Séance du jeudi 1 septembre 2011 à 10h05
57e législature - 2e année - 10e session - 63e séance

R 563
Proposition de résolution de Mmes et MM. Pablo Garcia, Didier Bonny, Andreas Meister, Christian Brunier, Virginie Keller, Patrick Saudan, Brigitte Schneider-Bidaux, Laurence Fehlmann Rielle, Anne Emery-Torracinta, Alain Etienne, Roger Golay, Sylvia Leuenberger, Lydia Schneider Hausser, Ariane Wisard-Blum, Michèle Ducret, Alberto Velasco, Mathilde Captyn, Michèle Künzler, Véronique Pürro, Frédéric Hohl, Gabriel Barrillier, Sébastien Brunny, Pascal Pétroz, Guillaume Barazzone, Béatrice Hirsch Aellen, François Gillet, Nelly Guichard, Anne-Marie von Arx-Vernon, Michel Forni, Fabiano Forte, Jean-Claude Ducrot, Mario Cavaleri, Emilie Flamand, Damien Sidler, Jean Rossiaud, Catherine Baud, Pierre Losio, Anne Mahrer du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonal à propos de la modification de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (modification de l'art. 8 al. 2) et de la modification du Code Pénal suisse (art. 261bis)

Débat

Mme Anne Mahrer (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, nombre d'entre vous se souviendront des débats concernant la motion 1823, laquelle est liée à la résolution que nous traitons aujourd'hui. Ces débats ont mis en lumière les discriminations quotidiennes que subissent encore les personnes homosexuelles, et surtout la nécessité de renforcer notre législation fédérale. De plus, à l'époque le rapport du Conseil d'Etat sur cette motion n'apportait pas de réponse satisfaisante. C'est donc la résolution 563 qui propose d'amender l'article 8 de la Constitution fédérale ainsi que l'article 261bis du code pénal suisse, ce qui permettrait d'inscrire clairement l'interdiction de la discrimination basée sur l'orientation sexuelle.

Les Verts proposent un amendement à cette résolution étant donné que des débats ont eu lieu dans le cadre de la commission des droits humains de l'ONU. Et pour que cet amendement soit discuté de manière sérieuse, pour que sorte des débats un rapport circonstancié, les Verts proposent de renvoyer cet objet à la commission des Droits de l'Homme, en espérant que vous voterez l'amendement que nous transmettrons à cette dernière et que cette résolution sera ensuite renvoyée au Conseil fédéral. Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie de votre attention.

Présidence de M. Pierre Losio, premier vice-président

M. Frédéric Hohl (R). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je suis désolé de venir avec cela, mais le mariage de notre collègue nous a fait passer trop vite sur le point 9 «Annonces et dépôts». J'annonce donc le retrait, au point 39, de la résolution 584. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Il en est pris acte.

M. Manuel Tornare (S). Monsieur le vice-président, Mesdames et Messieurs, dans le domaine de la reconnaissance d'une orientation sexuelle autre ou de la lutte contre l'homophobie, je crois que nous pouvons être assez fiers de Genève et de la Suisse. En comparaison avec des pays comme la Russie, le Cameroun - vous avez vu que, dernièrement, des homosexuels y ont été fusillés - ou l'Inde qui, en matière de lutte contre les homosexuels, a malheureusement vraiment une palme d'or, Genève et la Suisse peuvent quand même être fiers, je le répète, même si çà et là il est vrai que nous pouvons lire des textes de partis politiques d'extrême droite ou d'officines proches d'eux qui publient parfois des communiqués très homophobes. A Genève, on a eu le PACS bien avant 2005; on a eu le partenariat fédéral enregistré, qui est peut-être, au niveau des avancées pour les homosexuels, moins progressiste que ne le fut le PACS genevois, mais enfin il a le mérite d'exister. Cependant, il est vrai que, dans le droit pénal et la Constitution, il manque la notion d'orientation sexuelle.

Depuis de nombreuses années, grâce à la commission fédérale contre le racisme, grâce à la LICRA, etc., il y a eu vraiment une lutte contre les discriminations, contre le racisme, mais on a souvent occulté cette dimension-là, c'est-à-dire celle de l'orientation sexuelle. Et dans un pays démocratique comme le nôtre, nous nous devons d'agir sur deux volets, comme l'a dit ma collègue Verte, à savoir au niveau de la Constitution fédérale et du code pénal.

Je terminerai en disant que j'ai apprécié, je le dis, comme d'autres, de tous les partis politiques, le discours de M. Mark Muller, président du Conseil d'Etat, qui, au nom de ce même Conseil, est allé dans ce sens cet été à la Gay Pride. Je verrais donc mal que certains partis refusassent la proposition que nous faisons, c'est-à-dire de demander aux autorités fédérales de mentionner l'orientation sexuelle comme étant une discrimination honteuse et inacceptable dans un pays aussi démocratique que la Suisse. (Applaudissements.)

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Pour le parti démocrate-chrétien qui est cosignataire de cette résolution, avec les autres partis qui vont s'exprimer ou qui l'ont déjà fait, l'idéal serait qu'aujourd'hui il n'y ait plus besoin de ce genre de texte, Monsieur le président. Idéalement, que l'on soit hétérosexuel, homosexuel, transsexuel ou transgenre, il faudrait qu'on ait le droit à l'indifférence et que les actes homophobes, les violences verbales ou physiques à l'encontre de ces personnes ne constituent plus un danger, avec un risque même d'augmentation. Aujourd'hui, nous sommes inquiets de la relative impunité de ces actes, par manque de clarification de la norme fondamentale, effectivement, et ce risque-là affaiblit jusqu'ici les sanctions nécessaires. C'est pourquoi nous sommes évidemment convaincus de la nécessité de renforcer notre législation fédérale, car nous devons aussi être extrêmement attentifs à une chose, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que les personnes les plus fragiles, lorsqu'elles sont en recherche ou qu'elles ont trouvé leur identité sexuelle, ont un plus haut risque de suicide que les autres s'il s'agit de personnes homosexuelles ou transsexuelles. Cela est inacceptable, et nous avons tous une responsabilité dans le fait que ces personnes se sentent accueillies, respectées, et comme nous. C'est pourquoi nous sommes pour le renvoi à la commission des Droits de l'Homme, que nous pourrions appeler aujourd'hui la commission des droits humains, et nous soutiendrons l'amendement Vert. Je vous remercie.

M. Eric Bertinat (UDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, l'UDC n'a jamais caché son opposition à l'article 261bis qui limite la liberté d'expression et qui, d'un point de vue juridique, est une disposition légale ratée. Même des juristes expérimentés comme Jörg Rehberg, professeur de droit pénal, parlent d'un «projet de loi formulé de manière peu heureuse». Malheureusement, ce dysfonctionnement évident ne fait guère l'objet de discussions publiques. La raison est simple: cette réglementation légale se révèle être un véritable tabou politique. Rares ont été les lois dans le passé à provoquer autant de questions et de difficultés d'interprétation et d'application que l'article 261bis; même le Conseil fédéral l'admet. Il est vrai que l'article 261bis du code pénal suisse pose des problèmes d'interprétation avec ses notions juridiques imprécises. Or, par sa nature même, le droit pénal doit avant tout éviter les notions juridiques imprécises. Aujourd'hui, on nous propose de compliquer davantage cet article sur un sujet qui, encore une fois, relève plus de la morale et de la sphère privée que de l'ordre public. L'UDC refusera donc cette résolution.

M. Patrick Saudan (R). Mesdames et Messieurs les députés, mon préopinant s'est perdu en arguties juridiques. Nous, nous voyons simplement la réalité sur le terrain: l'homophobie est une problématique importante et c'est pourquoi il y a bon nombre de cosignataires de notre parti pour cette résolution.

Le PLR est fondamentalement d'accord avec les modifications législatives proposées par cette résolution, et nous étudierons avec bienveillance l'amendement des Verts en commission des Droits de l'Homme. Une autre raison pour y renvoyer cette résolution, c'est que, en lisant l'exposé des motifs, vous voyez que beaucoup de délits y sont rapportés. Et c'est vrai que la réponse du Conseil d'Etat à la motion 1823 a été extrêmement succincte, nous a laissés sur notre faim et n'était pas à la hauteur de cette problématique, raison pour laquelle je pense qu'un renvoi à la commission des Droits de l'Homme, qui donnera lieu à un rapport un peu plus fourni, est une bonne chose. Nous vous encourageons donc à renvoyer cette résolution à la commission des Droits de l'Homme. Je vous remercie.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Le groupe MCG soutiendra le renvoi de cette résolution à la commission des droits humains.

L'autre remarque va dans le sens où il nous apparaît encore invraisemblable qu'on soit obligé aujourd'hui de devoir lutter de manière pénale par rapport à l'expression ou à l'orientation sexuelle d'une personne. Il s'agit, à notre avis... Il est dit ceci: «Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie...» Pourquoi faut-il encore ajouter «de son orientation sexuelle» ? Cela devrait appartenir à la sphère tout à fait privée, qui doit être protégée, mais il faut se rappeler qu'entre 1939 et 1945, pour ne pas aller plus avant, nous avons trouvé dans les camps de concentration aussi bien des juifs - dont on parle souvent, bien sûr - des Tziganes, des Roms, des politiques, mais aussi des homosexuels, qui étaient complètement discriminés. Est-ce que nous avons évolué depuis cette époque-là ? Je crois que oui. Nous avons mieux compris la complexité de l'être humain, la subtilité de ses émotions, le fait que l'on puisse également être bisexuel, le fait que l'on parle d'une manière beaucoup plus spontanée de la sexualité aujourd'hui, ce que je ne prendrai pas comme une problématique, mais simplement comme un fait, un acte, une évolution qui dépend de l'être humain. La sexualité n'est pas une problématique en soi, c'est tout simplement une possibilité, une fonction qui appartient à l'être humain.

Nous soutenons donc la résolution de manière extrêmement claire et nous pourrons analyser cela d'une façon plus positive et constructive en tenant compte de l'évolution récente juridique, mais aussi historique, afin d'inclure cela dans les droits humains, tels que nous les considérons aujourd'hui. Merci de votre attention.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole n'étant plus demandée, je mets maintenant aux voix le renvoi de cette résolution à la commission des Droits de l'Homme.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 563 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est adopté par 66 oui contre 8 non.