité à part, et pas au niveau de cette pétition. Je rappelle que, lorsque M. le conseiller d'Etat Unger a été entendu par la commission, il a dit très clairement que si ces personnes - l'association «Les dissidents de Genève» - voulaient créer un cercle, elles le pouvaient, et qu'il était à leur disposition pour leur expliquer comment procéder - ce qu'elles n'ont jamais entrepris de demander. Je rappelle que, dernièrement, un cercle de fumeurs de cigare s'est ouvert - en Vieille-Ville, je crois - et les gens peuvent s'y réunir pour fumer.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai qu'idéalement et personnellement je ne trouvais pas géniale l'interdiction de fumer. Mais la votation a eu lieu. Des débats se sont déroulés tant au parlement qu'avant la votation, des chiffres ont été articulés, mais je crois que, à un moment donné, qu'on le veuille ou non, la société change, les coutumes changent... Dans la société genevoise, la santé publique a été privilégiée, tout comme le droit, pour les gens qui travaillent dans des lieux publics, de ne pas subir la fumée passive. A ce titre, le parti socialiste est pour le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Le président. Merci, Madame la députée. Je donne la parole à M. Antoine Bertschy, à qui il reste une minute et cinquante secondes.

M. Antoine Bertschy (UDC). Merci, Monsieur le président. Je laisserai notre collègue Claude Aubert à ses sophismes - c'est vrai que la manière dont il a amené cela était assez amusante.

J'entends bien le principe de précaution, mais alors, allons jusqu'au bout des choses ! Interdisons le beurre, le halouf et un peu tout ce qui n'est pas bon pour la santé ! Et on interdit tout ! Moi, ce n'est pas dans une société où l'on ne peut plus rien faire que je veux vivre ! Il faut aussi prendre en compte ce qu'entraîne l'interdiction pour les établissements de nuit ! C'est-à-dire la mort programmée pour la plupart d'entre eux: les cabarets ne tournent plus; les night clubs végètent à peine; de plus, ils sont obligés d'envoyer leurs clients fumer dehors, ce qui fait du bruit...

Je crois qu'il faut renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, parce qu'il faut prendre conscience qu'il y a aussi le rôle social du bistrot de quartier. C'est très bien, votre lieu pour fumer le cigare, Monsieur le député, mais ce n'est pas le rentier AI vivant aux Pâquis - ou dans un autre quartier populaire - qui va se rendre en Vieille-Ville pour fumer sa cigarette en buvant un café ! Non ! Il faut faire preuve d'un peu d'intelligence, dans cette histoire ! Et surtout faire en sorte que les établissements de nuit puissent survivre. (Brouhaha.) C'est pourquoi l'UDC vous demande de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, afin qu'il puisse réfléchir à cela et considérer que nous sommes allés un peu loin avec cette loi.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. Patrick Lussi, à qui il reste trente secondes.

M. Patrick Lussi (hors micro). Je renonce, Monsieur le président.

Le président. Très bien. La parole est à M. le député Jean Romain.

M. Jean Romain (R). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...je suis un ancien fumeur, pas un ayatollah de l'interdiction non plus, mais je crois que c'est une bonne loi. Elle a été votée par la majorité, pour la majorité aussi. Evidemment, il y a un lien réel et direct, contrairement au beurre, entre le tabac et le cancer. Il y a un lien direct entre le tabac et les maladies cardiovasculaires. Ce lien est étudié, il existe une littérature à ce propos, je crois qu'il n'est plus besoin de le refaire.

De plus, je pense à ceux qui travaillent dans les bistrots, mais également à ceux qui s'y rendent. (Brouhaha.) Je comprends tout à fait l'argument du bistrot comme lieu commun, afin d'y partager un petit «boire», un petit «manger» et un petit «fumer». D'obliger les gens à se rendre dehors pour fumer, cela conduit aussi à exposer les autres, les voisins, à du bruit, et nous savons bien que nous avons reçu des plaintes à ce sujet.

Au fond, dans la balance des arguments, j'aurais du pour et du contre, et nous sommes un peu partagés. Tout à fait personnellement, je voterai pour le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, non que ses arguments me déplaisent, mais enfin, je crois qu'un long débat a déjà eu lieu, nous devons suivre cette ligne et peut-être déplorer - c'est vrai, vous avez raison, Monsieur Spuhler - qu'il n'y ait pas eu suffisamment de choses entreprises pour des gens qui ont le droit de fumer et de boire.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. Eric Leyvraz, à qui il reste trente secondes.

M. Eric Leyvraz (UDC). Monsieur le président, j'aimerais juste signaler une solution pratique qui a été trouvée à Bâle: quand vous entrez dans un bistrot le soir, on vous dit que ce n'est pas un bistrot mais un club - vous payez 5 F pour un mois ou 10 F pour une année - et ce club est fumeur. Alors on choisit, on reste ou on va boire sa bière ailleurs. Je trouve que c'est une solution intelligente. D'un côté, l'Etat touche beaucoup d'argent grâce à la cigarette et, de l'autre, il ne veut pas que les gens fument... Ce n'est pas très logique.

Une voix. Bravo ! (Commentaires.)

M. Claude Jeanneret (MCG). La loi a été votée d'une manière quelque peu émotionnelle. Elle avait un bon fond au départ, mais elle est quand même un peu excessive parce qu'elle ne respecte pas les minorités. Je pense qu'il faut réfléchir à cela et, également, au fait que nous sommes dans une société où il y a des minorités. Si toutes ne sont pas respectées, nous arrivons à une dictature. Je ne le souhaite pas pour Genève, ni pour la Suisse. C'est la raison pour laquelle je pense qu'il est sage de renvoyer cette proposition au Conseil d'Etat, afin qu'il puisse étudier la situation, à la lumière de l'expérience que nous avons vécue depuis un an ou deux, de manière à dire ce qui pourrait être accepté ou pas dans le fait d'avoir des clubs parfaitement privés et qui tolèrent la fumée. Parce que, de l'employé au consommateur, tout le monde est d'accord que l'on peut se trouver, disons, en une agréable compagnie, à fumer. Et, avec cette interdiction absolue, il y a une crainte: c'est qu'au moment où l'on invite des gens chez soi... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...par exemple pour tenir une réunion, on se mette à interdire la fumée, parce qu'il ne s'agit plus de la famille ou d'un cercle totalement privé... Je crois que, là, nous sommes entrés dans un état d'esprit un peu malsain, de dictature, et c'est pourquoi il serait bon de revoir de quelle manière on pourrait aménager quelque peu la loi, afin de permettre des exceptions qui ne nuisent à personne.

Des voix. Bravo !

Mme Michèle Künzler, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs, la position du Conseil d'Etat est claire sur ce sujet. Par deux fois, la population a voté, et non pas de manière émotionnelle ! Quand on pose deux fois la même question et qu'on obtient deux fois la même réponse, c'est désormais de manière claire que cette interdiction de fumer dans les lieux publics a été établie. Elle a des effets positifs sur la santé, et c'est bien ce que nous entendons respecter. Il n'y a aucune restriction de liberté de fumer, puisqu'il est possible de le faire ailleurs que dans ces lieux-là. Il faut maintenant que cette discussion cesse et que l'on classe cette pétition. Le débat a été long, intéressant, nourri, mais, à un moment, il faut admettre la décision. C'est ce que le Conseil d'Etat vous demande.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous procédons au vote.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1772 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 52 oui contre 24 non et 1 abstention.