Séance du
jeudi 24 mars 2011 à
14h10
57e
législature -
2e
année -
6e
session -
36e
séance
R 631
Débat
Le président. Je donne la parole à l'auteur de cette proposition de résolution, c'est-à-dire M. le député Eric Bertinat.
Présidence de M. Pierre Losio, premier vice-président
M. Eric Bertinat (UDC). Sans doute, la résolution que je vous propose aujourd'hui vous aura-t-elle surpris. Je vais donc essayer de vous expliquer qu'elle correspond non seulement à une réalité politique connue, mais plus encore qu'on ne le pense.
Petit préliminaire avant d'aller plus loin dans mes explications: je voudrais préciser un point, car le sujet de ma proposition de résolution a été, à mon avis, très mal compris par la presse. Il ne s'agit pas d'annexer des régions à la Suisse: nous ne voulons annexer personne ! Au contraire, la résolution propose d'intégrer à la Suisse les régions frontières qui seraient intéressées à devenir, éventuellement, un canton suisse.
Autre remarque: il est en fin de compte naturel de voir la Suisse s'agrandir petit à petit, elle l'a fait depuis sa naissance et au cours des siècles, les régions intéressées par la Confédération sont venues la rejoindre.
Qu'est-ce qui a déclenché le dépôt de mon texte ? C'est tout simplement un sondage récent qui a montré que les habitants du Vorarlberg, de Haute-Savoie, du Bade-Wurtemberg et de la région de Côme-Varèse étaient très intéressés et favorables à l'idée de rejoindre la Suisse. Bien évidemment, un sondage vaut ce qu'il vaut, mais celui-ci a attiré notre attention, car le taux des sondés qui sont favorables n'est pas minime; il montre que cet intérêt est tout à fait manifeste. J'ai pu m'en rendre compte il y a quelques mois, lors d'un déplacement à Stuttgart. J'ai assisté à une conférence réunissant un peu plus de 200 participants; à un moment donné, la personne qui présidait cette réunion a demandé aux gens qui étaient présents dans la salle si l'idée de devenir suisses, pour être maîtres de leur destin, pour avoir accès à la démocratie directe - droit dont peu de pays voisins, si ce n'est aucun, ne bénéficient... Eh bien, plus de 90% des participants ont levé la main en disant qu'il y avait un intérêt manifeste.
La question se pose de plus en plus, parce qu'avec l'Union européenne, peu encline à une démocratie directe, les pays voyant leur pouvoir ou leur souveraineté diminuer regardent du côté de la Suisse, qui, sur ce point, ne s'en sort pas mal du tout.
Dernière remarque: on vient d'aborder le problème de l'agglomération. Il est toujours difficile - je ne sais plus qui l'a dit - de travailler ensemble à cause de la frontière, car les règles ne sont pas les mêmes d'un côté et de l'autre. Eh bien, si l'on prend le cas de l'Ain ou de la Haute-Savoie - bien évidemment, dans l'hypothétique cas de figure où ils deviendraient suisses...
Le président. Monsieur le député, vous avez dépassé la frontière du temps qui vous est imparti !
M. Eric Bertinat. Merci, Monsieur le président ! ... les problèmes d'agglomération se trouveraient résolus.
Je sais très bien ce qu'il va advenir de ce texte, mais je fais néanmoins le pari que nous n'avons pas fini de parler de ce sujet.
M. Pierre Weiss (L). Je ne savais pas M. Bertinat si proche de M. Baettig, et ce voisinage ne l'honore pas nécessairement... Celui-ci s'est en effet vu retoquer sérieusement lorsqu'il a proposé un objet similaire aux Chambres fédérales, et voici qu'aujourd'hui, sur le plan cantonal, M. Bertinat en vient à nous proposer d'accepter - il n'a pas dit «d'annexer» - que des régions limitrophes nous rejoignent ! A mon avis, s'il avait de l'histoire une meilleure mémoire, il se souviendrait que la Suisse a refusé d'accepter des régions limitrophes qui voulaient nous rejoindre. La dernière fois, c'était en 1919 au sujet du Vorarlberg, lequel s'était déclaré favorable, à 82%, en faveur du rattachement de ce land - une partie de l'ancien Empire austro-hongrois - à la Suisse. Eh bien, il s'est trouvé que la Suisse n'a pas voulu s'agrandir ni modifier ses frontières, pour les raisons déjà évoquées par Genève concernant la Savoie: pour ne pas modifier l'équilibre linguistique et confessionnel. C'est une boîte de Pandore que M. Bertinat veut ouvrir aujourd'hui ! C'est une boîte de Pandore, et, bien évidemment, nous mettrons tout en oeuvre pour qu'elle ne s'ouvre pas !
Au surplus, dans ces exemples - deuxième considérant - il est indiqué que les régions limitrophes sont victimes d'un dédain ou d'un désintérêt de la part des pouvoirs centraux... C'est peut-être vrai pour le Pays de Gex, mais je doute que le land du Bade-Wurtemberg soit victime d'un désintérêt de l'Allemagne pour son développement - d'ailleurs, c'est l'une des régions les plus développées d'Allemagne, avec la Bavière. Je doute que l'Alsace - il se trouve que c'est la patrie de mes ancêtres paternels... (Exclamations.) Je suis donc double national, bien sûr ! (Rires.) Je poursuis: je doute que l'Alsace se plaigne d'un désintérêt de Paris. Et je pourrais multiplier les exemples !
Prétendre que les régions n'ont pas la possibilité de se prononcer sur leur destin renvoie à deux choses: tout d'abord, évidemment, au droit national... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...qui ne le prévoit pas, sauf dans certains pays. D'ailleurs, jadis, l'URSS prévoyait le droit à la sécession, mais on sait que la constitution extrêmement «démocratique» de l'URSS - c'est une parenthèse - n'avait, dans les faits, pas grande portée. Mais le plus important, et qui peut déboucher sur une sécession, c'est l'autodétermination des peuples. Va-t-on prétendre qu'il y a un peuple savoyard, qu'il y a un peuple levantin, qu'il y a un peuple de la région de Côme, qu'il y a un peuple alsacien ? Voilà d'ailleurs aussi une rhétorique sur laquelle...
Le président. Monsieur le député, il vous faut conclure !
M. Eric Stauffer. ...je ne voudrais pas revenir ! Bref, Monsieur le président, le droit international ne reconnaît le droit à la sécession que dans des cas très limités.
Cette proposition de résolution est une ingérence indirecte, qui ne respecte pas l'intégrité territoriale des pays voisins. Elle est en outre offensante, parce que, en réalité, elle suppose que les pays voisins ne sont pas à même de mener à bien leur propre avenir. La Suisse s'est fixée dans ses limites: qu'elle y reste ! Elle y est heureuse, et ses habitants aussi !
M. Guy Mettan (PDC). Il est vrai que, comme certains dans cette salle, lorsque j'ai lu le libellé de cette résolution, j'ai d'abord cru à une plaisanterie. Je sais que l'UDC a beaucoup d'humour, mais pas toujours en ce domaine. J'aimerais quand même rappeler qu'il y a moins de deux ans le président de votre parti nous avait concocté une affiche parlant de la «racaille» d'Annemasse... Vous avez bien fait de supprimer cette affiche, car ce terme était tout à fait inapproprié. Mais enfin, nous sommes quand même assez étonnés de voir que, tout d'un coup, vous voudriez que la population voisine, dont vous vous méfiez tellement, vienne à nous maintenant.
Par ailleurs, durant ces deux dernières années, nous vous avons beaucoup entendu parler des accords de Schengen, en nous répétant urbi et orbi que ces accords ne valaient pas un clou parce qu'ils permettaient aux criminels de France voisine de venir chez nous. Il est vrai que, pas plus tard qu'aujourd'hui, la station Agip, à Anières, vient d'être dévalisée par quelqu'un qui fuyait du côté de la frontière... De deux choses l'une: soit les accords de Schengen sont efficaces, et, dans ce cas, il n'est pas nécessaire d'accepter que les régions limitrophes nous rejoignent; soit ils ne le sont pas, et il ne faut surtout pas faciliter la tâche des criminels étrangers qui aiment tant les guichets de nos banques et de nos bureaux postaux !
Et enfin, il y a dans cette résolution une invite qui me paraît tout à fait surprenante, elle demande de modifier la Constitution fédérale... Or j'ai toujours cru, en lisant la propagande de l'UDC, que la Constitution fédérale est absolument intouchable, que c'est quelque chose de sacré, d'inviolable. Et voilà que, maintenant, vous nous proposez de tout bazarder, pour, au fond, non pas mettre la Suisse dans l'Europe, mais l'Europe dans la Suisse ! A mon avis, il vaut beaucoup mieux - en tout cas, c'est la considération que j'ai pour nos voisins français - parler sur un pied d'égalité, respecter les institutions de nos voisins. Si l'on veut s'ouvrir à l'Europe - ce que je salue, finalement, à travers cette initiative - il vaut beaucoup mieux que ce soit la Suisse qui aille vers l'Europe, que le contraire ! (Commentaires. Exclamations.)
Présidence de M. Renaud Gautier, président
M. Patrick Lussi (UDC). C'est exactement comme tout à l'heure: vous avez l'art de galvauder un sujet et de l'amener sur un terrain qui n'a rien à voir ! En définitive, Mesdames et Messieurs, quand je vous entends... On est sans arrêt en train de nous dire que nous devons nous ouvrir aux réfugiés; et pour une fois que l'on essaie de suggérer que la Suisse pourrait s'étendre un peu, évidemment c'est le «fascisme discriminatoire», j'entends déjà des députés de certains bancs nous le dire !
Mesdames et Messieurs, regardez l'invite de cette résolution ! Regardez surtout, à la lumière de l'actualité, la dichotomie grandissante entre les élites oligarques - dont j'ai l'impression que quelques-uns parmi vous font partie - qui oublient constamment de tenir compte de ce que pense le peuple ! Eh bien, le peuple commence à s'exprimer différemment: n'en déplaise à certains, la démocratie purement représentative, les gens en ont assez ! Ils veulent aussi une démocratie directe, cela se constate de plus en plus, et ça s'entend !
Mesdames et Messieurs, que fait l'UDC ? Certains, je vous l'avoue, réfléchissent au problème... Eh bien non, Monsieur Mettan, la Suisse n'a pas envie d'entrer dans l'Europe ! Parce que le système politique ne nous convient pas ! Beaucoup de Suisses vous le diront: ce déficit démocratique ne convient pas ! Et si, comme cela semble se dessiner, quelques Européens décidaient de nous rejoindre, en admettant qu'ils aient droit à l'autodétermination, leur feriez-vous l'affront de le leur refuser ? La question se pose ! Honte à vous, Monsieur ! Honte à vous !
Mesdames et Messieurs, je vous conseille d'accepter cette résolution.
M. François Lefort (Ve). Une fois n'est pas coutume, cher Monsieur Bertinat, c'est avec magnanimité que nous nous sommes penchés sur cette résolution UDC. (L'orateur est interpellé.) Si, magnanimité, car, nous aussi, nous partageons votre goût pour l'excellent pinot noir de votre collègue Leyvraz. Mais il ne produit visiblement pas les mêmes effets chez tout le monde...
Néanmoins, il y a trois bonnes raisons pour refuser votre résolution, Messieurs Bertinat et Lussi ! D'abord, elle est tout à fait timorée, minimaliste, car, enfin, quitte à revoir le cadre constitutionnel fédéral, il faut le faire avec ambition, et non pas envisager un ridicule petit débarquement à Thonon ! Vous le savez, pour vos amis du MCG, la France voisine c'est toute la France ! Jusqu'à Bordeaux ! Et vous voudriez vous limiter à ces crêtes, si chères à Pictet de Rochemont ? Par contre, lancer nos féroces Vieux-Grenadiers à l'assaut de la France voisine, faire jonction avec les milices savoisiennes, défiler sous l'Arc de Triomphe... Ensuite, prendre Papeete et en faire notre porte-avions, remonter le Yangtsé avec notre fière Neptune, prendre Pékin, renommer la Place Rouge en «Place Rouge à Croix Blanche»... (Exclamations.) ...et marquer «Made in Switzerland» sur nos slips... (Applaudissements.) Voilà un programme plus ambitieux qui rajouterait un énorme canton à la Suisse, Monsieur Bertinat !
Voilà ce que nous inspire donc la lecture de votre résolution, et le nectar de votre collègue, bu concomitamment. Voilà la première raison pour laquelle nous ne soutiendrons pas votre résolution: elle est minimaliste !
La deuxième raison est tout simplement d'ordre pratique, elle a déjà été mentionnée par certains députés. Votre résolution implique une révision partielle de la Constitution fédérale, dont le principe, sur la base de votre invite à l'Assemblée fédérale, est loin d'être acquis, je suis désolé de vous le dire ! Pourquoi ne pas demander aussi au Conseil fédéral de renégocier les traités de Vienne et de Turin ?! Ce qu'il pourrait faire, s'il lui en venait l'idée folle ! Cela aurait au moins le mérite d'être clair: cela ressemblerait tout à fait au casus belli que vous demandez à l'Assemblée fédérale de commettre.
Enfin, plus sérieusement, la troisième raison pour laquelle nous refuserons votre résolution, c'est qu'il y a une solution toute simple pour intégrer les régions limitrophes, une solution toute simple dont vous ne voulez jamais entendre parler: c'est l'adhésion de la Suisse à l'Union européenne, à laquelle votre parti s'oppose constamment.
Pour conclure, vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe Vert refusera d'entrer en matière sur cette pitrerie de l'UDC, qui commence à se prendre pour le MCG ! (Applaudissements.)
M. Claude Jeanneret (MCG). Eh bien, voilà une résolution qui, si elle peut paraître quelque peu surprenante au départ, ne l'est pas tant que ça ! Contrairement à ce que dit M. Lefort, qui n'a jamais rien su du MCG, sinon de le critiquer d'une manière stupide, nous n'avons jamais confondu la France dans son ensemble et le Pays savoisien, loin de là ! Nous nous sommes toujours pas trop mal entendus avec nos voisins, et nous leur avons même, au Moyen-Age, donné un coup de main quand ça n'allait pas... Il n'est donc pas nouveau que l'on tende la main à nos voisins !
Nous ne pouvons que constater que, depuis 1815, la France, pour coloniser la Savoie, n'a fait que violer les traités. Et si une région frontalière se réveille politiquement et a envie de connaître autre chose qu'une soumission aveugle au pays qui l'a quelque peu assassinée, cela me paraît être une bonne chose. Je ne sais pas si l'on pourra influencer la Confédération pour changer, disons... Mais nous pouvons en tout cas encourager les personnes intéressées à venir vers nous et leur faire savoir qu'elles seront soutenues, parce que, bien évidemment, nous allons les soutenir. Les conditions dans lesquelles elles vivent actuellement ne sont pas admissibles. C'est vrai, la France est championne de la nouvelle industrie du frontalier, cela rapporte 6 milliards dans le coin, mais on ne peut pas dire qu'elle encourage fortement le développement de la région haut-savoyarde, où les usines de décolletage et autres ferment jour après jour, parce que Paris n'en à rien à faire !
Il faut croire à la régionalisation, c'est un élément important, et je pense que la Suisse, surtout Genève, peut avoir une influence très significative.
Je dirai encore une chose. Les régions existent, elles ont toujours existé, et ce n'est pas parce que des pays centralisateurs les ont un peu asphyxiées qu'elles n'existent plus. Aujourd'hui, je pense réellement que le Pays savoisien se réveille, et nous aurons beaucoup à entreprendre. Nous n'allons pas faire une leçon d'histoire maintenant, mais c'est vrai que ce qui s'est passé depuis un siècle et demi est assez dommage. Alors, si aujourd'hui nous pouvons tendre la main à nos voisins, il faut le faire !
Certes, je suis surpris que cette résolution vienne de l'UDC, mais il n'empêche que c'est une très bonne initiative de sa part: il faut que les Savoisiens sachent que nous sommes à leurs côtés, pour qu'ils aient aussi une région. Comme disait Jean Dutourd, qui était quelqu'un d'intelligent: «Ce n'est pas la Suisse qui doit entrer dans l'Europe, mais l'Europe dans la Suisse». En effet, s'il y a une bonne constitution, c'est la nôtre ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Christina Meissner, à qui il reste une minute vingt. (Exclamations.)
Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le président. L'UDC ne demande rien de moins, justement, que de pouvoir faire bénéficier nos voisins de notre liberté démocratique ! (Rires.) Mais oui ! (Brouhaha.)
Je vous le rappelle, cette résolution demande simplement que les régions limitrophes puissent bénéficier du choix, comme nous, de rejoindre, à un moment donné, la région qui est voisine. Nous avons choisi de manière démocratique - c'est le peuple, Monsieur Lefort, qui l'a décidé, ce n'est pas l'UDC ! - de ne pas rejoindre l'Europe, et c'est toujours le cas aujourd'hui. (Commentaires.) Mais cela ne veut pas dire que nous devons interdire aux autres de ne pas bénéficier de ce choix, de cette décision du peuple !
Au-delà de cela, j'aimerais quand même relever que si, par exemple - par hasard - l'Ain ou la Haute-Savoie voulaient rejoindre la Suisse, comme le demande cette résolution, eh bien, à ce moment-là, il s'agirait aussi pour les Suisses - et cela à la double majorité, des cantons et de la population - de pouvoir aussi dire oui ! (Commentaires. Brouhaha.) C'est l'essence même de la démocratie ! (Commentaires.) Finalement, votre manque d'ouverture est terrible ! Qui est intégriste dans ce parlement ?!
Le président. Madame la députée, il vous faut conclure !
Mme Christina Meissner. L'UDC ou vous tous ?
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.) (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Alors que l'UDC veut renvoyer tout le monde de Suisse, alors que l'UDC veut bâtir des murs législatifs pour refuser l'entrée de pas mal de gens, l'UDC nous prie ici, avec cette résolution, d'intégrer, d'assimiler, d'annexer des départements limitrophes ! (Exclamations. Le président agite la cloche.) Mesdames et Messieurs les députés, ce que je voulais dire, c'est que l'UDC est tellement imbue, d'une certaine manière, de sa «suissitude», que, là, cela ne lui suffit plus au niveau de notre canton et qu'on est prêts à coloniser les régions limitrophes... tellement on est bons !
Etant donné que j'ai des origines jurassiennes, je voudrais juste vous rappeler que, dans les années septante, la Suisse entrait si peu en matière sur un plébiscite, celui de la séparation et de la construction du Jura, qu'à un moment donné il y a eu des pourparlers, voire des approches, du côté français et du côté jurassien, dans l'idée de, peut-être, annexer le Jura à la France... (Exclamations.) Et, à ce moment-là... (Commentaires. Le président agite la cloche.) ...qui s'était opposé avec force à cette idée ? L'UDC, plus particulièrement, et les partis de droite, plus généralement ! (Commentaires.)
Nous, socialistes, sommes contents de voir ce parti évoluer, mais, en même temps, nous ne sommes pas ravis de constater que cette évolution conduit à des velléités de colonialisme... (Brouhaha.) ...ce qui n'est pas de bon augure à Genève. C'est pour cette raison que le parti socialiste vous demandera de refuser cette résolution.
Le président. Merci, Madame la députée. Je serai extrêmement reconnaissant aux députés assis sur les bancs se trouvant sur ma droite, au propre comme au figuré, de bien vouloir respecter le moment durant lequel les intervenants s'expriment. Les autres députés font l'effort de ne pas vous interrompre: faites de même, je vous en prie ! (Remarque.) Non, Monsieur Lussi ! Non ! La parole est à M. le député Stauffer, à qui il reste vingt-cinq secondes.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je sais que vous êtes tous respectueux des lois et, bien sûr, des premiers textes de la constitution genevoise. Sur le site de l'Etat de Genève - www.ge.ch/législation - vous trouverez ceci sous la lettre A 1 02: «Traité entre Sa Majesté très chrestienne et la Republique de Geneve». Eh bien, laissez-moi vous dire que la Savoie avait signé un traité...
Le président. Monsieur le député, vous devez conclure !
M. Eric Stauffer. Oui, bien sûr, on va conclure ! Tout cela pour vous dire qu'il existe des zones franches - on parlait d'économie tout à l'heure - et que la constitution n'est pas respectée, alors que c'est publié sur le site de l'Etat de Genève ! Je conclurai ainsi, Monsieur le président, en disant: vive Genève et vive la Savoie libre ! (Commentaires. Rires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le conseiller d'Etat Pierre-François Unger, qui a droit à trois minutes.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai partagé la surprise exprimée par un député à la lecture de cette résolution... La surprise de départ ! Je serais intéressé de savoir comment il l'a trouvée à l'arrivée !
En effet, Mesdames et Messieurs, nous n'allons quand même pas changer la Constitution fédérale par le biais d'une résolution de notre parlement ! Sans parler du fait que le droit international ne permet pas - je voudrais quand même insister sur ce point, car vous semblez avoir tout d'un coup envie de vous internationaliser, ce qui est plutôt une bonne nouvelle... (Commentaires. Rires.) Eh bien, ne permet pas la sécession !
Or, cette résolution ne préconise rien d'autre que de vouloir autoriser une partie - une partie ! - des Savoyards voisins à faire sécession. Et c'est bien de cela qu'il s'agit ! Le droit international prévoit la sécession dans des cas extraordinairement particuliers - par exemple, en cas de génocides ou d'événements de cette nature - et il ne faut donc pas y penser ! Accessoirement, le simple fait de discuter d'une telle éventualité est ressenti par nos voisins comme un geste extrêmement inamical, voire provocateur.
Mesdames et Messieurs, je suis aussi fier que vous de notre «suissitude», mais je n'ai, en revanche, aucun espoir, aucune envie ni aucun souhait de quelque nature que ce soit à coloniser qui que ce soit. Il faut rejeter cette résolution !
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets cette proposition de résolution. (Commentaires durant la procédure de vote.)
Mise aux voix, la proposition de résolution 631 est rejetée par 57 non contre 16 oui.