Séance du vendredi 27 janvier 2012 à 15h
57e législature - 3e année - 4e session - 20e séance

M 1983-A
Rapport de la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Esther Hartmann, Sylvia Nissim, Marie Salima Moyard, Jean-François Girardet, Jean Romain, Pierre Losio, Charles Selleger pour donner les moyens à l'école primaire de mettre en place de vraies mesures d'accompagnement
Rapport de M. Jean Romain (R)

Débat

Le président. Monsieur le rapporteur, avez-vous quelque chose à ajouter ? (Remarque.) Si tel n'est pas le cas, je passe la parole à M. Stauffer.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. J'aimerais formuler quand même quelques remarques, puisque tout le monde a l'air de plébisciter le département et de dire que tout va bien. Non, tout ne va pas très bien encore au département de l'instruction publique, j'en veux pour preuve par exemple certains arguments à propos du mercredi matin. Nous avons entendu le conseiller d'Etat nous dire que le mercredi matin pourrait servir notamment... (Remarque.) Oui oui, vous avez raison de demander la parole, Monsieur le rapporteur, vous qui visiblement avez un peu retourné votre veste. Donc le conseiller d'Etat nous a dit que le mercredi matin pourrait notamment servir aux enfants qui en auraient besoin, et qu'il faut donc réintroduire cette matinée d'école. Mais c'est tout le problème ! Avoir congé le mercredi matin permet justement aux enfants en difficulté de suivre des cours avec les professeurs, mais pas avec toute l'école. Nous avons toujours dit oui à une école attentive et non à une école bourrative, c'est la raison pour laquelle le MCG notamment s'oppose à cela.

Ensuite, concernant les mesures d'accompagnement, on voit qu'environ 23% des élèves de l'école primaire devraient redoubler, mais qu'on les fait passer par tolérance ou dérogation. Il faut quand même le savoir ! Nous vous le disons donc: tout n'est pas rose, tout n'est pas encore bien. Il est vrai que nous avons constaté que M. le conseiller d'Etat a fait d'énormes progrès en matière d'instruction publique; un phénomène explique cela, c'est qu'il devient de moins en moins socialiste et de plus en plus réaliste. Ceci est une bonne évolution dans son parcours politique. En fait, c'est très bien et l'école tend à s'améliorer, mais on peut faire mieux.

Et je vous le dis, Mesdames et Messieurs, vous le verrez certainement prochainement dans vos quotidiens et surtout dans cette assemblée, le MCG - et je vous l'annonce en primeur - va déposer un projet de loi constitutionnelle pour rendre obligatoire l'instruction publique jusqu'à 18 ans. (Commentaires.) Parce qu'aujourd'hui nous avons un gros problème d'instruction à Genève et j'aimerais vous dire ceci: en suivant la scolarité obligatoire jusqu'à 15 ans, nous sommes en train de prendre un retard considérable par rapport à nos voisins européens. Nous sommes dans une phase où nous fabriquons et entretenons une zone sinistrée qui est celle des 15-16 ans à 25 ans, comme je l'ai déjà expliqué au conseiller d'Etat. Les jeunes d'aujourd'hui à Genève, c'est une zone ravagée, ce qui est notre responsabilité, Mesdames et Messieurs les députés.

J'aimerais vous donner un exemple: un jeune effectue un apprentissage en entreprise, échoue et doit repasser quelques branches pour obtenir son certificat fédéral de capacité. Cette personne sera larguée dans la nature; l'Etat ne s'occupe absolument plus de lui dispenser des cours et elle doit se présenter en examen libre après un an. Que fait-on de ces jeunes ? Actuellement ils sont livrés à eux-mêmes pendant un an. Certains, de famille modeste, n'ont pas les moyens de se payer des cours. Ils vont donc trouver un job non qualifiant, parce qu'ils n'ont aucun document en poche. Certains vont décrocher et ne vont même plus se présenter en examen libre pour finir leur certificat fédéral de capacité. Voilà ce que nous produisons dans la République et canton de Genève ! Et ça, Mesdames et Messieurs, ça ne va pas ! Il doit y avoir une véritable prise de conscience et Dieu seul sait si nous appuyons le conseiller d'Etat lorsqu'il veut engager certaines réformes allant dans ce sens ! Il faut se rendre compte de cela et avoir le courage de reconnaître que des choses sont à changer.

Au MCG, nous voulons relever de 15 à 18 ans la scolarité obligatoire et nous enjoignons au Conseil d'Etat de mener une réflexion notamment sur l'exemple que je viens de donner, mais je sais que M. le conseiller d'Etat se penche déjà là-dessus, puisque nous nous sommes entretenus à ce propos et qu'il est d'accord avec l'analyse que je viens de vous exposer; il y a des améliorations à apporter. Voilà ce que je pouvais dire sur ce texte. Merci.

M. Jean Romain (R), rapporteur. Je crois que nous avons un petit peu débordé du sujet, beaucoup plus modeste et ciblé. Ce que nous voudrions simplement, c'est ce que nous avons obtenu dans le cadre de la commission, c'est-à-dire qu'une solution raisonnable - et non déraisonnable - puisse être trouvée pour que s'applique ce que demande le règlement du primaire, à savoir des cours spécifiques pour les élèves qui ont passé d'une année à l'autre soit par dérogation, soit par tolérance. C'est simplement cela.

Nous avons discuté ce point. Et au fond, ce n'est pas tout le problème de la scolarité genevoise qui est mis en cause, ce n'est pas une éventuelle question d'augmentation de la scolarité obligatoire; ce que nous voudrions seulement, c'est faire appliquer un règlement. Nous avons traité la motion émanant des Verts, notamment de Mmes Nissim et Hartmann; nous avons procédé à une écoute intelligente et nuancée. Ne remettons pas tout en cause simplement parce que nous voulons que le règlement s'applique ! Merci, Monsieur le président.

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je n'avais pas véritablement prévu de prendre la parole, puisque d'une manière générale le travail effectué en commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport est important. En effet, on va au bout des sujets et je me plais à remarquer que ce travail autour des mesures d'accompagnement est important, comme l'ensemble du dispositif visant à aider les élèves en difficulté. Je crois qu'il faut modestement reconnaître que nous pouvons mieux faire et je suis le premier à dire que nous nous y employons à partir de ce constat.

Maintenant, si vous me le permettez, j'aimerais attirer l'attention... (Brouhaha.) Si les discussions des personnes au troisième rang... N'est-ce pas, Monsieur Deneys ? Si vous me laissiez au moins évoquer la réponse pour les élèves en difficulté, cela me permettrait de ne pas m'adresser seulement aux députés en difficulté ! (Rires.) J'aimerais vous dire ainsi que du point de vue logique le système scolaire doit veiller à éviter que son organisation ne crée un nombre trop important d'élèves en difficulté. Les mesures d'accompagnement sont là pour aider ceux qui, dans le système le plus juste, demeurent en arrière. Or, Monsieur Stauffer, le mercredi matin est bien un élément qui manque du point de vue qualitatif et quantitatif dans la vie d'un écolier et cela contribue à augmenter le nombre d'élèves en difficulté. Ainsi, déclarer que nous allons simplement aider ces élèves-ci, cela revient à dire que nous allons en engendrer un nombre trop important pour mieux les aider. C'est ce que j'appelle une approche non pas perverse, bien entendu, mais pour le moins peu claire, c'est-à-dire qu'il y a confusion entre objectifs et moyens.

Cela étant, je vous rejoins complètement, Monsieur le député, lorsque vous dites que d'une manière générale - c'est plutôt moi qui le dis, mais je vous rejoins sur l'objectif - si le système consiste à éviter de générer des élèves en difficulté, il faut faire en sorte que non pas la scolarité soit obligatoire au-delà de 15 ans pour aller jusqu'à 18 ans, mais bien la formation. Du reste, à cet égard, j'aimerais relever que le Conseil d'Etat a d'ores et déjà annoncé depuis deux ans - avec à l'appui la Constituante et les auditions devant elle - qu'il défendait l'idée de la formation obligatoire jusqu'à 18 ans. Je vous remercie de rejoindre le Conseil d'Etat dans cette préoccupation qui n'est nouvelle ni pour vous, ni pour nous, ni pour l'ensemble du parlement qui partage l'idée que nous devons faire en sorte que la jeunesse soit obligatoirement confrontée soit à la formation, soit au travail, au-delà de la scolarité obligatoire, définie par les concordats au niveau intercantonal. Merci de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je mets aux voix le renvoi de cette proposition de motion au Conseil d'Etat.

Mise aux voix, la motion 1983 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 56 oui (unanimité des votants).

Motion 1983