Séance du jeudi 9 juin 2011 à 17h
57e législature - 2e année - 9e session - 49e séance

R 636
Proposition de résolution de Mme et MM. Christina Meissner, Patrick Lussi, Eric Bertinat, Stéphane Florey pour le défilé des éléphants du cirque national suisse Knie

Débat

Mme Christina Meissner (UDC). Voici un petit moment de détente. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Il y aura des moments difficiles dans le parlement après cela.

Je vais vous raconter une histoire. (Exclamations.) Il était une fois une cité en fête lorsque le cirque national érigeait son chapiteau sur la place principale. Pour les enfants, c'était aussi le signe que la rentrée n'était pas loin et que les grandes vacances tiraient à leur fin. Mais ils se réjouissaient, car avec le cirque venaient les éléphants. Ils se réjouissaient, car les éléphants créaient l'événement en défilant dans la cité, en prenant leur déjeuner sur la place du marché et en serrant la patte aux autorités, sorties tout exprès de leur tour d'ivoire... Pardon: de la tour Baudet ! Les enfants riaient de voir la tête des automobilistes bloqués aux carrefours, tout surpris de laisser le passage à un deux-tonnes pas comme les autres. Ils restaient bouche bée lorsque, d'une trompe experte, les éléphants engloutissaient en guise de tartines plusieurs pains, autant qu'eux-mêmes en cent petits déjeuners. Et ils étaient si fiers lorsque le président du Conseil d'Etat se prêtait au jeu des photos avec eux et, bien sûr, les éléphants.

Puis, un jour, il n'y eut plus de défilé, de petit déjeuner, de salut des autorités. Pourtant, ni les éléphants, ni les enfants n'avaient disparu. Que s'était-il passé ? Le monde avait changé. Les automobilistes étaient dorénavant bloqués quotidiennement partout. Un éléphant en plus était devenu un éléphant en trop. Les commerçants ne voulaient plus dépenser leur argent en salade. Il fallait faire du chiffre, car la concurrence dans les Rues-Basses était devenue impitoyable. Quant aux autorités, quel intérêt de se montrer en vrai à l'heure du virtuel ? Les concitoyens n'avaient qu'à les voir par écrans interposés, tout comme les éléphants, d'ailleurs: quelle idée de les voir en ville, alors qu'il suffit aujourd'hui d'un clic de souris ! Enfin, lâcher un éléphant dans la cité, sans mesures d'accompagnement, de prévention, de précaution, de circulation ? Impossible ! Sécurité oblige. (Brouhaha.)

Adieu les éléphants, et avec eux la mémoire; car la perte de cet événement est aussi celle du passé, de notre enfance et de notre cité. Pourtant, la mémoire s'enrichit par des rituels communs, s'appuyant sur des objets concrets. Or quoi de plus concret qu'un éléphant ? Les enfants ont besoin d'extraordinaire pour alimenter leurs rêves... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et de l'émotion d'une rencontre peu commune pour bâtir leur équilibre. Comment espérer leur faire aimer l'éléphant s'ils ne l'ont jamais connu, et à travers ce dernier leur permettre d'appréhender la nature et faire en sorte qu'ils veuillent la préserver ?

Oui, mais à quel prix ? Point n'est ici question de coût, mais de volonté. Les sommes dépensées par Genève pour son stade...

Le président. Il vous reste quinze secondes, Madame la députée.

Mme Christina Meissner. ...pour son stade qui demeure désespérément vide se comptent en dizaines de millions. Or ce n'est pas parce que l'on a soutenu un éléphant blanc qu'il faut exclure de notre aide tous les autres. (Brouhaha.)

Mesdames et Messieurs les députés, invitons le Conseil d'Etat à prendre toutes mesures et décisions afin que les sympathiques défilés, petits déjeuners et saluts des autorités par les éléphants du cirque Knie soient rétablis, en soutenant tous ensemble cette proposition de résolution. (Exclamations. Applaudissements.)

M. Florian Gander (MCG). Après les écrevisses, les éléphants. Je me demande franchement: a-t-on besoin de parler d'éléphants...

Une voix. Et les chiens !

M. Florian Gander. Oui, et les chiens... On a eu plein d'animaux; c'est très intéressant, mais on a d'autres chats à fouetter ! (Exclamations.) Nous avons le logement, la sécurité, les personnes âgées, la mobilité. Il est vrai que, en termes de mobilité, actuellement, on a besoin de Proxibus. Alors on pourrait éventuellement renvoyer les éléphants à la commission des transports; peut-être arrivera-t-on à aménager quelque chose !

Honnêtement, au sein du MCG, la position est un peu divisée. Les éléphants, c'est sympa; on a des enfants et on est content de les voir. Alors nous avons décidé de voter librement. Mais nous tenons à dire que ce n'est pas ici à nous de décider si oui ou non les éléphants doivent défiler, d'autant moins qu'il faut savoir que le cirque Knie, lui, ne pense pas vouloir faire défiler ses éléphants. Il y a un risque; il y a la nervosité. Je vais simplement reprendre un article de la «Tribune» d'aujourd'hui, selon lequel un éléphant est «parti en live» dans une ville et a écrasé des citoyens. (Exclamations.) Donc il y a quand même un risque. Etes-vous prêts à prendre ce risque ? (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Nous, MCG, sommes divisés; chacun votera comme il en a envie. Mais le principe est que ce n'est pas ici à nous de décider si l'on veut ou pas des éléphants dans la rue.

Le président. Merci... (Commentaires. Le président agite la cloche.) ...Monsieur le député. La parole est à M. le député... (M. Florian Gander redemande la parole.) Je vous prie de m'excuser. J'ai cru que vous en aviez terminé avec les éléphants.

M. Florian Gander. Je voulais demander le renvoi à la commission des transports. (Rires.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Jean-Louis Fazio.

M. Jean-Louis Fazio (S). Merci, Monsieur le président. Bien entendu, les socialistes soutiendront cette proposition de résolution. Ce défilé des éléphants constituait le moment magique de la rentrée scolaire pour les enfants. Réintroduisons cette tradition, cette magnifique tradition, et votons oui à cette proposition de résolution. (Brouhaha.)

Le président. Merci, Monsieur le député. (Brouhaha.) On n'entend plus barrir les éléphants, me dit avec justesse le vice-président. La parole est à Mme la députée Emilie Flamand. (Exclamations.)

Mme Emilie Flamand (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas maintenir le suspense trop longtemps: les Verts sont favorables à cette proposition de résolution. En effet, d'habitude, l'UDC veut chasser les moutons noirs; pour une fois, elle veut inviter les éléphants gris. Devant une telle preuve d'ouverture et de tolérance, nous ne pouvons qu'être touchés ! (Rires.)

Alors les éléphants... euh, les Verts, bien sûr, préfèrent voir les éléphants dans leur milieu naturel - et non pas le contraire ! - que dans un cirque. Cela dit, nous savons que les éléphants, au cirque Knie, sont très bien traités. De plus, ils sont nés en captivité. Donc nous sommes favorables à ce que ce défilé puisse de nouveau avoir lieu. En effet, les Verts soutiennent la nature en ville. D'habitude, c'est plutôt sous forme de potagers, de plantages urbains, de parcs ou que sais-je. Mais des éléphants, pourquoi pas ? De surcroît, comme le disait M. Gander, un éléphant retrouve de temps en temps sa nature sauvage. En l'occurrence, ce qui s'est passé en Inde, c'est qu'un éléphant sauvage est entré dans la ville; ce n'était pas un animal échappé d'un cirque. (Brouhaha.) Donc il n'y avait pas l'encadrement nécessaire. Mais de temps en temps, un éléphant retrouve sa nature sauvage; il s'échappe; il écrase quelques voitures. Et cela, forcément, n'est pas pour nous déplaire ! Donc nous soutiendrons cette proposition de résolution.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme la députée Christiane Favre. (Exclamations.)

Mme Christiane Favre (L). Mesdames et Messieurs les députés, à mon sens, cette joyeuse proposition de résolution qui voudrait animer les rues de la cité avec une parade des éléphants serait mieux adressée à la Ville de Genève. Le canton n'est pas franchement concerné, sauf sur un point. On nous a rappelé, en effet, que les éléphants avaient pris l'habitude de venir saluer le Conseil d'Etat, ou que le Conseil d'Etat s'en allait saluer les éléphants. Je ne sais plus dans quel sens cela se faisait. Mais, je n'en doute pas, le plaisir devait être des deux côtés ! (Rires.) On ne peut donc plus sans discuter abandonner le sujet à la Ville de Genève. Il est vrai que, dans ce parlement - certains députés sérieux nous l'ont rappelé - on a franchement autre chose à faire que de parler des éléphants. Mais ils ont tort. Ici, on a déjà abondamment parlé d'écrevisses, et surtout de hérissons. On leur a même donné des prénoms. Nous ne sommes donc pas démunis pour parler ménagerie, et nous avons même quelques experts en matière de cirque ! (Rires.) Par conséquent, il n'est pas déplacé de parler rapidement d'éléphants, surtout que, à priori, c'est un sujet qui ne devrait fâcher personne.

Les Verts l'ont dit, ils préfèrent les éléphants dans la savane. Mais ils n'ont pas à craindre non plus de catastrophe écologique, on peut les rassurer. Même s'il s'enfuit, l'éléphant ne viendra pas comme l'écrevisse coloniser les espèces indigènes. (Rires.)

A droite, on est évidemment un peu surpris par l'argument économique de cette proposition de résolution, qui met le coût de la parade des éléphants en rapport avec le coût du stade de la Praille. C'est un calcul que l'on n'avait jamais fait. Combien d'éléphants aurait-on pu faire défiler avec le budget de la Praille ? (Rires.) La question est intéressante. Mais enfin, en imaginant la réponse à droite, on est quand même content d'avoir privilégié l'option du stade. Surtout que, avec un peu de chance, il n'est pas impossible d'avoir les éléphants aussi.

Pour le savoir, on pourrait être tenté de renvoyer cette résolution en commission, des transports par exemple. D'un autre côté, considérant que le coût d'une séance de commission, pique-nique compris, doit avoisiner celui d'une parade des éléphants, on est tenté de s'en passer. Dès lors, le PLR a décidé de rester simple et vous suggère de renvoyer cet objet directement au Conseil d'Etat, qui trouvera bien s'il désire y donner suite: 5000 F à distraire de son budget pour conserver le privilège de saluer les éléphants.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Qu'en termes galants ces choses-là sont dites ! La parole est à Mme la députée Christina Meissner.

Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le président. Je sens que ce parlement va être à la hauteur en tout cas des Zurichois, puisque - peut-être l'avez-vous lu comme moi - les Zurichois soutiennent leur zoo d'une manière exemplaire, en parrainant toutes sortes d'animaux, dont des éléphants. Ces derniers, d'ailleurs, grâce à la générosité et l'enthousiasme des Zurichois, vont obtenir un parc énorme de 41 millions de francs, qui a été soutenu par les gens de Zurich.

Alors nous resterons sans doute nettement plus modestes à Genève. Mais nous espérons, avec votre soutien, avoir effectivement au moins le petit déjeuner et le salut des autorités si important. Merci en tout cas à tous de votre soutien à cette proposition de résolution.

Le président. Merci, Madame la députée. Je voudrais juste corriger un point: il me semble que le canton de Genève fait passablement pour son zoo !

Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets dans un premier temps le renvoi de cette proposition de résolution à la commission des transports, comme cela a été demandé.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 636 à la commission des transports est rejeté par 60 non contre 22 oui et 2 abstentions.

Le président. Les éléphants n'iront pas à la commission des transports ! (Exclamations.) Peut-être auront-ils plus de chance s'ils vont vers le Conseil d'Etat ? Nous nous prononçons maintenant sur ce renvoi.

Mise aux voix, la résolution 636 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 71 oui contre 6 non et 6 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Résolution 636

Le président. Le Conseil d'Etat s'occupera dorénavant des éléphants !