Séance du
jeudi 1 septembre 2011 à
14h
57e
législature -
2e
année -
10e
session -
64e
séance
R 627
Débat
M. Stéphane Florey (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette résolution est issue de la conclusion d'une constatation, à savoir que les pistes cyclables sont malheureusement sous-utilisées à Genève. Vous pouvez faire de nombreux kilomètres dans notre canton, et surtout en ville de Genève, et constater que très peu de conducteurs de vélos utilisent les pistes cyclables - ces derniers préférant certainement emprunter les trottoirs et autres voies de bus... Blague à part, ce que nous demandons, comme je l'ai dit, c'est une meilleure répartition des voies de circulation.
Il faut également tenir compte du fait que les 50 cm3 ont largement remplacé les vélomoteurs, puisque vous savez que ces derniers sont les seuls véhicules motorisés à pouvoir utiliser les pistes cyclables. Mais il y en a de moins en moins. Actuellement circulent entre 2300 et 2500 vélomoteurs à Genève, ce qui est beaucoup moins, par exemple, que dans les années 80 où il y en avait énormément. En effet, les jeunes préfèrent non pas passer leur permis à 14 ans, mais attendre d'avoir 16 ans pour pouvoir conduire un véhicule beaucoup plus adapté et sécurisant, puisqu'au niveau freinage et circulation on est beaucoup plus en sécurité sur un scooter que sur un vélomoteur. Voilà pour les... Pardon... (Quelques instants s'écoulent.) J'ai perdu le fil.
Le président. Vous avez terminé, Monsieur le député ?
M. Stéphane Florey. Voilà ! Ce que nous demandons, c'est, en résumé, une meilleure répartition des voies de circulation. Nous vous remercions d'accepter cette résolution.
Le président. J'en déduis que vous avez terminé, Monsieur le député. La parole est à M. Patrick Saudan.
M. Patrick Saudan (R). Monsieur le président, vous transmettrez à l'auteur de cette résolution qu'à titre personnel je suis très très dubitatif sur le bien-fondé de ce texte. Je suis déjà très dubitatif sur la véracité du cinquième considérant, dans lequel l'auteur affirme que les bandes et les pistes cyclables sont sous-utilisées. Si l'on en croit le bureau de prévention des accidents, il y a environ 3 millions de Suisses qui utilisent régulièrement ou occasionnellement le vélo, et, depuis dix ans, l'augmentation du trafic cycliste est d'environ 50%. Donc, où sont passés ces cyclistes ? Je suis très dubitatif pour des raisons de sécurité et d'encouragement à une politique globale de mobilité douce, surtout en faveur des jeunes, et cette résolution me paraît inadéquate.
Néanmoins, j'ai l'honneur et le plaisir d'appartenir à un parti où plusieurs sensibilités s'expriment, et la place des motocyclistes, des motocycles de faible cylindrée sur la voirie, interpellent certains de mes collègues de notre groupe. C'est pourquoi nous ne sommes pas opposés à un renvoi de cette résolution à la commission des transports, où, je l'espère, certaines auditions seront faites, qui démontreront l'inanité de ce texte. Je vous remercie.
Le président. La parole est à l'apologue de cette question: M. le député Roberto Broggini.
M. Roberto Broggini (Ve). Merci, Monsieur le président. Cette résolution est contraire à la loi sur la circulation routière qui est le droit supérieur. Actuellement, l'OFROU - Office fédéral des routes - a mis à l'enquête, ce printemps, une extension de l'utilisation des pistes cyclables notamment pour les rollers et autres moyens de mobilité douce. Nous avons une extension extrêmement importante du parc des vélos électriques, qui eux peuvent prendre les pistes cyclables. Vous avez vu dernièrement qu'il y a à Genève des taxis électriques qui commencent à fonctionner et qui, selon la révision de l'ordonnance sur la circulation routière et la mise à l'enquête de l'Office fédéral des routes, pourront également utiliser ces voies: cela n'entre absolument pas dans l'esprit de l'initiative 144 qui a été votée par le peuple ce printemps. Votre proposition reviendrait à dire que les cyclistes pourraient également emprunter l'autoroute ! Si nous avons créé des pistes cyclables, c'est justement pour défendre les intérêts des cyclistes; les autoroutes, c'est pour les voitures et les motos ! Et vous suggérez, par cette extension, que je puisse, avec mon vélo, prendre l'autoroute des Jeunes pour relier le Bachet à la Jonction... C'est une absurdité ! Nous ne pourrons pas voter cette résolution. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, cette résolution part d'une bonne intention consistant à protéger une catégorie d'usagers de la route, qui sont nos jeunes, qui, effectivement, de plus en plus souvent, ont troqué le vélomoteur contre ces motocycles légers ou scooters - vous les appellerez comme vous voudrez - de fait, des cylindrées. Et il est vrai qu'ils sont de plus en plus nombreux à rouler sur nos routes. De là, pour protéger une catégorie d'usagers, à mettre en danger d'autres catégories, le PDC ne pourra pas suivre cette volonté.
Quant à prétendre, comme vous le faites, que les pistes cyclables de notre canton sont sous-utilisées, eh bien, je crois qu'il est clair que, chaque jour, on peut voir au contraire que davantage de cyclistes fréquentent notre réseau. Nous avons bon espoir - en tout cas au PDC - qu'en suivant l'application de la nouvelle initiative, et une fois que le réseau sera complété, nous aurons encore davantage d'usagers qui emprunteront régulièrement ces pistes cyclables.
Donc, autoriser - pour autant que cette résolution soit acceptée et que la Berne fédérale aille dans ce sens - des véhicules qui, malgré tout, peuvent atteindre des vitesses allant bien au-delà de 60 km/h et qui pourraient cohabiter avec les vélos des enfants qui empruntent les mêmes pistes pour se rendre à l'école, ce serait là aussi irresponsable, pour la sécurité de ces derniers en particulier. Donc, nous considérons que - comme cela avait d'ailleurs été relevé par plusieurs d'entre vous lors des débats sur l'initiative 144 - s'il est vrai que certains cyclistes mettent en danger les piétons en roulant sur les trottoirs, il est, à nos yeux, aussi aberrant de permettre que les motocyclistes, même légers, mettent en danger la vie des jeunes qui circulent à vélo sur les réseaux cyclables. C'est la raison pour laquelle nous refuserons cette résolution.
Mais nous sommes également sensibles aux deux-roues motorisés. Nous sommes conscients que cette catégorie d'usagers de la route contribue au désengorgement du trafic et qu'il est aussi important d'avoir à l'esprit de défendre un certain nombre de leurs préoccupations, notamment au niveau du stationnement. Sachez que la commission des transports, à travers l'étude du plan directeur du stationnement, se préoccupe de cette catégorie, de plus en plus conséquente il est vrai, des deux-roues motorisés. Donc, nous vous incitons à ne pas perdre de vue cette dernière, mais à refuser cette résolution qui, à l'avenir, occasionnerait un danger certain pour les cyclistes.
Je terminerai, Monsieur le président, en m'étonnant tout de même que cette résolution qui vise une modification de la loi fédérale vienne de l'UDC genevoise, alors que, en tout cas pour le moment, les parlementaires UDC à Berne sont suffisamment nombreux pour pouvoir mener ce débat là où il devrait l'être, c'est-à-dire au Parlement fédéral.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, je peux reprendre, pour le parti socialiste, la première partie de l'intervention de M. Saudan, les propos de M. Broggini, ainsi que ceux de M. Gillet.
L'hypothèse consistant à dire que les cyclomoteurs, les petites motos, pourraient rouler sur les pistes cyclables est véritablement problématique dans la mesure où les cyclistes utilisent les pistes cyclables parce qu'ils roulent à une vitesse relativement lente par rapport aux motos. Et c'est vrai que le fait qu'ils s'y sentent en sécurité est la condition sine qua non pour qu'ils les empruntent. L'affirmation selon laquelle elles seraient sous-utilisées ne tient certainement pas la route - c'est le cas de le dire. Il y a la question de la vitesse, plus celle de la motorisation, qui est une véritable agression pour les cyclistes; parce que si vous vous trouvez dans un endroit sans moteurs, c'est bien parce que vous ne souhaitez pas avoir les gaz d'échappement qui viennent vous perturber dans vos déplacements ! Donc, l'affirmation que nous avons entendue me semble extrêmement contre-productive.
En l'occurrence, si le but de cette résolution est d'inciter les cyclistes à utiliser encore davantage les trottoirs, je pense que c'est exactement ce qu'il faut faire ! Parce qu'en réalité le problème c'est que le réseau de pistes cyclables n'est pas suffisamment continu, ni suffisamment sécurisé, et ce sont les conditions sine qua non pour que les cyclistes n'utilisent que ces aménagements. Et il ne faut surtout pas les dissuader de les utiliser ! Le message est extrêmement négatif pour les usagers de la mobilité douce, dans cette résolution, et c'est vrai que les scooters et motos rencontrent des difficultés, puisqu'ils ne sont pas forcément reconnus en tant que tels dans les lois fédérales sur la circulation routière. Mais je ne pense pas qu'en les associant avec les cyclistes - qui se déplacent à la force du mollet - on va régler les problèmes. Cette proposition ne va pas du tout dans la bonne direction, sauf à vouloir mettre davantage en danger les piétons qui sont sur les trottoirs.
M. Eric Stauffer (MCG). Nous sommes toujours effarés, au MCG, quand on entend un certain discours du PDC. C'est: «Nous sommes sensibles... Il faut trouver une solution pour les deux-roues motorisés, mais on vous demande de rejeter ce texte parlementaire.» Non, mais c'est extraordinaire ! C'est je t'aime, moi non plus ! «Nous sommes contre les criminels, mais ne les mettez surtout pas en prison ! Mais nous sommes sensibles au problème de la criminalité à Genève...». C'est extraordinaire ! Et je ne comprends pas comment on peut prendre la parole pour dire des choses comme ça.
Mesdames et Messieurs les députés, il existe un arrêt du Tribunal fédéral qui confirme que l'utilisation des bandes cyclables - il y a une différence avec les pistes, et je vais vous l'expliquer - est autorisée pour les deux-roues motorisés: les motos et scooters. (Remarque.) En tant que secrétaire général de l'ADSM, association de défense des scooters et des motards, dont le président est l'avocat Buonomo - je crois, proche des milieux PDC - je pense qu'il se fera un plaisir de vous donner cet arrêt du Tribunal fédéral.
Moi, ce que je vous propose, Mesdames et Messieurs, c'est de renvoyer ce texte à la commission des transports, pour avoir toute la lumière sur ce que je viens de vous dire. Parce que l'arrêt du Tribunal fédéral existe ! Au moins, même si ce texte est rejeté ensuite, nous aurons l'explication légale et définitive de l'utilisation.
Quelle est la différence entre une bande cyclable et une piste cyclable ? Pour autant qu'il n'y ait pas de construction - c'est-à-dire ces petits trottoirs avec un dévers - ça c'est une piste cyclable interdite à une utilisation autre que par les vélos. Par contre, si c'est simplement une bande sur la route, alors c'est autorisé. Et l'arrêt du Tribunal fédéral va dans ce sens. Donc, je vous demande, Mesdames et Messieurs, le renvoi de ce texte parlementaire en commission. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Votre connaissance de l'ensemble de l'oeuvre de Georges Brassens m'impressionne. La parole est à M. Stéphane Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Juste quelques remarques par rapport à ce que je viens d'entendre. On a beaucoup entendu parler de vitesse. Mais je vous rappellerai qu'un véhicule de 50 cm3 et de moins de 11 kW est censé aller à une vitesse approximative de 50 km/h; or les vélos électriques de dernière génération atteignent largement cette vitesse ! (Brouhaha.) Qu'est-ce qui est le plus dangereux pour les soi-disant piétons évoqués par le parti socialiste ? C'est de se faire shooter par un vélo électrique allant à 50 km/h ou par un scooter ? Le danger est exactement le même ! (Brouhaha.)
Donc il n'y a aucune mise en danger des piétons ! Ce que nous proposons - et je le rappelle - c'est une meilleure répartition des voies de circulation et d'ouvrir simplement les pistes cyclables aux deux-roues à faible motorisation. C'est uniquement ça.
Et, Monsieur Broggini, arrêtez de mélanger la chèvre et le chou en parlant d'autoroute et de je ne sais quoi d'autre ! Merci, Monsieur le président. Et... J'ajouterai juste que, bien évidemment, nous ne serons pas opposés à un renvoi en commission. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Florian Gander, à qui il reste une minute trente.
M. Florian Gander (MCG). Je vous remercie, Monsieur le président. Ce qui est étonnant ici, c'est qu'on voit clairement qui roule à vélo et qui roule à scooter ! Moi, je me pose cette question: ceux qui roulent à vélo électrique - des véhicules motorisés électriques - ont-ils le droit ou pas d'utiliser les bandes ou les pistes cyclables ? On va pouvoir amener un débat énorme sur ce sujet.
Ce qui m'inquiète, quand j'entends les propos de M. Broggini, qui nous dit que les cyclistes sont en sécurité sur les pistes cyclables... Qu'est-ce que je devrais dire des automobilistes, quand ils voient des cyclistes sur les bandes de circulation de véhicules à quatre roues ? Je vais juste prendre un petit exemple. Pour venir ici ce matin, de Bernex jusqu'au parlement, huit cyclistes n'ont pas respecté la signalisation des feux rouges ou la priorité de droite ! Et vous voulez dire que ce sont les motocyclistes ou les voitures qui mettent en danger les cyclistes, ou l'inverse ? Alors je suis d'accord qu'on laisse la piste cyclable aux cyclistes, mais, à ce moment-là, on leur fait passer un permis de conduire ! Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Roger Deneys, à qui il reste quarante secondes.
M. Roger Deneys (S). Si votre problème, c'est les vélos électriques qui roulent trop vite, votre résolution est à côté de la plaque ! On pourrait bien se poser la question des vélos électriques. Parce que, comme tout véhicule, c'est le nombre qui pose problème ! Ce n'est pas l'existence d'un éventuel scooter, une fois, sur une piste cyclable, c'est la généralisation qui pose problème. Ici, vous proposez de généraliser la mesure, sous prétexte qu'il y aurait des vélos électriques... Dans les deux cas, c'est un très mauvais signal à destination des cyclistes, qui fonctionnent à la force du mollet. Pour cette simple raison, il faut soit renoncer à votre texte, soit en déposer un autre, mais il ne s'agit absolument pas d'imaginer que...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Roger Deneys. ...parce qu'il y aurait des vélos électriques, cette résolution aurait un sens. Il faut donc la refuser. Et si le renvoi en commission peut permettre d'avoir des chiffres plus clairs pour vous, tant mieux ! Espérons que vous les examinerez !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Charles Selleger, à qui il reste une minute trente.
M. Charles Selleger (R). Sans vouloir trop allonger le débat, je m'étonne que M. Deneys puisse s'offusquer de la cohabitation de véhicules qui roulent à des vitesses différentes sur les pistes cyclables et dont le gabarit est assez semblable. Il semble oublier qu'il existe des pistes de bus; et là je parle de véhicules qui sont autrement plus importants en volume que les motocyclistes. Il existe des pistes de bus où les cyclistes sont également autorisés à circuler, et cela ne pose aucun problème.
Je crois qu'il faut revoir la distribution de la voirie en fonction des usagers, et ceci également selon l'évolution de l'utilisation de ces véhicules. On voit actuellement qu'il y a de plus en plus de deux-roues motorisés: il faut leur faire une place logique, une place sécurisée. Et si cette place sécurisée utilise par moments des pistes ou des voies cyclables, je n'y vois pas d'inconvénient.
Par contre, je vois un gros problème lorsqu'on dessine des pistes cyclables sur des trottoirs, par exemple au quai Wilson, où l'on met nettement en danger non pas les motos ou les voitures, mais les tricycles et les poussettes. En définitive, je demande le renvoi de cet objet parlementaire à la commission des transports.
Le président. Oui, cela a déjà été fait. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à Mme la conseillère d'Etat.
Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Au risque de sonner l'hallali sur cette résolution, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais juste vous rendre attentifs au fait que le message délivré serait totalement brouillé, dans la mesure où il serait inadéquat au regard de la législation fédérale ou cantonale ayant pour but de renforcer la sécurité routière et la mobilité. Les risques d'accidents seraient augmentés.
Nous avons eu l'occasion, avec le Conseil d'Etat, de passer quelques jours à Berlin, la semaine dernière; nous avons roulé à vélo, et je peux vous dire que les routes, les rues, se prêtent complètement à une cohabitation tout à fait efficace et agréable entre les voitures, les cyclomoteurs, les engins motorisés, les piétons et les vélos. Mais je crois qu'ici, considérant les risques d'accidents pour les personnes les plus vulnérables - et là, je parle des enfants, bien sûr, qui sont extrêmement nombreux aux abords des écoles et de plus en plus nombreux aussi à emprunter les pistes cyclables - eh bien, je pense qu'on augmenterait les risques d'accidents, sans pour autant renforcer la fluidité de la circulation ni, surtout, la mobilité, chère au Conseil d'Etat.
Le président. Nous sommes en procédure de vote. Dans un premier temps, nous allons nous prononcer sur le renvoi de cette résolution à la commission des transports.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 627 à la commission des transports est adopté par 43 oui contre 35 non et 1 abstention.