Séance du
jeudi 23 juin 2011 à
14h
57e
législature -
2e
année -
10e
session -
54e
séance
PL 10709-B et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. La parole est à Mme le rapporteur Anne-Marie von Arx-Vernon.
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Je dirai juste un mot concernant le projet de loi 10709. Mesdames et Messieurs les députés, à l'issue d'un débat nourri en commission des finances, la sagesse l'a emporté en soutenant, à l'unanimité de la commission, l'approbation de ce projet de loi 10709. Ce projet de loi est issu du protocole d'accord négocié par le Conseil d'Etat avec les délégués du cartel des syndicats de la fonction publique au sujet du projet de fusion et de redressement financier des caisses publiques de retraite. Mesdames et Messieurs les députés, la commission des finances vous remercie de bien vouloir voter ce projet de loi 10709.
Présidence de M. Pierre Losio, premier vice-président
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts sont satisfaits de l'accord qui a pu être trouvé quant aux nouveaux statuts de la CIA, la caisse de prévoyance du personnel enseignant et des fonctionnaires cantonaux. Nous estimons, compte tenu de la situation financière de la caisse - en particulier le taux de couverture, insuffisant pour répondre aux nouvelles normes fédérales - que cet accord est un bon changement. Et les changements de statuts étaient indispensables. Le rehaussement de trois points du taux de cotisation est nécessaire si l'on veut garantir à long terme l'équilibre financier du plan de prévoyance offert aux assurés. Le déséquilibre actuel qui est constaté s'inscrit en effet dans un contexte démographique, à savoir l'allongement de la durée de vie, qui engendre des effets importants sur les institutions de prévoyance et notamment la CIA.
Nous tenons à souligner que l'effort consenti pour assainir la situation de la caisse est certes conséquent mais qu'il est supporté pour 55% par le personnel et pour 45% par l'Etat. Ces chiffres démontrent bien que, malgré le maintien - souhaité par les Verts - de la répartition du taux de cotisation de deux tiers/un tiers, qui passera à 27% en trois ans, le personnel va devoir bel et bien fournir un gros effort pour assainir la situation de la caisse.
Il faut également souligner que les pensionnés participeront aussi à cet effort. L'accord conclu prévoit en effet que les pensionnés renoncent temporairement à 1% de l'indexation. Cette solidarité intergénérationnelle est à souligner car elle permet une réduction conséquente des dépenses et, ainsi, de ne pas augmenter de quatre points le niveau de cotisation.
Mesdames et Messieurs les députés, pour conclure, je voudrais dire que les Verts saluent donc ce projet de loi. Ils tiennent à souligner le rôle constructif qu'ont joué, dans la négociation avec le Conseil d'Etat, le comité de la CIA ainsi que les syndicats, à l'exception regrettable de SSP/VPOD. Les Verts regrettent cependant que ce projet n'ait pas pu être adopté plus rapidement: les attaques du parti libéral contre ce projet d'accord se sont avérées particulièrement contreproductives et le retard pris à adopter ce projet de loi, fort coûteux. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Edouard Cuendet.
M. Edouard Cuendet (L). Merci, Monsieur le président. Ce sont 56% ! Chers collègues, 56% de taux de couverture ! Ce chiffre devrait vous faire froid dans le dos ! Dans le monde réel de l'entreprise privée, ça fait longtemps que des mesures drastiques auraient été prises pour redresser la situation ! Mais, à l'Etat, c'est différent. L'Etat est soi-disant pérenne. Vu ce qui se passe en Grèce actuellement, on peut se demander si cette réalité est toujours exacte...
Quoi qu'il en soit, on a assisté à une complaisance coupable face à la dégradation progressive de la situation des comptes de la CIA, puisque, année après année, le découvert s'est creusé pour atteindre ce chiffre calamiteux de 56%. Si l'on atteint 50%, des mesures drastiques doivent être prises, et elles ne seront pas ordonnées par notre Grand Conseil ni par le Conseil d'Etat, mais par l'autorité de surveillance à Berne, avec des coûts pour toutes les parties prenantes au dossier.
A Genève, nous avons donc regardé passer le train, qui s'enfonçait... Enfin, le bateau, plutôt - le Titanic - qui s'enfonçait au fur et à mesure. Pourtant, il y avait des signaux d'alarme ! Les signaux d'alarme étaient notamment que les engagements de l'Etat vis-à-vis des caisses figuraient en pied de bilan. Mais, un pied de bilan, c'est une chose bien théorique qui, au fond, n'intéresse que les agences de cotation et, accessoirement - et c'est intéressant - la Confédération, qui les inclut dans le taux d'endettement de l'Etat. Mais ça ne faisait ni chaud ni froid au niveau gouvernemental et aussi, d'ailleurs, du Grand Conseil. La situation s'est tellement dégradée que la sonnette d'alarme - enfin, que des mesures ont quand même dû être prises. Et l'affaire a été saisie à bras le corps, trop tardivement.
Alors, quand Mme Forster Carbonnier reproche au parti libéral d'avoir fait durer les débats, c'est une douce plaisanterie ! La responsabilité se trouve au niveau de la caisse, qui a traîné les pieds, elle se trouve au niveau du Conseil d'Etat qui a également traîné les pieds. Je rendrai quand même hommage à ce Conseil d'Etat - malgré sa lenteur, en fin de compte - qui a vraiment pris le taureau par les cornes, qui a réuni les personnes autour d'une table et qui a négocié de manière ferme, on peut le dire - et j'y viendrai plus tard. Mais alors, reprocher cela au parti libéral, c'est simplement ridicule.
Ensuite, la commission a procédé à de nombreuses auditions, et personne ne serait étonné d'apprendre que, dans les bancs de gauche, on a reproché aux «affreux spéculateurs» la situation déplorable de la caisse. On a dit que ce n'étaient que les marchés boursiers qui étaient la cause de ce trou abyssal... Eh bien non, les experts entendus nous ont dit d'ailleurs - comme l'a relevé Mme Forster Carbonnier honnêtement, et je la salue pour cela - nous ont dit que c'était un problème non pas conjoncturel mais profondément structurel, dû à la structure et à l'évolution démographique, et peut-être aussi à la structure du plan de prévoyance. Celui-ci, comme vous le savez, est non pas un plan prévoyant la primauté des cotisations, comme dans le monde réel, mais, au contraire, un plan prévoyant la primauté des prestations, qui, de par nature, est plus généreux et plus coûteux !
Le projet que vous avez à traiter ici n'est qu'un apéritif, au fond. Ce n'est que l'apéritif annonciateur d'un projet de loi beaucoup plus ambitieux, qui aura pour but final la fusion de la CEH et de la CIA, avec comme conséquence financière... On a évoqué des chiffres de 6 à 8 milliards à assumer sur quarante ans, ce qui représente des centaines de millions par année. Les enjeux financiers sont donc considérables globalement, et il faut regarder le tableau au-delà de ce projet de loi spécifique.
Dans ce contexte, on ne peut que s'étonner de la frilosité... Et même, on a vu des grèves dans les écoles, contre ces réformes nécessaires, indispensables et urgentes, sous prétexte qu'elles venaient en atteinte aux acquis - alors que les acquis pouvaient être perdus dans des mesures beaucoup plus graves si le taux de 50% était atteint. Heureusement, suite, je pense, à une prise de conscience face à une situation désastreuse, la majorité des syndicats - comme l'a dit Mme Sophie Forster Carbonnier - est revenue à la raison. Et, après un référendum interne - un référendum interne dont je ne conteste en rien la pertinence, puisqu'au fond ça fait partie du statut et des règlements...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !
M. Edouard Cuendet. C'est simplement ce référendum qui a aussi largement retardé le débat. Les syndicats, pour finir, sont revenus à la raison, ont accepté l'accord qui leur était proposé. C'est pourquoi, après des débats longs et fructueux - pour finir - le parti libéral-radical dans sa grande majorité s'est rallié à cet accord et a voté le projet de loi qui vous est soumis. Je dois dire que, si la SSP/VPOD avait l'idée saugrenue de lancer un référendum contre ce texte, elle prendrait une très lourde responsabilité et augurerait très mal des travaux à venir pour le projet qui va nous être soumis dès l'automne. Je vous remercie.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je me permets de vous rappeler, comme il l'a été annoncé aux chefs de groupe en tout début d'après-midi et comme l'a indiqué le président Gautier tout à l'heure: c'est cinq minutes par groupe pour les trois projets de lois ! Donc, tenez-en compte dans vos interventions. Je vous remercie. La parole est à M. le député Guy Mettan.
M. Guy Mettan (PDC). Merci, Monsieur le président. Le parti démocrate-chrétien acceptera ce projet de loi parce qu'effectivement il y a urgence. On l'a dit, M. Cuendet l'a rappelé: il y a une sous-capitalisation extrêmement préoccupante de la CIA; 56%, c'est un chiffre alarmant. Il y a donc urgence à rétablir une situation plus durable pour cette caisse. C'est pourquoi notre parti se résout à voter ce projet de loi, avec quand même un petit bémol; on en a beaucoup discuté en commission des finances, et je pense qu'on a bien fait. En effet, nous aurions souhaité, dans un premier temps, que l'effort soit un peu mieux partagé avec les principaux bénéficiaires, en l'occurrence, les cotisants de la CIA. Nous aurions préféré un apport de 50-50, uniquement sur la partie complémentaire, on le rappelle, et non pas sur l'ensemble des cotisations. Ça nous paraissait plus équitable dans la distribution de l'effort.
Toutefois, le Conseil d'Etat a négocié avec la fonction publique, avec les syndicats. Il est parvenu à un accord. Nous avons considéré que cet accord l'emportait, au fond, sur d'autres considérations et qu'il valait mieux aborder les choses d'une façon plus sereine et préserver la paix sociale, sachant que la réforme majeure interviendra dans les mois qui viennent avec la fusion des deux caisses, la CEH et la CIA. Et là, il faudra reparler de l'avenir de cette caisse, de la capitalisation, et voir s'il n'y a pas lieu de faire une réforme plus ample, par exemple passer à la primauté des cotisations, c'est-à-dire à une caisse par capitalisation et non plus par primauté de prestations. Ce serait évidemment une réforme très importante qui poserait des problèmes politiques, mais qu'il vaut la peine d'aborder et de discuter tranquillement, afin d'assurer la pérennité et l'avenir des retraites de la fonction publique.
Présidence de M. Renaud Gautier, président
M. Roger Golay (MCG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, en ce qui concerne le groupe MCG, nous allons approuver ce projet de loi qui va modifier les statuts de la CIA. Nous saluons au passage l'excellent travail des membres de la délégation du Conseil d'Etat par rapport aux entretiens qu'ils ont eus pour aboutir à un accord avec le Cartel intersyndical. Nous saluons au passage, aussi, toute la fonction publique qui, par le biais du Cartel intersyndical, a accepté l'accord - la concession que ces fonctionnaires vont faire pour que ce projet de loi puisse être voté aujourd'hui, c'est-à-dire une modification de l'âge de la retraite. En effet, l'âge de la retraite sera plus élevé. Les fonctionnaires vont passer à quelques années de plus que les fameux 55 ans ou 57 ans auxquels ils pouvaient prendre leur retraite selon leurs années de cotisation. Nous saluons à cette occasion l'ensemble de la commission des finances, qui accepte ce projet de loi - en tout cas, j'espère que ça sera le résultat du débat d'aujourd'hui.
Je vais simplement répondre à M. Cuendet. Lorsque le député Cuendet dit que ce n'est pas logique, que ce n'est pas normal qu'il y ait une aide des contribuables lorsqu'une situation est difficile - en l'occurrence, cette caisse de prévoyance est dans une situation difficile - que cette situation soit portée au niveau des contribuables... On se souvient tous de l'affaire Swissair, on se souvient aussi des milieux bancaires qui ont eu quelques difficultés à l'époque: ce sont aussi les contribuables qui ont donné un coup de pouce à l'économie privée, et on ne pouvait - nous en tout cas, MCG - que se réjouir de cette situation, soit de cette contribution, de cette participation de l'ensemble de la population.
Aujourd'hui, c'est le même cas par rapport à la CIA. Aujourd'hui, on peut leur dire bravo, en tout cas aux membres de la fonction publique qui sont d'accord de faire des concessions importantes par rapport à leur caisse de prévoyance. Nous ne pouvons que les remercier et voter favorablement ce projet de loi.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes accueillent avec satisfaction cet accord, donc ce projet de loi. En effet, il s'agit d'un accord équilibré qui répartit les efforts entre les collaborateurs - dont on peut saluer le sens des responsabilités - et l'Etat, la collectivité publique que nous représentons ici et qui fait aussi un effort pour assainir la situation.
Concernant les caisses de pension, je pense qu'il faut quand même rappeler que ce n'est pas seulement la fonction publique qui connaît un problème, ce sont les caisses de pension en général qui connaissent des problèmes - j'ai envie de dire «avec des guillemets», parce que, aujourd'hui, les caisses de pension, on les oblige notamment à investir en bourse. Et si nous assistons à un krach boursier, que se passe-t-il ? La valeur des actifs de ces caisses diminue drastiquement et, en l'occurrence, le taux de couverture diminue automatiquement d'autant.
Certes, la problématique de l'augmentation de l'espérance de vie vient compliquer la donne. En effet, si vous avez un taux de couverture moindre avec une capitalisation moindre, ça vous donne l'impression que vous n'arriverez pas à couvrir vos rentes. Mais, fondamentalement, on peut quand même se poser la question de la pertinence de ce système, d'autant plus dans le cas de la CIA, qui souhaiterait investir davantage dans l'immobilier, plutôt que d'investir en bourse et de jouer au jeu de l'avion - ce qui fait plaisir à M. Cuendet mais qui, en gros, ruine la planète dans son entier, puisque c'est une prime au capitalisme débridé que de placer en bourse.
Pour ces raisons, les socialistes saluent donc l'accord. On aimerait quand même rappeler aussi que le personnel fait des efforts relativement importants en matière de baisse de prestations. On est à près de 10% de baisse des rentes pour les salaires de plus de 100 000 F. On a une augmentation des rentes pour les très bas salaires, ce dont on peut se féliciter. C'est vrai que l'accord semble donc équilibré, dans la mesure où une collectivité publique doit aussi pouvoir donner des conditions-cadres satisfaisantes à ses collaborateurs. Cela ne se fait peut-être pas sous forme de salaire net mais peut-être avec des prestations complémentaires, on va dire. Il y a par exemple, typiquement, la question de la prise en charge des deux tiers de la cotisation par la collectivité publique.
Pour toutes ces raisons, les socialistes soutiendront ce projet de loi et saluent l'effort fait par les collaborateurs, le sens des responsabilités dont fait preuve la grande majorité des collaborateurs de la fonction publique.
M. Eric Bertinat (UDC). Monsieur le président, chers collègues, l'UDC - comme tous les partis qui viennent de s'exprimer - finira évidemment par accepter ces projets de lois, tout simplement parce qu'on n'a pas le choix, on ne peut pas faire autrement. Comme l'a dit mon collègue Cuendet, le taux de couverture est affreusement bas et il y a urgence à intervenir.
L'UDC aurait été favorable à une répartition de l'effort à 50-50, mais, tout au long des discussions - cela a pris à peu près une année - on s'est rendu compte que, pour que tous les acteurs autour de la table puissent se mettre d'accord, il fallait arriver à un consensus. Et le consensus, c'est le projet du Conseil d'Etat.
Reste tout de même une question, que l'UDC pose d'année en année, à savoir cette fameuse répartition employeur-employé. Il est de un tiers/deux tiers actuellement et il est, à nos yeux, inégal par rapport à ce que peuvent offrir la plupart des employeurs dans le privé. Cela pose vraiment un problème d'égalité et surtout un problème de financement, car, ici, on ne parle pas de quelques millions - ce qui serait déjà pas mal - mais de centaines de millions. Et la fusion prochaine des principales caisses publiques va vraiment peser très, très lourd sur notre financement. Ce sera peut-être - là aussi, le moment venu - l'occasion de reparler de la répartition employeur-employé et peut-être de mieux la partager.
Quoi qu'il en soit, sur ces trois projets de lois, l'UDC soutiendra la proposition de l'exécutif.
Mme Mathilde Captyn (Ve). Je prends la parole pour vous dire que des personnes de notre groupe sont affiliées à la CIA et que, dans le respect de l'article 24, elles ne participeront donc pas au vote.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas revenir sur ce qu'a dit ma collègue Sophie Forster Carbonnier. Nous sommes là sur un enjeu qui est majeur, et les Verts tiennent à saluer le travail du gouvernement, le travail de négociation qui a été fait. En effet, on parle de sommes et de difficultés... Et on sait que les enjeux pour la suite vont être énormes. Mais, aujourd'hui, le problème a été traité. Aujourd'hui, nous avons un gouvernement qui est allé discuter avec les syndicats, qui est allé chercher une solution, qui l'a trouvée et qui va nous permettre de sortir de la situation difficile dans laquelle on est.
Les Verts tiennent surtout à rassurer aussi leurs électeurs, pour leur dire que nous, les Verts, nous ne prenons pas position en fonction de l'opinion d'un autre groupe, d'un syndicat ou de quelque chose d'autre. Rassurez-vous, si vous nous regardez en tant qu'électeur Vert. Quand vous votez pour nous, on ne se met pas en opposition à un autre groupe, on dit: «On pense cela parce que le projet nous paraît bon; ou parce qu'il n'est pas bon.» Nous avons entendu que d'autres groupes, dans ce parlement, se positionnent en disant: «Si tel groupe pense cela, nous, nous allons penser l'inverse.» Chez nous, ce n'est pas la pratique. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Roger Deneys, à qui il reste deux minutes vingt.
M. Roger Deneys (S). C'est certainement beaucoup trop, Monsieur le président ! Une fois n'est pas coutume ! C'est toujours pour rester sur ce projet de loi, puisque c'est quand même celui qui focalise l'attention par rapport aux deux autres projets dont nous parlons en même temps.
Monsieur Bertinat, quand vous dites que c'est dramatiquement sous-capitalisé, je suis désolé, c'est complètement arbitraire ! Ce sont des nouvelles normes fédérales qui ont été imposées de façon totalement dogmatique. On a une vision du capitalisme selon laquelle on pense que certaines données sont absolument des valeurs intrinsèques, des lois de la physique pour ainsi dire, alors que ce n'est pas le cas ! Et en plus, de fixer un taux de couverture sans intégrer les variations de la bourse, c'est complètement arbitraire ! Entre l'année X et l'année X+1, vous pouvez avoir une variation de l'ordre de 15%. C'est complètement pas sérieux comme modèle !
Et donc, fixer des taux arbitraires à atteindre à une certaine échéance, ce n'est pas la preuve que la couverture est suffisante, et ce n'est pas la preuve qu'elle est insuffisante. ll faut donc relativiser ces critères. On nous impose des dogmes libéraux, on nous impose des placements en bourse: il faut s'opposer à cette vision des choses ! Certainement que le deuxième pilier est un système très malsain pour les travailleurs, d'ailleurs ! Puisqu'en fait c'est destructeur d'emplois. On devrait se baser sur des systèmes tels que l'AVS, des systèmes solidaires qui traversent les générations !
Donc, oui, nous soutenons cet accord, mais, fondamentalement, les dogmes qui sont à la base de ces décisions sont totalement arbitraires.
Le président. Merci, Monsieur le député, la parole est à M. le conseiller d'Etat David Hiler.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, quelques points de repère, quand même, sur l'histoire de ce dossier: en 2006, le Conseil d'Etat indique dans son plan de mesures - de façon un peu incidente, sous la rubrique «Gestion des risques» - qu'il entend procéder à une fusion entre la CIA et la CEH, seule à même, en fait, d'éviter des risques liés aux catégories professionnelles. Il ne vous est pas inconnu que la démocratisation des études est un phénomène des années 60 qui a amené énormément d'adhérents à la CIA - les enseignants - mais qui sont aujourd'hui, et de plus en plus, des pensionnés. De l'autre côté, le développement des services médicaux est beaucoup plus tardif, et il continue; il fait, lui, réponse au vieillissement de la population. Et le degré de maturité des deux caisses, selon le jargon, n'est pas le même.
Au moment où le Conseil d'Etat prend cette option, il y a déjà une discussion à Berne sur les taux de couverture, mais il n'y a pas de décision. Lorsque le Conseil d'Etat engage le processus - après avoir passé six bons mois à convaincre les deux comités de caisse de s'asseoir autour de la même table - la situation n'est pas alarmante, et il s'agit en première analyse d'une affaire qui se résout, pour son entier, avec une augmentation de quatre points de cotisation. Le Conseil d'Etat indique alors à ses partenaires que, soit on partage un peu l'effort avec le prolongement de la durée de cotisation, soit les quatre points seront à 50-50.
Ensuite vient 2007, c'est l'année du sommet boursier. Le taux de capitalisation est artificiellement élevé cette année-là. Et puis, à partir de là, tout change: 2008, la crise boursière. Mais surtout - et j'insiste - mais surtout, 2009: les études faites en vue de la fusion indiquent que les tables actuarielles de la Ville de Zurich, qui sont traditionnellement utilisées et qui datent de 2000, sont extrêmement pessimistes sur la durée de vie des gens. Et l'étude est faite sur les fonctionnaires, ce n'est pas une étude théorique. Ce que l'on constate, c'est qu'entre 2000 et 2009 l'espérance de vie à la retraite s'est accrue de trois ans - trois ans - pour les hommes et de deux ans pour les femmes. Et cela a évidemment un impact immense. C'est des chiffres, mais ces trois ans, c'est 600 millions à ajouter aux provisions pour longévité de la caisse.
D'abord, on ne va pas dire que c'est une mauvaise nouvelle. C'est une bonne nouvelle, a priori, que les gens vivent plus longtemps, mais ça démontre aussi que le système de financement est totalement incapable de supporter cette charge démographique.
Troisième élément: le débat se clarifie la même année au niveau fédéral, même si la loi n'est votée qu'en 2010. On va vers un compromis entre la position des cantons et la position du Conseil fédéral. Ça ne sera pas le système des experts, ça ne sera pas le «100% dans quarante ans» du Conseil fédéral. Dès lors, nous changeons de cadre de négociations, parce qu'il ne s'agit plus de discuter d'un équivalent de quatre points de cotisation, mais d'un équivalent de onze points de cotisation ! A partir de là, le comité de pilotage achève ces travaux techniques, et vient la négociation entre le Conseil d'Etat et les organisations représentatives du personnel.
L'issue globale de ce dossier est la suivante: sur l'effort des cotisations, l'Etat fait un très gros geste. C'est un geste qui coûtera 90 millions par année à partir de l'année 2017. Le deux tiers/un tiers est maintenu pour une raison simple, c'est qu'on parle tout de même du rattrapage de ce qui n'a pas été payé les quarante années précédentes. Or, sur ces quarante dernières années, on était à deux tiers/un tiers. Employeur et employés, solidairement, paient donc à deux tiers/un tiers, ce qui n'a pas été fait.
De l'autre côté, il y a la longévité. Pour cela, par le biais d'un âge pivot qui est élevé d'une année, d'une prolongation de la durée des cotisations, d'un changement d'assiette - il faut le dire aussi - on arrive à un effort qui, globalement, dans le projet de loi qui sera adopté pendant l'été par le Conseil d'Etat, est de 55% pour le personnel et de 45% pour l'Etat. Et c'est normal, puisque le vieillissement, quelque part, ce n'est pas à l'employeur de le payer.
L'immense majorité des syndicats - le cartel qui les représente - accepte cet accord; de même que l'Union des cadres, alors même que ce sont ces derniers qui ont le plus à perdre, de loin, dans cet accord. Ils l'acceptent parce que tout le monde a compris que, si on ne l'accepte pas, la caisse va partir en faillite ! Pas dans dix ans: dans quatre au plus tard. Pourquoi ? Parce qu'à un moment donné, lorsque le déséquilibre s'instaure, on doit vendre des actifs pour arriver à payer les rentes. Et, lorsque l'on vend des actifs, on a des revenus en moins; donc on revend des actifs. C'est l'étape à laquelle nous sommes aujourd'hui, à cinq ans près, d'où ces deux moments: empêcher la chute du taux de couverture - pas l'augmenter - pendant cinq ans, pour faire entrer la fusion en jeu.
Maintenant, par rapport aux considérations sur la valeur du système, il est parfaitement possible d'avoir un système mixte qui inclut une solidarité intergénérationnelle, comme ça a été dit. Mais il faut savoir l'inconvénient de ce système: il est archisensible au vieillissement. Archisensible au vieillissement ! Donc, si la population vieillit, alors le système exige des cotisations de plus en plus fortes.
Inversement, la question de la bourse n'est pas, au fond, celle qui se pose. C'est: est-ce qu'on veut capitaliser ou pas ? On peut acheter des participations qui ne sont pas cotées en bourse - soit dit en passant - si la caisse le souhaite. Mais cela signifie qu'on entend contribuer au versement des rentes par un rendement de 5% ! Si ce rendement n'est pas là, c'est les cotisants qui doivent le fournir.
Mesdames et Messieurs, outre le fait que ce n'est pas dans cette enceinte que se définit le régime des trois piliers et de son quatrième - les prestations complémentaires AVS - nous devons trouver des solutions pour maintenant. Et si j'ai dit «il y a le feu dans la maison», c'est qu'il y a le feu. C'est maintenant que nous devons décider.
Je remercie tous ceux qui, ayant étudié les faits, ont contribué à la solution. Les négociations avec le personnel ont été, pour eux et pour nous, épuisantes, tendues, difficiles, parce que répartir une facture de 6 milliards de francs ne peut pas être un plaisir. Nous avons surmonté, avec ces associations, cette difficulté. Et sur cet acte I, nous allons avoir une majorité très large, peut-être même l'unanimité, pour aller de l'avant ensemble. Par rapport à la réputation peu flatteuse qu'a parfois Genève, je crois que c'est une étape extrêmement importante. Par rapport aux fonctionnaires, c'est tout de même un pas important pour leur dire: «Le régime ne sera certes pas aussi avantageux qu'il l'était il y a dix ans, parce qu'on ne peut pas, parce qu'il faut couvrir sensiblement plus d'années de travail, mais il restera stable. Vos acquis, vous les garderez.» Le système se mettra en place graduellement et surtout - sauf si le ciel nous tombe sur la tête, ce qui n'est pas exclu - eh bien, le système sera pérenne, moyennant des accommodements que le seul comité de caisse pourra décider désormais.
Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat, qui s'est préoccupé de ce sujet depuis 2006, et de façon constante - il a été évoqué des dizaines de fois au sein de notre Conseil - vous remercie pour le soutien que vous apporterez à la mise en place d'une première pierre en vue d'une solution durable. Cela permettra que nos caisses de fonction publique continuent à pouvoir assurer dans de bonnes conditions leur rôle, qui est tout de même d'assurer un revenu de substitution aux gens après une longue carrière professionnelle. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Après ce vibrant plaidoyer, nous sommes en procédure de vote. Nous allons nous prononcer sur l'entrée en matière du PL 10709.
Mis aux voix, le projet de loi 10709 est adopté en premier débat par 73 oui et 1 abstention.
La loi 10709 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10709 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 64 oui et 8 abstentions.
Le président. Nous allons maintenant voter sur le projet de loi 10737.
Mis aux voix, le projet de loi 10737 est adopté en premier débat par 66 oui et 7 abstentions.
La loi 10737 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10737 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 64 oui et 7 abstentions.
Le président. Mesdames et Messieurs, nous sommes toujours en procédure de vote, cette fois sur le PL 10738. Je rappelle au Conseil d'Etat qu'il y a un article 24, là.
Mis aux voix, le projet de loi 10738 est adopté en premier débat par 67 oui et 4 abstentions.
La loi 10738 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10738 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 69 oui (unanimité des votants).
Le président. Par 69 oui, 0 abstention et 0 non, ce Grand Conseil fait preuve de beaucoup d'empathie pour le Conseil d'Etat, et le projet de loi est accepté.