Séance du jeudi 13 octobre 2011 à 20h30
57e législature - 2e année - 12e session - 72e séance

M 2030
Proposition de motion de Mmes et M. Lydia Schneider Hausser, Roger Deneys, Anne Emery-Torracinta, Marie Salima Moyard, Irène Buche : La LIPP ne doit pas remettre en cause la garde partagée

Débat

Le président. La parole n'étant pas demandée, nous allons procéder au vote... (Protestations. Brouhaha.) Est-ce que tout le monde s'est décidé ? Alors on y va ! La parole est à Mme la députée Lydia Schneider Hausser.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Merci, Monsieur le président. J'attendais la fin de votre énoncé, mais voilà ! Mesdames et Messieurs les députés, je présente rapidement cette motion. L'entrée en vigueur au 1er janvier 2010 de la loi sur l'imposition des personnes physiques révisée ainsi que l'arrivée des taxations chez les contribuables à partir de juin de cette année ont montré une grave distorsion des taxations pour les personnes divorcées sous le régime d'une garde partagée de leurs enfants.

Pourquoi ? Avant, tout parent partageant la garde de ses enfants formait une famille monoparentale et était donc considéré comme famille. A ce titre, celui-ci était par conséquent au bénéfice d'un barème famille. Avec l'application de la LIPP révisée, les personnes divorcées sont soumises au splitting, le splitting ne s'appliquant qu'à un seul des deux parents.

En l'état, lorsqu'il y a une garde partagée des enfants au quotidien et qu'il n'y a pas de versement de pension alimentaire, le splitting s'applique au revenu le plus élevé des deux parents. S'il y a versement de pension alimentaire, la déduction liée au splitting est attribuée au parent qui touche la pension alimentaire. L'autre parent, de ce fait, est considéré comme célibataire en termes d'imposition. Or ce statut de célibataire provoque un bond dans la taxation de ce parent. Il est inutile de dire que c'est problématique pour des familles qui se situent au niveau du revenu médian ou qui ont des budgets serrés. Et comme vous le savez, quand on divorce, on s'enrichit rarement ! Donc quand les budgets ont été négociés au plus serré, une augmentation drastique des impôts pose un vrai problème, et cela non seulement pour le parent touché, mais également pour l'autre parent, voire aussi pour les enfants.

Il s'agit donc là d'une question urgente à traiter et je remercie la majorité de ce parlement d'avoir accepté l'urgence sur ce point. Idéalement, bien sûr, pour aller plus vite, il faudrait renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, mais nous sommes prêts à accepter un renvoi à la commission fiscale.

M. Stéphane Florey (UDC). Effectivement, Madame Schneider Hausser, nous allons demander le renvoi en commission. Nous avons pu voir ce problème évoqué dans la presse et le groupe UDC s'est fortement penché sur cet article suite auquel est probablement née cette motion. La situation peut effectivement poser problème pour un certain nombre de contribuables. Malgré tout, le fond de l'article laissait présager d'autres solutions, comme la possibilité de déduire une demi-charge. Donc, quelque part, on voit qu'il y a déjà des solutions possibles.

Néanmoins, pourquoi ne pas renvoyer cette motion en commission, pour étudier à fond la question ? Ainsi, nous aurons tout loisir d'entendre le département à ce sujet et nous pourrons prendre la décision qui s'impose quant au sort à donner à cette motion.

Le président. J'imagine, Monsieur le député, que vous parlez de la commission fiscale sans la nommer ? (M. Stéphane Florey acquiesce.) Voilà ! La parole est à Mme la députée Anne-Marie von Arx-Vernon.

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion socialiste s'inscrit tout à fait dans le droit fil des préoccupations du parti démocrate-chrétien, bien évidemment. C'est l'un des chaînons manquants et nous remercions le parti socialiste de nous proposer un renvoi en commission de cette motion.

Pour nous, ce sera la commission fiscale, parce qu'il y a des éléments extrêmement concrets qui rejoignent nos deux initiatives, comme vous le savez, Monsieur le président, pour la défiscalisation des allocations familiales et le paiement de deux rentes pleines AVS aux couples mariés. Nous sommes en train de lutter contre les injustices qui sont faites aux familles. C'est pourquoi nous avons aussi milité pour que les impôts des familles soient abaissés, et nous avons réussi !

Nous espérons que le parti socialiste pourra comprendre de ce fait pourquoi nous militons en faveur de l'allégement fiscal des familles, parce que nous savons qu'avoir des enfants aujourd'hui, c'est une raison de plus d'être pauvre. Et lorsque les familles se séparent, c'est encore une autre raison d'être pauvre.

Nous vous remercions donc d'avoir proposé cette motion, que nous vous engageons à renvoyer à la commission fiscale.

Une voix. Très bien !

M. Charles Selleger (R). En deux mots, les groupes libéral et radical voteront le renvoi de cette proposition de motion en commission. Nos groupes ont toujours été en faveur d'une équité des régimes fiscaux, indépendamment du fait d'être marié, pas marié, divorcé ou vivant en union libre. Cela s'inscrit donc dans notre politique et nous sommes favorables à une discussion plus approfondie sur cette motion en commission pour en régler les détails.

M. Pascal Spuhler (MCG). Chers collègues, nous saluons l'initiative du parti socialiste qui nous propose cette motion qui est tout à fait intelligente. Nous soutiendrons le renvoi à la commission fiscale. Il me semble important que nous puissions statuer rapidement sur ces problèmes de divorce, de garde d'enfants partagée et de fiscalité.

Le divorce, c'est assez difficile comme ça. Si, en plus, il y a des complications au niveau de l'imposition et des inégalités qui en découlent, il faut absolument pouvoir régler cela rapidement.

M. Olivier Jornot (L). Mesdames et Messieurs les députés, ça fait à vrai dire bien des années - bien avant l'entrée en vigueur de la LIPP - que des questions de ce type se sont posées. Nombreux sont par exemple les parents débiteurs qui se sont aperçus, au moment où leur progéniture atteignait la majorité, que les contributions n'étaient plus déductibles, et ils ne comprenaient pas pourquoi: ils continuaient à assumer exactement les mêmes charges, mais le fisc n'en tenait plus compte à partir d'un certain âge.

L'autre question, celle qui est soulevée par ce texte, est évidemment cruciale et d'autant plus cruciale aujourd'hui que le partage de l'autorité parentale et de la garde tend à se généraliser et devient presque la règle. Par conséquent, conserver des modèles basés sur le «tout ou rien» ne fait également aucun sens.

Toutefois, j'aimerais dire aux auteurs de ce texte que, selon moi, ils se trompent de cible. Ils se trompent de cible, parce que ce n'est pas ce pauvre Conseil d'Etat, qui se voit sommé de modifier des lois, des règlements, des pratiques et des directives, qui pourra y faire grand-chose ! A mon avis, on a ici affaire à un problème de droit fédéral. Vous savez que c'est la loi sur l'harmonisation des impôts des cantons et des communes qui règle ce genre de questions, très largement.

Il s'imposerait de renvoyer ce texte en commission, notamment pour qu'on puisse déterminer si la meilleure chose à faire est en effet de demander au Conseil d'Etat d'agir, ou s'il ne serait pas mieux de se tourner vers les autorités fédérales pour que, précisément, des mesures soient prises là où elles peuvent être prises, de manière concrète et efficace.

Cela dit, nous sommes tellement préoccupés sur le fond que nous n'allons pas vous faire grief de cette erreur d'aiguillage, et nous soutiendrons votre texte sans le renvoyer en commission.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le conseiller d'Etat Pierre-François Unger.

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat est conscient de cette situation et c'est un vrai problème. Nous y sommes confrontés régulièrement, d'autant plus régulièrement que la garde partagée est quelque chose qui a effectivement pris beaucoup d'ampleur ces derniers mois voire ces dernières années.

M. Hiler, avec lequel nous avons parlé de ce texte, partage l'avis de M. Jornot. En première analyse, il nous apparaît que ce problème est un problème de droit fédéral. Toutefois, dans la mesure où nous n'aurions pas forcément à changer quelque chose au niveau cantonal, mais à vous répondre sur ce qu'il conviendrait de modifier au niveau fédéral, je vous suggérerai - comme il en était d'ailleurs question dans un projet de loi qui a malheureusement été refusé en début de session - de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, qui vous répondra après avoir réalisé l'étude nécessaire, sauf si vous bouillez vraiment d'impatience d'en parler en commission.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes donc en procédure de vote, avec une demande de renvoi... (Commentaires.) Plusieurs d'entre vous ont demandé le renvoi à la commission fiscale...

Des voix. Au Conseil d'Etat !

Le président. Etes-vous d'accord de voter sur la motion directement ? Très bien !

Mise aux voix, la motion 2030 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 70 oui (unanimité des votants).

Motion 2030