Séance du
vendredi 28 janvier 2011 à
17h
57e
législature -
2e
année -
4e
session -
22e
séance
M 1955
Débat
Mme Christina Meissner (UDC). Je dois dire que j'étais déçue qu'on ne puisse pas traiter cette motion durant l'année de la biodiversité, mais je suis très heureuse que l'on puisse en parler lors de la première session de 2011.
Mesdames et Messieurs, le constat est alarmant. Dans la zone agricole, la flore s'appauvrit, les espèces, réfugiées dans les zones protégées du fait de l'isolement grandissant de ces dernières, sont condamnées à disparaître si rien n'est fait pour relier entre elles ces zones à travers les fameux couloirs biologiques. (Brouhaha.) Mais ces couloirs ne suffiront pas si nous ne faisons pas un effort dans le seul milieu qui progresse aujourd'hui, le milieu urbain. C'est là que se trouve le meilleur potentiel d'amélioration de la biodiversité, il faut bien l'admettre. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Notre domaine urbain regorge de milieux dits de substitution. Nos talus, nos murs, nos toits de maisons, nos parcs et jardins sont autant de réservoirs potentiels qui seraient propices à la vie de la flore et de la faune sauvages, pour autant que des mesures concrètes et ciblées au niveau de l'entretien et lors de la construction soient prises - potentiels seulement, car on connaît mal, voire pas du tout, ces milieux, cette flore, cette faune sauvage. Mais, pour pouvoir prendre des mesures concrètes, il faut savoir d'abord où nichent les chauves-souris, les oiseaux et, bien sûr, les hérissons. (Brouhaha.)
Une voix. Ah !
Mme Christina Meissner. Vous l'attendiez, celle-là ! Pour cela, il faut réaliser des inventaires, et c'est justement ce que cette motion propose. D'autres villes l'ont fait avec succès: Neuchâtel, Lucerne, Zurich, entre autres, pour ne citer que les localités suisses. Scientifiques, collectivités et populations ont procédé avec enthousiasme à ces inventaires; à quand Genève ? A Genève, justement, des efforts spontanés ont été faits, notamment par les entreprises et même l'Etat, mais ces efforts ponctuels sont insuffisants, ils ne permettent en aucun cas de parvenir à la politique globale en faveur de la biodiversité souhaitée par le gouvernement alors qu'il y a urgence. A nous de lui dire, par le biais de cette motion, que, nous aussi, nous avons à coeur de préserver la biodiversité, cette biodiversité qui participe à notre équilibre psychique, à notre qualité de vie et qui nous fait vivre, tout simplement.
Comme la motion sur les couloirs biologiques se trouve en commission de l'environnement, je vous propose, par souci de cohérence, de renvoyer également cette motion à la commission de l'environnement. Et je vous remercie de l'accepter.
M. François Haldemann (R). La biodiversité nous tient à coeur. Les radicaux ont accepté de renvoyer en commission la motion 1910 demandant le renforcement de la protection des couloirs biologiques. Nous estimons que la biodiversité doit être protégée, promue, prioritairement en zone rurale. La motion 1955 qui nous est présentée, elle, se rapporte plus à l'aspect urbain de la biodiversité et nous laisse songeurs. Quel est son objectif ? Il est relativement facile d'identifier les grands et beaux périmètres qui, a priori, présentent une biodiversité urbaine à protéger: les parcs exceptionnels de la ville, les falaises de Saint-Jean, les berges du Rhône et de l'Arve. Par contre, nous sommes beaucoup moins enclins à reconnaître la qualité de la biodiversité des jardins de la zone villas avec un gazon ras et une haie de thuyas taillés au carré.
J'en viens à la motivation de cette motion. Si son objectif est de vouloir sanctuariser la zone villas pour éviter la densification, nous ne répondrons pas présent. En revanche, nous ne sommes pas contre des mesures qui pourraient être prises pour conserver une biodiversité dans la zone urbaine, tel que cela se passe dans certaines villes comme Copenhague, qui fait la promotion des façades végétalisées et des toits végétalisés. Ce n'est qu'un exemple, évidemment.
Nous sommes cependant intéressés, comme le sollicite cette motion, de définir ce qu'est un écoquartier. C'est là une demande judicieuse, et nous la soutenons, raison pour laquelle nous acceptons de renvoyer cette motion, mais, cette fois, à la commission d'aménagement. (Brouhaha.) En effet, nous devons avoir une approche au niveau du projet d'agglomération, et cette motion en fait part. Le groupe radical souhaite donc voir renvoyer cet objet à la commission d'aménagement.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, certains d'entre vous se rappelleront peut-être de notre ancien collègue Guy Loutan, qui siégeait sur les bancs des Verts et qui animait - et anime d'ailleurs toujours - l'association CONVIVE qui s'occupe énormément de biodiversité en ville. Aujourd'hui, la motion proposée par l'UDC sur la biodiversité dans l'espace urbain nous semble extrêmement intéressante.
Ce qui est intéressant aussi, c'est de se rendre compte que la biodiversité est partout. Nombre de fois, je me suis fait railler dans ce parlement parce que, soi-disant, m'intéressant uniquement aux grenouilles, aux petites bêtes, etc. Eh oui, dans le monde que nous vivons, à l'époque que nous vivons, ça fait partie des choses essentielles...
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon. Les abeilles !
M. Christian Bavarel. Et les abeilles, Madame la députée, certes aussi, les écrevisses aussi...
Une voix. Ah ! (Rires.)
M. Christian Bavarel. Il fallait quand même que je puisse la placer ! ...et deux trois autres choses de ce type-là. Il est certain qu'aujourd'hui nous sommes en train de vivre la sixième extinction d'espèces de l'histoire de notre planète, mais qui se passe à une vitesse jamais atteinte jusqu'à présent. Nous avons des réels... (Brouhaha.) Nous avons des réels soucis... (Commentaires.) J'entends à ma droite - je vais quand même vous le dire: visiblement, l'extinction de l'espèce humaine ne se déroule pas assez vite, pourraient dire... (L'orateur rit.) ...certaines personnes avec un côté un peu écolo... fondamentaliste. Mais bon ! (L'orateur rit.) Venant de ma collègue, je ne suis pas surpris, mais je vous fais quand même partager la douce teneur de ses propos !
Nous pensons que cette motion est intéressante et qu'elle complétera très bien celle que nous avons renvoyée à la commission de l'environnement. C'est pourquoi nous souhaitons que cette motion-ci soit étudiée plus à fond en commission de l'agriculture et de l'environnement, et nous pensons qu'il y a une synergie à trouver entre les deux objets.
Oui, Monsieur Haldemann, la biodiversité doit être aujourd'hui protégée en campagne, nous vous suivons tout à fait sur ce sujet-là, et elle doit aussi l'être en ville. Pour protéger la biodiversité en ville, parfois des mesures extrêmement simples peuvent être prises dans des milieux totalement urbains, et pas forcément dans la zone villas. Ça peut être dans des gros ensembles d'immeubles, vous pouvez avoir des petites mesures qui ont des effets très très forts sur la biodiversité. (Brouhaha.) Je pense donc que tout ce travail doit pouvoir être entrepris. (Remarque.) Et je vois que le maire de Genève, qui semble avoir eu quelques soucis avec des questions de biodiversité, entre autres, autour de l'horloge fleurie l'année passée... Où c'est effectivement difficile.
Si vous allez voir une ville comme Lausanne, vous constaterez que beaucoup plus de réalisations ont pu être effectuées que ce que l'on a pu faire à Genève, car la population a été mieux préparée à accepter des choses différentes. Je pense que nous avons un travail à faire à Genève et que nous sommes en retard, très clairement en retard.
Le président. Il vous reste dix secondes, Monsieur le député !
M. Christian Bavarel. J'en suis ravi, Monsieur le président !
Le président. Pas autant que moi !
M. Christian Bavarel. Et ça me permet de vous dire que comme ça je peux conclure et vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer cette motion à la commission de l'agriculture et de l'environnement. (Applaudissements.)
M. Serge Dal Busco (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, cette motion est tout à fait intéressante, et nous l'accueillons avec beaucoup de bienveillance. (Brouhaha.) Comme cela a été dit, la préservation de la biodiversité, c'est aujourd'hui absolument essentiel, et ça l'est d'autant plus dans un espace comme le nôtre, qui est en voie d'«agglomérisation» accélérée, en tout cas d'urbanisation accélérée - peut-être pas suffisamment accélérée à certains égards, mais enfin, qui va le devenir.
Je me permets d'évoquer avec une certaine précision certains éléments à ce propos. Il s'avère que, en plus de certaines entreprises - comme l'a évoqué Mme la motionnaire - des communes ont fait ce même exercice, en particulier celle que je connais particulièrement bien.
Des voix. Ah ! (Commentaires.)
M. Serge Dal Busco. Je peux donc vous dire qu'en effet il y a un intérêt à établir un tel inventaire, et il y a un intérêt encore accru... (Brouhaha.) ...encore accru, je vais vous dire pourquoi. C'est parce que les résultats sont assez surprenants. On constate - et ça ne fera peut-être pas plaisir à tout le monde - que, parfois, la biodiversité se loge là où on s'y attend le moins... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et en particulier dans la zone assez fortement urbanisée. C'est ce qu'on a pu constater en tout cas à Bernex, en particulier dans les zones d'immeubles. Loin de moi l'idée de penser - comme mon ami François Haldemann - qu'il pourrait y avoir des desseins cachés là-derrière. Je pense qu'au contraire une certaine urbanisation, voire une certaine densification en zone urbaine peut être source d'une amélioration de la biodiversité.
Voilà ce que je pouvais vous dire. Quant à savoir maintenant si cette étude doit se faire en commission de d'aménagement ou en celle de l'environnement, je pense que les deux, disons, pourraient revêtir une certaine cohérence. Mais, considérant que nous avons renvoyé à la commission de l'agriculture et de l'environnement un texte relativement semblable sur les corridors biologiques, il serait effectivement logique d'y renvoyer également cette motion-ci, ce que je vous invite, au nom du groupe démocrate-chrétien, à faire.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes sont bien entendu favorables à cette motion et à un inventaire de la biodiversité, même si, depuis hier soir, nous savons que ce Grand Conseil n'est pas toujours capable de tirer les leçons nécessaires lorsque nous faisons l'évaluation d'un tel inventaire. Car évidemment, année après année, si nous refaisons un inventaire, nous pourrions peut-être constater un appauvrissement de la biodiversité et nous devrions prendre des mesures pour lutter contre cet appauvrissement ! Mais M. Leyvraz l'a rappelé hier soir, pour lui, si ça change, c'est parce qu'il y a de la neige au mois d'août ! Alors, bien sûr, les mesures utiles risquent de ne pas être prises.
Pour le reste, étant ornithologue amateur, je me permettrai, comme il s'agissait de faire un inventaire pour 2010, de commencer l'inventaire immédiatement. Certes, nous avons évoqué les écrevisses. (Brouhaha.) J'aimerais insister: il n'y a pas de homard, avec ou sans «h», à Genève, en milieu urbain. Par contre, nous avons peut-être, en milieu urbain, des hypolaïs polyglottes, ce qui devrait faire plaisir au chef du département de l'instruction publique. Nous avons bien entendu des pigeons, quelques corbeaux, des faucons... (Brouhaha.) Je pense que c'est important de relever que nous avons des faucons... (Commentaires.) Nous avons évidemment aussi - alors ça, c'est certainement plus problématique - des rouges-queues, et en plus ils sont noirs ! (Remarque.) Par contre, j'insiste: à part à la période des migrations, et quel que soit le quartier dans lequel on se promène, il n'y a pas de grues ! (Rire. Commentaires.)
M. Jean-François Girardet (MCG). Je ne vais pas me risquer à créer et à faire, à la suite de M. Deneys, cet inventaire, puisque cette motion demande précisément de constituer un inventaire concernant la biodiversité dans notre ville, dans le milieu urbain. C'est vrai - comme l'a rappelé M. Serge Dal Busco - à Meyrin aussi, cet inventaire a été réalisé. On a effectivement des surprises, et souvent des surprises bienheureuses, de voir qu'à l'intérieur des cités, à l'intérieur de nos agglomérations, à l'intérieur de notre ville, on trouve de la biodiversité, alors qu'on croyait que tout était bétonné, et c'est précisément ce que demande cette motion.
C'est vrai que dans les milieux agricoles cet inventaire a déjà été fait, puisqu'on y a procédé dans la zone agricole. Dans la zone des forêts également, cet inventaire a été effectué. Il ne manquait plus que le volet des zones urbaines, et c'est ce que le MCG demandera.
Du reste, le MCG demande également à ce que l'invite soit transformée en «à réaliser en 2011», Monsieur Deneys, puisque l'année de la biodiversité s'est effectivement terminée le 31 décembre 2011. Pour procéder à cet inventaire... Excusez-moi, il s'agit du 31 décembre 2010 !
Le MCG vous recommande en conséquence le renvoi de cette motion à la commission de l'agriculture et de l'environnement, comme l'a demandé Mme Meissner, pour une première étude de ce qui a été fait en la matière et pour voir ce qui pourrait être envisagé afin que toute vie naturelle ne périsse pas avec le béton dans nos villes. Je vous remercie.
M. René Desbaillets (L). Le groupe libéral ne va pas faire les Neinsager, et nous allons accepter le renvoi de cette commission... pardon: de cette motion... (Commentaires.) ...à la commission d'aménagement. Mais, foi de paysan, qui plus est membre fondateur du mouvement Ecologie libérale, à ne pas confondre avec les Vert'libéraux, qui ne sont qu'une pâle copie... (Commentaires.) ...je ne crois pas que ce soit dans les villes qu'il faille rechercher le maintien de la diversité biologique. La diversité biologique, c'est dans les campagnes qu'elle doit être assurée par le biais d'une agriculture vivrière qui nous assure une souveraineté alimentaire et une biodiversité: c'est en payant à son juste prix le lait du paysan, pour que des troupeaux de vaches se maintiennent encore sur notre canton.
M. Christian Bavarel. Viens chez nous, René !
M. René Desbaillets. C'est en continuant à veiller à ce que les semences OGM soient interdites dans notre pays que nous pourrons maintenir la biodiversité des diverses cultures, que ça soit du blé, du maïs ou autre. (Remarque.)
Je demanderai aussi à nos collègues PDC - assez «verts» en période électorale - de faire comprendre à leur conseillère fédérale, Mme Doris Leuthard, que le principe du Cassis de Dijon pour les denrées alimentaires est une aberration en termes de diversité biologique.
Un petit oui à cette motion, ça ne mange pas de foin... (Rires.) ...et nous proposons de la renvoyer à la commission d'aménagement.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la conseillère d'Etat Michèle Künzler.
Mme Michèle Künzler, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Le Conseil d'Etat accueille très favorablement cette motion puisqu'il y a au programme de législature, d'une part, un programme «Nature en ville» et, d'autre part, une loi sur la biodiversité qui est en préparation et devrait arriver normalement le mois prochain. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
En l'occurrence, vous nous demandez un inventaire. Je vous signale que nous sommes d'accord d'établir et de compléter l'inventaire sur les grands arbres. D'autre part, et je crois qu'il faut le souligner, ce n'est pas seulement à la campagne, c'est partout sur notre planète qu'il faut préserver la biodiversité, en ville et dans les milieux urbains. Il y a une biodiversité énorme, il faut la préserver et la favoriser.
Au travers de la loi sur la biodiversité, nous aurons des mesures qui favorisent cette biodiversité, notamment pour permettre à des propriétaires d'avoir des toits végétalisés ou de prendre d'autres mesures de gestion de leur patrimoine. Il y a déjà des associations, comme on l'a relevé tout à l'heure, par exemple la Fondation Nature & Economie, qui permettent d'élaborer des mesures pour les entreprises.
Il y a aussi un grand travail à faire dans les milieux périurbains pour tout ce qui concerne la Charte des Jardins. Effectivement, il y a beaucoup d'endroits qui sont devenus des déserts biologiques... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et, dans ces endroits-là, on aimerait bien pouvoir amener plus de biodiversité.
Peut-être que certains pourraient voir un piège dans cette motion, mais il ne s'agit que de l'inventaire et de mesures pour favoriser la biodiversité. Il ne s'agit pas de sacraliser chaque endroit dans ce canton, il s'agit aussi d'urbaniser. Le Conseil d'Etat veut le faire, il a inscrit un programme de législature prévoyant que nous ferons 2500 logements par année. Mais, en l'occurrence, il faut le faire correctement pour maintenir la base de notre vie. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous sommes en procédure de vote. Dans un premier temps, Mesdames et Messieurs les députés, nous devrons décider si nous renvoyons cette motion à la commission de l'environnement.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1955 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est adopté par 54 oui contre 21 non et 1 abstention.