Séance du
jeudi 17 mars 2011 à
20h45
57e
législature -
2e
année -
6e
session -
30e
séance
PL 10716-A
Premier débat
Le président. Le traitement en urgence de ce point a été demandé par le Conseil d'Etat. J'appelle les rapporteurs à leur table. (M. Pierre Weiss tarde à s'installer à la table des rapporteurs.) Monsieur Pierre Weiss, c'est quand vous voulez ! La parole est à M. Pierre Weiss, rapporteur de minorité.
Pierre Weiss (hors micro). Pourquoi me la donnez-vous alors que je ne l'ai pas demandée ?
Le président. La parole est à M. Guy Mettan, remplacé en l'occurrence par Mme von Arx Vernon, pour le rapport de majorité.
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, comme vous le savez, de nouvelles prestations aux familles, qu'une majorité du parlement a appelées de ses voeux, ont été acceptées. Pour verser de manière rigoureuse ces prestations aux familles qui en ont besoin, il faut des outils informatiques fiables.
Ce projet de loi vous propose un dispositif informatique qui a été étudié à la commission des finances. Trois possibilités ont été passées en revue. La première était de travailler directement avec une application nouvelle; la deuxième possibilité était de cloner l'application existante et de la développer; la troisième, enfin, était d'inventer un nouveau système.
Mesdames et Messieurs les députés, la commission des finances a retenu la version la plus pragmatique, c'est-à-dire utiliser l'application existante et la développer sur des bases qui ont fait leurs preuves. Alors oui, cela coûte cher. Des coupes ont bien été faites. Et même si nous continuons, au sein de la commission des finances, à lutter contre le statut dit «de client captif», nous sommes tombés d'accord... (Brouhaha.) Nous sommes tombés d'accord... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Merci ! Nous sommes tombés d'accord sur le montant qui vous est proposé ce soir. En conclusion, la commission des finances vous demande, dans sa grande majorité, Mesdames et Messieurs les députés, de voter ce projet de loi.
Le président. Merci, Madame la rapporteure. Vous souhaitez avoir la parole maintenant, Monsieur Weiss ?
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de minorité. En tant que rapporteur de minorité, je ne voulais pas la prendre avant la rapporteure de majorité. Je suis très heureux si vous me la donnez !
Le président. Je vous remercie de me préciser le règlement ! Vous pouvez avoir la parole.
M. Pierre Weiss. Merci, Monsieur le président. Mais je sais que vous le connaissez mieux que moi.
Ce projet de loi, comme l'a dit Mme la rapporteure de majorité, a fait l'objet, sur le fond, d'une approbation de la commission des finances. Mais il se trouve qu'il a fait l'objet, d'abord, d'un rapport négatif de la sous-commission informatique de la commission des finances. Il faudrait quand même situer le contexte dans lequel il est arrivé dans ladite commission. Il est arrivé à la commission des finances alors que plusieurs projets de lois informatiques qui nous avaient été soumis ont fait l'objet de discussions - je n'irai pas à dire de marchandages - mais en tout cas d'approximations dans les prix qui, finalement, étaient décidés. Cela nous a donné l'impression, probablement à tort, mais enfin, cela nous a donné l'impression qu'une certaine légèreté avait présidé à la fixation des prix. Je dis «légèreté pour la fixation des prix», il faut cependant relever que les prix sont lourds. Cette légèreté pour la fixation des prix se traduit par exemple dans le fait que des rabais ont été spontanément proposés ! Pour faire adopter tel ou tel des projets de lois, qui, dans le même après-midi, étaient soumis à notre attention, voilà les représentants du département qui disaient: «Allez, on baisse de 100 000 F, on baisse de 150 000 F ! Ainsi, la commission acceptera.» Je considère que ce n'est pas une façon de faire. C'est d'autant moins une façon de faire que, sur le projet de loi en question, on était parti de 1 816 000 F. Puis un amendement de 80 000 F a été proposé par le Conseil d'Etat, ramenant le projet à 1 736 000 F.
Alors de deux choses l'une, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés: soit il y a un prix d'appel, soit il y a, au contraire, un prix de rigueur. Or je ne suis pas convaincu que la rigueur ait tout le temps été à la base de la fixation des montants par le Conseil d'Etat de ses projets informatiques. Je suis d'autant moins convaincu qu'il apparaît que, à plus d'une reprise, nous avons affaire à des situations où l'Etat est face à un seul offrant, le mettant en position - Mme la rapporteure de majorité y a justement fait référence - de client captif. Donc nous avons affaire à un seul offrant qui fixe un prix. Sachant le besoin de l'application pour l'Etat, celui-ci ne peut qu'approuver le prix qui lui est demandé, parce qu'il est, d'abord de par la loi et de par sa responsabilité, dans une situation où il ne peut que mettre en oeuvre des dispositions. Ici, ces dispositions sont d'importance, puisqu'il s'agit de prestations complémentaires cantonales pour les familles.
Mais ce n'est pas parce qu'il y a une loi, des gens qui attendent des prestations, un Etat qui se sent responsable et des collaborateurs de l'Etat qui eux-mêmes font leur travail avec soin, que nous devons accepter n'importe quoi ! Et nous avons eu l'impression que, dans ce projet de loi aussi, il y a une victime. Mais il faut parfois des victimes, quand l'on a affaire à un travail approximatif. Nous avons eu l'impression que, dans ce projet de loi, il y avait moyen de marquer le coup et de faire des économies. Alors quel est le montant des économies ? C'est la question qui se pose.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Pierre Weiss. Ce montant des économies a été évalué arbitrairement à 300 000 F par l'un de mes collègues UDC. Un chiffre double a même été évalué, de 600 000 F. Je dirai aujourd'hui que je vais déposer un amendement de l'ordre de 100 000 F, pour qu'un effort supplémentaire soit accompli...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Pierre Weiss. ...en faveur de l'Etat.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, une fois n'est pas coutume, mais je dois dire que les propos du rapporteur de minorité font sens. (Remarque.) Pourquoi font-ils sens ? Parce que c'est la dixième fois que l'on vient nous servir la même soupe. Je vais vous expliquer le dilemme qu'ont la plupart des partis à la commission des finances ou à la sous-commission informatique.
Un département arrive en disant: «Nous avons besoin d'un programme informatique pour la réalisation d'une application de gestion des prestations complémentaires cantonales pour les familles.» Personne ne s'y oppose, parce que c'est une nécessité. Et on est chaque fois pris en otage ! Quand je dis «otage», le mot est faible, parce que l'on va rester correct, à 21h05 ! Un DCTI défaillant de l'alpha jusqu'à l'oméga nous propose des projets de lois pour la réalisation d'un programme informatique, lequel n'a plus rien à voir avoir les prestations complémentaires pour les familles ! C'est un département qui est complètement à la dérive ! On l'a vu récemment avec la gérance immobilière - je vous passe les détails - et là, on recommence avec le CTI, c'est-à-dire le système informatique.
Je vous le dis, Mesdames et Messieurs les députés - et, Monsieur le président, vous transmettrez au gouvernement - il y en a assez de prendre les députés pour des imbéciles ! En effet, au sujet de ceux qui vont s'opposer à ce projet de loi, on va dire: «Ah, mais vous vous opposez à la prestation complémentaire pour les familles.» Ce n'est absolument pas le cas ! Mais on ne peut pas payer tout et n'importe quoi à chaque programme informatique, parce qu'on nous prend pour des imbéciles. Il est là, le problème !
Alors, de deux choses l'une. Dans un autre canton, le conseiller d'Etat en charge de ce département aurait déjà dû démissionner, ne serait-ce que pour le dernier scandale. Mais ici, on est à Genève: on oublie. La gérance immobilière, on s'en fout ! Les villas à 200 F pour les fonctionnaires, c'est déjà de l'histoire ancienne ! Et on continue; cela continue à dysfonctionner ! Aux commissions, que ce soit la commission des finances, la sous-commission informatique ou la commission de contrôle de gestion, dont j'ai la charge de la présidence, on ne sait plus quoi entreprendre pour faire entendre raison à ce gouvernement qui ne sait pas gérer ses affaires, en particulier le chef du gouvernement et du DCTI. C'est une réalité, Monsieur le président. Je suis peut-être cru et direct, mais c'est une réalité, et je suis sûr que plus de 80% des députés dans cette salle pensent la même chose. Ils ne le diront certainement pas avec les mêmes mots que moi, mais c'est la réalité que nous vivons dans ces commissions.
Maintenant, je vous le dis, je crois qu'il est temps aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, nonobstant que la majorité de la commission a accepté ce projet de loi... Naturellement, sur le fond, nous sommes tous pour améliorer l'efficience de la distribution des prestations complémentaires en faveur des familles. Là n'est pas la question. Nous ne sommes peut-être juste pas à six mois près. Alors j'aimerais aujourd'hui que l'on envoie un missile au DCTI pour lui dire: «Maintenant, cela suffit de prendre les députés pour des imbéciles: vous venez avec des projets de lois qui tiennent la route au niveau informatique ! Et pas de client captif ! Parce qu'on peut imaginer tout et n'importe quoi, tant l'opacité qui règne dans ce département est flagrante.» Par conséquent, je vous demanderai de suivre le rapporteur de minorité, non pas avec un amendement, mais en renvoyant cette copie en commission jusqu'au moment - jusqu'au moment, Mesdames et Messieurs ! - où le conseiller d'Etat viendra avec des choses claires, transparentes, et avec des offres et des appels d'offres.
En effet, si vous vous souvenez, il n'y a pas si longtemps que cela, pour le RDU, le programme informatique était de plus de 6 millions. J'avais posé une simple question: est-ce que la règle des appels d'offres du marché public...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Je vais conclure, Monsieur le président ! ...est appliquée ? Panique générale ! On a vu le conseiller d'Etat sortir et téléphoner à son département: «Est-ce que l'on a fait un appel d'offres ?» Eh bien non, on ne l'avait pas fait. Donc, on ne respecte même pas la loi ! On se moque de vous, on se moque des contribuables, on se moque...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Je conclus ! Je vous demande le renvoi à la commission des finances.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10716 à la commission des finances est rejeté par 54 non contre 13 oui.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il n'y a pas besoin de hurler dans ce parlement pour essayer de se comprendre. C'est vrai qu'il y a un problème avec les projets informatiques. (Remarque.) Mais le problème est plutôt dans ce qui se passe en commission. En effet, on a parfois l'impression d'être en voyage à l'étranger, d'être sur un marché et de marchander; et l'on essaie, à coups de 10 000 F, 50 000 F, 100 000 F, de faire baisser les prix. Mais très honnêtement, Mesdames et Messieurs les députés, je crois que pratiquement aucun des membres de la commission des finances - peut-être une personne seulement, un député socialiste, qui est informaticien - mais je crois qu'aucun d'entre nous n'a réellement les moyens de savoir et de pouvoir véritablement évaluer le coût des projets.
Ce qui me frappe, néanmoins, c'est la facilité avec laquelle les différents départements finissent par dire: «Eh bien voilà, on grappille 10 000 F, 50 000 F, 100 000 F, etc.» Alors j'en viens parfois à me demander ceci - il y a deux possibilités. Soit c'est pour avoir la paix des ménages et se dire: «OK, le projet sera voté, et puis, si l'on n'a pas les moyens d'arriver au bout, on déposera ensuite une demande de crédit complémentaire.» Soit, tout simplement, le projet est peut-être surévalué au départ, et l'on dit: «Voilà, c'est approximatif, on estime que l'on va perdre pour tant d'argent, et puis on pourra rogner après, s'il le faut.»
Cela dit, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais attirer votre attention sur un point: il faut se méfier des projets qui sont trop bon marché. Encore hier, en commission des finances, nous avons parlé d'un projet calamiteux, sur le plan informatique, qui concernait l'informatisation, la mise en réseau des bibliothèques scolaires du postobligatoire. Le projet était très bon marché - 700 000 F - tellement bon marché que, au bout du compte, il sera certainement beaucoup, beaucoup plus cher pour les contribuables.
Donc, Mesdames et Messieurs, le groupe socialiste vous invite néanmoins à voter le projet de loi tel qu'il est ressorti des travaux de la commission des finances.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je suis d'accord avec MM. les députés Pierre Weiss et Eric Stauffer. (Remarque.) La gestion des projets informatiques est calamiteuse ! Ce n'est pas nouveau. On le dit, on le répète, on le répète encore... Des rapports ICF s'accumulent, différents types de choses se passent. Mme la députée Emery-Torracinta nous disait que l'on n'arrivait pas à chiffrer ces projets; heureusement, les projets de lois sont publics. Et nous avons des informaticiens dans tous les partis, qui peuvent commencer à chiffrer les choses; donc ils évaluent et remettent en cause les chiffres qui nous sont proposés.
Le problème qui se présente à nous est de savoir «jusqu'où», «combien» et «comment». Quelle différence entre l'investissement et le fonctionnement, en informatique ? Est-ce que l'on met à l'extérieur tout ce que l'on ne peut pas faire en ressources internes ? Est-ce que l'on met en interne tout ce qui risque de ne pas être populaire auprès des députés ? Que met-on dedans, que met-on dehors ? Et on fait un appel d'offres. Mais, l'appel d'offres, on le fait en partie dehors et en partie dedans. Imaginez un service capable de construire des voitures et dont les responsables délibèrent: «Les pneus, on va les acheter à l'extérieur. Mais le moteur, on va le fabriquer nous-mêmes. Et pour la carrosserie, vous pensez quoi ?» Eh bien, selon comment on arriver à dealer à la commission des finances, on en fait construire un bout à l'extérieur ou à l'intérieur. Voilà ce que l'on nous fait avec nos projets informatiques.
La seule chose qu'il faut maintenant, c'est se demander à quoi sert ce projet. On voit qu'il est nécessaire - il est indispensable. C'est un autre département qui va en subir les conséquences. Et j'ai envie de vous dire, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat: battez-vous ! Battez-vous entre vous ! Mais exigez que les projets informatiques changent ! Vous avez une responsabilité à sept, vous nous présentez des projets à sept, mais faites en sorte que cela fonctionne ! Oui, nous sommes pour que des outils informatiques performants puissent être développés, au service de la population. Mais on nous a raconté mille fois que cela devait coûter moins cher.
Alors nous avons pris le parti, contrairement aux députés Weiss et Stauffer, de voter le projet de loi. C'est un arbitrage, on le sait, qui est particulier et insatisfaisant. M. Weiss vous le disait aussi bien; il trouve que le fond du projet est tout à fait positif, mais que l'informatique ne va pas. Donc on se retrouve toujours avec la même prise d'otage.
Nous en sommes à passer notre temps à dire publiquement: «L'informatique à l'Etat ne marche pas, ne fonctionne pas, il faut réformer. Il faut absolument que nous trouvions des solutions.» Nous avons une perte de confiance ! Cette fois-ci, elle est claire et nette. Nous avons effectivement encore eu, ce mercredi, des exemples de dossiers informatiques qui ne marchent pas. Pourquoi n'arrive-t-on pas à avoir confiance en le système informatique de l'Etat ? Pourquoi cela ne marche-t-il pas ? Le problème est énorme à ce sujet-là. C'est vrai que ce sont des millions que nous gaspillons, c'est absolument certain. Néanmoins, aujourd'hui, nous avons fait le choix de voter ce projet de loi. Nous allons continuer sur cette ligne-là. Mais ce qui a été dénoncé par mes deux collègues est absolument exact.
M. Eric Bertinat (UDC). Oui, évidemment, le DCTI, et plus spécialement le CTI, fonctionne mal, très mal. Plusieurs rapports ont déjà soulignés ces défaillances. Néanmoins, je voudrais quand même attirer l'attention de ce parlement sur la dangerosité qu'il y a à mettre tous les projets informatiques dans le même sac et simplement à se contenter de dénoncer globalement tout ce qui ne va pas. Certes, pire qu'être pris en otage dans ce dossier - et évidemment dans quelques autres que nous avons votés récemment - le danger, c'est bien évidemment la perte de confiance.
En effet, les fonctionnaires du CTI viennent vers nous avec une proposition chiffrée et, en cours de discussion, un député - ou un sous-commissaire, comme dirait M. Weiss dans son rapport - propose de diminuer de 300 000 F la somme; puis un autre, de 500 000 F; puis encore un autre, de 600 000 F. Finalement, ces propositions servaient seulement à voir si, en face, les fonctionnaires du CTI allaient nous dire: «Oui, pourquoi pas ? Il faut que l'on y réfléchisse.» C'est tellement vrai que, finalement, ils sont revenus en deuxième semaine, comme dans un jeu télévisé, avec une nouvelle somme, de 80 000 F de moins.
On part de l'idée que ce projet de loi nous est soumis en urgence. Il faut faire maintenant le nécessaire pour que l'on puisse appliquer la loi que nous avons votée il y a quelques semaines. L'UDC s'y est opposée. Mais la majorité l'a soutenue et nous maintiendrons bien évidemment ce vote, en soulignant que le problème est la perte de confiance. Que va-t-on faire des prochains projets que l'on va nous proposer ? Est-ce que, systématiquement, on va demander de réduire les sommes avancées ? Ce sera difficile. D'ailleurs, c'est bien pour cela que je vous fais remarquer qu'il ne faut pas mettre tous les projets dans le même sac. On les examinera évidemment au cas par cas. C'est ce que font la commission des finances et la sous-commission des finances, avec une certaine pertinence, en oubliant un peu nos étiquettes politiques et en regardant quel est le véritable usage des deniers de l'Etat. Je crois que nous faisons un bon travail. Sur ce projet de loi, oui, nous sommes pris en otage; nous n'avons pas d'autre solution que de le voter, ce que je vous invite à faire ce soir.
M. Jacques Jeannerat (R). Je veux bien ne pas mettre tous les programmes informatiques dans le même panier, mais on est sans arrêt face à un double problème: d'abord, il s'agit de répondre à un besoin réel et précis, en l'occurrence améliorer la gestion de prestations complémentaires aux familles - je crois que nous sommes tous d'accord sur cette question. Et puis, il y a ce coût - élevé - de chaque projet informatique.
Il y a dix ou quinze jours, en commission des finances, nous avions un autre projet informatique au sujet duquel nous avons demandé une comparaison avec trois autres cantons. Eh bien, la facture de l'autre canton le plus cher était exactement la moitié de celle du canton de canton de Genève. Donc, il y a quand même des questions que l'on se pose !
Ce soir, nous ne nous opposerons pas à ce projet de loi, car il répond vraiment à un besoin. Mais le groupe libéral et le groupe radical voteront l'amendement proposé par M. Weiss. Si cet amendement est refusé, nous nous abstiendrons au vote final.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Jeanneret, votre temps de parole étant épuisé, je ne puis vous accorder cette dernière. Mais je la donne à Mme Anne-Marie von Arx-Vernon, rapporteure de minorité.
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité ad interim. Il est important de rappeler que ce qui a été évoqué avait déjà été annoncé dans les commissions - dans la sous-commission des finances et dans la commission des finances - effectivement, depuis plus de quatre ou cinq ans. D'ailleurs, une première étape pour aller vers plus de rigueur, je crois qu'il est important de le rappeler, avait été incarnée par l'article 5. Alors, Mesdames et Messieurs les députés, c'est un élément qui n'est peut-être pas encore suffisant, mais il permet de pouvoir retrouver de la confiance, en tout cas de la maîtrise, au sujet de nos projets de lois informatiques, dont celui-ci est emblématique. En effet, l'article 5 parle d'un suivi périodique qui prévient les risques de dépenser à tort et à travers la première tranche; sinon, nous ne débloquerons pas la deuxième tranche ! C'est quand même un élément très concret, mesurable, vérifiable. Il relève de la responsabilité des membres de la commission des finances et de la sous-commission informatique de devoir demander des comptes et de dire: «Nous ne débloquerons pas le deuxième tranche si nous ne sommes pas satisfaits de ce qui a été réalisé avec les deniers que nous avons déjà votés.» C'est donc un élément tout à fait concret.
Et c'est sur cette base-là que je me permets de rappeler, en tant que rapporteure de majorité, que nous avons pu voter, à la grande majorité de cette commission des finances, le projet de loi tel qu'il est issu de la commission. Je vous remercie de continuer à penser à le voter ainsi.
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de minorité. Je pense que M. Bertinat a tenu des propos très raisonnables - au fond, des propos de candidat au Conseil administratif de la Ville de Genève, j'imagine... (Remarque.) Quasiment ! ...quand il a dit qu'il ne fallait pas soumettre tous les projets au même type de critiques. J'aimerais non seulement abonder dans ce sens, mais surajouter: il y a eu des améliorations notables, s'agissant des projets présentés par le DCTI et par le Conseil d'Etat. Je pense en particulier à la beaucoup plus sévère sélection de ce qui est amené devant la commission des finances. Il fut un temps où arrivaient des projets qui étaient nécessaires, d'autres qui étaient souhaitables et certains dont on se demandait ce qu'ils faisaient là. Ce temps est révolu, et je rends hommage au Conseil d'Etat pour avoir procédé à une sélection quasi drastique. «Quasi drastique», n'exagérons pas, il y a toujours une marge de progression.
J'ajoute quand même - et pour venir au point mentionné par M. Jeannerat - que, sur le projet de loi concernant les bourses et prêts d'études, il a fallu que ce fût non pas le CTI, mais un conseiller d'Etat qui a dû envoyer une lettre à ses collègues des autres cantons pour obtenir des points de comparaison ! Le CTI ne les avait pas obtenus. Les fonctionnaires se voyaient offrir une fin de non-réponse par leurs collègues des autres cantons, qui n'entendaient pas apporter des éléments de coût. Or, dans la mesure où il s'agit d'offrir des prestations qui sont aussi offertes ailleurs, de par la législation suisse, nous entendons savoir combien paient les autres pour voir si véritablement - compte tenu des grandes spécificités genevoises ! - nous devons payer simplement le double, le triple, ou davantage encore. Il y a un moment où un étalonnage - je ne dirai pas «benchmarking», bien que mon collègue Barrillier ne soit pas là - donc je ne dirai pas «benchmarking», mais... (Remarque.) Ah ! Ah ! ...mais il y un moment où il faut établir un étalonnage.
J'ajouterai à cela que, si tout à l'heure un député a dit qu'il était d'accord avec moi, moi je me permets de dire que je ne suis pas d'accord avec lui. En effet, il est inutile de mélanger les problèmes qui se posent dans le domaine informatique avec ceux qui peuvent se poser dans des domaines immobiliers ! Les uns n'ont rien à voir avec les autres. (Remarque.) Nous devons séparer les débats. Nous devons être concrets, et nous devons être clairs...
Le président. Monsieur le député, veuillez rester au sujet, s'il vous plaît !
M. Pierre Weiss. Pour en rester à ce sujet, justement, je suis heureux que ce Grand Conseil n'ait pas renvoyé le projet de loi en commission, parce que, s'il l'avait fait, nous aurions perdu du temps pour administrer une prestation nécessaire.
Mais je persiste dans la demande qui a été faite ce soir: le montant qui vous est demandé, Mesdames et Messieurs les députés, n'est pas un montant qui est fondé ! Il n'est pas fondé sur une analyse des coûts: il a été fixé par un offrant en situation de monopole ! Face à un offrant en situation de monopole, nous avons la responsabilité de peser sur ce que l'Etat de Genève et ses contribuables mettent à disposition. C'est la raison pour laquelle, aujourd'hui, il s'agit de serrer la vis, serrer la vis des dépenses, serrer la vis à ceux qui profitent de leur situation de monopole pour exiger du canton de Genève des montants disproportionnés. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande au minimum de vous abstenir sur mon amendement, et au mieux évidemment de le voter. J'espère que le Conseil d'Etat l'accueillera avec faveur, pour montrer que lui aussi a à coeur de préserver les intérêts des citoyens et de signifier aux offrants ceci: ils ne peuvent pas faire avec le Conseil d'Etat ce qu'ils font peut-être avec d'autres, le Conseil d'Etat est lui aussi fort face à ce genre pratique.
M. Mark Muller, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes une fois de plus face à un débat très technique sur l'informatique de l'Etat. J'aimerais répondre sur un certain nombre de points.
Tout d'abord, les affirmations selon lesquelles l'informatique de l'Etat ne marcherait pas - déclarations extrêmement générales - sont évidemment totalement infondées. Les enquêtes de satisfaction auprès des utilisateurs - parce que l'informatique est au fond un outil de travail de l'administration - montrent que les prestations du CTI sont tout à fait appréciées et s'améliorent. C'est le premier point.
Le deuxième point concerne l'organisation des projets informatiques. Ce dont la commission des finances est saisie, ce sont des projets d'investissement informatiques: de nouveaux systèmes d'information, de nouvelles applications. Il est vrai qu'il y a deux ans, environ, l'Inspection cantonale des finances et la Cour des comptes ont rendu un certain nombre de rapports qui ont mis en évidence des problèmes d'organisation. C'est vrai. Mais vous devez aussi reconnaître - M. le rapporteur de minorité l'a fait, et je l'en remercie - que ces problèmes sont très largement en passe d'être réglés. Cela a été d'ailleurs constaté par ces organes de surveillance de l'administration.
Maintenant, la question qui nous occupe aujourd'hui n'est pas une question d'organisation. C'est une question de coût. Quel est le juste coût d'une application informatique d'un système d'information ? Mesdames et Messieurs, celles et ceux d'entre vous qui, en tant que chefs d'entreprise ou même cadres dans une entreprise, avez eu à vous occuper de l'informatique de ladite entreprise et qui n'êtes pas informaticiens, vous savez que l'on se sent toujours extrêmement démuni. C'est le sentiment que vous avez à la commission des finances. C'est le sentiment que le Conseil d'Etat peut aussi éprouver. On se sent extrêmement démuni lorsqu'une équipe d'informaticiens vient vous présenter un produit en vous disant: «Voilà ce que cela coûte.» Je comprends parfaitement le désarroi dans lequel on peut se trouver en tant que politicien devant ce genre de problème.
Alors j'aimerais vous dire un certain nombre de choses. La première est que, globalement, le coût de l'informatique de l'Etat se situe parfaitement dans les standards du coût de l'informatique dans le genre d'organisation publique qui est celle de l'Etat de Genève. Le ratio entre les dépenses globales de l'Etat et les dépenses de l'Etat de Genève pour son informatique est parfaitement normal. Je pense que ce doit être un indicateur qui vous rassure.
Voici le deuxième élément concernant le coût. Assez systématiquement, votre commission demande que le CTI reprenne les applications existantes, ne réinventent pas la roue. Eh bien, c'est exactement ce que le CTI a fait dans cette affaire ! Au lieu de réinventer un nouveau système, une nouvelle application, le choix a été fait de prendre un système existant et de l'adapter. C'est là que, Monsieur le député, rapporteur de minorité, vous évoquez la situation de monopole dans laquelle se trouve l'entreprise en question. Oui, évidemment ! Dès le moment où l'on choisit de faire évoluer un système existant qui est propriété d'une entreprise, c'est à cette entreprise-là que nous devons nous adresser. C'est une situation qui découle d'un choix que votre commission réclame généralement, très certainement à raison, c'est-à-dire que l'on reprenne un système existant et que l'on ne recommence pas tout à zéro. Donc je crois que la situation dans ce projet de loi s'explique parfaitement.
Vous critiquez le fait le CTI aurait accepté une réduction de 80 000 F. Mais oui ! Les collaborateurs du CTI souhaitent le bonheur des députés de la commission des finances... (Remarque.) Ils souhaitent aller dans le sens de la députation. Ce n'est pas toujours facile d'être un collaborateur de l'administration face à une commission parlementaire ! Les collaborateurs du CTI sont retournés auprès du mandataire et lui ont demandé de faire un effort. Le mandataire en question a accepté de faire un effort, ce qui a permis au CTI de proposer une réduction du crédit de 80 000 F. Qu'aurait-il fallu faire ? Ne pas entrer en matière ? Opposer un non catégorique aux députés en disant: «Non, ce n'est pas un centime de moins.» Je trouve un peu curieux que l'on reproche aux collaborateurs du département d'avoir tenté d'obtenir un rabais auprès du fournisseur, ce qu'ils ont obtenu. Je pense que l'on doit les en féliciter.
Je crois que ce projet de loi sera voté ce soir, et je m'en réjouis.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous nous prononçons sur l'entrée en matière du PL 10716.
Mis aux voix, le projet de loi 10716 est adopté en premier débat par 72 oui contre 11 non et 1 abstention.
Deuxième débat
Mis aux voix, le préambule est adopté.
Le président. Nous sommes saisis, Mesdames et Messieurs, d'un amendement au niveau du titre, à savoir que celui-ci serait modifié quant au montant, qui se voit diminuer de 100 000 F. Le nouveau titre, si l'amendement est adopté, sera le suivant: projet de loi «ouvrant un crédit d'investissement de 1 515 000F pour la réalisation d'une application de gestion des prestations complémentaires cantonales pour les familles».
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 46 oui contre 38 non et 2 abstentions.
Mis aux voix, l'intitulé (nouvelle teneur) ainsi amendé est adopté.
Le président. A l'article 1, nous sommes saisis d'un amendement qui est le même que celui du titre, à savoir que le montant est modifié de 1 615 000 F vers 1 515 000 F. Je vous lis l'article 1 en entier dans la teneur qu'il aura si l'amendement est adopté: «Un crédit d'investissement de 1 515 000F (y compris TVA et renchérissement) est ouvert au Conseil d'Etat pour l'acquisition des services, du matériel et des logiciels nécessaires à la réalisation d'une application de gestion pour les prestations complémentaires cantonales pour les familles.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 52 oui contre 34 non et 2 abstentions.
Mis aux voix, l'article 1 (nouvelle teneur) ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'article 2 est adopté, de même que les articles 3 à 6.
Troisième débat
La loi 10716 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10716 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 62 oui et 22 abstentions.
Présidence de M. Pierre Losio, premier vice-président