Séance du
vendredi 27 mai 2011 à
20h45
57e
législature -
2e
année -
8e
session -
48e
séance
M 1993
Débat
M. Charles Selleger (R). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion part des constatations suivantes. Une place de crèche coûte globalement 40 000 F par an. La part contributive des parents, en fonction de leur capacité financière, ne dépasse pas 12 000 F, elle est très souvent beaucoup plus basse. La charge financière résiduelle à charge des collectivités, les communes principalement, s'élève donc au mieux à 28 000 F par an.
Mais cette proposition de motion n'est pas qu'un exercice comptable. Elle part aussi de la constatation maintes fois vérifiée que les familles désireuses d'assurer la garde de leur enfant en bas âge ne peuvent sacrifier le salaire d'un des parents. Ils sont contraints de recourir à une forme de garde pour tout ou partie de leur temps d'activité professionnelle. La mesure qui vous est proposée constitue un véritable incitatif pour des parents dont l'un renoncerait à tout ou partie de son activité lucrative. Elle ne constitue pas un salaire parental, car l'ordre de grandeur de la subvention proposée devrait être d'environ 1000 F par mois, ce qui, vous en conviendrez, n'est pas comparable à un salaire, même modeste.
Cette proposition de motion s'est heurtée à un débat très vif au sein de notre formation politique, et je ne vous cache pas qu'elle n'a pas obtenu un soutien majoritaire. Cette proposition... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Merci, Monsieur le président. Cette proposition a toutefois été jugée suffisamment intéressante pour qu'elle soit déposée en vue de son renvoi à la commission de l'enseignement, compétente en matière de petite enfance.
Les principales oppositions ont concerné les points suivants: renvoi des femmes au foyer, inapplicabilité aux familles monoparentales, incitatif insuffisant, le fait que l'activité de parent ne doit pas être salariée, mode de financement et, enfin, inégalité de traitement pour les familles aisées par rapport aux familles défavorisées économiquement. Sans vouloir entrer dans les détails, je répondrai très brièvement à ces oppositions.
Ce projet n'est pas destiné aux seules mères de familles. La souplesse d'utilisation prévue dans les invites permettrait par exemple aux deux parents de réduire leur activité à mi-temps chacun et de se partager la garde de l'enfant. Cette solution répondrait accessoirement aussi au risque de désinsertion professionnelle. Bien entendu, une mère seule au foyer ne pourrait pas bénéficier directement d'un tel projet. Toutefois, indirectement, le placement de son enfant en crèche se verrait être facilité par les places libérées par les enfants de parents pouvant souscrire à ce système.
Si le montant de l'allocation est trop faible et que peu de gens y souscrivent, rien n'empêcherait une réévaluation ultérieure. Tant que le montant alloué reste inférieur à la subvention d'une place en crèche, les finances publiques sont bénéficiaires, et la marge est grande pour déplacer le curseur dans ce sens. Etre parents ne doit pas constituer une activité lucrative, certes. Formellement, cette allocation n'est pas plus un salaire que les allocations familiales, qui, elles, ne sont contestées par personne. Le mode de financement devrait être le même que celui qui subventionne les crèches, évidemment, puisque le système vise à réduire le montant global de cette subvention.
Enfin, les familles aisées ne sont pas traitées d'une manière inégale par rapport à la situation actuelle du placement d'un enfant en crèche, puisque la contribution parentale est fonction de la capacité financière de la famille.
Le président. Il vous faut songer à conclure, Monsieur le député.
M. Charles Selleger. En conclusion, dans le contexte de l'initiative 143 et de son contreprojet en gestation, il est inéluctable que l'offre de placement des enfants en âge préscolaire dans une structure d'accueil va augmenter sensiblement. Il est donc d'autant plus important d'étudier toute solution alternative complémentaire de nature à élargir le choix parental, tout en réduisant le montant à charge des collectivités. Je vous propose donc, Mesdames et Messieurs les députés, de voter le renvoi de cette motion à la commission de l'enseignement, et je vous en remercie.
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, certes, le détail n'est pas là, mais en lisant une telle proposition de motion, l'UDC ne peut être que satisfaite. Car, rappelez-vous, nous préconisons depuis des années que l'éducation primaire doit être faite si ce n'est par la mère, du moins dans un système parental à domicile.
Alors, mon cher préopinant, vous avez fait plein de démonstrations, je ne veux pas les contredire. L'UDC soutiendra cette proposition de motion et son renvoi en commission, où peut-être nous arriverons sur quelques détails, de manière à les affiner. Mais, de prime abord, cette proposition de motion va dans le bon sens, et l'UDC ne peut que la soutenir.
M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG soutiendra le renvoi de cette proposition de motion à la commission de l'enseignement et de l'éducation. Le MCG accueille avec reconnaissance cette proposition de motion et remercie les motionnaires d'avoir pensé à cette allocation parentale. Nous nous réjouissons de pouvoir l'étudier en commission, car c'est une mise en valeur du métier, de la vocation ou même de la fonction de parents que cette motion se propose de promouvoir. J'encourage donc notre parlement à étudier cette question en commission.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion ne s'adresse qu'à une certaine catégorie de parents, à savoir ceux qui peuvent se permettre de perdre tout ou partie d'un deuxième salaire et qui peuvent se satisfaire, en lieu et place de celui-ci, d'une allocation annuelle de faible montant. Il est vrai que, comme le disait M. Selleger, les crèches coûtent cher; cela coûte peu près la moitié, donc on est autour des 10 000 F ou 11 000 F, peut-être 12 000 F, par an.
Cette proposition de motion pénalise en plus le parent d'une famille monoparentale, parent qui ne peut s'arrêter de travailler, qui élève seul son enfant et qui est obligé de le placer à plein temps dans une structure d'accueil de jour - pour autant qu'il lui reste cet accueil de jour. Cette proposition de motion défavorise les carrières féminines et l'accès au marché de l'emploi pour les femmes, qui risquent fort d'être celles qui, in fine - comme le disait d'ailleurs M. Lussi - resteront à la maison, et elle introduit par conséquent un risque accru d'inégalité de traitement entre les hommes et les femmes; elle risque d'inciter les femmes à sortir du monde du travail pour toucher une faible allocation qui peut, à terme, entraîner une précarisation de la famille, car le retour à l'emploi pour les femmes est de plus en plus difficile malgré les mesures de réinsertion; elle introduit un risque de discrimination entre les parents, le droit à l'allocation étant restreint aux deux parents qui travaillent au moment de la naissance de l'enfant.
Bien que l'intention de l'auteur ne soit pas d'empêcher le développement de l'offre de places en crèche, elle risque de péjorer celui-ci. En effet, il sera difficile de planifier cette offre en crèches sans savoir quel sera le choix des parents en matière de prise en charge des enfants.
Par ailleurs, il est important de noter que les institutions de la petite enfance jouent aujourd'hui des rôles sociaux et éducatifs essentiels auprès de toutes les familles, en favorisant la création de liens sociaux, de réseaux d'entrée, et il est important, dans le contexte actuel, où un certain nombre de familles sont isolées, de développer et de renforcer ces réseaux. Dans une institution de la petite enfance, une crèche, l'enfant fait ses premières expériences de socialisation extrafamiliale et acquiert des processus d'apprentissage qui lui seront utiles par la suite.
En conclusion, une politique familiale devrait tenir compte, bien sûr, du bien-être de l'enfant, de la place de la femme dans la société et des contraintes socioéconomiques réelles des familles. Aussi, le développement des structures d'accueil extrafamilial reste incontournable et, en ce sens, devrait faire l'objet d'une réflexion quant à une répartition des charges de ces structures entre la Confédération, les cantons et les communes. Des études le montrent, 1 F investi rapporte environ 3 F à la collectivité en termes d'employabilité des femmes et de possibilités de développement de l'économie. Plutôt que de...
Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.
Mme Lydia Schneider Hausser. Oui ! Plutôt que de proposer une allocation parentale telle qu'elle est décrite dans la proposition de motion, il serait pertinent de réfléchir à la mise en place d'un congé parental d'une année au minimum, partiellement ou totalement rémunéré, avec une garantie de retrouver son emploi.
Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée !
Mme Lydia Schneider Hausser. Voilà ! C'est là que le choix pourrait se faire pour les familles et les parents.
Mme Mathilde Captyn (Ve). C'est intéressant, car ma préopinante en particulier et certains autres dans l'hémicycle ont pu estimer que cette proposition de motion avait un relent ou un côté réactionnaire, parce qu'elle viserait les femmes, qui, aujourd'hui, se chargent encore en majorité des tâches ménagères et de l'éducation des enfants, effectivement, et aussi parce qu'elle vient des bancs de droite. Pour une fois, sur un tel sujet, c'est plutôt étonnant. Pourtant, le Verts l'ont signée. Sur ce coup, non, nous ne faisons pas preuve de «réactionnite aiguë»; au contraire, nous nous sommes beaucoup battus pour l'instauration d'un congé parental. Or, qu'est-ce qu'un congé parental ? Un congé parental est la possibilité pour un parent, le père ou la mère, de prendre un temps spécifique consacré à ses enfants, de manière rémunérée. La partie rémunérée, évidemment, c'est l'allocation parentale. Comme il existe un congé maternité, il y a aussi une allocation maternité. Au même titre, il existerait dans notre idéal un congé parental, avec le versant financier: l'allocation parentale.
Que veulent les Verts, au fond ? Le libre choix pour les parents de pouvoir organiser comme ils le souhaitent leur équilibre financier et la garde des enfants. Nous ne voulons pas un seul modèle, c'est-à-dire que les deux parents travaillent à 100% et que l'enfant soit forcément pris à 100% en charge par la collectivité publique - il n'y a pas qu'un seul modèle à défendre ! - nous voulons surtout que les parents puissent choisir s'ils veulent travailler à temps partiel, si l'homme ou la femme veut prendre un congé, afin de pouvoir s'occuper, une partie du temps en particulier, de ses petits enfants ou de son petit enfant entre 0 et 4 ans. C'est la raison pour laquelle nous avons signé cette proposition de motion. Elle ne vise clairement pas que les femmes. Je suis certaine que les bancs d'en face n'oseront pas fixer cette mesure - de toute façon, ce serait illégal - spécifiquement pour les femmes. C'est la raison pour laquelle nous vous engageons à accepter le renvoi de cette proposition de motion à la commission de l'enseignement, afin de pouvoir la lier au débat sur l'initiative «Petite enfance».
Vous savez tout comme moi que la solution pour la petite enfance réside non seulement dans les places en crèche et dans des allocations familiales dignes de ce nom, mais aussi dans un congé parental, et tout cela va en faveur de l'égalité homme-femme. C'est bien maintenant que la question se pose, puisque l'on est à trente ans des festivités sur la question du principe d'égalité homme-femme. (Applaudissements.)
M. Philippe Schaller (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le parti démocrate-chrétien va soutenir cette proposition de motion - nous sommes signataires. Nous pensons qu'il est nécessaire de travailler sur plusieurs solutions et que toutes les pistes doivent être ouvertes dans le cadre de cette réflexion. Nous travaillerons en commission de l'enseignement sur cette proposition de motion, avec les autres objets qui concernent la garde des enfants. Nous allons également, avec d'autres députés, déposer un contreprojet qui permettra en fait de trouver une alternative à l'initiative rose-verte 143.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Pierre Weiss.
Une voix. Il renonce ! (Remarque.)
Le président. Monsieur le député, j'imagine que vous voulez dire que vous renoncez...
Une voix. Oui !
M. Pierre Weiss. Oui !
Le président. Voilà ! La parole est à M. le député Claude Jeanneret.
M. Claude Jeanneret (MCG). Voilà une proposition de motion intéressante, pour laquelle le MCG donnera, bien sûr, son plein accord au renvoi à la commission de l'enseignement. Pourquoi ? Parce qu'on est en train de supprimer la lutte des extrêmes, de dire que seule la famille ou seule la non-famille peut apporter quelque chose à l'enfant... Il y a quelque chose de très intéressant dans les invites de cette proposition de motion, par exemple: «[...] prévoir un barème graduel, pour les familles désirant placer leur enfant, mais à temps partiel seulement.» Il est aussi très intéressant, comme le soulignait ma préopinante, qu'il ne s'agit pas de dire que c'est Monsieur ou Madame qui reste à la maison; c'est simplement une famille qui désire s'occuper des enfants. Je crois qu'il est important que l'enfant reçoive une impulsion familiale dans sa vie, un accueil familial dans sa vie, pas seulement un accueil «étranger», même s'il est de haute valeur.
C'est la raison pour laquelle nous sommes très heureux que cette proposition de motion soit déposée, qu'elle puisse être étudiée et, très certainement, donner une solution à une société qui est actuellement un peu prise par les besoins économiques qui ont malheureusement, ces dernières années, imposé à tous les couples - hommes et femmes - de travailler. Aujourd'hui, on donne une possibilité à l'un ou l'autre de travailler moins pour s'occuper de la famille, je crois que c'est un grand progrès. Cela va peut-être permettre de concilier le travail et la famille. C'est la raison pour laquelle le MCG, Mouvement Citoyens Genevois, est très favorable à cette proposition de motion.
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, bien entendu, au stade où nous en sommes en matière de petite enfance, la maison ne saurait renoncer à aucun sacrifice; je crois que l'on doit en être à 184 motions, 12 résolutions et 14 projets de lois sur la petite enfance. Et nous avons à traiter aujourd'hui, vous le savez - et je suis coupable, je plaide coupable - la proposition de motion 1952. Je vous donne rendez-vous en septembre pour son retour, de façon ferme, et le contreprojet à l'initiative 143, qui parle d'un droit à des places tant dans les structures collectives que dans les structures individuelles. Jusque-là, j'aimerais dire que, même s'il y a un refus de l'initiative 143, on peut imaginer - en tout cas je le souhaite - que le contreprojet se rapproche d'une vision qui veut que la petite enfance et sa prise en charge, les prises en charge, permettent également de meilleures conditions d'accès au système scolaire, de façon générale. Et cela, je crois que c'est un point évidemment très important.
Par ailleurs, il y a bien entendu la logique de l'accueil continu. Il y a beaucoup d'encouragements en la matière. J'en veux pour preuve l'initiative, retirée finalement au profit du contreprojet unanimement voté et plébiscité par la population en ce qui concerne l'accueil continu. C'était le feu parti radical - excusez-moi de m'exprimer ainsi - qui, dans un élan de créativité et de vision pour l'avenir, nous proposait de prendre acte du fait que, père et mère travaillant de plus en plus, il fallait évidemment organiser les conditions-cadres, de manière que l'emploi ne soit pas défavorisé, mais, au contraire - dans un contexte où nous avons souvent de la peine à trouver la main-d'oeuvre qualifiée - encouragé. Or j'ai envie de dire qu'il y a là une logique un peu différente. Il y a la logique qui veut que l'on encourage les familles, ici, à garder leur enfant. Alors étudiez cela en commission, mais voici cependant, si vous me permettez, deux remarques.
La première est que, par rapport aux montants esquissés dans la proposition de motion, la moitié du coût public d'une place, cela revient à financer une personne qui reste à la maison, qui fait ce choix, à hauteur de 12 500 F; deux enfants, c'est 25 000 F. Jusqu'à quatre ans. Imaginons trois enfants: vous arrivez à un salaire de vendeuse. Alors, au moment où toutes les questions d'allocation font régulièrement débat sur l'attractivité, notamment au niveau migratoire, vous êtes en train de proposer un système qui non seulement est hyper attractif - «Très bien ! Venez ! Venez profiter des conditions-cadres d'accueil pour la petite enfance ! Salariez-vous à la maison !» - et, de plus, excusez-moi de devoir le dire comme ça, on dit: «Laissez-y bobonne !» (Commentaires.) Si au moins la proposition de motion avait préconisé: «Encourageons les hommes et mettons ce prix pour que les hommes y restent», il y aurait un élément de politique peut-être plus progressiste. Mais ce dont j'ai peur, l'enfer étant pavé de bonnes intentions, c'est que nous nous retrouvions ici avec des conditions-cadres, pour les migrations, absolument extraordinaires, de toutes natures, indépendamment même des questions de séjour - parce que nous raisonnons toujours ainsi dans notre canton - et que nous établissions les conditions-cadres pour faire en sorte que les femmes restent à la maison.
Mais étudions tout, sans tabou, en commission. Il y a beaucoup d'objets, mais concentrons-nous sur le contreprojet à l'initiative 143, de manière à assurer des réponses cohérentes. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous nous prononçons sur la demande de renvoi à la commission de l'enseignement.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1993 à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport est adopté par 50 oui contre 12 non et 3 abstentions.