Séance du
vendredi 2 décembre 2011 à
20h30
57e
législature -
3e
année -
2e
session -
10e
séance
R 679
Débat
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, cette résolution découle de la Journée sur le travail décent, organisée le 7 octobre par l'Organisation internationale du travail - le BIT - qui considère que les quatre buts pour permettre un développement socioéconomique de la planète en termes de travail sont les suivants: créer des emplois, garantir les droits au travail, étendre la protection sociale... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et promouvoir le dialogue social.
Cette résolution destinée au Conseil d'Etat demande un signe clair de sa part concernant des protections contre les licenciements des délégués syndicaux, de rappeler également aux groupements patronaux l'obligation de respecter le droit d'information syndicale sur les lieux de travail, de veiller à ce que l'action ordinaire d'information par les syndicats ne soit pas systématiquement entravée par des interventions policières ou d'autres types d'intimidation et de veiller enfin à l'application de ces droits en tant qu'Etat employeur.
Le week-end dernier, à l'appui des opposants au salaire minimum, nous avons entendu porter haut le besoin de respecter le partenariat social et la fameuse paix du travail. Hier soir, nous avons bien vu ce qu'il est advenu de la résolution sur les HUG demandant au Conseil d'Etat d'ouvrir des négociations avec les grévistes. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Au lieu d'être renvoyée au Conseil d'Etat, la résolution a quelque part eu droit - soyons clairs - à un enterrement de première classe... (Exclamations. Commentaires.) ...soit un renvoi en commission. Effectivement, on pourrait dire CQFD ! Celles et ceux qui dans cette salle...
Le président. Un peu de silence, chers collègues, s'il vous plaît !
Mme Lydia Schneider Hausser. S'il vous plaît ! Celles et ceux qui dans cette salle représentent de près ou de loin le patronat mentent sur le fait que le partenariat social se porte bien et qu'ils l'appuient eux-mêmes. En effet, lorsqu'il s'agit d'aider les entreprises de type PME ou les grandes entreprises, que ce soit au travers d'aides ou de la fiscalité, les socialistes aussi, mais surtout la majorité de ce parlement est présente et d'accord. Par contre, lorsqu'il s'agit de donner des voix aux travailleurs, de surcroît, comme hier, aux moins bien payés et à leurs représentants, là, les gens s'évaporent, en tout cas ceux de la majorité. Ce partenariat tant loué par vos bancs - en face - ne peut apporter du bien-être social que s'il est respecté. Pour le BIT et l'OIT - qui est d'ailleurs la référence au niveau international - travailleurs, employeurs...
Le président. Il va falloir conclure, Madame la députée.
Mme Lydia Schneider Hausser. Oui ! Je prends du temps sur celui de mon groupe, si vous me le permettez, Monsieur le président. Au niveau international, la référence du BIT est la collaboration entre travailleurs, employeurs et Etat, ce qui est vraiment la triade indispensable au dialogue social et à la paix du travail, telle que nous pouvons l'espérer également en Suisse et à Genève. Lorsque les travailleurs ou leurs représentants sont interdits de parole, de réunion, voire d'information, lorsque les travailleurs sont induits en erreur par des groupements d'employés de circonstance, à ce moment-là le partenariat social est mis en danger, comme la paix sociale et la paix du travail. Pour éviter que cela ne devienne la réalité à Genève dans le monde du travail, nous demandons au Conseil d'Etat d'agir et de soutenir un pan de cette triade qui n'est pas celui des employeurs, mais cette fois celui des employés et de leurs représentants. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous demandons de renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat. (Quelques applaudissements.)
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, comme vous le savez tous, être syndiqué est un droit fondamental, lequel est inscrit dans le code des obligations. Malheureusement, depuis quelques années, on peut constater qu'il y a une dégradation dans les relations entre le personnel et le patronat. Ces relations de travail ne peuvent plus continuer de la sorte, vous en êtes conscients - on a des exemples que je citerai tout à l'heure, dans les minutes qui suivent - car aujourd'hui le dialogue social est vraiment bafoué.
Cette résolution a donc tout son sens et tombe à pic ! Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui on peut constater qu'à notre porte, dans une fondation - la Maison de Vessy, pour la citer - trois déléguées syndicales sont inquiétées pour avoir fait partie des grévistes qui ont mis l'organisation en place. Elles sont convoquées ces prochains jours devant la direction. Il n'est pas normal, en tout cas dans une fondation publique, que l'on puisse agir de la sorte et - comme je l'ai dit avant - bafouer les droits syndicaux.
Pour ce qui est du groupe MCG, nous ne pouvons que soutenir cette résolution. Toutefois, nous ne pouvons pas souscrire à la troisième invite, qui vise «à veiller à ce que l'action ordinaire d'information par les syndicats ne soit pas systématiquement entravée par des interventions policières». Je pense que c'est une invite qui est excessive - elle est excessive ! - parce que je crois qu'il n'y a pas de cas - ou très peu de cas - où des interventions policières empêchent et entravent l'action syndicale par rapport aux entreprises genevoises, notamment celles qui sont étatiques. Mis à part cette invite - à laquelle, je le précise, nous ne souscrirons pas - nous sommes pour que cette résolution soit renvoyée au Conseil d'Etat.
Présidence de M. Pierre Losio, président
M. Pierre Weiss (L). Mme Lydia Schneider Hausser a tout à fait raison de dire que la résolution d'hier qui concernait les deux catégories de personnel des HUG a subi un enterrement de première, voire de deuxième classe, et malheureusement le syndicaliste qui se trouvait à la tribune a délivré un communiqué flamboyant ce matin en disant l'immense succès qu'il avait remporté. Heureusement que vous êtes là, Madame, pour doucher le communiqué de presse et sa teneur, et malheureusement pour désespérer les HUG - à défaut de Billancourt.
La deuxième chose qu'il convient aussi de dire ici, c'est que la justice a récemment condamné le délégué d'un syndicat du secteur privé pour avoir occupé illicitement les locaux privés d'un restaurateur. Et malheureusement, ce délégué syndical aura de la peine dans la suite de la procédure, parce qu'il a justement été licencié par son syndicat, ce qui est tout à fait regrettable, mais vous savez que c'est le problème de ces crimes dont le suspect décède, on ne peut plus le poursuivre.
Cela étant, il s'agit de revenir sur le contexte. Celui-ci, Madame Schneider Hausser, n'est pas la journée à laquelle vous faites allusion, mais l'année 2003, lorsque l'Union syndicale suisse a décidé de poursuivre la Suisse devant le BIT, devant l'Organisation internationale du travail, pour manque de protection des délégués syndicaux. L'Union syndicale suisse est en gros arrivée à ses fins et il y a eu transmission d'une recommandation par l'OIT au Conseil fédéral, lequel a décidé globalement de ne pas la suivre. Pourquoi ? Parce qu'il convient de sauvegarder l'emploi en Suisse et d'éviter de le rigidifier. Mais, marginalement, il a choisi de prendre cette recommandation en question. Pour quelle raison ? Parce qu'effectivement on peut toujours procéder à des améliorations - je ne dirai pas «formelles», mais en tout cas des améliorations - qui peuvent contribuer à renforcer les rapports entre les partenaires sociaux, raison pour laquelle une modification du CO est à l'étude devant le parlement pour augmenter le délai pendant lequel un syndicaliste pourrait voir son mandat protégé.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Pierre Weiss. Eh bien j'arriverai rapidement à ma conclusion en disant que, sur le plan national, les problèmes évoqués ne méritent probablement pas un tel traitement. Sur le plan cantonal, il conviendra toujours de distinguer, lors d'un licenciement qui peut concerner un syndicaliste, si celui-ci est prononcé pour activité syndicale, auquel cas il ne peut pas l'être - je suis entièrement d'accord - mais s'il concerne la qualité insuffisante de son travail, il ne peut pas se réfugier derrière sa fonction de syndicaliste pour ne pas être renvoyé.
Deuxièmement - et c'est l'un des deux arguments - s'agissant de l'interdiction d'accès des représentants syndicaux dans les entreprises, il y a une propriété privée qui doit être respectée, surtout s'il n'y a pas de syndiqués dudit syndicat au sein de la société en question, et s'il s'agit de la part du syndicat de faire purement et simplement une opération d'agitation non motivée par la présence de syndiqués qui revendiqueraient sa présence. Pour ces raisons, il convient donc, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser cette proposition de résolution qui n'a pas de réalité suffisante.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le deuxième vice-président Fabiano Forte.
M. Fabiano Forte (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette résolution relève de la pure paranoïa. C'est comme si à Genève la liberté syndicale n'était pas garantie. (Commentaires.) La preuve c'est qu'hier soir la tribune était emplie de personnes qui venaient manifester pour un droit ou des revendications que les uns et les autres pouvaient juger légitimes ou pas. Ces gens ont pu manifester; ils ont pu le faire au sein même de leur entreprise et jamais il ne leur a été reproché de manifester et de faire entendre leurs revendications. Cette résolution pourrait faire croire qu'à Genève la liberté syndicale n'est pas garantie. C'est totalement faux, bien entendu. Ce texte vise à introduire un système à Genève, celui de la France, qui voudrait que les entreprises salarient des syndicalistes, des comités d'entreprise, donc des gens qui seraient là pour contester jour après jour les décisions des différentes directions.
Alors, si nous pouvons contester des licenciements abusifs au titre d'avoir une activité syndicale - et il est bien entendu que le groupe démocrate-chrétien conteste également ce genre de licenciements - j'aimerais vous rappeler qu'il y a une juridiction qui existe dans cette république, celle des prud'hommes, qui gère les conflits du travail. J'aimerais en outre relever ici un élément intéressant de l'exposé des motifs de cette résolution qui dit que le dialogue social est défini par la participation d'organisations d'employeurs et de travailleurs fortes et indépendantes. C'est précisément, Mesdames et Messieurs les auteurs de cette résolution, ce que vous avez voulu enterrer en soutenant un salaire minimum à Genève. Vous faites ici l'apologie du partenariat social alors que vous avez voulu l'enterrer avec votre salaire minimum ! Et le peuple vous a donné tort. Ainsi, cette résolution doit être balayée et refusée, parce qu'elle vise tout simplement à créer le chaos dans cette république.
Et quant à l'intervention des forces de l'ordre, lorsqu'une entreprise est entravée dans son activité, dans la création de richesses... Car je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés de l'Alternative, que les sociétés paient des impôts dans cette république pour financer la politique sociale que nous voulons bien avoir. Eh bien, lorsqu'une entreprise est empêchée dans son activité économique, elle doit pouvoir faire son travail. Lorsque des travailleuses et travailleurs ne souhaitent pas adhérer à un mouvement syndical et qu'ils veulent aller travailler, ils doivent être libres de regagner leur poste de travail.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Fabiano Forte. Je vais conclure, Monsieur le président, pour vous dire que l'ensemble des invites de cette résolution ne sont pas recevables. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, le groupe démocrate-chrétien vous invite à rejeter ce texte.
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Je m'inscris en faux contre ce que vient de dire mon préopinant... (Commentaires.) ...dans le sens où effectivement l'OIT a son siège à Genève, effectivement la liberté syndicale devrait être garantie pour toute personne, quelle qu'elle soit, mais dans la réalité ce n'est malheureusement pas le cas. Ce n'est pas le cas à l'Etat, puisque j'ai vécu des choses un peu étonnantes sur mon lieu de travail, il y a fort longtemps; c'était à l'hôpital il y a vingt ans... (Exclamations.) ...mais il n'empêche que cela existait ! Des personnes ont été empêchées d'aller simplement défendre des gens sur leur lieu de travail, et pour moi cela s'appelle de l'entrave à la liberté syndicale. (Commentaires.) Je dirai que, actuellement, il y a encore quelques cas également à l'Etat.
A part l'Etat, je parle de lieux de travail dans le domaine de la vente où les délégués syndicaux ont simplement été empêchés d'aller rencontrer les travailleurs, parce que leurs employeurs ont fermé la porte ou ont empêché les délégués syndicaux qui étaient eux-mêmes vendeurs ou vendeuses de se rendre sur leur lieu de travail. Il leur a aussi été dit que s'ils y allaient ou s'ils faisaient du syndicalisme, on les licencierait. C'était il y a deux ou trois ans et non pas dix ou quinze. La chose s'est passée de la même manière à l'AIG, il n'y a pas très longtemps non plus. Donc, si la liberté syndicale est prônée par tout le monde, dans les faits elle n'est pas forcément appliquée. Je pense par conséquent qu'il est bon de renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat pour obtenir son avis. Je vous remercie.
M. Stéphane Florey (UDC). M. Pierre Weiss a parfaitement résumé une partie de cette résolution en mentionnant la qualité de leur travail professionnel. En effet, une partie du problème est que les syndicalistes de plusieurs entreprises - y compris des régies autonomes de ce canton - se cachent simplement derrière leur fonction syndicale. Et aux TPG dont je fais partie, on en a eu des exemples probants où des représentants syndicaux ont des dossiers épais comme ça pour faute professionnelle grave et se protègent uniquement par le fait qu'ils ont une fonction de représentant syndical. C'est purement scandaleux ! Vous demandez simplement un renforcement pur et dur des syndicats dans les entreprises, et ça nous ne pouvons l'accepter.
Concernant ce que Mme Schneider-Bidaux a évoqué, on vous a peut-être empêchés ou certains syndicats ont été empêchés d'exercer leur fonction, eh bien moi je vais vous raconter comment cela se passe aux TPG...
Des voix. Non !
D'autres voix. Mais oui ! (Exclamations. Commentaires.)
M. Stéphane Florey. Moi personnellement, je ne suis pas syndiqué, ça fait une bonne dizaine d'années que je ne le suis plus, parce que je ne me reconnaissais tout simplement plus dans les syndicats. Mais quand vous arrivez un matin, devant le dépôt, et que les syndicats mettent clairement les véhicules en travers des portes pour empêcher les autres véhicules de sortir et les non-syndiqués d'effectuer leur travail alors qu'ils sont désireux de le faire, c'est purement scandaleux ! Vous empêchez les employés de travailler et d'accomplir leur mission de service public ! C'est pour ces simples raisons que l'UDC refusera cette résolution et vous invite à faire de même. Merci. (Applaudissements.)
Mme Lydia Schneider Hausser (S). J'aimerais juste rappeler à mon préopinant que peut-être que le syndicalisme ne lui plaît pas, mais c'est aussi grâce à ce dernier, qui quelquefois ne vous convient pas en termes d'actions, que vous avez le salaire que vous touchez, les prérogatives dont vous disposez... (Exclamations. Commentaires.) Mais oui ! Il faut le reconnaître ! (Applaudissements.) C'est comme ça que les choses ont évolué ! (Commentaires. Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Si je peux continuer, Monsieur le président, je voudrais dire que bien sûr il y a le syndicalisme - on pourrait s'étendre sur sa naissance, etc. - mais je crois qu'il y a quelque chose de fondamental que personne ici ne peut nier, c'est cette distension également - et on l'a vu tout à l'heure - du tissu économique, des conditions de travail et de la situation de l'économie, qui se durcissent chaque jour, en termes de concurrence, de marché et d'emploi. Et si l'Etat, troisième partenaire entre les employés et les employeurs, ne prend pas sa position et son rôle, on peut se demander ce qu'il adviendra de la quantité de gens qui sont dans une situation de travail précaire et qui ont la peur au ventre de perdre leur emploi. Que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur de leur entreprise, ils ont besoin de pouvoir travailler sur du collectif et de ne pas se retrouver seuls face au danger de ne plus avoir de quoi vivre le mois prochain. C'est pour cela que nous vous demandons de soutenir cette résolution. Merci beaucoup.
Le président. Merci, Madame la députée. Madame Fabienne Gautier, votre groupe a épuisé son temps de parole. S'il n'y a pas d'autre demande de parole, je mets aux voix la proposition de résolution 679.
Mise aux voix, la résolution 679 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 40 oui contre 36 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)