Séance du vendredi 15 avril 2011 à 17h05
57e législature - 2e année - 7e session - 42e séance

M 1913-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Véronique Pürro, Alain Charbonnier, Virginie Keller, Geneviève Guinand Maitre, Alberto Velasco, Alain Etienne, Thierry Charollais, Loly Bolay, Lydia Schneider Hausser, Régis De Battista, Mariane Grobet-Wellner, Elisabeth Chatelain, Anne Emery-Torracinta, Pablo Garcia : Bientôt trois ans de mise en vigueur de la LIAF, il est temps d'évaluer ses effets et d'envisager une réforme
Rapport de majorité de M. Pierre Weiss (L)
Rapport de minorité de Mme Anne Emery-Torracinta (S)

Débat

Le président. Nous poursuivons l'ordre du jour avec le point 43. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. le député Pierre Weiss.

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la loi sur les indemnités et les aides financières - la LIAF - est une nouveauté des années 2000, nouveauté qui est d'ailleurs due aux libéraux et en particulier, vous le savez bien, à vous-même, Monsieur le président. Il s'agit d'un cadre global qui est maintenant imposé à tous les bénéficiaires de subventions de l'Etat, afin que l'argent dont ils reçoivent la gestion, en fonction des missions que se fixent les associations qu'ils animent, soit soumis dans son utilisation à des règles strictes, des règles de contrôle en particulier. Certaines associations se sont plaintes, lors de leur premier contrat de prestations, de règlements trop tatillons. D'autres, dans des cas extrêmes, se sont plaintes d'être tout simplement contrôlées, alors qu'elles avaient l'habitude, sinon de laxisme, du moins d'une grande confiance dans la mise en vigueur des libéralités de l'Etat. D'autres encore ont pensé, non sans raison, que les dispositions de la LIAF pouvaient avoir des effets négatifs sur les montants qu'elles pourraient recevoir par des légataires ou des donateurs extérieurs. Bref, un certain nombre de questions se sont posées, de façon légitime, comme elles se posent lors de tout changement de réglementation. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Prenant sur ses épaules ces réflexions, la motionnaire qui est en face de moi... Non, pardon, excusez-moi, Madame, de vous attribuer cette maternité. Donc, le groupe socialiste a pensé qu'il était bon, dans une période qui d'ailleurs était électorale, si je me souviens bien, de relayer ces soucis auprès de ce Grand Conseil. Nous en avons débattu en commission des finances. Nous avons eu l'occasion d'entendre des représentants d'associations. Nous avons aussi entendu le chef du département qui vous dira bien mieux que moi ce qu'il en pense. Je rappelle simplement que, sur un déplacement du montant à partir duquel des contrôles serrés sont justement effectués, visant à le faire passer par exemple de 200 000 F à 500 000 F, il n'avait pas de position dogmatique mais au contraire très pragmatique.

En revanche, lors des votes de la commission, des décisions ont été prises. Certains auraient voulu augmenter ce montant, mais cela n'a pas été accepté. D'autres, se méfiant des associations, auraient voulu l'abaisser. Cela non plus n'a pas été accepté. Le gel de la motion a encore été proposé. Refus toujours. Finalement, nous avons voté pour décider de refuser cette motion. Ce refus a été bénéfique aux associations pour deux raisons. La première est la plus importante car, en refusant cette motion, nous avons permis que soit repris l'examen des contrats LIAF et que les associations puissent recevoir les montants dont elles ont besoin pour leur travail...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le rapporteur !

M. Pierre Weiss. La deuxième raison, qui n'est pas non plus à sous-estimer, est qu'en refusant cette motion, nous avons entendu les soucis émis lors des débats, et je crois que le chef du département les a transmis à ses collègues du Conseil d'Etat, pour qu'une meilleure application de la loi soit désormais imposée à tous les départements. C'est pour cette raison qu'aujourd'hui encore je vous propose, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser cette motion et de faire confiance au Conseil d'Etat, comme nous le faisons si souvent.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme le rapporteur de minorité.

Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vais peut-être faire un premier rappel. Le parti socialiste est favorable à cette loi - la LIAF - d'une part parce qu'elle permet d'assurer que l'argent public est bien utilisé et qu'il l'est de manière efficace et efficiente, mais aussi parce qu'elle permet d'éviter le fait du prince. Certains ici se rappelleront peut-être qu'il fut une époque où, si on s'entendait bien avec un conseiller d'Etat, on obtenait une subvention, et si on s'entendait moins bien avec lui, eh bien la subvention passait à la trappe ! A tel point que le parti socialiste a non seulement soutenu cette loi, mais le rapport établi en 2005 et présenté à votre Grand Conseil était le fait d'un député socialiste qui est encore parmi nous aujourd'hui.

Cela dit, la mise en application de la LIAF a révélé quelques problèmes. Certains ont été corrigés, mais d'autres n'ont pas encore été réglés. Notamment, tout le monde s'accorde à dire par exemple - peut-être pas l'Entente et l'UDC, mais en tout cas le Conseil d'Etat, l'administration et le secteur subventionné - que le système des contrats de prestations est lourd à mettre en place et que cela prend beaucoup de temps. Vous savez peut-être, Mesdames et Messieurs les députés, qu'au département de la solidarité et de l'emploi il y a à peu près deux personnes qui travaillent à plein temps simplement pour la rédaction et la mise à jour de ces contrats de prestations. C'est tellement lourd que je voudrais vous citer un article de la «Tribune de Genève» dont le titre est assez éloquent. Il date du 31 mars dernier et dit ceci: «La Fondation Wilsdorf pique un cadre à l'Etat.» Et ce cadre qui est parti, c'est M. Marc Maugué, le directeur général de l'action sociale. Dans l'interview, voici ce qu'il déclare: «[...] c'est l'Etat, dans son ensemble, qui est un peu victime actuellement d'un mouvement de contrôle à tous les niveaux. D'abord à l'échelon du parlement. Je comprends les objectifs des députés, mais il faudrait qu'un climat de confiance puisse se réinstaurer. Et puis l'administration elle-même souffre d'une volonté de maîtrise de processus qui va trop loin. Difficile de résister quand la machine bureaucratique s'emballe.» Alors, Mesdames et Messieurs les députés, je trouve tout de même admirable et amusant de voir que le parti libéral aujourd'hui se fait le défenseur de la bureaucratie ! (Exclamations.)

Une voix. Non !

Mme Anne Emery-Torracinta. Qu'est-ce que nous constatons ? Nous constatons que lorsqu'en commission des finances nous discutons de projets d'attribution de subventions, le temps accordé à leur étude est au fond inversement proportionnel à la somme que l'Etat s'apprête à distribuer. Je ne vous donnerai que deux exemples, mais ils me semblent assez révélateurs. Tout à fait récemment, notre parlement a voté une subvention de près de 80 millions de francs à l'Hospice général. En tout et pour tout, il y a eu vingt minutes de discussion à la commission des finances et il a été décidé de traiter ce projet selon la procédure des extraits - c'est-à-dire selon une procédure rapide - ici au parlement. J'ai essayé de vous retrouver une subvention pour laquelle il est tout juste nécessaire d'avoir un contrat et j'ai retrouvé celle qui a été accordée en 2008 à Pro Mente Sana. Il s'agissait de 205 000 F. Eh bien, cela a suscité un débat nourri en commission, des tentatives d'amendement, un long débat en plénière, avec pas moins de vingt et une interventions ! Vingt et une interventions pour 205 000 F de subvention, contre vingt minutes en commission des finances pour une subvention de 80 millions ! Mesdames et Messieurs les députés, cherchez l'erreur ! Cette erreur, elle vient tout simplement du fait qu'il y a dans cette salle un certain nombre de personnes qui ont une très mauvaise connaissance, sans doute, du monde associatif, ce qui explique leur méfiance. Sans doute imaginent-elles les associations comme étant composées de soixante-huitards attardés, en sabots, chevelus et barbus, n'ayant aucune notion de la gestion financière. Bref, de doux rêveurs prêts à dilapider l'argent public ! (Commentaires.)

Le président. Il vous reste dix secondes, Madame la députée.

Mme Anne Emery-Torracinta. Or, Mesdames et Messieurs les députés, ce que le monde associatif fait le plus souvent, c'est qu'il supplée aux manques de l'Etat, et il y supplée avec souplesse, avec rapidité et en recourant au travail bénévole, c'est-à-dire en dépensant bien moins que si l'Etat devait assumer ces tâches.

Je vous donnerai pour conclure deux exemples. Que serait Genève aujourd'hui sans tout l'argent mis par des privés, par des personnes, et sans toute l'énergie investie par exemple pour mettre en place...

Le président. Il vous faut conclure !

Mme Anne Emery-Torracinta. Je vais conclure ! ...pour mettre en place des institutions pour personnes handicapées ? Une fondation comme Aigues-Vertes, pendant trente ans, s'est passée de toute subvention publique ! Et que serait par exemple l'Hospice général, dont je parlais tout à l'heure, s'il ne pouvait pas remettre à Caritas la gestion du vestiaire social à un coût extrêmement bon marché ?

En définitive, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous demandons de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député barbu Antoine Droin.

M. Antoine Droin (S). Barbu, voire peut-être soixante-huitard, Monsieur le président ! (Commentaires.)

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais dire en préambule que le jeune couple formé par l'Etat et les associations n'en est pas encore à sa lune de miel ! Je n'ai malheureusement pas pu assister aux travaux de la commission des finances sur cette motion, ce qui m'aurait bien plu, ayant été le rapporteur cité par Mme Emery-Torracinta concernant la LIAF. De nombreuses heures et des mois ont été nécessaires à l'époque pour traiter cette loi, travail qui était en l'occurrence très passionnant. Je rappelle aussi que la LIAF avait finalement été acceptée à l'unanimité, malgré quelques réticences. Il serait peut-être bon de lire le Mémorial de l'époque pour se souvenir de toutes les réticences formulées, en tout cas par le parti socialiste.

On constate aujourd'hui que l'ensemble des associations peut s'accommoder de cette loi - on le voit - et il n'y a pas trop de réticences pour souscrire aux exigences de l'Etat. Que l'Etat puisse faire des contrôles est aussi quelque chose qui est accepté quand on touche des subventions, ce qui est normal. Cette LIAF est aussi un moyen pour l'Etat de mieux connaître et de comprendre le monde associatif, point positif qu'il faut également relever à mon avis.

Toutefois, il est aussi bon et indispensable que les deux mariés dont j'ai parlé tout à l'heure puissent encore mieux souscrire aux contraintes et aux exigences de ce mariage, tout en abolissant les aprioris que chacun peut avoir de son côté. Par exemple, il faut que certains écartent l'idée que les associations trichent et profitent des deniers publics. Il s'agit d'un partenariat et celui-ci doit être défini non seulement avec des indicateurs d'efficacité et d'efficience, mais aussi avec des critères de quantité et de qualité. En effet, on a souvent des indicateurs qui ne portent pas sur la qualité, ce qui est bien dommage, parce que c'est un très bon indicateur, mais c'est un critère très difficile à chiffrer et évaluer, notamment quand on parle de prestations sociales.

Je veux dire aussi que l'obtention d'argent via une subvention implique du contrôle. C'est normal et accepté comme tel. Le contrôle doit être proportionné en fonction de l'argent touché et des activités proposées.

C'est dans cet esprit que le monde associatif et l'Etat peuvent et doivent avoir des relations de confiance en ce qui concerne la LIAF. Aujourd'hui, on pourrait quelque peu regretter que certains députés, en commission, bien souvent remettent en cause ou critiquent de manière infondée le travail accompli dans le monde associatif, ce qui induit un climat relativement désagréable et fait que nous revenons plus ou moins régulièrement avec des motions pour défendre le système associatif, défendre son fonctionnement, défendre son sérieux. C'est là qu'il est important que l'Etat et la députation puissent reconnaître ce qui est fait et admettre que tout n'est pas si mauvais que ça.

Je recommande donc bien entendu de suivre le rapport de minorité et de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat pour faire en sorte que le ménage associations-Etat passe sa lune de miel dans les meilleures conditions !

M. Jacques Jeannerat (R). Mesdames et Messieurs les députés, il est certain que la LIAF est perfectible, mais il nous paraît prématuré de la modifier déjà, car de nombreux organismes subventionnés via la LIAF n'ont vécu qu'une seule période de quatre ans sous ce système. Une chose est sûre pour nous, c'est qu'une vision sur quatre ans d'une subvention à un organisme permet d'éviter parfois d'avoir des augmentations trop importantes, et une vision sur le moyen terme permet une meilleure égalité de traitement dans le subventionnement. Alors, c'est vrai, je suis d'accord que le système requiert parfois et a demandé au début à certains organismes une plus grande rigueur dans la gestion financière. Mais je crois qu'en fin de compte c'est une bonne chose, puisque l'argent vient de la collectivité publique. La LIAF, par exemple, n'autorise pas la subvention en cascade; c'est aussi une bonne chose, car cela donne une vision bien plus précise de l'aide publique au monde associatif.

En résumé, nous ne sommes pas contre une évaluation de la LIAF, mais nous estimons qu'il est trop tôt. Je vous invite donc à suivre le rapporteur de majorité.

Une voix. Très bien !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. l'ancien député chevelu Christian Bavarel.

M. Christian Bavarel (Ve). Merci, Monsieur le président. Cette période-là remonte à très très longtemps ! Mesdames et Messieurs les députés, les Verts ont voté la LIAF, et il faut rappeler que la loi sur les indemnités et les aides financières nous a donné un bien meilleur contrôle sur les différentes subventions. Il y avait toute une partie du budget de l'Etat qu'on ne contrôlait pas du tout. Aujourd'hui, avoir cette loi est une bonne chose. Le problème de la LIAF, c'est qu'elle concerne aussi bien l'Hôpital, dont le budget s'élève à environ 1 milliard de francs, que des petites associations soumises aux mêmes règles. Effectivement, ce n'est pas tout à fait de la même ampleur et ce n'est pas tout à fait la même chose. Certaines entités touchées par la LIAF le sont, à mon avis, relativement aisément, parce que le volume qu'elles ont ne pose aucun problème. Aujourd'hui, nous avons créé à certains moments un climat de méfiance avec les associations et avec certaines petites fondations, ou de plus grande importance. Nous avons pu instaurer aussi un climat de méfiance avec les partenaires privés, non étatiques, de ces différentes entités.

Nous pensons donc que les invites proposées par le parti socialiste sont assez simples en réalité. La première invite le Conseil d'Etat «à établir un bilan détaillé de la mise en oeuvre de la LIAF et de ses conséquences à tous les niveaux et pour l'ensemble des partenaires, en particulier les institutions subventionnées, ainsi que les services de l'administration concernés». Et la deuxième invite consiste «à proposer, en étroite concertation avec les institutions subventionnées et dans les meilleurs délais, une révision de la LIAF prenant en compte les conclusions de ce bilan». Cela nous semble absolument nécessaire, mais nous reconnaissons aussi que la LIAF a évolué, que depuis sa mise en place il y a eu une période où tout le monde était soumis au contrôle ordinaire. Or le contrôle ordinaire, c'est ce qu'on demande aux sociétés qui sont cotées en bourse. Et le contrôle ordinaire, ce n'est pas un petit contrôle, c'est un contrôle qui est relativement lourd. On s'est retrouvé avec des systèmes de contrôle où, au bout d'un moment, le risque est d'avoir un coût du contrôle supérieur au bénéfice qu'on pourrait en escompter. Je rappelle ce que l'on semble oublier dans cette assemblée, à savoir que la LIAF ne s'applique pas qu'aux indemnités et aides financières supérieures à 200 000 F, qui nécessitent un projet de loi, mais elle s'applique aussi aux entités qui passent directement par le Conseil d'Etat pour une subvention.

Le sujet est donc vaste et complexe. Cela fait maintenant quatre ou cinq ans que cette loi est en place. Nous pensons qu'en votant cette motion, nous allons parvenir à une possibilité d'évaluation dans une année, vu le rythme auquel nous travaillons. Ainsi, évaluer cette loi après cinq ans nous semblait une bonne chose. Cette loi est bonne et positive. Elle a des défauts de jeunesse qu'il faut corriger, simplement pour pouvoir travailler le mieux possible et ne pas casser la dynamique entrepreneuriale de ce secteur, aidé et soutenu par l'Etat. Merci.

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, «nobody is perfect» ! Et ce n'est pas du latin ! Les démocrates-chrétiens ont voulu la LIAF et l'ont soutenue. Pour nous, elle s'inscrit dans une logique de plus grande transparence, de plus grande visibilité des associations et organismes subventionnés. Nous sommes encore et toujours convaincus de sa nécessité. Nous avons aussi relevé les principaux inconvénients, soit ces fameux contrôles, pourtant indispensables, qui ont dû être adaptés parce qu'ils portaient finalement atteinte au bon fonctionnement des associations, qui dépensaient parfois plus d'argent pour contrôler que pour le travail qu'elles devaient faire sur le terrain. Nous avons également apprécié, même si cela a dû se faire un peu dans la douleur, qu'il y ait une meilleure répartition, régularisation, acceptation de certaines thésaurisations, et nous avons été les premiers à dénoncer celles qui étaient abusives. Quant à l'indexation des salaires, nous avons aussi apporté notre contribution à ce que cela puisse se faire.

Maintenant, nous avons été extrêmement attentifs au fait de relever le plafond. Aujourd'hui, nous pensons qu'il sera indispensable de se reposer la question. Et si nous rejetons cette motion socialiste et que nous soutenons le rapport de majorité, c'est que nous sommes persuadés qu'il est encore nécessaire de disposer d'un temps d'évaluation pour pouvoir convaincre notamment nos partenaires de l'Entente. Toutefois, nous savons que nous devrons aborder cette réalité, car pour pouvoir continuer à travailler de manière efficace, parce que le temps c'est de l'argent, il est utile de ne pas dépenser ce temps de manière excessive en contrôles. Lorsque nous aurons eu l'assurance que ces institutions, associations et organismes subventionnés font vraiment un excellent travail, au plus près de leur conscience, et avec la meilleure utilisation des deniers publics, nous soutiendrons à ce moment-là la motion et nous reviendrons avec un projet pour relever le plafond. Aujourd'hui, il est encore trop tôt. Nous rejetons donc la proposition socialiste.

M. Eric Bertinat (UDC). Pour synthétiser les débats, la motion socialiste demande deux choses: un bilan et une révision de la loi sur les indemnités et les aides financières. Concernant ce sujet, trois problèmes ont été ciblés. D'abord, celui de la thésaurisation pouvant causer du souci aux petites associations dont la «fortune» - entre guillemets - serait siphonnée avant que l'Etat leur apporte une aide financière, et qui prétériterait des plans à venir, comme des transformations de bâtiments ou des achats de mobilier. Là nous avons bien compris qu'il y avait des décisions à prendre, de cas en cas, autres que celles qui sont réglementées.

Le deuxième problème concerne les contrôles imposés aux associations. Là aussi, il est vrai que les petites en ont pâti, parce qu'il leur a fallu revoir leur propre comptabilité selon les critères imposés par l'Etat, ce qui leur a occasionné des frais assez importants. Mais voilà, maintenant c'est fait, et on suppose que dans les années à venir le problème ne devrait plus se reposer, à part évidemment pour les nouvelles associations qui demanderaient une aide financière.

Dernier problème relevé: ce fameux montant plancher qui est actuellement à 200 000 F. Là-dessus, il faut avouer que l'UDC n'est pas du tout favorable ni à l'augmenter, ni à le diminuer. Puis j'aurai la même remarque que Mme Emery-Torracinta, à savoir que plus le montant est petit, plus on discute, plus on va gratter le détail et chercher ce qui ne va pas. Or les subventions de plus d'une dizaine, voire centaine de millions de francs passent comme une lettre à la poste, parce qu'on est devant une gigantesque montagne et qu'on ne sait jamais vraiment par où commencer, alors on se fie plutôt au dossier qu'on nous présente et au sérieux que les fonctionnaires y ont apporté.

Finalement, des problèmes soulevés, il reste, à la lecture du rapport, des solutions assez simples, telles que celles mises en avant par M. Hiler, c'est-à-dire d'avoir des contrôles restreints. Un simple arrêté du Conseil d'Etat suffirait pour résoudre ce problème. L'autre solution, qui a paru évidente à la commission depuis de nombreuses auditions, c'est que les frais engagés par la LIAF pourraient être diminués par un regroupement d'une partie des associations. Ainsi, on voit que les problèmes soulevés peuvent être résolus en interne, avec l'usage de la LIAF. Le groupe UDC ne souhaite par conséquent pas soutenir cette motion et va attendre que les effets soient complètement déployés sur quatre ans avant de revoir tout cela. Pour l'heure, il se satisfait de la situation actuelle.

M. Claude Jeanneret (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, voilà une demande fort raisonnable parce que la LIAF présente certaines imperfections, comme toute nouvelle loi. Je ne crois pas qu'il faille dire qu'elle est issue d'une méfiance vis-à-vis des associations, même si nous n'étions pas encore là au moment de son vote. En effet, je crois au contraire qu'elle est valorisante, car faire un contrat de prestations signifie reconnaître l'utilité de l'entité subventionnée et, par là même, on lui demande également de rendre des comptes pour être dans une entente parfaite entre le financier et celui qui agit. Le financier est quand même l'Etat avec les deniers publics. Il est donc normal d'être attentif à qui on donne de l'argent. L'exécuteur est une entité privée ou une organisation semi-privée, mais cela pose un petit problème. Car si la LIAF a eu de bonnes intentions, notamment avec l'idée d'éviter des thésaurisations excessives, dire qu'aucune n'est permise pour une petite entité, cela peut poser problème. Je crois que, au niveau des contrats, on peut convenir d'une certaine tolérance. C'est le moins grave. Ce qui l'est plus, c'est d'avoir confondu, au niveau des contrôles, des termes prévus par le code des obligations et d'autres inclus dans la loi. Cela, chers collègues, c'est dramatique.

En effet, dans la loi, le contrôle restreint s'adresse à des entreprises qui emploient entre onze et cinquante personnes, qui font plus d'un million de francs de chiffre d'affaires et qui ont dix millions de francs de capital. C'est déjà un gros contrôle, car le contrôle restreint n'est pas quelque chose de restreint, détrompez-vous, mais quelque chose d'important. Quant au contrôle ordinaire, cela concerne des entreprises de plus de cinquante employés, de plus de dix millions de francs de chiffre d'affaires et qui ont vingt millions de francs de capital. Ce sont de lourds contrôles qui exigent un audit interne d'abord, un contrôle interne, une évaluation des risques et diverses autres choses. Il en résulte un rapport de quarante à cinquante pages. Vous pensez bien que si une entité recevant 200 000 F de subventions par année doit présenter un rapport coûtant le quart ou le cinquième de cette somme, c'est totalement illogique. Je crois qu'il y a une évolution rapide à entreprendre, car il vaudrait mieux que le contrôle souhaité soit clairement défini au niveau de la loi, en disant que nous aimerions constater ceci, ceci et cela, sur une dizaine de points. Mais il ne faut pas confondre les petites associations subventionnées avec les entreprises d'une grande importance, qui nécessitent un contrôle, car c'est important par rapport à leur activité et à la défense des partenaires sociaux. Dans le cas présent, il y a un excès de demandes.

Alors, de là à rédiger une nouvelle LIAF, non. Je pense que, dans sa grande sagesse, le Conseil d'Etat pourrait faire une proposition de modification des termes ou éventuellement du mode de contrôle. Il est effectivement nécessaire que ces petites associations ou ces petites entités subventionnées soient contrôlées, car on ne peut pas donner de l'argent sans cela.

Le président. Il vous reste vingt secondes, Monsieur le député.

M. Claude Jeanneret. Néanmoins, on peut avoir une idée plus raisonnable du contrôle. Quant à la modification du plafond à partir duquel la LIAF s'applique, ceci est peut-être à revoir.

Pour ces bonnes raisons, je pense qu'il est prématuré de demander aujourd'hui le bilan et la révision de la loi. On peut faire confiance au Conseil d'Etat qui saura quoi faire et qui pourra nous proposer quelque chose. Dans l'état actuel, je crois qu'il est prématuré de demander un bilan après si peu d'années d'expérience.

M. Edouard Cuendet (L). La rapporteure de minorité a cru bon de citer des exemples ponctuels, comme le font souvent les socialistes, ce qui est toujours assez hasardeux, parce que l'Hospice général - institution qu'elle connaît bien pour diverses raisons - a une particularité, c'est qu'il bénéficie d'une garantie constitutionnelle pour son déficit. Donc, évidemment, tout budget que l'on peut adopter ou tout contrat de prestations a ses limites, puisqu'une éventuelle perte est de toute façon couverte par l'Etat.

Pro Mente Sana est effectivement une petite association, avec une petite subvention, mais le débat a été nourri parce qu'elle mène une guérilla constante contre la politique de santé de l'Etat. On peut se demander s'il appartient à l'Etat de subventionner une entité qui l'attaque en permanence. De plus, elle est liée à une entité suisse allemande, fort bien dotée financièrement. Ainsi, il est vrai que cela a occasionné un débat nourri, mais il se justifiait.

Mme Emery-Torracinta cite ensuite l'exemple de M. Marc Maugué qui est un excellent collaborateur, dont nous avons eu la chance de bénéficier de la science à la commission des finances. Il a été effectivement attiré par les sirènes irrésistibles du capitalisme en allant à la Fondation Wilsdorf. (Remarque.) Mais de là à habiller cela sous d'autres prétextes, je pense qu'il ne faut pas y attacher trop d'importance.

Revenons maintenant à des choses plus sérieuses. En effet, la LIAF nous a permis de mettre de l'ordre dans un milieu associatif très divers et pluriel. Il était notamment pluriel dans la façon d'appréhender les rigueurs de la comptabilité et des chiffres. La LIAF nous a permis de fixer des critères communs pour chaque entité subventionnée, ce qui est le grand gain de cette loi, que le parti libéral a soutenue et a même initiée, grâce à notre président du Grand Conseil. Il en va de l'égalité de traitement entre les différentes entités subventionnées.

Moi, ce qui m'a frappé dans les débats sur la LIAF, c'est que certaines entités, souvent petites, se sont senties outragées. Mais outragées ! On a reçu des lettres et des e-mails. Elles étaient scandalisées que l'Etat ose venir mettre son nez dans la gestion d'entités qui recevaient le 100% de leur budget de l'Etat. (Commentaires.) Mais je ne vous mens pas ! On a vu des entités qui avaient confondu - malheureusement, c'est arrivé - le budget de fonctionnement avec celui destiné aux projets. Et après on s'étonne que la commission des finances veuille y apporter un regard plus attentif, grâce à la LIAF.

La LIAF a donc permis de rétablir une égalité de traitement entre les associations subventionnées. Les grandes associations et les grandes structures bénéficiant de grosses subventions ont mis en place, pour la plupart d'entre elles, des systèmes de contrôle que n'ont pas les petites. Donc, évidemment, ces dernières devaient se mettre à niveau. Mais là où le groupe libéral est absolument d'accord avec la majorité ou même l'unanimité de la commission, ainsi qu'avec l'administration et le département de M. Hiler - un consensus est né au sein de la commission des finances - c'est que le contrôle doit être proportionné à la taille de la structure.

Au fond, ce débat est assez inutile, parce que tout le monde est d'accord sur ce sujet. Alors, le débat étant inutile, la motion l'est également, c'est pourquoi j'invite, comme le rapport de majorité, à ne pas la voter et à la rejeter. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Schneider Hausser, à qui il reste vingt secondes.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Alors je ne dirai rien au sujet de la LIAF, mais je répondrai à M. Cuendet que peut-être bien que les associations qui ont eu l'habitude de se voir accorder de la confiance doivent s'habituer et apprendre ce qu'est un contrôle, relativement lourd, relatif à la LIAF. Mais que sont-elles en comparaison de l'UBS, par exemple, à qui on a donné des milliards sans avoir pu obtenir une grande transparence...

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.

Mme Lydia Schneider Hausser. ...une grande transparence de ses comptes.

Le président. Merci, Madame la députée. Dans la mesure où les deux rapporteurs ont très largement dépassé leur temps de parole, je leur accorde à chacun, avec équanimité, trente secondes, en commençant bien évidemment par Mme le rapporteur de minorité.

Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président, je serai très brève. J'aimerais simplement m'étonner de la remarque de M. Cuendet qui dit: «Au fond, je ne sais pas pourquoi on a ce débat.» Si vous avez lu avec attention mon rapport de minorité, vous avez vu que j'avais proposé en commission des finances qu'on gèle la discussion, qu'on gèle la motion, parce qu'il semblait qu'on pouvait arriver à un consensus et qu'il fallait attendre un peu avant de renvoyer ce texte en plénière. Or le groupe libéral ne l'a pas souhaité, il a obligé à ce qu'on ait un vote. Résultat des courses: on est là. Et donc qui gaspille les deniers publics ? Qui a fait en sorte que nous dépensions de l'argent aujourd'hui ?

Le président. Il vous faut conclure.

Mme Anne Emery-Torracinta. Le parti libéral, Mesdames et Messieurs les députés.

Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur le rapporteur de majorité, je vous passe la parole pour trente secondes.

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je remercie Mme Emery-Torracinta d'attribuer une telle puissance au groupe libéral et à la force de ses commissaires aux finances. Cela étant, nous avons amplement parlé de cette motion. Nous avons vu que les contrôles devaient peut-être être modulés en fonction du montant de la subvention accordée. Sur cette base, sur laquelle nous sommes tous d'accord, je propose aujourd'hui au groupe socialiste de retirer sa motion pour éviter une nouvelle défaite. Je vous remercie. (Exclamations.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le conseiller d'Etat, M. David Hiler.

M. David Hiler, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, sur la question de l'évaluation, je pense qu'il faut tout de même distinguer deux sujets. D'abord, la LIAF est fondamentalement un acte politique par lequel le parlement demande en quelque sorte à être mieux informé lorsqu'il vote des subventions. Pour ce faire, il ne peut les passer en revue chaque année. Cela offre aux associations un avantage, qui est celui de la stabilité, puisque les contrats sont quand même destinés à devenir quadriennaux, même si, pour des raisons que vous connaissez, dans certains secteurs clés il y a eu des exceptions.

Je ne veux pas cacher que, sur le plan technique, l'apprentissage a été difficile pour chacun. Et j'en parle à mon aise, puisque je vous signale au passage que mon département est le seul à ne pas accorder de subventions, donc j'ai un regard distant sur la question. L'administration a dû travailler très dur pour mettre en place tous ces contrats, nouveaux pour deux tiers d'entre eux. Ensuite, les associations ont dû se doter de compétences pour pouvoir avoir un dialogue. Puis votre parlement a dû, comme notre Conseil d'Etat d'ailleurs, étudier des dossiers beaucoup plus longs pour se faire une opinion.

A ce stade, je dirai deux choses. La loi est bonne. Elle permet de faire le travail. L'utilisation qui en est faite est encore imparfaite. Je ne suis pas sûr que, ni au niveau de notre Conseil, ni au niveau du vôtre, on perçoive vraiment que l'instauration de certains contrats a été un moment clé de la législature et n'est pas simplement une formalité: le contrat des HUG, à l'évidence. Celui des TPG, vous le soignez, je le reconnais volontiers, mais il y a aussi les contrats des EMS. Vous êtes sur des politiques publiques de la plus haute importance. Ainsi, à examiner avec du recul la partie «indicateurs» de plusieurs des contrats, je pense qu'on doit être capable de faire un peu mieux et que la logique générale des budgets par prestation va nous y aider.

Deuxièmement, j'ai malgré tout l'impression d'avoir entendu un petit peu moins, et même beaucoup moins de débats absurdes sur 30 000 F, 60 000 F, 220 000 F, depuis l'instauration de la LIAF. Je ne vais pas vous ennuyer avec mes souvenirs de vieux combattant, mais disons que j'ai entendu dans les années nonante des choses totalement ahurissantes dans cette enceinte, notamment pour une subvention de 60 000 F. Elle a été traitée cinq fois durant deux heures, puisqu'il n'y avait pas encore de limitation du temps de parole. Je pense que ça va mieux aujourd'hui.

Ensuite, je vous signale que le budget par prestation nous amène tout naturellement à donner une autonomie pour des tâches déléguées à notre propre administration. C'est le dialogue que nous avons aujourd'hui avec les cadres supérieurs de l'administration: comment peut-on fixer sur quatre ans un certain nombre d'objectifs et se donner les moyens de les mesurer ? Pour ce faire, il faut évidemment que soit en place un bon système, non pas de contrôle interne, mais de contrôle de gestion.

Dernier élément: nous avons fait un certain nombre de sottises et ça a été assez long pour les réparer. Je dis «nous», parce qu'il y a beaucoup d'acteurs: il y a vous, il y a nous, il y a l'ICF. La thésaurisation... A vouloir tout contrôler, on s'est rendu compte qu'on empêchait les associations d'aller chercher de l'argent. La commission y a passé des heures et des heures. Moi, je nageais entre l'avis de l'expert du département, celui de la Cour des comptes, celui de l'inspection cantonale des finances, et un jour - miracle ! - le bon sens est revenu. Nous avons simplement inscrit ce que nous autorisions les associations à conserver, en fonction de leurs capacités générales à aller chercher des fonds privés. Je pense que c'est un problème que nous avons résolu.

La nature du contrôle, il faut encore la préciser, je suis d'accord. On a enlevé l'absurdité du contrôle ordinaire, qui est le plus conséquent pouvant exister, au niveau de l'interprétation, avec une directive. On doit vraisemblablement aller au-delà du contrôle restreint pour les toutes petites subventions, vous avez raison. Donc je pense que nous devons encore perfectionner l'outil. Si jamais vous votiez cette motion, il serait intéressant de voir comment alléger la procédure. Or c'est essentiellement au niveau des administrations et des associations que cela se passe, car chacun sait de quoi il parle, puisqu'il l'a fait une fois. Je crois qu'aujourd'hui, il y a une volonté commune d'aller dans ce sens. Il faut juste faire attention à ne pas tomber dans l'immobilisme. Il faudra trouver un certain nombre d'améliorations. Je pense que le bon moment sera à la fin des premiers contrats quadriennaux, même un an avant, de sorte à simplifier l'entrée dans ce dossier.

Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je tenais à vous dire. Il y a eu des difficultés, des méfiances, des bêtises et des craintes. Aujourd'hui, je pense que cette loi est solidement ancrée et que la seule chose à faire est de perfectionner l'un ou l'autre de ses aspects, mais surtout d'alléger les modalités de sa mise en oeuvre. Je suis persuadé que, au Conseil d'Etat, c'est bien l'intention de tous mes collègues.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote.

Mise aux voix, la proposition de motion 1913 est rejetée par 52 non contre 26 oui et 1 abstention.