Séance du
vendredi 17 décembre 2010 à
8h
57e
législature -
2e
année -
3e
session -
14e
séance
PL 10739-A
Premier débat
Le président. Nous allons donc commencer l'étude de ce budget 2011. Vous avez reçu chacune et chacun les règles du jeu, si je puis dire, concernant la manière dont se déroulera l'étude de ce budget, et j'entends bien que chacun les respecte.
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés - et notamment cher Jacques Jeannerat, dont je sais qu'il nous regarde ce matin - le projet de budget 2011 amène dans une incertitude celui qui est aujourd'hui sur le banc des rapporteurs en qualité de rapporteur de majorité. En effet, à première vue, s'il avait dû juger ce budget seulement du côté des moyens, il aurait eu la tentation de lui dire non. De lui dire non, en raison des dépenses supplémentaires; non, en raison des postes que cela implique, ou qui les traduisent. Mais il n'y a pas que les moyens qui sont à prendre en considération, il y a aussi les buts, les objectifs. Car ce budget, le premier des budgets par prestation, par objectif, qui vont maintenant jalonner l'histoire de la république - c'en est une nouveauté formelle notable - eh bien, ce budget place des objectifs importants qu'il incombe à notre république d'atteindre. Il s'agit de la sécurité, de la formation, de la santé, d'un rattrapage en matière d'infrastructures, autant d'objectifs qui doivent être en mesure de rassembler une large majorité dans ce parlement, et notamment les partis dont des magistrats portent les responsabilités gouvernementales.
Ce budget a connu un épisode que l'on appellera de rigueur initiale, lorsqu'il a vu en commission le déficit passer de 219 millions à 163 millions, tel qu'il vous est présenté ce matin; il s'agit pour l'essentiel d'une réduction du déficit due à des recettes nouvelles et, pour partie, à des charges supprimées, à raison d'environ 13 millions. Aujourd'hui, le budget qui vous est présenté - revenant sur des objets de controverse pour lesquels des discussions avancées ont pu avoir lieu et dont on espère qu'elles se concrétiseront - se traduit par une augmentation des charges à raison de 11 millions. Le budget, s'il était adopté tel quel, ce que je souhaite, dans les temps impartis à l'examen usuel des budgets - soit d'ici à 19h - devrait donc se traduire par 174 millions de déficit. Un déficit dont on espère que la croissance des recettes d'ici aux comptes permettra un lavage de cette tache rouge, mais un déficit qui est par ailleurs formellement couvert par la réserve conjoncturelle.
Ce budget est mauvais, parce qu'il implique, pour le grand Etat, y compris les postes d'agents spécialisés, 902 postes supplémentaires: 871 plus 31 postes d'agents spécialisés; ce sont donc 902 postes supplémentaires. Cela signifie, en équivalent temps plein, que l'augmentation de la population active - qui est ces dernières années habituellement de l'ordre de 2500 à 3000 personnes - va devoir être faite de postes dans l'économie tels que chacun d'entre eux dégagera une marge fiscale de l'ordre de 40 000 à 50 000 F pour pouvoir rémunérer ces emplois temps plein. C'est donc dire combien, en adoptant ce budget... Chaque poste, c'est au minimum 120 000 F, voire 150 000 F quand on compte le coût de fonctionnement; et pour payer ces 120 000 à 150 000 F, il faut des contribuables, et le calcul marginal fait que, pour payer 120 000 à 150 000 F, comme il y aura en gros 2 à 3 postes dans l'économie privée qui vont nourrir la croissance du Moloch, eh bien chacun de ces postes supplémentaires dans l'économie privée devra dégager une marge fiscale de 40 000 à 50 000 F. C'est donc dire que ce n'est pas une croissance des emplois dans l'économie sociale et solidaire qui est dictée par ce budget, ce n'est pas une croissance dans des secteurs à valeur ajoutée faible qui est dictée par ce budget; c'est au contraire une croissance sur ce qui fait actuellement la richesse de l'économie genevoise, notamment le secteur financier, mais qui fait aussi la faiblesse de l'économie genevoise, compte tenu des attaques dont ce secteur financier est victime à l'étranger, et de la compréhension que ces attaques trouvent à l'intérieur de la Suisse, voire du canton, auprès de certains partis.
En d'autres termes, nous avons des dangers quant au financement qui se manifestent aussi par le fait que, dans la durée du plan financier quadriennal, la croissance sera chaque année de 2%, et qu'il va falloir chaque année nourrir ces 2% par autant de postes à haute valeur ajoutée. Est-ce que la croissance est durable ? Je ne sais pas. Est-ce que l'explosion des charges de l'Etat est tenable ? J'en doute fort. Sans réexamen des tâches, en effet, il n'y a pas de place pour la nouveauté, et ce budget se marque par l'abandon - que je considère comme laxiste - de la révision des tâches que l'on avait pu observer dans la précédente législature, et dont le rapport de majorité vous rappelle l'apport financier.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le rapporteur !
M. Pierre Weiss. Trente secondes pour dire qu'hier soir la BNS a laissé planer un nouveau soupçon ou un nouveau doute sur le fait que des rentrées financières venant de la Banque nationale pourraient diminuer l'an prochain, et sur le fait que la dette augmente de 300 millions, soit nettement plus que... A raison de 10,8 milliards, elle se situe de façon incomparablement plus mauvaise que dans le canton de Vaud.
Enfin, je dirai pour conclure que des priorités sans arbitrage, tel que le fait ce budget, c'est l'assurance de dérapages. On espère donc que l'autorisation de dépense se traduira par une responsabilité dans les autorisations de dépense que prendra le Conseil d'Etat. C'est le souhait que j'émets, au nom de la majorité relative de ce matin, dont j'espère qu'elle se transformera ce soir en majorité absolue.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole est à Mme le rapporteur Sophie Forster Carbonnier. (Commentaires.)
M. Eric Stauffer. Cela commence bien ! (Exclamations.) Mais aucun problème, je vois que l'on respecte bien l'ordre des rapporteurs de minorité ! (Brouhaha.)
Une voix. Quelle arrogance !
Mme Sophie Forster Carbonnier. Sois un peu galant, pour une fois, Eric !
M. Eric Stauffer. Non mais j'entends bien, on commence joliment la journée, il n'y a pas de problème ! (Brouhaha. Commentaires.)
Une voix. Des menaces ?! (Commentaires de M. Eric Stauffer.)
Le président. L'élégance dont vous savez faire preuve, Monsieur Stauffer, fait qu'évidemment Mme Forster Carbonnier... (Commentaires de M. Eric Stauffer.) Non, taisez-vous, Monsieur Stauffer ! Madame Forster Carbonnier, vous avez la parole.
M. Eric Stauffer. Ce sera difficile aujourd'hui, surtout si l'on commence comme ça ! (Exclamations. Commentaires.)
Une voix. Au coin !
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Je me trouve dans une situation un peu paradoxale, parce que bien que rapporteure de minorité je n'ai pas un jugement aussi sévère que M. Weiss par rapport au budget, alors qu'il est rapporteur de majorité. Les Verts avaient en effet accueilli plutôt favorablement le projet de budget du Conseil d'Etat. Ce budget n'était certes pas aussi Vert que nous l'aurions souhaité, mais nous l'avions considéré comme étant un compromis acceptable, au vu des forces politiques siégeant au gouvernement.
Nous jugions ce budget de manière plutôt positive pour les raisons suivantes. D'abord, le montant très élevé des investissements prévus, permettant de construire les infrastructures publiques nécessaires au développement de notre canton. Ces investissements sont cruciaux pour Genève, puisqu'ils concernent en priorité la mobilité, la formation et la santé.
Nous tenons aussi à relever que la croissance globale des charges, maîtrisée à 2%, est tout à fait acceptable au vu de la crise économique qui a affecté notre canton et de ses effets retardés qui touchent actuellement les personnes les plus vulnérables. Cette croissance des charges s'explique également par le vieillissement de la population, qui nécessite un déploiement plus conséquent des structures comme les EMS ou la FSASD.
De plus, l'augmentation des charges de personnel de 3,5% est justifiée selon les Verts, car cette augmentation permet la création de postes essentiels au bon fonctionnement de l'Etat. Ainsi, ce ne sont pas moins de 225 postes pour la sécurité et la justice qui sont créés, 120 postes dans le domaine de la formation et 87 postes dans le domaine de la santé. On ne peut pas refuser cela, comme le fait remarquer M. Weiss.
Enfin, il faut relever la diminution du niveau de la dette, puisqu'elle a baissé de près de 2 milliards au cours de ces quatre dernières années.
Les Verts sont également satisfaits du premier budget par programme et par prestation qui nous a été soumis. Nous sommes d'avis que le Grand Conseil dispose désormais d'un outil permettant de mieux influer sur les politiques publiques, puisque le budget n'est plus basé sur l'organisation administrative de l'Etat, mais sur les politiques qu'il doit mener. Bien sûr, ce premier budget par programme est encore perfectible, et certains indicateurs - je ne vous le cacherai pas - nous paraissent peu convaincants. Mais nous considérons ce premier exercice comme plutôt réussi.
Malheureusement, malgré les points positifs que je viens de mentionner, les Verts ne peuvent accepter et approuver le projet de budget en l'état. En effet, nous ne pouvons accepter certaines coupures infligées par la majorité de la commission des finances. Ainsi, nous nous insurgeons en particulier contre les coupes linéaires absurdes, selon nous, pénalisant la direction générale de la mobilité, les HUG et l'aide à la culture. Notre groupe a donc déposé trois amendements afin de revenir aux propositions de budget faites par le Conseil d'Etat. Je détaillerai ces amendements le moment venu. Nous appelons donc ce parlement à revoir les décisions prises par la commission des finances et affectant trois politiques publiques importantes de notre canton. Si le parlement revenait sur ses décisions, nous pourrions accepter le budget. Dans le cas contraire, nous ne prendrions pas la responsabilité de ce budget. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame le rapporteur. La parole est enfin à M. le rapporteur Eric Stauffer.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de première minorité. Monsieur le président, ce n'est pas une question de «enfin», mais il y a des règlements, et en général on les applique. Moi je lis sur le rapport qu'il y a un premier rapporteur de minorité, puis un deuxième et un troisième. Mais je constate une fois de plus que, lorsqu'il s'agit du MCG, les règlements sont à géométrie variable. C'est un peu comme le budget, Mesdames et Messieurs ! En effet, cela fait cinq ans que je siège dans ce parlement, j'ai à peu près tout vu, et aujourd'hui je pense que c'est la panacée, puisque j'ai en face de moi un député libéral - et un grand libéral, qui a vraiment l'âme du libéral - qui vient soutenir un budget déficitaire. J'aurai donc vraiment tout vu dans ce parlement, même des libéraux venir défendre des budgets déficitaires alors qu'ils veulent évidement des comptes équilibrés.
Alors, Mesdames et Messieurs, c'est aujourd'hui le jour du grand théâtre de ce parlement. Je vais vous faire une proposition à la fin de mon intervention, et nous allons voir qui seront les grands-guignols de ce théâtre et qui va vouloir respecter les deniers publics en limitant les débats, parce que je vous proposerai une motion d'ordre, Mesdames et Messieurs, juste question de voir qui se moque de qui dans ce parlement.
Parlons quand même quelques instants de ce budget, puisqu'aujourd'hui est une journée phare s'il en est dans un parlement cantonal. Aujourd'hui, il nous appartiendra de prendre des décisions et de valider l'action du gouvernement, c'est-à-dire de nos sept ministres ici présents, que je me permettrai, pour la journée, de rebaptiser les sept comptables, eux qui sont juste capables d'additionner 1+1, mais qui n'ont aucune vision de ce que veulent les Genevois dans notre canton. J'en veux pour preuve ceci: qui est content de la politique gouvernementale, Mesdames et Messieurs ? La politique du logement est une véritable catastrophe ! Si vous avez un problème, allez dans la rue, posez la question aux Genevois: le logement est une catastrophe ! On ne trouve plus de logements à des prix décents. En fait, on ne trouve plus de logements du tout, si ce n'est lorsqu'on est dans une multinationale, pour obtenir des quatre ou cinq-pièces à 7000 ou 8000 F par mois.
La politique de l'emploi, on n'en parle même plus, tant Genève bat les records suisses comme numéro un depuis d'innombrables années. Et quand on entend dire de Genève: «Vous voyez, nous avons créé 10 000 emplois cette année !», il faudra venir m'expliquer mathématiquement comment, alors, il se fait que l'on n'arrive pas à baisser ce taux de chômage. Donc encore une fois, la politique de l'emploi... Certes, la politique de l'emploi est très positive pour les frontaliers, mais pour les Genevois c'est un autre débat ! Mais finalement, nous ne sommes plus ici le parlement des Genevois, nous sommes plutôt le parlement de l'Europe, des frontaliers. Et surtout ne limitons pas les frontaliers, on pourrait nous accuser de discrimination ! Enfin, ici le sport national consiste quand même à discriminer les Genevois, et vous le verrez un peu plus tard dans la journée.
Venons-en à la politique de la mobilité: qui est content de cette politique-là ? On ne circule plus, tout est bouché ! On vient d'entendre ma charmante collègue dire ceci: «Vous avez fait des coupes dans la direction générale de la mobilité, c'est inacceptable; si vous ne les remettez pas, nous refuserons le budget.» Donc on veut encore restreindre la mobilité, supprimer des places de parking, et ça c'est évidemment la politique que les Genevois veulent...
Parlons maintenant de la politique d'intégration: eh bien, Mesdames et Messieurs, l'intégration, on s'en fout dans ce canton, c'est bien connu ! En effet, lorsque le MCG vient proposer des amendements pour à ajouter 2 millions en faveur de jeunes en rupture ou pour enseigner le français aux parents immigrés, eh bien on nous dit: «Non non, on n'a pas d'argent à dépenser pour cela.» Donc l'intégration, qui est pourtant l'un des piliers des facteurs de sécurité sociale, eh bien, on s'en fout complètement, et cela encore, on le verra un peu plus tard.
Pour ce qui est de la politique de formation des jeunes, c'est extraordinaire, Mesdames et Messieurs, nous sommes tous contents de la politique menée par nos sept comptables qui additionnent 1+1, mais qui n'ont aucune vision pour ce canton ! Car, aujourd'hui, lorsque les jeunes ont fini leurs études, ils ne trouvent plus de place d'apprentissage et sont obligés d'aller s'inscrire au chômage pour espérer obtenir un emploi de solidarité, afin d'avoir leur premier emploi sur leur curriculum vitae ! C'est extraordinaire, tous les Genevois vous sont vraiment reconnaissants des efforts accomplis pour les jeunes, c'est absolument génial.
Quant à la politique sociale, Mesdames et Messieurs, eh bien c'est le seul domaine où finalement Genève performe, puisque, on le voit bien, les investissements pour aider les Genevois qui sont devenus des working poors ou qui tombent dans la précarité...
Le président. Il vous reste vingt secondes, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Alors, Mesdames et Messieurs, aujourd'hui je vous le dis, tout a déjà été réglé par une petite réunion que le Conseil d'Etat vous expliquera, c'est la «Réunion de Vaudeville». Tous les partis gouvernementaux se sont réunis avec le Conseil d'Etat, les Verts ont obtenu l'assurance qu'ils allaient récupérer leurs montants, donc tout ça c'est du grand cinéma.
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose une motion d'ordre - et je demande un vote formel - pour que l'on puisse organiser les débats de la manière suivante: chaque groupe peut s'exprimer une fois lors du débat d'entrée en matière sur le budget. Ensuite, sur tous les amendements et tous les départements, il n'y a aucune prise de parole. Puis, à la fin, chaque groupe parlementaire a droit à une déclaration... (Brouhaha.) ...de même que les rapporteurs. Cela signifie qu'entre les deux, au moment où l'on traite tous les amendements pour faire le grand cinéma, qui ne sert à rien puisque tout a été décidé, eh bien il n'y a pas de prise de parole. Alors maintenant on va voir qui sont les hypocrites, qui veut dépenser les deniers publics et qui ne veut pas les dépenser ! C'est la motion d'ordre que je propose. Bien entendu, M. Bertinat a aussi le droit à la parole sur le débat d'entrée en matière. Donc je récapitule: d'abord les rapporteurs, puis un député par groupe; au milieu, lors du traitement des amendements, personne; puis une déclaration finale par groupe. (Commentaires.)
Le président. Monsieur le député, je vous suis très reconnaissant, à titre personnel, d'organiser le travail de ce parlement, mais je dois vous rendre attentif à une chose: une motion d'ordre telle que vous la proposez n'a de valeur que pour un débat. Or le budget - comme les projets de lois - se fait en trois débats. Vous pouvez donc proposer une motion d'ordre visant par exemple à ce que maintenant, dans le débat d'entrée en matière, on applique la procédure que vous venez d'expliquer, mais cela ne peut pas porter sur les trois débats. Vous devrez reformuler cette intéressante proposition à chaque fois.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose de laisser parler le rapporteur de troisième minorité, puis, après avoir entendu M. Bertinat, nous voterons sur cette motion d'ordre. Cela me paraît correct et logique. Monsieur le député Bertinat, vous avez la parole.
M. Eric Bertinat (UDC), rapporteur de troisième minorité. Est-ce que je dois remercier M. Stauffer ou M. le président ? Je ne sais plus qui commande !
Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais commencer par quelques remerciements, que j'adresse aux collaborateurs ayant suivi les travaux de la commission des finances durant plusieurs semaines, qui ont été à notre totale disposition et d'une grande efficacité. Au risque de froisser certaines susceptibilités, il y a une personne que j'aimerais particulièrement remercier, c'est M. Dominique Anklin, directeur administratif et financier du DCTI, qui a eu l'incroyable patience de suivre les travaux de la commission des finances largement après 23h. Il s'est tenu à notre entière disposition et ses remarques ont toujours été bien accueillies, et pour la plupart heureusement suivies.
Ensuite, je voudrais féliciter mon collègue Pierre Weiss. C'est le sixième budget que j'ai sous les yeux, et c'est sans doute celui dont la qualité est la plus haute, celui dont le texte est le plus complet et montre vraiment toute l'ampleur des discussions que l'on tient lorsque l'on prépare un budget. Mais j'avoue aussi que, au cours de la lecture du rapporteur, je me suis demandé lors de nombreux passages si réellement j'avais affaire à un rapporteur de majorité, tant les critiques qu'il fait sont acerbes...
M. Pierre Weiss. Méritées !
M. Eric Bertinat. «Méritées», même, ajoute-t-il ! La plupart en tout cas peuvent être tout à fait acceptées par le groupe UDC.
Le budget que l'on nous présente aujourd'hui avait historiquement un déficit de 220 millions. Au début des travaux de la commission - le 30 novembre, je crois - ce déficit s'élevait à 180 millions, l'Etat ayant réévalué les recettes fiscales. A la suite des débats, il est descendu à quelque 150 millions, puis est remonté à 163 millions, tel qu'il est présenté aujourd'hui. C'est dire que, finalement, il y a eu pour 20 millions d'économies. Ce sont 20 millions sur 7,8 milliards ! On se rend compte que l'on va longuement débattre - parce que ça va certainement être le fil rouge de cette journée - sur quelques petits postes, sur quelques questions, qui peuvent évidemment avoir leur importance, mais, finalement, le gros, l'entier du budget nous passe allègrement sous les bras. Et cela de par l'ampleur de ce budget, puisqu'il touche maintenant plus de 30 000 collaborateurs, de par l'ampleur des tâches qu'il englobe - qui, pour un petit canton comme Genève, est incroyable - et aussi de par le confort financier dont Genève dispose, puisqu'il a 7,8 milliards à disposition. Pour ne prendre qu'un département, comme celui de l'instruction publique, ce dernier dispose de 2 milliards pour quelques dizaines de milliers d'élèves. On s'aperçoit que Genève est vraiment un canton qui vit dans le confort, et ce confort, à mes yeux, explique pourquoi le Conseil d'Etat est incapable de nous présenter un budget qui, véritablement, reprend les grands problèmes et cherche des solutions qui puissent être le moins coûteuses possible. Le Conseil d'Etat empile aux solutions un nombre à peu près équivalent d'emplois. Ce qui fait que, aujourd'hui, non seulement ce budget est déficitaire, mais en plus on redémarre une inflation des effectifs, puisque, si l'on cumule le petit et le grand Etat, plus de 870 emplois seront créés pour 2011, ce qui pour l'UDC n'est pas acceptable.
J'aimerais d'ailleurs revenir sur la précédente législature, où le Conseil d'Etat nous avait expliqué que la dette s'élevait à plus de 13 milliards de francs et qu'il était temps de reprendre les choses en main, ce qu'il a tenté de faire. Il l'a fait avec différentes mesures, mais les deux principales étaient l'augmentation maîtrisée des principales charges à 1%, puis une diminution de 5% des effectifs de l'Etat. Pour la petite histoire...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Eric Bertinat. Je vous remercie ! ...c'était quand même le slogan de l'UDC en 2005, qui voulait diminuer de 5000 personnes les effectifs de l'Etat. Le Conseil d'Etat y était arrivé.
Aujourd'hui, nous sommes devant un budget-bloc, qu'il va être très difficile de modifier. L'UDC présentera des amendements linéaires, or même avec ces amendements linéaires nous serons loin du compte. Pour l'heure, nous nous contenterons de voter l'entrée en matière, et je reprendrai la parole au fil des amendements qui nous seront présentés. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Emery-Torracinta. (Remarque.) Je vous remercie de vos conseils, Monsieur le député ! Après m'en être entretenu avec l'initiateur de cette affaire, nous avons donc convenu que, comme il a été décidé au Bureau, chaque parti aurait cinq minutes pour s'exprimer d'une façon générale lors du premier débat. Puis, nous voterons le train de lois d'investissements, avant d'entamer le deuxième débat. Et c'est à ce moment-là que, d'une manière initiale, je ferai voter cette proposition de M. le député Stauffer. Cela vous convient-il, Monsieur Bavarel ? (Remarque de M. Christian Bavarel.) Mais je vois qu'il faut être très pédagogique ! La parole est donc, comme convenu, à Mme Emery-Torracinta.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, que penser de ce projet de budget ? J'aimerais tout d'abord m'exprimer par rapport au projet que le Conseil d'Etat nous avait déposé, et je reviendrai ensuite sur la cour de récréation qu'a été la commission des finances le 24 novembre dernier.
Alors quels étaient les points positifs du projet du Conseil d'Etat ? Bien évidemment, pour le groupe socialiste, ce sont tout d'abord des investissements records, qui frisent un milliard - car nous ne sommes pas loin d'un milliard d'investissements bruts. C'est également le respect des mécanismes salariaux, ainsi que l'indexation des prestations sociales. Et puis enfin, c'est la création de postes dans des domaines importants pour la population. Je pense à la formation, plus 120 postes, aux EMS où, grâce à l'ouverture de 359 lits, 330 postes vont être créés; je pense également à la santé, aux urgences de l'hôpital, par exemple, où des moyens ont été mis, et à la FSASD; et je pense enfin à la sécurité, qui est, je dirai, le grand gagnant de ce projet de budget, avec 73 postes supplémentaires pour la police, 83 pour les prisons et 69 pour la justice. Il y a donc des éléments positifs.
Néanmoins, pour le groupe socialiste, il y a des éléments plus problématiques. La première chose, c'est que l'on ne répond pas à l'ensemble des besoins de la population. On crée des postes essentiellement là où il y a des questions, je dirai, purement démographiques. Les lits en EMS, je vous le rappelle, répondent au vieillissement de la population, et au fait que l'on a eu pendant des années un moratoire sur l'ouverture de lits en EMS; on est donc au fond dans une période de rattrapage.
On a parlé tout à l'heure de la formation: soit on va mettre des enseignants supplémentaires devant les classes, parce qu'il y a davantage d'élèves, mais on sait parallèlement que, concernant le personnel administratif et technique, qui est loin d'être constitué de ronds de cuir dans des bureaux, mais qui est au front avec les élèves - je pense aux bibliothécaires, aux assistants sociaux, aux assistants de laboratoire, etc. - eh bien, dans ces domaines-là, par exemple, on est dans une augmentation qui ne correspond pas du tout à la croissance démographique.
Lorsqu'il y a création de postes, c'est souvent aussi en lien avec des prestations qui sont légales. Donc on ne peut pas dire que le Conseil d'Etat dilapide les deniers publics, comme l'UDC ou les libéraux auraient tendance à nous le faire croire.
Ce que l'on remarque aussi, du côté socialiste, c'est que l'on a tendance à rogner un peu partout à l'Etat et à tenter de faire des économies partout où l'on peut. Du reste, il y a un phénomène qui nous inquiète - et sur lequel je reviendrai tout à l'heure avec un amendement, lorsque nous en serons au DSE - c'est la question des emplois de solidarité, qui sont maintenant prévus au budget 2011, dans le grand et le petit Etat, typiquement pour pallier des manques. Je développerai ce point tout à l'heure.
Enfin, certains dénoncent un budget déficitaire. Il est bien évident que le groupe socialiste, comme tous les groupes de ce parlement, souhaiterait un budget à l'équilibre. Mais je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que vous avez voulu, dans votre immense majorité - je crois que nous étions bien isolés à l'époque - une baisse fiscale. Vous avez été suivis par la population, eh bien, il vous faut maintenant assumer les résultats des baisses d'impôts que vous avez votées.
Au bout du compte, il s'agit d'un budget qui, si l'on regarde les côtés négatifs et les côtés positifs, aurait pu être acceptable par le groupe socialiste. Toutefois, au vu de ce qui s'est passé à la commission des finances, au vu des amendements linéaires, absurdes, sans aucune réalité, sans aucune réalité avec les projets de lois que ce parlement avait votés, sans aucune réalité avec les budgets nécessaires - je pense aux HUG: plusieurs dans ce parlement se sont parfois plaints de la durée d'attente aux urgences et, hop, moins 4 millions pour les HUG, sans se préoccuper de ce qui se passe... Au vu, donc, de ce qui s'est produit à la cour de récréation qu'a été la commission des finances, où tous les partis de ce parlement, à l'exception du groupe socialiste, ont proposé des baisses linéaires sans aucune réflexion, eh bien, il était évident que ce budget ne pouvait plus être accepté par le groupe socialiste. Alors certains nous diront que les amendements sur les HUG, sur la direction générale de la mobilité et sur la culture ne touchaient que des augmentations de subventions ou de postes... Soit ! Mais qu'avez-vous dit, Mesdames et Messieurs les députés, lorsqu'il s'agissait par exemple de la sécurité ? Avez-vous protesté contre l'augmentation des postes pour la gendarmerie ? Avez-vous protesté contre l'augmentation du salaire des juges ?
Pour conclure, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais faire quelques remarques. La première, c'est qu'il y a ici dans ce parlement un arroseur arrosé...
Le président. Il vous reste vingt secondes, Madame la députée !
Mme Anne Emery-Torracinta. Oui, je termine très rapidement ! L'Entente avait souhaité qu'un budget déficitaire soit accepté par 51 personnes au moins, et elle se retrouve dans la position de devoir négocier avec les minorités.
Et puis, le grand gagnant de ce budget, c'est la sécurité, et j'aimerais bien que le MCG et l'UDC, qui font leur beurre électoral sur ces questions-là, soient cohérents au bout du compte.
En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, si les amendements du Conseil d'Etat sont acceptés, le groupe socialiste pourra adopter ce budget, mais si les trois amendements principaux pour nous, à savoir ceux qui concernent la culture, les HUG et la DGM, devaient être refusés, ce serait rédhibitoire. (Applaudissements.)
M. Frédéric Hohl (R). Mesdames et Messieurs les députés, le projet de budget 2010 annonçait un déficit de 335 millions; en septembre dernier, le Conseil d'Etat nous a présenté un déficit de 219 millions, et aujourd'hui nous parlons d'un budget de 7,5 milliards, avec un déficit de 163 millions. Le parti radical tient à souligner l'amélioration due aux efforts du Conseil d'Etat et de l'administration, à une bonne partie du travail des groupes de ce parlement, et bien évidemment aux recettes. Le budget prévoit également 923 millions pour les investissements, notamment dus à d'importants efforts au niveau des infrastructures et des transports publics, ce dont le parti radical se réjouit. Nous saluons en outre la création de postes de travail dans le secteur de la sécurité et de l'éducation. Mais en dehors de ces deux axes, nous constatons également le maintien d'un filet social de très haute qualité - l'un des meilleurs de Suisse - que beaucoup, même à l'étranger, nous envient, et nous estimons qu'il n'est pas nécessaire d'en faire toujours et toujours davantage et d'augmenter ainsi la dette du canton. Pour les radicaux, la maîtrise de la dette reste un objectif essentiel et important. Par ailleurs, nous sommes conscients que le véritable enjeu de demain est bel et bien la mobilité, et nous souhaitons vivement que le Conseil d'Etat prenne en compte tous les moyens de transport: publics, privés, individuels et collectifs.
Depuis plusieurs mois, nous travaillons en bonne intelligence avec la commission des finances, avec les chefs de groupe, avec le Conseil d'Etat, avec les présidents de parti, pour arriver à un budget aujourd'hui acceptable. Mesdames et Messieurs les députés, nous souhaitons à tous les groupes politiques une bonne journée de débat autour de ce budget, en vous encourageant à ne pas imiter le lamentable exercice qu'a joué le Conseil municipal pour son budget, exercice qui a coûté très cher en termes financiers aux contribuables de la Ville de Genève. Alors, si par hasard un ou deux capricieux dans ce parlement voulaient prendre en otage ce Grand Conseil, pour nous obliger à venir travailler et voter demain, je vous rappelle, Mesdames et Messieurs, que cela coûterait 150 000 F aux contribuables. Nous apprécions le trait d'humour du député Stauffer, qui consiste à essayer de faire passer une motion d'ordre afin de nous faire croire demain, quand il nous aura obligés à siéger, que c'est à cause de nous, parce que nous n'avons pas suivi la motion d'ordre stupide et ridicule qu'il vient de nous proposer, mais nous n'allons pas tomber dans le piège ! Mesdames et Messieurs, le groupe radical acceptera les amendements proposés par le Conseil d'Etat, mais nous n'entrerons pas en matière sur tous les autres amendements. Car nous avons eu plusieurs semaines pour le faire, et il n'y avait qu'à intervenir avant !
Mesdames et Messieurs les députés, pour toutes ces raisons, le parti radical assumera pleinement son rôle de parti gouvernemental, et nous voterons ce budget avec les indications que je viens de vous donner.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce budget n'est pas un budget Vert, mais ce n'est pas un budget radical, ce n'est pas un budget libéral, ce n'est pas un budget socialiste, ce n'est pas un budget UDC et ce n'est pas un budget MCG. (Remarque.) Et ce n'est pas un budget PDC ! (Exclamations.) Madame von Arx-Vernon, excusez-moi, mais parfois les positions de votre parti font que l'on n'arrive pas tout à fait à le déterminer aussi fermement que cela ! (Rires.)
S'agissant de l'analyse, les Verts lisent aussi, comme M. Weiss, des économistes, et nous sommes surpris, nous n'avons pas exactement les mêmes lectures. Nous venons de voir que l'Agence internationale de l'énergie reconnaît l'existence d'un peak oil, et que nous arrivons... Le peak oil, c'est le moment où l'on ne parvient pas à produire plus, alors que la demande augmente; cela ne veut pas dire que c'est la fin du pétrole, cela signifie simplement que l'on ne peut pas suivre la demande et que les prix vont augmenter, et augmenter fortement. Et l'on se rend compte que des gens qui étaient très très réticents à admettre l'existence d'un peak oil aujourd'hui le font. Or ce budget - je pense que ce sera le sujet de notre prochaine législature - n'anticipe absolument pas cette problématique. Il y a des investissements, certes importants, que nous saluons, néanmoins nous pensons que les défis auxquels vont être confrontés notre canton et le reste de la Suisse - et plus largement notre planète - autour de notre dépendance au pétrole, ne sont pas encore totalement intégrés à l'intérieur de ce budget.
Cependant, nous devons saluer, dans le travail qui a été fait, celui qu'a réalisé le Conseil d'Etat. Et contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure - personnellement, je suis choqué d'entendre que l'on traite les membres du gouvernement de comptables - le Conseil d'Etat, ce n'est pas simplement sept individus, mais c'est une administration derrière, c'est de l'intelligence qui est mise à disposition. Et les Verts tiennent à saluer le travail qui a été fourni par l'administration, par le Conseil d'Etat et par les équipes qui sont derrière, lequel est un travail de très haute qualité, nous souhaitons le relever. Effectivement, certains choix politiques ne sont pas les nôtres, certaines orientations ne sont pas les nôtres, toutefois nous devons souligner le travail qui est effectué.
Venons-en maintenant au budget proprement dit. Effectivement, ce budget est pour nous un budget raisonnable, dans le sens où sa croissance est inférieure à l'inflation et à l'augmentation de la population cumulées. Pour nous, ce signe-là montre que, en francs constants et à population égale - donc si nous avions une population qui restait la même et une inflation qui était nulle - nous serions bel et bien dans une situation de décroissance du budget. Nous saluons donc le travail qui a été réalisé, et nous trouvons que c'est remarquable.
Nous avons effectivement eu des problèmes en commission avec une série d'amendements, ce qui nous a poussés à refuser le budget. (Brouhaha.) Monsieur le président, puis-je avoir un peu de silence dans la salle ? (Le président agite la cloche.) Je vous remercie infiniment !
Le président. Vous pouvez, Monsieur le député !
M. Christian Bavarel. Nous avons donc eu des problèmes avec ces amendements, et nous avons refusé le budget à ce moment-là. Mais depuis, ce que je tiens à rappeler, c'est que les partis travaillent: le travail d'un député ne consiste pas simplement à être présent dans cette salle et à faire des déclarations - ça, c'est rendre public notre travail; le reste du travail se fait en commission, mais aussi dans des réunions à l'intérieur des partis, dans des rapports bilatéraux entre différents responsables, et il y a un vrai travail de fond qui a été effectué depuis le vote du budget en commission. Nous avons continué à travailler. Alors on peut appeler cela «accord secret», on peut utiliser plein de mots comme ça pour vendre la sauce, mais ce qui a été fait, c'est un travail de fond, et je tiens à saluer celui du président du Conseil d'Etat, M. Mark Muller, qui a effectivement réuni les partis gouvernementaux, avec qui nous avons eu des discussions en profondeur, qui nous a fait des propositions et qui a repris une partie de nos suggestions. Et si aujourd'hui - comme nous avons suivi au début le travail qui avait été proposé par le Conseil d'Etat - ces amendements sont acceptés par l'ensemble du plénum, alors il sera tout à fait possible et souhaitable pour les Verts de voter ce budget. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Guy Mettan.
M. Guy Mettan (PDC). Merci, Monsieur le président, et merci à Yvan Reynard d'avoir réparé mon micro cette nuit ! Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce budget n'est ni bon, ni mauvais: il est tout simplement réaliste. (Rires. Commentaires.) Et c'est pourquoi le parti démocrate-chrétien va le voter, avec les amendements du Conseil d'Etat. Il est réaliste pour trois raisons.
La première, c'est qu'il préserve la capacité d'investissement de notre république. Pendant vingt ans, Genève a sous-investi, et aujourd'hui nous en payons le prix tous les jours, parce que nous devons rattraper ces sous-investissements massifs que nous avons réalisés pendant quinze ou dix-huit ans, ce qui provoque tous les désavantages, tous les inconvénients que l'on connaît aujourd'hui en matière de trafic, de blocages du centre-ville, etc. On doit, au fond, ouvrir les chantiers tous en même temps, afin de rattraper ce que l'on n'a pas fait durant les dernières années. Donc ce budget préserve cette capacité-là: avec 900 millions d'investissements, nous pourrons aller de l'avant, et c'est très important si l'on veut assurer un avenir à notre république.
Le deuxième point, c'est que ce budget propose une croissance raisonnable des dépenses: le Conseil d'Etat l'a fixée à 2%. Je rappelle que ces 2% de croissance des dépenses avaient fait l'objet d'un projet de loi déposé par le parti démocrate-chrétien, et soutenu par le ministre des finances, M. Hiler, il y a quatre ou cinq ans - il s'en souvient. On l'avait déposé à la commission des finances, à un moment où justement le déficit et la croissance du déficit et des dépenses étaient bien supérieurs à 2%. Je pense que 2%, c'est une croissance raisonnable, et nous nous y rallions naturellement. Ensuite, cette croissance repose sur la création de postes, mais sur la création de postes que nous avons nous-mêmes voulus: ce sont des postes pour la sécurité, des gendarmes et des agents de police, et ce sont aussi des gardiens de prison. Nous en avons fait l'une des priorités de cette législature, la chose commence à se mettre sur pied et l'on s'en félicite, et ce n'est pas le moment d'interrompre ce processus.
Enfin, troisième raison: ce déficit est à nos yeux acceptable, même s'il est désagréable. Il s'agit de 175 millions de francs de déficit, si l'on vote les amendements du Conseil d'Etat; ce n'est pas de gaieté de coeur que l'on vote ce déficit, mais ce n'est pas non plus une catastrophe. Lorsqu'on a plus de 800 millions de réserve conjoncturelle, on peut faire face à un déficit de cette nature, en tout cas pour une année. Mais il est évident que cela ne doit pas se répéter indéfiniment.
J'aimerais encore faire une petite allusion à Mme Künzler, qui a failli devenir l'anti-héroïne de notre budget. En effet, une mauvaise humeur s'était manifestée à propos de la mobilité, car on a reproché à Mme Künzler - à mon avis, assez à juste titre - de ne pas être la ministre de la mobilité; or Mme Künzler, on le sait, est la ministre de tout ce qui bouge à Genève, de tout ce qui marche, de tout ce qui pédale...
Une voix. Qui roule !
M. Guy Mettan. ...de tout ce qui rampe, de tout ce qui recule, de tout ce qui... Bref ! (Exclamations. Commentaires.) De tout ce qui avance, si possible, et qui roule, naturellement ! (Remarque.) J'y viens, j'y viens ! Elle est même la ministre des écrevisses, qui avancent à reculons ! Elle avait tendance à oublier effectivement l'une des dimensions de la mobilité, qui était ce qui roule, justement. Je crois qu'on le lui a rappelé, et elle nous a semblé avoir entendu ce message, donc je pense que nous pourrons entrer en matière afin de rétablir pour la mobilité les postes qu'elle demande, afin que justement Genève roule.
Enfin, j'aimerais conclure cette petite intervention en remerciant - cela a déjà été fait - tous les services: évidemment ceux des finances, mais aussi tous les services de l'Etat - parce que cela n'a pas encore été dit - qui ont assuré pour la première fois de notre histoire un budget par prestation. C'était une chose un peu interne à la commission des finances et aux spécialistes qui s'occupent de cela, mais en termes de politiques publiques, le passage au budget par prestation est un progrès indéniable. En effet, cela permet une visibilité beaucoup plus grande des politiques publiques, et cela a nécessité un énorme effort de la part de l'ensemble des services, pour justement créer ces politiques publiques, ces prestations, ainsi que les indicateurs qui permettent de mesurer l'efficacité de ces politiques, et je crois qu'il faut leur en être reconnaissants. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Mme Christina Meissner (UDC). Notre rapporteur UDC de minorité s'étant largement exprimé sur le budget, je me permettrai pour ma part de faire une remarque générale par rapport à ce premier budget par prestation - ou par programme, surtout. Nous avons eu un exercice remarquable et nécessaire, que nous apprécions particulièrement. Cependant, l'objectif de ce premier budget par programme était d'atteindre la transparence. Or le regroupement de certaines prestations qui en leur temps avaient été identifiées comme différentes par le projet GE-Pilote rend au final ce budget beaucoup plus difficile à lire dans le détail, et donc, peut-être, aussi les coupes par le parlement beaucoup plus difficiles à réaliser. Est-ce un exercice volontaire ? Loin de moi d'en douter de la part du gouvernement.
Il faut aussi remarquer une chose, c'est que, par ailleurs, ce budget ne reflète pas exactement les prestations. Ce n'est pas un véritable budget par prestation, parce que l'ensemble des revenus - par exemple, les produits des taxes militaires, des taxes sur les autos, sur les pompages, etc. - sont tous regroupés sous le département des finances, au lieu d'être ventilés sous les différents départements ou services où ils devraient se trouver. En l'occurrence, on a au final un ministre des finances qui a le seul département largement bénéficiaire, au détriment de tous les autres - je pense que cela doit le réjouir. Bien évidemment, j'espère que ce premier exercice permettra de corriger et d'arriver à des prestations véritablement plus identifiables et plus proches de la vérité dans les exercices suivants, ce dont je ne doute pas.
M. Edouard Cuendet (L). Pour utiliser une métaphore de bande dessinée, je dirai qu'actuellement Genève fait un peu figure de village gaulois dans un empire européen en pleine situation de décadence financière. Alors que l'Angleterre s'apprête allègrement à supprimer 400 000 postes, que les chantres de l'Etat social et de l'Etat providence en Europe diminuent drastiquement leurs prestations sociales, Genève se prépare à engager plus de 800 personnes. La potion magique qui permet cette évolution favorable à Genève est évidemment une situation économique et une économie florissante, qui a extrêmement bien résisté à la crise, et on ne le dira jamais assez, puisqu'elle a continué à créer des emplois même en période de crise et qu'elle a su s'orienter vers les nouveaux marchés que sont les marchés asiatiques et les marchés plus éloignés - et je salue ici également l'action de la promotion économique, qui réalise un travail remarquable en la matière. Heureux un canton dans lequel les bardes de la culture - pas Michel Barde ! - peuvent se permettre de pousser des cris d'orfraie lorsque l'on n'augmente pas leurs subventions, mais qu'on les laisse au même niveau ! On a tous reçu de nombreux e-mails suite à l'amendement sur la culture auquel Mme Emery-Torracinta a fait référence...
Considérons maintenant, de manière plus ponctuelle, le budget qui nous occupe aujourd'hui. Les députés libéraux l'ont accepté pour des raisons fort simples. Je ne vais pas me lancer dans de grandes digressions métaphysiques, car il s'agit bien de raisons fort simples.
En premier lieu, concernant les priorités, il correspond au programme libéral, qui a mis l'accent sur la sécurité. De nombreux postes sont créés pour la sécurité, la justice et les prisons, afin d'accompagner le travail remarquable réalisé par Isabel Rochat. On n'a pas encore assez dit ici le changement de paradigme majeur qui s'est produit d'une législature à l'autre: alors qu'auparavant on nous parlait de sentiment d'insécurité, maintenant on attaque vraiment le problème de front, grâce à Isabel Rochat, et du reste je remarque une révolution copernicienne chez les socialistes, puisque même Mme Emery-Torracinta a considéré dans son intervention la sécurité comme un domaine prioritaire, ce qui doit être souligné.
Un autre domaine évidemment très important est celui des investissements, puisque les libéraux sont favorables aux investissements. Ce montant d'un milliard environ, assez symbolique d'ailleurs - pas symbolique dans le montant, mais dans la somme importante atteinte - est primordial pour faire sortir Genève de l'antiquité et le faire entrer dans les temps modernes. Mais bien entendu, cette évolution ne pourra se faire que si les chantres de la décroissance et de l'immobilisme - dont certains représentants siègent avec nous - ne mettent pas systématiquement des bâtons dans les roues, et notamment dans les roues du tram... enfin non, pas du tram justement, mais du transport privé, qui malheureusement est trop souvent cloué au pilori, notamment par la DGM. On l'a vu d'ailleurs la semaine dernière dans un article de la «Tribune», où même le directeur de ce service disait tout le bien qu'il pensait de la paralysie totale du quartier des Eaux-Vives, et qu'heureusement le Conseil d'Etat - et notamment son président - va intervenir pour obtenir un moratoire dans ce domaine. L'évolution des investissements est donc indispensable à Genève, où nous avons pris un retard considérable par rapport à d'autres villes suisses, notamment Zurich, qui a enterré la hache de guerre des transports, puisque l'on construit aussi bien des tunnels routiers qu'une infrastructure ferroviaire de pointe. Puisse Genève s'inspirer de cet exemple zurichois, qui a permis à ce canton de se doter d'infrastructures remarquables.
Il est évident que le groupe libéral a quand même des préoccupations face à ce budget. La préoccupation principale dont M. Pierre Weiss, rapporteur de majorité, a fait état, est notamment la situation de la dette, qui est inquiétante. A ce propos, M. Bavarel a des notions d'inflation un peu particulières, puisqu'il est clair qu'actuellement l'inflation est beaucoup plus basse que les 2% dont il a parlé. Du reste, les fonctionnaires sont bien placés pour le savoir, puisque l'on arrive à 0,2% environ et que ce n'est pas près d'augmenter de manière aussi fracassante que M. Bavarel le soutient. Mais l'augmentation de la dette est une véritable préoccupation, puisque, alors que le canton de Vaud est passé environ de 9 à 2 milliards de dette, Genève est, dans la même période, péniblement passé disons de 13 à 10 milliards. Et là je précise à l'intention du chef du département que la dette est très bien gérée à Genève, puisque les taux obtenus sont remarquables aussi en comparaison intercantonale.
L'autre grosse préoccupation, c'est évidemment les caisses de pension et leur financement, et lorsqu'on voit la volonté farouche que certains - notamment dans les syndicats de la fonction publique - affichent pour saboter toute réforme de la structure lourde, obsolète et peu efficace des caisses de pension, on doit vraiment se faire du souci à ce sujet.
Le troisième gros nuage qui se dessine sur Genève - M. Hiler l'a souvent évoqué dans la presse - c'est l'avenir de la fiscalité des entreprises, et notamment les pressions européennes sur les statuts fiscaux des holdings et des sociétés auxiliaires, car si Genève devait perdre cette manne de plusieurs centaines de millions, il est évident que le budget aurait d'autres formes de déficit. (Applaudissements.)
M. Claude Jeanneret (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, voilà un budget qui n'est pas très loin de l'équilibre: 180 millions environ sur 7,8 milliards de dépenses, on ne peut pas dire là que l'on prenne un grand risque. Moi je dirai déjà une chose au sujet du budget tel qu'il est présenté: si certains partis gouvernementaux n'avaient pas accumulé une dette à plus de 11 milliards, eh bien le coût de la dette serait nettement inférieur au déficit prévu, et l'on pourrait être en période de profits.
Deuxièmement, je crois que la nouvelle présentation du budget est intéressante, mais elle n'a pas encore véritablement été au fond du problème. On en est pour le moment à une présentation par programme, et, contrairement à ce que l'on a pu entendre, la véritable idée du budget par prestation n'est pas encore en place ! Lorsqu'on aura véritablement une analyse des prestations, on pourra réellement se rendre compte de ce qui est utile, encore utile ou encore plus utile à développer. Pour le moment, on en est quand même encore à un budget terriblement politique ! Et j'en donnerai simplement un exemple. S'agissant de la mobilité, c'est vrai qu'aujourd'hui c'est une vraie catastrophe, on ne sait pas exactement où l'on va dans ce sens-là, mais il ne faut pas accabler le seul Conseil d'Etat actuel, car ça date d'un certain temps. Et si l'on prend l'instruction publique, eh bien il est quand même catastrophique de constater que l'on forme des jeunes, qui ne trouvent pas d'emploi, alors que l'on importe des frontaliers ! Où est l'erreur ? Il faudrait aussi l'analyser comme il se doit ! Si nous n'arrivons pas nous-mêmes à former les gens dont on a besoin, il y a un problème ! Alors je ne dis pas que c'est mauvais ou que c'est bon: c'est un problème qu'il faut étudier; on dépense chaque année un peu plus, sans nécessairement obtenir davantage.
Un autre point qu'il faut aussi prévoir, c'est que ce budget aujourd'hui a un petit déficit. Il s'agit d'un petit déficit parce que l'on a une augmentation de recettes; c'est intéressant, mais les recettes sont toujours aléatoires, bien sûr. Le problème du budget, c'est que nous avons une progression de 2% des dépenses. Alors on entend des propos lénifiants: «2%, c'est ce que l'on préconisait, ce n'est pas beaucoup»... Mais lorsqu'il n'y a que 1% de progression des revenus, si on le prolonge sur plusieurs années, la dette va augmenter de nouveau ! Il faut donc être attentif à cela ! Il ne s'agit pas seulement d'avoir une progression raisonnable d'un côté: il faut aussi, pour payer ce raisonnable, que la progression soit la même de l'autre côté, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Alors si c'est une exception cette année, pourquoi pas, mais si cela devait perdurer, il faudrait que l'on prenne de vraies mesures ! Et je pense qu'un vrai budget avec des vraies prestations que l'on puisse évaluer sera véritablement un grand progrès. Nous en prenons le chemin, mais aujourd'hui nous ne l'avons pas atteint.
Je dirai encore une chose: il est facile de critiquer les baisses fiscales. Je crois que la baisse fiscale fait partie de l'évaluation des impôts de cette année, mais ce n'est pas à cause d'une baisse fiscale que l'on a plus ou moins de dépenses; les dépenses doivent être adaptées aux impôts que l'on reçoit, c'est tout ! Et contrairement à ce que l'on entend, je crois que, pour une fois la baisse fiscale a surtout profité à ceux qui ont toujours payé trop dans notre société, c'est-à-dire les ménages. En effet, avant on additionnait les revenus, et les ménages étaient pénalisés comme s'ils gagnaient énormément, alors que c'était simplement un couple qui travaillait, avec tout ce que cela implique comme frais pour placer les enfants, pour l'éducation, et j'en passe. Donc encore une fois, il y a un peu plus de justice sociale dans cette nouvelle loi fiscale, qui permet à un couple de se marier - comme on le souhaite dans cette société - sans pour autant être pénalisé fiscalement.
Enfin, quand j'entends des plaisanteries comme celles de M. Hohl, qui dit que cela va coûter cher si l'on siège par hasard demain matin - je ne le pense pas, Monsieur Hohl... On parle de 150 000 F pour décider d'un budget de près de 8 milliards... Si ça c'est cher ! Quand on voit qu'on est capable d'acheter 20 000 m2 de terrain à 14 millions pour quelques soirées, alors qu'il n'en vaut que 5, allez chercher les 9 millions plutôt que de dire oui pour ça ! (Remarque.) Et un sou est un sou ! Mais 9 millions à économiser, c'est mieux que 150 000 F. Surtout pour bien gérer la république.
Voilà, Messieurs... Monsieur le président, ce que je voulais encore dire. (Commentaires.) Il n'y a pas de femme présidente pour le moment ! On en a eu, c'était bien, mais pour l'heure c'est un homme ! (Exclamations.)
Quant à l'amélioration de la justice, il faut encore citer une chose: la croissance des charges est quand même due principalement à l'augmentation des charges du personnel, lesquelles ont connu une hausse de 2,7%, donc plus que la moyenne de l'augmentation des charges. Il y a de bonnes raisons à cela, c'est que l'on a aussi une justice qui va nous coûter plus cher, suite à la nouvelle procédure qui a été imposée par la Confédération. Il s'agit de 70 personnes supplémentaires, et cela coûte, car ce ne sont pas des employés qui ne coûtent rien. Concernant la question de la police, eh bien, si l'on avait fait notre travail depuis plusieurs années, on n'aurait pas eu besoin d'augmenter autant en une fois. Nous avions une permission de 900 policiers, or nous n'en avions que 700. Le malaise était déjà historique, donc ce n'est pas maintenant, parce que l'on a un budget qui prévoit une augmentation de cet effectif, qu'il faut croire que celui-ci est le seul bon budget qui puisse exister.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la période qui a débuté vers 2005 et que nous traversons aujourd'hui - à savoir une période de croissance au niveau mondial débridée, puis une crise d'une extrême gravité - doit quand même nous amener à réfléchir sur l'avenir de Genève ces prochaines années.
Premier constat - vous le savez tous, je vais donc commencer par quelques banalités: le pôle de croissance économique de la planète s'est déplacé. En 2000 déjà, le taux de croissance européen ne comptait plus statistiquement dans la croissance mondiale. Aujourd'hui, on va vers ce même constat pour l'ensemble des pays que l'on appelait traditionnellement «développés», post-industriels. C'est un événement important, et c'est un événement structurel. La crise a donc aussi montré ce que l'on savait, mais que l'on ne percevait pas vraiment.
Deuxième élément: il est évident que la partie de l'économie qui est globalisée s'est très fortement étendue. Dans les années 30, lorsqu'il y a eu la crise, c'est en fait essentiellement l'occident qui a souffert de cette crise, alors que, par exemple, l'Argentine a connu ses plus belles années à cette époque. Aujourd'hui, tout le système est globalisé; cette fois, la crise a eu des conséquences très différentes, mais tout le monde l'a vécue.
Et la dernière chose, c'est que contrairement aux années 30 - et j'insiste sur ce paradigme - on a réussi à arrêter le jeu de dominos par une intervention conjointe de plusieurs dizaines de gouvernements dans le monde. Je crois qu'il est relativement important de le dire: la crise financière a pu être combattue par une intervention commune des puissances économiques de ce monde - la Chine comprise, soit dit en passant. Cela a eu quelques conséquences par rapport à la Suisse. D'abord, il s'est avéré que la Suisse se portait bien, qu'elle pouvait traverser une crise de ce type. En même temps, il s'est avéré que la Suisse ne pouvait pas prétendre - elle qui est un pays très exportateur, depuis le début de ce siècle, d'ailleurs - rester hors des actes de la gouvernance mondiale. Il a donc fallu adapter certaines pratiques de droit, notamment dans le domaine bancaire, et ce qui est intéressant, c'est que l'échange à la demande n'a pas entraîné du tout un effondrement de la place financière. Ce qui avait failli entraîner cet effondrement, ce sont les activités criminelles - au sens du droit américain - de l'UBS sur le sol américain. Et ce ne sont pas des mesures de régulation actuelles. Donc aujourd'hui, de l'argent frais - new money - arrive en Suisse constamment, il est fiscalisé, et la place financière suisse a montré une fois de plus sa capacité à évoluer et à s'adapter au nouveau monde.
Cela étant dit, si l'on prend Genève maintenant, les conclusions ont été les suivantes pour notre canton. On a assisté à une résistance de l'économie malgré la prépondérance de la place financière dans le tissu économique, mais ceci a évidemment aussi des conséquences pour le budget de l'Etat. Alors oui, il y a 800 postes qui se sont créés. Mais je vous rappelle quand même que, lors des dernières années - en 2006, 2007 et 2008 - il y en avait quelques dizaines, pendant que l'économie privée en créait 28 000. Et aujourd'hui, évidemment, sur une année on a beaucoup de postes. Je m'occupe des finances, donc j'aurais préféré franchement que l'on ouvre les EMS de façon lissée sur toute la période, mais il se trouve que l'on construit d'abord, que l'on ouvre ensuite, et que personne ne contrôle au centimètre près la date d'ouverture dans le contexte genevois. Pour engager des gardiens de prison, il faut - ô surprise ! - avoir décidé d'un crédit d'investissement pour construire la prison. A un moment donné, c'est la simple conséquence de crédits que vous avez votés. Les nouveaux postes pour l'enseignement ne sont pas la conséquence l'augmentation démographique, pour une bonne partie ! C'est la loi que vous avez votée sur le cycle d'orientation, qui va entraîner pendant trois ans une augmentation substantielle, du reste à niveaux d'élèves égaux, des sommes et des postes que l'on va dépenser au cycle d'orientation, parce que l'on sait que, pour une économie aussi développée que la nôtre, la formation est l'élément déterminant afin d'éviter d'avoir des jeunes qui, trop nombreux, ont de la peine à s'intégrer dans le monde du travail.
Il y a en outre Justice 2011 - qui devait être au départ Justice 2010, je le rappelle - et voilà, on a cette année une série de postes. Maintenant, il faut arrêter de raisonner sur une année et voir que, sur la durée, nous restons à un niveau raisonnable, et que, pour le reste tout de même, le taux de croissance des charges est inférieur à Genève qu'il ne l'est à la Confédération.
Voici une information concernant l'exercice 2010 que j'ai donnée, je crois, à la commission des finances, et qu'il faut que je vous communique: nous sommes, je dirai, à 90% sûrs d'être dans le noir. Il est vrai que nous sommes aidés par des recettes non récurrentes - comme nous le sommes souvent, d'ailleurs, et parfois aussi nous avons des charges non récurrentes - et cela n'a rien à voir cette fois, je le précise, avec des recettes fiscales beaucoup plus élevées que le budget: elles seront faiblement plus élevées que le budget.
S'agissant de la dette, au 15 décembre, elle se montait à peu près à 10,350 milliards; au 30 novembre, elle s'élevait à 10,5 milliards, et l'on est encore aujourd'hui inférieur au chiffre du 31 décembre de l'année passée. Cela, c'est aussi une information que vous devez connaître. Il n'y a pas de lien direct entre la comptabilité et la trésorerie pour fixer le niveau de la dette.
Nous avons donc bon espoir qu'avec ce budget, compte tenu de la marge d'erreur que nous avons clairement sur l'impôt à la source, pendant encore neuf mois... Nous avons des comptes 2011 équilibrés. On a une très mauvaise idée de ce qui va se passer après l'arrêt du Tribunal fédéral. On a évidemment envisagé le scénario le pire, comme on le fait toujours dans ces cas-là, que l'on peut déduire par des calculs sur la distance à laquelle habitent les gens.
Donc nous avons maintenant, il est vrai, toutes sortes de problèmes et toutes sortes de rattrapages en termes d'investissements, vous avez été nombreux à le dire, mais aussi dans un certain nombre de secteurs - dont les EMS, où le moratoire a été un peu trop long - et je crois que c'est réagir aux défis d'aujourd'hui, tels que le vieillissement, que de faire ceci.
Je vous rappelle aussi que la crise mondiale telle qu'elle est aujourd'hui à la fin 2010 ne concerne en réalité pratiquement plus qu'une partie de l'Europe. M. Strauss-Kahn le disait l'autre jour, et il a raison. On en parle beaucoup parce que l'on est européens, mais en réalité, en termes de taux de croissance, la crise aujourd'hui ne concerne qu'une partie de l'Europe. Et il y a une raison, c'est que l'économie européenne a une charge que n'ont pas les autres, mais à laquelle nous sommes tous attachés: elle a un système social développé. Et elle a une population qui vieillit ! Et nous nous apercevons que la Suisse - et Genève en particulier - peut, dans la conjoncture actuelle, après une crise d'une grande gravité, maintenir et même améliorer son système social, et répondre à ce jour aux défis du vieillissement. Ce n'est quand même pas négligeable ! Ce n'est pas négligeable ! Dans d'autres pays, votre rente se monte à 60 euros par mois, et voilà ! Nous avons donc un bon système social.
En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, je crois que les partis gouvernementaux sauront, après s'être dit tout ce qu'ils avaient de désagréable à se dire, faire ce qu'ils doivent faire. Ils sont un parti majoritaire autour d'un budget qui est celui de leur gouvernement, et il y a une vieille doctrine que je n'ai jamais vu assumer à Genève, mais peut-être aujourd'hui: logiquement, l'opposition parle, la majorité vote ! (Exclamations.) C'est donc avec confiance, Mesdames et Messieurs les députés, que le Conseil d'Etat attend l'issue de ce débat vers les 19h. Et je me permets de plaider pour ces 19h, pour des raisons importantes: j'ai des billets pour un concert de gospel, et je vous vois mal m'empêcher de procéder à une élévation spirituelle qui, compte tenu de mon métier, reste déterminante. (Rires. Applaudissements.)
Le président. C'est promis, Monsieur le conseiller d'Etat, on déplacera le Grand Conseil pour écouter le gospel et voter en même temps !
Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote sur la prise en considération de ce PL 10739. (Commentaires durant la procédure de vote.)
Mis aux voix, le projet de loi 10739 est adopté en premier débat par 84 oui contre 5 non et 1 abstention.
Suite des débats: Session 03 (décembre 2010) - Séance 15 du 17.12.2010
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, histoire de varier les plaisirs, nous allons passer maintenant à l'étude du train de projets de lois du Conseil d'Etat, ouvrant vingt crédits de programme destinés aux investissements liés de la période 2011-2014. Il s'agit des rapports PL 10717-A à PL 10736-A. J'indique, pour ceux qui ne suivent pas, que, comme il est indiqué dans la procédure, nous avons d'abord à voter le train de lois, puis nous reviendrons au deuxième débat sur le PL 10739-A.