Séance du jeudi 16 décembre 2010 à 20h45
57e législature - 2e année - 3e session - 13e séance

IN 143
Initiative populaire 143 «Pour une véritable politique d'accueil de la Petite enfance»
IN 143-C
Rapport de la commission de l'enseignement, de l'éducation et de la culture chargée d'étudier l'initiative populaire 143 «Pour une véritable politique d'accueil de la Petite enfance»
Rapport de majorité de M. François Gillet (PDC)
Rapport de première minorité de Mme Marie Salima Moyard (S)
Rapport de deuxième minorité de Mme Sylvia Nissim (Ve)

Débat

M. François Gillet (PDC), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de rectifier une petite erreur dans les annexes à mon rapport. Aux pages 26 à 28 figure une annexe provenant du SIT qui concerne bien le sujet de la petite enfance mais qui n'est pas le bon document. La bonne annexe a été déposée sur votre place, c'est donc celle-là qu'il convient de prendre en compte.

Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative nous a occupés durant plusieurs séances en commission de l'enseignement, et je crois pouvoir dire que l'ensemble des groupes est convaincu - et c'est important - de la nécessité de trouver le moyen de lutter contre la pénurie de places d'accueil au niveau de la petite enfance à Genève. Là-dessus, je crois que tout le monde est d'accord, et la majorité également. Là où nous divergeons, c'est sur les moyens à mettre en oeuvre pour faire face à cette pénurie de places d'accueil. Vous le savez, de nombreux textes concernant la petite enfance ont été déposés ces derniers mois, voire ces dernières années, et je vous rappelle également que, en début de législature, notre parlement a voté à la quasi-unanimité une motion de la commission de l'enseignement ouvrant un certain nombre de pistes également susceptibles de lutter contre la pénurie de places d'accueil. Alors pourquoi, malgré ce que je viens de dire, la commission dans sa majorité vous recommande-t-elle ce soir de refuser l'initiative 143 et d'accepter le principe de la rédaction d'un contreprojet ? Eh bien les raisons essentielles - que vous retrouvez du reste en page 3 de mon rapport - sont au nombre de quatre.

Tout d'abord, la question de l'instauration d'un droit à une place d'accueil pose problème à un certain nombre de groupes formant la majorité de la commission. Il apparaît que la notion de droit n'est pas forcément claire dans l'initiative. S'agit-il d'un droit opposable ? Est-il question d'un principe, comme le droit au logement, vers lequel il s'agirait de tendre ? Les choses ne sont en l'état pas suffisamment claires.

Un autre point présentant problème à la majorité de la commission est le fait que la réponse à cette pénurie reposerait uniquement sur les épaules des collectivités publiques. Pour la majorité de la commission, il y a clairement là une lacune dans le texte de l'initiative, car on omet complètement la contribution que pourraient apporter le secteur privé, le partenariat public-privé, les crèches d'entreprise, qui elles aussi pourraient répondre en bonne partie à cette pénurie de places d'accueil.

Le troisième problème réside dans le fait que le financement du dispositif, selon les initiants, repose exclusivement sur les communes. Et là, Mesdames et Messieurs les députés, quand bien même la répartition des charges et des compétences aujourd'hui est celle-là, il nous paraît évident que si nous voulons aller au-delà, si nous voulons répondre à la pénurie, il faut que le canton s'engage également dans le processus de financement de la petite enfance à Genève.

Enfin, pour la majorité de la commission, si l'on ne veut pas rester au stade des grands principes, des bonnes intentions, il manque dans cette initiative quelques allusions aux conditions qu'il s'agirait de mettre en oeuvre pour rendre cette initiative réaliste. Et ces conditions sont notamment celles de la formation. En effet, vous savez qu'aujourd'hui il n'y a pas qu'une pénurie de places d'accueil: il existe aussi une pénurie de personnel qualifié, répondant aux normes genevoises, et il est donc important, selon la majorité de la commission, que le texte final fasse au moins allusion à ces conditions nécessaires.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de la commission pense qu'il faut intégrer ces lacunes de l'initiative dans le texte d'un futur contreprojet, auquel la commission se propose de travailler.

Mme Marie Salima Moyard (S), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, sur le constat, nous sommes tous d'accord: effectivement, comme l'a rappelé M. Gillet, il y a urgence, urgence face à la pénurie de places d'accueil de jour pour les enfants en âge préscolaire. Les familles doivent aujourd'hui faire avec des solutions bricolées, cette situation doit cesser et c'est bien le sens de la demande des 12 000 signataires de cette initiative lancée par le PS et les Verts - 14 100, pour être précis.

Je rappellerai dans un premier temps les atouts de cette initiative et reviendrai ensuite sur le financement. Puis, lors d'une deuxième prise de parole, je m'attaquerai plus précisément à la question du droit qui a tant occupé la commission de l'enseignement.

S'agissant des atouts de cette initiative, le premier - et pas des moindres - est celui d'agir dans le domaine de la petite enfance, où les besoins sont cruels et la demande a depuis très longtemps largement dépassé l'offre. Le deuxième atout, c'est d'introduire dans la constitution un article qui prévoit un droit et de fixer également une répartition des tâches entre les communes et l'Etat; je reviendrai là-dessus. En outre, et à notre sens c'est un mérite, l'initiative n'a pas tranché entre les différents modes de garde - entre un mode de garde collectif et individuel - et l'on peut être sûr que si elle l'avait fait, cela nous aurait été reproché. Les initiants ont effectivement estimé que les deux modes de garde - que ce soit en crèche, dans un mode de garde collectif, ou dans une formule plus individuelle avec l'accueil familial de jour - présentaient des intérêts, soit la socialisation de l'enfant pour l'un et la souplesse organisationnelle pour l'autre, mais également des inconvénients, par exemple un cadre plus strict en crèche et une dimension éducative relativement absente pour les familles d'accueil de jour, et que c'était aux parents de pouvoir décider ce qu'ils préféraient pour leurs enfants en termes de mode de garde. L'initiative a donc le mérite de conserver une certaine souplesse et de ne pas proposer un modèle unique.

C'est également, pour répondre à l'un des arguments avancés par M. Gillet, un texte de rang constitutionnel. L'initiative reste donc générale. Ce n'est ni la première ni la dernière fois que l'on attaque des initiatives pour dire qu'elles sont trop générales et trop floues, et pourtant, lorsqu'on fait le contraire, on nous dira également qu'elles ne le sont pas assez.

Cette initiative énonce le principe qui est recherché, elle énonce les rôles respectifs de l'Etat et des communes, elle énonce les grandes lignes de mise en oeuvre, mais il est évident qu'elle ne règle pas tout, elle ne peut pas le faire de par sa nature même. Elle reste donc générale et ouverte, notamment sur deux points: le premier est la nature du soutien de l'Etat, qui pourrait, au sens de la formulation de l'initiative, être financier, et d'autre part il n'y a pas de mention explicite du partenariat public-privé, mais il peut tout à fait être compris et entendu dans l'article 3, lettre c.

Ensuite, sur la question du financement, M. Gillet nous a dit - de même que la majorité de la commission - que c'était un problème de ne pas avoir clairement signifié la participation financière de l'Etat. C'est un parti pris des initiants de ne pas rajouter un second débat, qui lui aussi leur aurait été reproché - à savoir une proposition de modification de la répartition des tâches entre canton et communes - à celui déjà extrêmement épineux de l'accueil de la petite enfance, qui se suffit largement à lui-même. C'est donc uniquement pour cette raison, et pas par un choix sur le fond, que les initiants ont décidé de ne pas ajouter une formulation précise qui dirait que le canton reprend à sa charge une partie du financement de la petite enfance, qui est aujourd'hui, comme vous le savez, à destination des communes.

S'agissant du financement, et en lien avec le problème du droit, on peut aussi se demander si ce n'est pas la question du financement lui-même - et non celle du droit qui a été tellement invoquée - qui a fait que la majorité de la commission a décidé de refuser cette initiative, en se disant que simplement cela allait coûter trop cher aux communes et que c'était cela en réalité le problème de fond, bien que cette même majorité ait décidé de cacher cela derrière la question du droit, sur laquelle je reviendrai.

Cette préoccupation du financement, les initiants la partagent tout à fait, elle est évidemment essentielle. Nous imaginons plusieurs manières de travailler dessus: évidemment, c'est une possibilité, avec le retour de la participation financière du canton dans le domaine de la petite enfance - encore une fois, le texte de l'initiative ne l'empêche nullement. On peut également - et c'est peut-être une direction dans laquelle travaillera le parti socialiste, si malheureusement contreprojet il devait y avoir - s'inspirer du modèle vaudois et prélever par exemple un impôt sur les entreprises qui participerait à financer les places de crèche.

En conclusion, dans un premier temps, cette question du financement paraît tout à fait claire pour les initiants, et je reviendrai dans un deuxième temps, comme je l'ai dit, sur la question du droit, qui demande, je pense, un tout petit exercice d'explicitation.

Présidence de M. Pierre Losio, premier vice-président

Mme Sylvia Nissim (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, mes collègues de la commission de l'enseignement ont déjà été très clairs sur les positions respectives des groupes; je vais donc essayer d'être brève, mais je tiens tout de même à appuyer sur certains points d'importance.

D'abord, et cela a été dit, au cours des travaux et des auditions de la commission, il est apparu très clairement que nous vivons une véritable pénurie dans le domaine de la petite enfance à travers tout le canton. Les professionnels du domaine nous ont très clairement indiqué en commission qu'ils ont souvent deux à trois fois plus de demandes qu'ils n'ont de places disponibles, et ces chiffres sont en augmentation.

Il semble évident que pour répondre à cette crise et combler le manque, il va nous falloir utiliser tous les moyens à notre disposition, et cela sans discriminer entre un choix de mode de garde ou un autre. Ma collègue socialiste a cité les crèches et les familles d'accueil, mais il y a aussi évidemment les garderies et tous les autres modes de garde possibles, qu'on ne veut pas éliminer, notamment les crèches d'entreprise. Chaque mode de garde a ses avantages et ses inconvénients, et dans l'idéal tout le monde devrait pouvoir choisir. Mais dans l'état actuel de pénurie, il nous faut augmenter l'offre de chacun d'entre eux, de manière unanime. Je tiens à préciser que je parle ici également des crèches d'entreprise, qu'il ne s'agit certainement pas de décourager, mais au contraire que l'on voudrait encourager, et il faudra utiliser d'autres moyens que cette initiative et même le contreprojet, puisqu'il y a vraiment beaucoup de travail à accomplir pour améliorer la possibilité pour les entreprises de créer des crèches.

Le besoin fondamental de places de garde pour les enfants du canton n'est pas couvert par la collectivité publique; c'est une situation qu'il nous faut résoudre au niveau cantonal et, pour cela, il convient que chacun y mette du sien.

Le manque de volonté de certaines communes prétérite clairement la situation. Il est laissé une grande marge de manoeuvre dans cette initiative pour l'association de communes, et nombre d'entre elles se sont d'ailleurs déjà regroupées, ce qui leur permet de rendre le processus moins onéreux et plus rentable. Nous sommes conscients que les communes ne sont pas égales et que les petites communes à petits budgets ne peuvent pas investir de la même façon que la Ville, mais nous voulons à travers cette initiative prendre ce problème au sérieux et les pousser à s'associer pour y répondre au plus vite. Par ailleurs, concernant le financement, il nous semble qu'il s'agit ici de choisir ses priorités et d'arrêter d'hésiter. Nous pourrons d'autre part toujours les soutenir en cas de besoin à travers la loi d'application ou grâce au fonds intercommunal qui propose déjà un soutien pour les crèches, mais que nous pouvons aussi ouvrir aux autres modes de garde, ce qui n'est pas encore le cas, et ce que n'empêche surtout pas l'initiative.

Sur la question du droit, enfin, qui a clairement rencontré le plus d'oppositions en commission, il est essentiel de marteler que dans l'économie actuelle, il est illusoire de demander aux familles de sacrifier un salaire pour pouvoir garder les enfants, sans même parler des familles monoparentales pour qui ce choix n'est pas du tout une option.

Le droit proposé par l'initiative est donc fondé sur le besoin réel d'une énorme partie de la population genevoise, et si le texte de l'initiative reste général, c'est qu'il s'agit d'un texte de principe, ce qui ne diminue pas son impact. Cette initiative renforce les droits sociaux et c'est ceux-ci que vous contestez si vous vous opposez à cette initiative.

Ce qui gêne nos adversaires dans ce droit est qu'il implique une responsabilité à la collectivité publique, et à travers cette responsabilité une obligation de fait, celle de fournir des places d'accueil pour les enfants. Ce droit et ce devoir doivent justement être reconnus - au même titre que d'autres droits sociaux - pour soutenir cette responsabilité, de façon à pouvoir espérer répondre à la demande croissante. Il est passé le temps des encouragements complaisants, il est devenu urgent d'agir.

Au sujet du contreprojet, nous reconnaissons que certains points peuvent être améliorés, notamment la question des crèches d'entreprise. Donc, si le contreprojet est accepté, nous travaillerons avec la commission et nous participerons aux débats.

Mais en conclusion, je tiens à maintenir que nous nous battrons pour cette initiative ! (Applaudissements.)

M. Charles Selleger (R). La problématique de l'accueil des jeunes enfants de zéro à quatre ans aurait dû être réglée par la loi sur les structures d'accueil de la petite enfance et sur l'accueil familial à la journée, la bien connue J 6 29. Cette loi, votée en 2003 déjà, est entrée en vigueur en 2004, mais n'a malheureusement jamais atteint le premier de ses buts, celui d'adapter l'offre à la demande. L'échec est dû principalement à l'absence de dispositifs contraignants, la loi se contentant de préciser que les communes ou groupements de communes s'efforcent de maintenir et de créer des places d'accueil. En raison de cet échec, d'innombrables interventions politiques ont été faites: motions, projets de lois, pétitions, avis de droit. J'en ai pour ma part dénombré vingt-trois.

L'initiative dont nous débattons ce soir aura eu le mérite de relancer la discussion, et c'est heureux parce qu'il y a urgence, comme le dit très justement Mme Moyard dans son rapport de minorité. Que les pouvoirs politiques adaptent l'offre à la demande, voilà bien un souci légitime, un souci que les radicaux, comme pratiquement toutes les formations politiques, ne peuvent que soutenir. Oui, mais ! Faut-il pour autant ouvrir un droit pour chaque enfant, c'est-à-dire pour chaque famille, d'obtenir une place dans une structure d'accueil ? Toutes les demandes de placement dans une structure d'accueil sont-elles également légitimes ? Peut-on mettre sur pied d'égalité une mère à revenus modestes élevant seule son enfant avec une famille dont les deux parents ont une situation de cadre supérieur, ou encore avec une famille aisée, dont un des deux conjoints ne travaille pas ? Est-ce que cette famille-là devrait pouvoir exercer le même droit au placement de son enfant en crèche ? Au profit de qui ? Au profit de quoi ? Serait-ce pour faciliter des activités de loisir du parent restant au foyer ? Ou pour l'inévitable socialisation de l'enfant qui, à en croire certains milieux auditionnés dans le cadre de l'étude de cette initiative, ne pourrait se faire correctement qu'à l'intérieur d'un cadre d'accueil extrafamilial, au mépris de la socialisation dans le cadre familial ? Et je rappelle que nous parlons d'enfants en bas âge, de zéro à quatre ans, ceux qui ont atteint l'âge de quatre ans se trouvant de toute façon socialisés en milieu scolaire. N'oublions pas que nous sommes dans une situation de pénurie et que l'on nous propose d'ouvrir un droit pour chacun à mettre son enfant dans une structure d'accueil dont le coût, pour une crèche, je le rappelle, se situe au minimum à 40 000 F par an.

Non, Mesdames et Messieurs, ce qui manque avant tout dans l'initiative, c'est une disposition qui permettrait d'examiner la légitimité d'accéder à une structure d'accueil, et accessoirement de déterminer objectivement à quel taux ce placement doit être fait, tant il est vrai que les situations familiales ne justifient pas toutes un placement à temps complet. Le coût d'une place en crèche est exorbitant, et les décisions qui seront prises auront des répercussions énormes sur les finances publiques. Nous ne pouvons accepter l'ouverture d'un droit sans limite, sans analyse différenciée de la légitimité d'accéder aux structures de la petite enfance, sans évaluation préalable du coût qui serait induit par l'ouverture de ce droit, et sans que l'on ait examiné d'autres pistes pour l'accueil des enfants, dont l'une des premières pourrait être l'encouragement des familles à rester plus disponibles pour leurs enfants.

Les radicaux n'ont pas attendu que cette initiative soit déposée pour proposer d'augmenter les places d'accueil. Dans un projet de loi déposé en 2006 déjà, conjointement avec le PDC, nous demandions la possibilité de rémunérer les familles d'accueil par le biais d'un chèque service. En mai 2009, nous déposions le PL 10488 posant le principe d'une fondation intercommunale de droit public, dont le financement mixte - communes, Etat, entreprises - avait pour but de dynamiser l'offre de places d'accueil. Ce projet de loi pourrait constituer à nos yeux une base pour le développement d'un contreprojet.

En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, le parti radical vous encourage, comme la majorité de la commission, à renoncer à l'initiative, au profit de la rédaction d'un contreprojet - principe accepté, je le rappelle, par l'ensemble des autres partis, à l'exception de l'UDC. J'ai la conviction qu'un contreprojet pourrait fédérer l'ensemble des forces en présence et serait de nature à convaincre les initiants. Au lieu de perdre notre temps dans une opposition stérile, un contreprojet consensuel pourrait donner un élan décisif vers la résolution du manque cruel de places d'accueil pour nos plus jeunes concitoyens.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Mme Mathilde Captyn (Ve). Mesdames et Messieurs les députés... (L'oratrice se lève.) Ah, mon siège est coincé, mais ce n'est pas grave ! L'initiative pour une véritable politique d'accueil de la petite enfance est toute simple: elle cherche à introduire dans la constitution un article visant d'une part à obliger les communes à répondre à la demande de places en crèche et de mamans ou de papas de jour, et d'autre part à créer un droit à une place d'accueil. Elle dit, au sujet du financement, que les communes en ont la responsabilité, ainsi que l'Etat et les parents. En revanche, elle ne vise pas à créer une place pour un enfant, mais tend à répondre à la demande des parents. Le mécanisme est le suivant: les communes ou groupements de communes devront estimer la demande et auront cinq ans pour adapter leur offre aux besoins des parents. Pour rappel, une place en crèche créée aujourd'hui, c'est sauf erreur 1,6 enfant placé, car tous les enfants ne sont pas à 100% en crèche.

L'idée de cette initiative n'est pas de révolutionner le champ de la petite enfance, mais bien de couler la pratique actuelle dans le bronze, histoire d'en finir avec la pénurie de places. Or que nous prépare la majorité de ce parlement ? Le refus de cette initiative et le vote d'un contreprojet. C'est proprement inacceptable. Alors laissez-moi me présenter à vous ce soir sous un autre visage: je m'appelle Madame Soleil, et je vais vous prédire ce que vont nous déclarer les uns et les autres. Je vous vois déjà nous faire des déclarations fracassantes: ne vous foulez pas trop, c'est moi qui vais vous les faire ! (Rires.)

Alors, le PDC, vous n'êtes pas contre, ni pour, bien au contraire. Les radicaux - vous l'avez déjà dit - vous ne souhaitez pas davantage de droits sociaux, mais surtout vous êtes d'accord avec vos collègues libéraux... (Exclamations.) Les libéraux, vous ne voulez pas obliger les communes à répondre aux besoins des familles, et puis cela coûte trop cher et, entre parenthèses, vous êtes aussi d'accord avec les radicaux. L'UDC, vous, c'est pire ! (Rires. Commentaires.) Vous ne voyez même pas le besoin, c'est le déni total, c'est le retour des femmes à la maison, les enfants sont une affaire privée, etc. Enfin, on a déjà entendu cela ailleurs. Le MCG, vous, c'est un peu tout cela en même temps, ni à gauche ni à droite, et l'on n'y comprend pas grand-chose... (Commentaires.) On n'y comprend même rien du tout ! Enfin, moi, ce que j'ai surtout compris, c'est qu'Eric Stauffer m'a dit...

Des voix. Qui ?

Mme Mathilde Captyn. Eric Stauffer ! Ce dernier m'a dit que le MCG allait accepter cette initiative, et puis bon, finalement, son collègue l'a refusée en commission. Voilà ! (Commentaires.)

Mesdames et Messieurs les députés, on dit souvent que le droit a toujours un temps de retard sur les moeurs, eh bien en voilà une preuve évidente. La population qui vit quotidiennement les conséquences de la pénurie de places en crèche et de mamans ou de papas de jour agréés ne veut qu'une seule chose: des nouvelles places d'accueil. Or que fait ce parlement ? Il discute, il débat, il pense que, peut-être, les communes devraient tout de même continuer à avoir le choix de répondre aux besoins des familles... ou pas. Il hésite, bref, il parlemente. Mais la chance que l'on a ce soir, c'est que vous aurez beau tous mettre des bâtons dans les roues de ce projet, par conservatisme, par frilosité, par avarice... (Exclamations.) ...ou par tout ce que vous voudrez, c'est le peuple qui aura le dernier mot ! Continuez donc à hésiter ! En tout cas, chez les Verts, nous sommes unanimes, nous ne voulons pas de contreprojet, nous désirons, en suffisance, des places de crèche et des mamans et papas de jour agréés. Nous voterons par conséquent oui à cette initiative, non au principe du contreprojet, et nous engagerons bien évidemment avec toute notre force la population à en faire autant. (Applaudissements. Huées.)

Le président. Merci, Madame la députée. Si je consulte la liste que j'ai sous les yeux, je crois que les autres groupes souhaitent quand même compléter vos propos.

M. Claude Aubert (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, vous avez entendu Madame Soleil, et vous allez voir si cette dernière a illuminé le débat ou si elle n'a pas vu des zones d'ombre. L'initiative 143 fait partie des différents projets actuels concernant la petite enfance: l'accueil familial de jour, les crèches, l'accueil continu à l'école. Au centre du débat, on l'a dit à plusieurs reprises, il y a la notion de droit. Comme le précise un document syndical, si l'initiative aboutit, les communes auront cinq ans pour garantir le droit à une place. Je vais donc, si vous me le permettez, faire une réflexion au sujet de la notion de droit et prendre un peu de hauteur, ce qui permettra à celles et ceux qui veulent faire une sieste postprandiale de somnoler tranquillement.

Récemment, dans l'un des derniers numéros de la revue «Challenges», le philosophe Comte-Sponville a différencié le droit-liberté du droit-créance. L'initiative 143 veut promouvoir le droit à une place d'accueil. Que peut-on exiger des communes, de l'Etat, de la collectivité, si ces derniers ont le devoir de garantir une place d'accueil ? Les enfants ont-ils droit à être accueillis chez une maman de jour, dans une crèche ou à l'école en dehors des heures scolaires ? Vous avez entendu: le «droit à». Vous allez me dire: comment différencie-t-on le droit-liberté du droit-créance ? Eh bien justement, c'est sur de toutes petites choses. En particulier, le «droit à» implique le fait que la collectivité a l'obligation de fournir ce qui lui est demandé: le droit à une place. Si le droit au logement était vraiment un droit opposable, au sens français du terme, cela signifierait que n'importe qui pourrait aller à la mairie de sa commune en disant: «J'ai le droit à un logement, vous devez me l'offrir.» Ça, cela s'appelle un droit opposable. La collectivité a le devoir de prendre des dispositions nécessaires et, bien sûr, de les assumer financièrement. La collectivité offre une garantie, d'où l'expression «droit-créance». A force d'accumuler les créances et les droits-créances, les Etats - en tout cas les Etats européens - ont eu de gros problèmes, et par conséquent ils ont malheureusement décidé de faire des cures d'amaigrissement.

A ce «droit à» s'oppose le «droit de», qui indique la liberté dont dispose la personne, le droit par exemple de vivre, le droit de posséder, le droit de s'exprimer et, pour certaines villes, le droit de circuler. (Rires.) En l'occurrence, pour nous, le droit de choisir le mode d'accueil que la famille souhaite pour son enfant, ou le droit d'être mis devant un choix possible.

Cette initiative 143 veut à l'évidence instituer un droit-créance, ce que refusent les libéraux, favorables à un contreprojet; nous ne voulons pas une loi d'injonction, mais une loi d'incitation. Madame Soleil, je ne sais pas si cela confirme vos dires. Pour conclure, nous espérons que ce distinguo entre droit-créance et droit-liberté, au cours de nos futures discussions, s'avérera pertinent et suffisamment adroit; nous espérons que cette distinction s'avérera suffisamment... adroite ! (Exclamations. Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Présidence de M. Renaud Gautier, président

M. Serge Dal Busco (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, la pénurie de places d'accueil en matière de petite enfance est absolument avérée, je crois que nous sommes tous d'accord, même si j'ai entendu quelques nuances à ce propos. En tout cas, au sein du groupe démocrate-chrétien, nous ne le contestons absolument pas. Les besoins sont loin d'être satisfaits, et des solutions doivent absolument être trouvées, mais des solutions réalistes et pragmatiques, tout cela pour le bien de la collectivité. Et quand je parle de la collectivité, je ne pense pas seulement aux familles concernées, mais à la société dans son ensemble, y compris le monde de l'entreprise, le monde du travail, de l'économie. En effet, au cours de cette dernière décennie, de nombreux changements ont eu lieu dans notre société - des changements sociétaux, des changements dans la structure familiale, des changements également dans le monde du travail - et tout cela fait que, aujourd'hui, l'appel à des besoins de places d'accueil peut être non seulement une question de nécessité, mais également une question de choix.

Le constat est donc clair. Cette initiative donne l'occasion de poser le débat et nous permet, comme on l'a entendu, de probablement prendre le problème à sa source.

Mais si nous sommes d'accord sur le but visé par cette initiative, c'est-à-dire améliorer la situation, nous, démocrates-chrétiens, pensons que la manière dont l'initiative propose de résoudre ce problème n'est pas adéquate. En effet, cela a été dit, elle fixe deux principes fondamentaux: tout d'abord la reconnaissance d'un droit à une place d'accueil pour chaque enfant, et ensuite, malgré les bémols apportés par Mme la rapporteuse de première minorité, l'obligation qui est faite aux communes - c'est écrit noir sur blanc dans le texte de l'initiative - de couvrir les besoins qui en résultent et d'en assurer le coût de financement, de l'assurer de manière exclusive, déduction faite de la participation des parents.

J'aimerais faire quelques commentaires, si vous me le permettez, à propos de ces deux points. Nous ne sommes pas, nous les démocrates-chrétiens, réfractaires sur le principe de l'inscription d'un tel droit dans notre constitution. Ce dont nous doutons, malheureusement, c'est de son efficacité et de son applicabilité. Prenons par exemple le droit au logement, qui est inscrit, lui, dans notre constitution - en tout cas pour l'instant. A-t-il contribué à faire progresser la construction de logements ? A-t-il empêché ceux qui comptent parmi ses plus ardents défenseurs - je pense en particulier à nos amis qui sont assis juste à côté, les Verts - de renoncer à soutenir un référendum, par exemple, qui prévoit de s'opposer à la construction de milliers de logements ? Non, hélas, mille fois hélas. (Brouhaha.) L'inscription d'un tel droit reste malheureusement un leurre, voire un argument de politique politicienne, si elle n'est pas accompagnée d'une politique volontariste ! Et nous devons avoir une politique volontariste en la matière, Mesdames et Messieurs les députés. Il faut certes un brin d'idéalisme en politique, mais il faut surtout du réalisme.

J'en viens au second aspect: l'obligation faite aux communes - je dis bien: «l'obligation» - de couvrir les besoins et d'assurer le financement à elles seules, tout en continuant à subir en la matière, de la part de l'Etat, une réglementation des plus contraignantes occasionnant des coûts qui sont très largement supérieurs - les études le montrent - à ceux d'autres cantons comparables. J'ai entendu dire ici que les communes rechignent à construire des places de crèche. Ce n'est pas une généralité et, croyez-moi, dans les communes où le besoin est criant - c'est le cas d'une commune que je connais particulièrement bien - la pression politique s'exprime très fortement auprès des autorités municipales, et en particulier en période préélectorale, je peux vous l'assurer. Et celles-ci se démènent tout autant, je peux vous le garantir, pour faire aboutir leurs projets. Mais la réalité des chiffres est ce qu'elle est. Pour une crèche, disons, de taille normale - 60 places, c'est une taille de crèche relativement courante - c'est environ 1,5 million de charges supplémentaires au budget de fonctionnement d'une commune, et cela équivaut, pour une commune représentative, à parfois 10, 15, voire 20% d'un budget annuel de fonctionnement. Malgré toute la bonne volonté qu'une commune pourrait avoir, et sans compter l'obligation que lui ferait cette initiative, c'est tout simplement impossible !

Le deuxième élément auquel il faut faire face, c'est un marché du travail totalement asséché: un certain nombre de places de crèche et d'accueil de la petite enfance ont effectivement été créées au cours de ces dernières années, sans quoi le marché ne serait pas asséché au point où il l'est aujourd'hui. Certaines communes, en particulier la plus grande d'entre elles, la Ville de Genève, ont une politique absolument remarquable en matière de création de places d'accueil pour la petite enfance. Il convient de le saluer, mais il faut constater que la Ville dispose de moyens financiers que la plupart des autres communes n'ont pas, en tout cas celles qui ont des besoins avérés et criants en matière de places de crèche. L'Association des communes genevoises - institution, vous le savez, que je connais assez bien... (Exclamations.) - l'a bien compris il y a quelque temps, et elle a choisi précisément la politique publique de la création de places de crèche pour renforcer et utiliser le produit du renforcement de la péréquation intercommunale. Et donc par le biais de ce travail de solidarité, qui dénote justement la volonté des communes d'essayer de trouver des solutions, et en particulier des solutions de type financier, eh bien, par le biais de cette péréquation, 30% du prix de revient d'une place de crèche - qui est de plus de 35 000 F en moyenne à Genève - sont assumés de manière solidaire par l'ensemble des communes. Et ceci par un système incitatif qui permet aux communes qui n'auraient pas atteint leur quota selon les critères que l'on s'est fixés de voir exactement ce qu'elles doivent payer aux autres en matière de financement.

Fondamentalement, nous estimons que la charge financière ne doit pas être exclusivement mise sur les communes, mais qu'au contraire, au vu du bénéfice global dont la société...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !

M. Serge Dal Busco. ...profite, ce doit être largement étendu à d'autres sources de financement, avec des réflexions sur une plus large base, une largesse de base dont manque cruellement cette initiative, et c'est la raison pour laquelle les démocrates-chrétiens refusent cette initiative 143 et vous incitent à voter et à aller dans le sens d'un contreprojet. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, le Bureau décide de clore la liste. Ont encore le droit à la parole: M. Bertschy, M. Girardet, M. Gillet, Mme Fontanet, Mme Moyard, Mme Hartmann, M. Deneys, Mme Serdaly Morgan, Mme Nissim et M. Stauffer. La parole est à M. le député Antoine Bertschy.

M. Antoine Bertschy (UDC). Monsieur le président, je vous remercie. J'ai apprécié les paroles de notre collègue - qui n'est plus à sa place - Mme Captyn. En effet, elle vient nous dire qu'elle en appelle au peuple par rapport à cette initiative, alors que, il y a quinze jours, quand le peuple a voté en faveur d'une initiative UDC au niveau national, les Verts étaient les premiers à dire que le peuple n'avait pas toujours raison. Donc si le peuple vote cette initiative 143, il n'aura pas forcément raison. J'ai aussi un peu d'amusement quand Mme Captyn vient nous faire des leçons de morale par rapport à la petite enfance. Je sais que c'est une jeune mère, mais je vous rappelle que mon collègue Stéphane Florey a cinq enfants, mon collègue Eric Bertinat six... (Commentaires.) ...et Eric Leyvraz quatre ! Je pense qu'à eux trois ils ont autant d'enfants que tous les membres de vos partis respectifs ! (Commentaires. Protestations.)

Si je peux en venir directement au sujet qui nous intéresse, cette initiative 143, moi je l'aurais intitulée «Faut que = y'a qu'à». Parce que c'est facile de dire «qu'il faut» qu'il y ait plus de places de crèche ou plus de places d'accueil, et «qu'il n'y a» qu'à les créer dans les cinq ans. Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas aussi facile que cela, il y a beaucoup d'acteurs qui sont concernés, il y a la formation des professionnels dans ce domaine, et dire qu'en cinq ans il va falloir créer le nombre de places nécessaires, voire peut-être même plus qu'il n'en faut... Ce n'est pas aussi simple que cela. Et juste dire qu'il faut en cinq ans créer ces places, ce n'est pas possible.

Vous nous parlez de pénurie. Un manque de places, je veux bien l'accepter; mais pénurie, j'ai des doutes. Pour quelle raison y a-t-il des doutes ? Je ne dénie pas la réalité: j'ai des doutes ! Vous savez très bien, Mesdames et Messieurs les députés, pour tous ceux qui ont assisté à la séance de commission de l'enseignement, qu'il a été clairement relevé que lorsqu'une personne cherche une place de crèche, vu qu'on lui dit qu'il y a une pénurie totale, elle va s'inscrire non pas dans une crèche, mais dans deux, trois, quatre ou cinq crèches différentes ! Ce qui fait que lorsqu'on effectue un recensement on a l'impression qu'il manque 500 places; mais il n'en manque pas 500, il en manque simplement 100 ! Parce qu'il y a multiplication des demandes ! Donc, dire qu'il y a pénurie n'est tout simplement pas juste ! Il y a un manque de places, mais il ne faut pas l'exagérer. (Protestations.) Non, ce n'est pas faux, c'est réel ! Cela a été dit en commission ! (Commentaires. Le président agite la cloche.) Cela a été clairement dit en commission !

Je voudrais aussi revenir sur la méthodologie de travail qu'a utilisée la commission de l'enseignement, de l'éducation et de la culture - et maintenant «du sport», mais c'est l'éducation qui nous intéresse. Cette commission n'a pas attendu l'initiative du parti socialiste pour se saisir de ce sujet. Cela fait un moment que cette commission se penche sur ce thème, et nous avons trouvé il y a environ dix-huit mois, donc avant que certains députés arrivent, une nouvelle méthodologie de travail. Voici ce que nous avons dit: d'abord, nous analysons le problème; ensuite, nous formulons des recommandations au Conseil d'Etat; puis, nous attendons des projets de lois de ce dernier, que ce soit au niveau de l'accueil familial ou des crèches; et, ensuite, la commission travaille sur ces sujets. Je vous annonce - mais tous les commissaires de la commission de l'enseignement le savent - que nous avons déjà bouclé hier soir, au niveau de la commission, le travail sur l'accueil familial de jour. Le travail avance donc réellement, nous avons bouclé ce sujet, et ensuite, une fois que nous aurons fini ce travail-là, nous verrons s'il y a besoin d'un article constitutionnel, éventuellement, pour ce qui est du financement, par rapport aux deux projets de lois radicaux qui ont été déposés. Que va-t-il se passer si vous acceptez cette initiative 143 ? Ces deux ans de travail de la commission seront réduits à néant. Purement et simplement à néant ! Nous pourrons mettre tout cela à la poubelle, nous devrons tout recommencer. C'est particulièrement irresponsable de soutenir cette initiative ! Elle ne prend absolument pas en compte tout le travail de fond qui a été réalisé par la commission.

Vient ensuite la problématique du contreprojet, et c'est là que le groupe UDC a une divergence par rapport à ce qui se dessinera comme la majorité, puisque nous pensons que si le travail est bien fait en commission, si les projets de lois sont bien ficelés et qu'ils sont acceptés, il n'y a pas besoin d'un article constitutionnel. C'est là que j'ai une divergence vis-à-vis de M. le rapporteur de majorité. Graver dans le marbre, dans la constitution, le travail qui a été réalisé avec ces projets de lois, cela veut dire que si un jour nous devons modifier un tant soit peu une petite chose, nous serons obligés de repasser devant le peuple, et ce n'est, à notre sens, pas une bonne chose.

Par conséquent, le groupe UDC, pour le travail qui a été réalisé en commission et qui continue à être fait, vous recommande de dire un non virulent à cette initiative 143, et vous propose aussi de refuser le contreprojet, mais là nous avons peu d'espoir que vous nous suiviez.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Jean-François Girardet (MCG). Madame Captyn, je réponds à votre question: le MCG est globalement favorable à l'initiative. Il est favorable à l'initiative. C'est vrai que vous aviez pris des contacts avec M. Eric Stauffer... (Exclamations. Commentaires.) ...c'est ce que vous avez dit, mais, en commission, nous avons décidé de travailler sérieusement. En effet, si aujourd'hui le MCG, qui est favorable à cette initiative, l'acceptait... (Brouhaha.) Vous écoutez ? Merci ! (Brouhaha.) ...eh bien, cette initiative irait directement devant le peuple, sans contreprojet. Et c'est ce que nous ne voulons pas, parce que nous désirons laisser la population se déterminer. Et devant la population, l'initiative 143 telle que vous la présentez ce soir serait certainement vouée à l'échec... (Protestations.) ...et l'on ne voudrait pas jouer le pari là-dessus. Pourquoi ? L'ACG - l'Association des communes genevoises - et M. Dal Busco l'a répété, n'est pas favorable au financement que vous proposez dans l'initiative. Et ça, c'est un argument qui est très convaincant pour opposer à cette initiative un contreprojet. C'est la raison pour laquelle le MCG, après un retour en commission, pourra éventuellement se déterminer favorablement à l'initiative, voire également au contreprojet, puis la population tranchera. On peut être favorable aux deux, et c'est le peuple qui décidera en définitive.

Oui, il y a urgence; oui, il y a pénurie, à la fois de places de crèche, mais aussi d'animateurs formés, pour pouvoir assumer autant de places de crèche que l'on voudrait fournir à la population. Oui, effectivement, comme M. Antoine Bertschy l'a indiqué, hier soir nous avons voté pratiquement à l'unanimité la loi sur l'accueil familial de jour, et cette dernière instaure des structures de coordination au niveau communal ou intercommunal. Là, il y a une volonté politique d'aller de l'avant avec ces projets, soit pour l'accueil familial de jour, soit pour l'accueil d'enfants dans les crèches. Mais tout ne doit pas reposer sur les communes, et sur ce point le magistrat en charge de la commune de Vernier ne sera pas opposé à mes propos. En effet, actuellement avec cette initiative, tout est reporté, au niveau du financement, sur les communes ou groupements de communes. Or, aujourd'hui, je l'ai dit dans la prise de position de l'Association des communes genevoises, on ne peut pas courir le risque de se voir refuser ce projet et de constater que la pénurie continuera puisque nous n'aurons plus la possibilité d'inscrire cela dans la constitution.

Tenant compte de tous ces arguments, nous estimons qu'un contreprojet pourrait aider à trouver une solution consensuelle. Pourquoi dire d'office que vous voulez vous acharner sur votre initiative ? Si, au niveau de la commission - qui travaille dans un esprit constructif - on arrive à trouver une solution qui remporte également votre adhésion, qui tienne compte aussi des possibilités de faire intervenir un financement par le partenariat public-privé, qui permette en outre de faire intervenir le fonds intercommunal de péréquation, et que l'on trouve à ce moment-là l'appui des communes et de leur association... Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, le MCG vous recommande de renvoyer cette initiative à la commission, afin que cette dernière puisse préparer un contreprojet. Et en définitive, nous demandons que, comme démocrates, ce soit la population qui puisse se déterminer sur le contreprojet, ou entre celui-ci et l'initiative, si cette dernière est maintenue.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est portée enfin à M. le député Manuel Tornare. (Exclamations.)

M. Manuel Tornare (S). Merci, Monsieur le président, j'ai cru que vous m'aviez oublié !

Le président. Ça c'est quelque chose d'absolument impossible !

M. Manuel Tornare. Je vous remercie de le reconnaître ! (Rires.) Cher président, Mesdames et Messieurs les députés, vous savez bien, et cela a été dit à la commission de l'enseignement, que dans toute l'Europe la politique de la petite enfance, à quelques exceptions près, est une mission communale - Mme de Tassigny, ancienne déléguée à la petite enfance de la Ville de Genève, nous l'a confirmé lors de son audition. Mais si l'instance supérieure aux communes - chez nous, le canton, dans d'autres Etats, le département - si l'Etat, disais-je, n'exerce pas une contrainte sur les communes, il y a inégalité, nécessairement, de traitement. C'est ce qui se passe chez nous, Mesdames et Messieurs les députés. A Cologny, la demande des parents, l'offre: 0%. M. Murith, qui m'écoute ce soir, m'a convié à la pose de la première pierre de sa crèche, ce dont je le remercie. Il a eu le courage de le faire, et je l'en remercie. En Ville de Genève, nous répondons à 65% de la demande des parents; en 1999, nous le faisions à 31%. Il y a des communes, comme Cologny, qui ont un centime additionnel de 32. La Ville de Genève est à 45,5 centimes additionnels, pourtant dans cette Ville de Genève on fait beaucoup plus ! Certaines communes essaient chaque année de baisser le centime additionnel, elles en font un sport municipal et renient leurs obligations en matière de politique socio-éducative. Ce n'est pas normal !

Mesdames et Messieurs les députés, je suis, comme d'autres, très admiratif devant les pays socio-démocrates du nord de l'Europe qui, depuis septante ans, ont fait de l'accès aux institutions de la petite enfance non pas une obligation, mais un droit ! Si nous n'avons pas de contraintes, nous ne pourrons que conforter l'inertie de certaines communes et constater la volonté politique d'autres communes.

Il est quand même assez paradoxal de voir que le canton prône tout le temps l'égalité de traitement d'une commune à l'autre. En matière de prestations municipales complémentaires, le Conseil d'Etat nous a dit la semaine prochaine... La semaine passée, pardon ! «Non, pas de prestations municipales complémentaires en Ville de Genève», nous dit le Conseil d'Etat. «Il faut que de Gy à Chancy, en passant par la Ville de Genève, il y ait les mêmes prestations.» En matière de petite enfance, autre discours, on s'en fout. Chacun fait ce qu'il veut ! Ce n'est pas normal ! Il existe un pays où il y a une majorité absolue du PDC; ce n'est plus l'Italie, non, depuis le XIXe siècle, c'est le Valais. (Exclamations.) Eh bien il existe une loi - et je salue le PDC valaisan, une loi progressiste - qui oblige les communes à assumer leurs responsabilités en matière de politique de la petite enfance. Alors cela signifie ceci: vérité au-delà de Saint-Gingolph, erreur en-deçà. C'est cela qui se passe !

Quant aux radicaux, ressuscitez l'esprit de Georges Favon, s'il vous plaît, et de James Fazy ! Grâce à ces deux grands magistrats radicaux - socialistes, certes - on a eu l'école obligatoire, gratuite, et cela a été une révolution en 1847 et après. (Commentaires.) Oui, c'est fini, vous avez raison, parce que le parti radical a basculé de l'autre côté, bien évidemment ! C'est dommage ! Je vous demande donc d'avoir un peu d'audace, comme disait l'autre.

S'agissant des crèches d'entreprise, vous êtes allés avec la commission de l'enseignement voir celle de Merck Serono. On vous l'a dit: pour les entreprises, ce n'est pas une priorité; elles mettent leur argent ailleurs et veulent peut-être des incitations fiscales. Ça, ça pourrait se discuter; en ce qui me concerne, je n'y suis pas opposé.

J'en viens à la formation. C'est vrai que, grâce à Charles Beer, il y a plus de classes maintenant qui forment dans les métiers de la petite enfance. Martine Brunchwig Graf - et je la salue - avait déjà commencé ce travail, Charles Beer l'a amplifié. S'il y a un créneau où l'on peut offrir des places de travail, Monsieur le président du PDC, c'est bien celui-là, alors qu'il y a du chômage, chez nous ! Donc profitons-en, c'est de l'argent mieux placé que des allocations chômage !

Passons à la question du financement. Je salue mon ancien président, M. Serge Dal Busco, puisque je suis vice-président de l'ACG. En effet, c'est grâce aussi à Serge que l'on a ce chapitre IV de la loi sur la péréquation intercommunale, qui donne 10 000 F de manière pérenne par création de place en crèche - ce qui représente, c'est juste, 1,6 enfant placé - et nous avons aussi 5000 F que nous distribuons pour une place, au niveau de l'investissement. Nous savons, en Ville de Genève et dans les communes, qu'un financement par le FI - le fonds intercommunal - passerait devant une assemblée de l'ACG, si cette initiative était acceptée. Pour ce qui est du financement, je vous renvoie - et je vous la distribuerai, si vous le voulez - à cette étude qui a été réalisée il y a quatre ou cinq ans par une fiduciaire de Zurich, qui montre que chaque fois que l'on investit un franc dans la petite enfance, on multiplie l'argent par trois ! Donc il ne faut pas me dire que cela va coûter aux pouvoirs publics ! Cela rapporte et cela crée... Regardez la Suède ! C'est l'un des seuls pays, avec la Finlande, la Norvège, le Danemark, qui résiste à la crise à l'heure actuelle, et qui possède un système qui est envié. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Je terminerai en disant - et je l'ai indiqué à l'UDC tout à l'heure - qu'il y a des communes qui n'ont pas besoin d'attendre cinq ans pour offrir les 100%. En Ville de Genève et dans d'autres communes - nous ne sommes pas la seule - ce sera fait dans trois ans, nous aurons les 100%. C'est parce que nous avons été peut-être des tortues, et d'autres seront obligés malheureusement d'être des lièvres.

Le BIPE, nous l'avons créé à la rue du Cendrier, et c'est tout à fait contraire à ce que dit Antoine Bertschy. Nous avons créé ce guichet unique...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !

M. Manuel Tornare. ...pour épargner le parcours du combattant aux parents, et lorsqu'un parent inscrit son enfant dans trois crèches, il est bien évident que, à l'ère de l'informatique, on ne va pas comptabiliser trois places !

En conclusion, c'est le peuple, j'en suis sûr, Mesdames et Messieurs les députés, qui va dire oui, comme pour l'horaire continu. Je vous fiche mon billet que, sur ce projet, sur cette initiative, contrairement au Grand Conseil, le peuple dira oui. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Mme Nathalie Fontanet (L). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai entendu beaucoup de gros mots: «avarice» (Rires.), «déni»... (Rires.) Cela me désole, parce que nous sommes en train de parler d'un problème qui touche tout le monde. Alors, Madame Soleil a les cheveux bruns, elle devrait plutôt être blonde... Mais ce problème touche toutes les familles, il ne concerne pas plus les familles socialistes que les familles radicales ou libérales. Aujourd'hui, les libéraux en sont convaincus: le problème de la petite enfance est un problème réel.

Vous parliez de pénurie: nous sommes d'accord avec vous sur ce point, et c'est pire que de la pénurie, parce qu'actuellement nous ne savons pas véritablement quels sont les besoins dans chacune des communes. Nous l'avons découvert avec effroi, certaines communes sont incapables de nous indiquer si, sur leur territoire, il y a ou non des besoins ! Elles le regrettent, mais enfin il n'y a pas de registre, et finalement on ne sait pas...

De plus, aujourd'hui, la société n'est plus ce qu'elle était. Il est difficile de nos jours, pour la femme, de faire le choix de rester à la maison, cela pour plusieurs raisons. D'abord parce que, si elle en a les moyens, elle n'est pas sûre d'être encore mariée dans quelques années - Genève connaît le plus grand taux de divorces de Suisse; ensuite, parce que, même si elle en a les moyens, elle a peut-être envie d'aller travailler; et enfin, parce que dans les 80% des cas, les couples genevois n'ont pas les moyens de se contenter d'un seul salaire. Les charges sont beaucoup trop importantes, et l'ensemble des couples ont besoin de pouvoir compter sur ces deux salaires. Alors nous ne souhaitons pas d'une société dans laquelle un couple devrait choisir entre la possibilité de vivre correctement et celle d'avoir des enfants. Nous désirons une société dans laquelle un couple peut décider d'avoir des enfants, tout en sachant qu'il va devoir travailler. Il est probable que les deux devront travailler, mais peut-être pourront-ils faire certains efforts entre eux, afin de passer un peu plus de temps avec leurs enfants. Parce que nous avons aussi pris connaissance, avec effarement - en tout cas en ce qui nous concerne - du nombre d'heures que passent certains enfants en crèche ! Et nous estimons que là aussi nous avons un travail à accomplir dans notre commission, car, lorsque l'enfant passe plus de temps en crèche qu'avec ses parents, cela peut poser un problème. Là, nous ne sommes plus dans une question de subsidiarité, mais vraiment dans un schéma - comme l'ont dit les intervenants que nous avons auditionnés - où, finalement, il ne s'agit plus d'un mode d'accueil, mais d'un mode permanent.

Tout cela pour dire, Madame Captyn, Monsieur le président, que les libéraux sont conscients de la situation telle qu'elle est. Et nous regrettons finalement ce qui semble se dessiner ce soir, à savoir un combat: «Le peuple jugera !» «Nous gagnerons !» «Les autres sont avares !» Non, Mesdames et Messieurs, le seul moyen d'aller de l'avant dans la petite enfance, c'est d'être tous ensemble ! Et de se mettre tous ensemble autour d'une table, de travailler comme nous avons tenté de le faire en commission: en s'écoutant les uns les autres, en voyant où l'on peut trouver un consensus et comment l'on peut avancer. Et les libéraux, là-dessus, entendent être de bonne foi. Nous sommes prêts à chercher avec vous des financements, et nous avons entendu Mme Sabine von der Weid qui a dit qu'elle n'était pas forcément opposée à un impôt sur les entreprises. Nous sommes prêts à trouver des financements publics, comme des financements privés ! La seule chose que nous ne voulons pas, c'est un droit acquis dans la constitution à avoir une place de crèche. Et nous sommes convaincus que de demander une telle chose ne fera qu'occasionner de plus en plus de blocages, avec les communes qui s'y opposeront, qui ne souhaiteront pas entrer en matière et qui se mettront tout simplement en dehors du système en disant qu'elles refuseront de le faire.

J'aimerais aussi rappeler que si nous avons une Ville de Genève qui est une commune ayant manifestement fait énormément d'efforts, elle aura de son côté, à mon avis, aussi fait énormément de mal par rapport aux autres communes. En effet, que vaut-il mieux ? Etre fonctionnaire en Ville de Genève pour faire partie du personnel de crèche ? Comment les autres communes peuvent-elles s'aligner ? Doivent-elles engager tout le personnel de crèche comme fonctionnaires ? Non, Mesdames et Messieurs, il faut réaliser aujourd'hui que nous sommes un canton avec différentes communes, que nous devons tous travailler ensemble sur ce problème. Nos enfants, c'est notre avenir. Nos enfants, c'est demain ! Si aujourd'hui nous faisons semblant ou si nous décidons de nous battre et de créer un parti de gauche, un parti de droite, qui se battra contre ces crèches, eh bien nous n'arriverons à rien ! Et dans dix ans - je vous fais Madame Soleil - nous serons dans la même situation que maintenant ! Alors continuez à nous dire que vous allez voter pour votre initiative, que nous sommes avares et que nous nous battrons seuls pour un contreprojet: Madame Captyn, je vous assure, c'est l'échec définitif de tous les projets de petite enfance pour notre canton !

En revanche, si nous décidons aujourd'hui que nous nous mettons ensemble, que nous travaillons ensemble de bonne foi, que nous nous donnons le temps qui nous est concédé par la loi pour rédiger un contreprojet acceptable, où les communes n'auront pas d'autre choix que de se ranger, eh bien, je suis convaincue que dans trois ou quatre ans, nous aurons résolu ces problèmes à Genève ! (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Mme Esther Hartmann (Ve). C'est vraiment agréable d'entendre ce souci par rapport à la pénurie, au manque, au fait qu'il est nécessaire de répondre aux besoins... Mais quelle est la situation actuelle ? Que se passe-t-il au niveau des communes ? Les communes - en tout cas certaines - disent: «Ces idées de crèches sont bonnes, mais financer, surtout pas !» Que n'a-t-on pas pu entendre en commission ! En effet, en commission, on a entendu certaines communes s'exprimer en disant: «Mon Dieu, mais les frais vont exploser notre budget ! Que va-t-on faire pour survivre ?!» En même temps, on disait qu'une somme identique avait été attribuée pour l'achat de nouveaux camions de pompiers ! Alors je n'ai rien contre les camions de pompiers...

Des voix. Ah !

Mme Esther Hartmann. Eh oui, ils sont très utiles, les camions de pompier, mais les placements d'enfants sont prioritaires ! Il y a environ trois semaines, j'ai entendu une femme me dire: «C'est super, je suis enceinte ! Comme je travaille, j'ai été à la commune pour voir s'il y avait une place, et l'on m'a demandé pourquoi je ne les avais pas prévenus il y a deux ans !» Exemple véridique ! Voilà la situation telle qu'elle est. Donc nous, nous en sommes arrivés à déposer cette initiative parce que rien, pour le moment, n'avance vraiment, à l'exception de quelques communes. Les déclarations d'intention, on les entend depuis un certain temps déjà.

Puis-je aussi vous rappeler que, parfois, certains disent: «Est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux offrir des allocations, afin que les mamans puissent rester à la maison et s'occuper des enfants ?» Magnifique ! Mais après, lorsqu'on demande qui paie, on nous répond: «Ah, mais surtout pas nous ! Surtout pas !» Les entreprises, elles, nous disent: «Oui, nous sommes intéressées par les crèches, mais ce n'est pas notre métier, on ne peut pas assumer toute la logistique qui est en lien avec la création de crèches.» Il n'est donc pas aussi évident pour elles de faire face à ces charges.

Ensuite, j'aimerais aussi rappeler que cette initiative n'oblige pas à construire des crèches; elle demande à ce que des places d'accueil d'enfants soient créées: des places d'accueil, pas des crèches. Par conséquent, rien n'oblige les communes à créer des crèches ! De même que rien n'oblige une commune à rester seule dans son coin: le partenariat entre communes peut être aussi favorisé. Ce texte laisse donc vraiment une grande liberté de manoeuvre, tout en essayant de répondre à une situation d'urgence, de pénurie. Je trouve inacceptable d'entendre des mères dire: «Mais qu'est-ce que je vais faire ? Est-ce que je vais être obligée d'arrêter de travailler ? Et si j'arrête de travailler, on ne pourra tout simplement plus tourner ! Comment va-t-on faire pour élever notre enfant si personne ne l'accueille ?» Voilà, c'est pour cela que nous, nous soutenons cette initiative. Ce n'est pas dans un front d'opposition, c'est par rapport à une réalité du terrain. (Applaudissements.)

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, dans les interventions précédentes, on a entendu plusieurs fois que cette initiative n'était pas acceptable parce qu'elle s'apparentait à un droit opposable, comme le droit au logement, qui n'était pas réalisable. En réalité, fondamentalement, je ne comprends pas pourquoi vous ne faites pas plutôt l'analogie avec un autre droit fondamental qui s'adresse à l'enfance, à savoir le droit à l'école, le droit à l'éducation. Le droit le plus proche de celui que nous connaissons pour l'accueil de la petite enfance, c'est le droit à l'éducation. Ce dernier est reconnu, admis, il fait partie de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, et nous nous efforçons, dans les démocraties occidentales, avec les moyens que nous avons, de le respecter pour tous les enfants dès l'âge de quatre ans. Alors, Mesdames et Messieurs les députés, il est bien entendu possible, sans difficulté, d'étendre ce droit à la petite enfance pour l'accueil des jeunes enfants dans les crèches ou d'autres structures appropriées. Et c'est donc fondamentalement de cela que l'on parle.

Aujourd'hui, ce droit n'est pas possible, et si Madame Soleil, Verte, a anticipé les propos de Monsieur Lune, libéral, je suis désolé ! Mais le fait que ces places n'existent pas actuellement constitue la raison principale pour laquelle une initiative est indispensable ! On le voit bien, pour l'heure, les efforts ne sont pas partagés équitablement par les communes, comme Manuel Tornare l'a rappelé. D'autre part, on sait bien que, aujourd'hui, la différence ce n'est pas les communes pauvres qui ne créent pas de crèches: ce sont les communes riches qui n'en construisent pas ! Et elles exportent aussi leurs enfants dont elles ne veulent pas s'occuper vers d'autres communes ! Et cela, c'est une inégalité véritablement scandaleuse aujourd'hui, d'autant plus que, dans le même temps, Mesdames et Messieurs les radicaux-libéraux, vous faites vos choix ! Année après année, vous faites vos choix. Et le dernier choix que vous avez fait, c'est de proposer une baisse d'impôts, de l'ordre de 500 millions de francs par année - soit 100 millions de francs en moins pour les communes - parce que vous préférez favoriser les revenus aisés plutôt que de financer des places en crèche. (Brouhaha.) Et cela, c'est très clair, c'est votre choix de société, c'est le modèle que vous défendez: les riches bénéficient de tous les privilèges, et les autres n'ont qu'à se débrouiller. Et les femmes n'ont qu'à rester à la maison ! On avait bien entendu un député démocrate-chrétien dire qu'il n'y avait pas besoin de diplôme pour torcher les mômes... (Protestations. Huées. Le président agite la cloche.) Cette philosophie est à la base de vos réflexions, et nous le regrettons véritablement.

Pour le reste, j'ai entendu sur les bancs libéraux des propos qui m'ont particulièrement choqué concernant les parents qui laissent leurs enfants toute la journée en crèche, selon des horaires... extrêmement étendus. «C'est horrible !» Mais ça me fait bien rire, parce que ce même groupe a déposé un projet de loi pour étendre les horaires d'ouverture des magasins... (Applaudissements.) ...sans même se poser la question des conséquences sur la vie sociale des employés et sur la vie des enfants qui allaient subir cette loi ! Votre cynisme est sans limites... (Commentaires. Le président agite la cloche.) Et j'ai bien entendu qu'un contreprojet serait certainement la décision qui serait prise ce soir, mais je me réjouis de voir quel en sera le résultat, parce que nous verrons aux actes ce qu'il en est, entre le cynisme et la réalité. En effet, le besoin est avéré aujourd'hui, les enfants ont besoin de solutions. On fait trop reposer le système actuel sur des solutions de bouts de chandelle et ce n'est pas possible pour les parents, ce n'est pas possible pour notre société ! Nous avons les moyens de financer cette initiative, donc il faut l'accepter ! (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Mme Christine Serdaly Morgan (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, pourquoi un article constitutionnel ? C'est disposer d'une vision, une vision de la famille, de l'éducation, du travail, de l'emploi et de notre société. Quel est le contreprojet qui serait plus acceptable que le texte simple qui vous est proposé dans cette initiative constitutionnelle, comme le veut d'ailleurs une constitution bien pensée ? C'est la question du droit qui fait peur. Mais inscrire un droit - comme l'a rappelé tout à l'heure le député Tornare - ce n'est ni obliger, ni prendre en charge financièrement: c'est tout simplement prévoir.

Vous avez opposé à cette initiative des critiques. C'est étonnant. C'est étonnant car c'est la gauche qui se retrouve à défendre la place des communes et celle de l'Etat dans un rôle de garant et de contrôle. C'est la gauche qui ne préjuge pas du financement en laissant les portes ouvertes quant à ses modalités, et notamment la place au partenariat avec les entreprises. Et n'est-ce pas contradictoire de vouloir à la fois une fondation cantonale et appeler de ses voeux le partenariat public-privé ? Pensez-vous réellement qu'il s'agit là de la solution pour encourager les entreprises à investir ? Ce serait méconnaître et la culture de l'entreprise et les réalisations actuelles.

Nous vous invitons ainsi à donner un signal fort et clair aux familles actuelles et futures, à une population qui a largement plébiscité cette initiative, dont on serait en train de dire qu'elle n'y comprend rien, qu'elle est inconsciente et qu'elle a signé sans savoir. Accepter aujourd'hui l'initiative, c'est accepter un texte simple, ouvert, et remettre à une discussion plus tardive, dans la loi d'application, les détails des modalités d'application ou des modifications à d'autres lois. Nous vous invitons ainsi à accepter cette initiative telle qu'elle a été plébiscitée par ses nombreux signataires. (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Monsieur le président, vous transmettrez à notre charmante collègue Verte - qui n'est plus là - qu'avant de fustiger le MCG, elle aurait mieux fait d'attendre notre intervention. Vous avez entendu celle de mon collègue M. Girardet, mais laissez-moi peut-être un peu compléter ses propos. Pour ce faire, Mesdames et Messieurs, je vais prendre la constitution genevoise. L'article 2B «Famille» de notre constitution actuelle stipule ceci: «La famille est la cellule fondamentale de la société. Son rôle dans la communauté doit être renforcé.» C'est dans la constitution.

Laissez-moi maintenant vous lire un autre article de la constitution genevoise qui, j'en suis sûr, va passionner les libéraux. Il s'agit de l'article 10A «Droit au logement». A l'alinéa 1, on peut lire ceci: «Le droit au logement est garanti.» Mais on s'en fout, il n'est pas opposable ! Donc finalement, les initiants ont raison: si aujourd'hui ils ont élaboré cette initiative, c'est parce que vous vous moquez des citoyens genevois ! (Protestations.) Parce que même dans la constitution il est marqué que le droit au logement est garanti - mais, de toute façon, des logements, on n'en trouve plus.

Je continue. L'alinéa 2 indique ceci: «L'Etat et les communes encouragent par des mesures appropriées la réalisation de logements – en location ou en propriété – répondant aux besoins reconnus de la population.» Pfft ! Elle est vieille cette constitution ! Je poursuis avec l'alinéa 3 de l'article 10A, toujours de la constitution genevoise: «A cette fin, dans les limites du droit fédéral, ils mènent une politique sociale du logement, notamment par: a) la lutte - est-ce que les libéraux peuvent se boucher les oreilles ? Cela risque de leur faire mal ! - contre la spéculation foncière.»

Des voix. Hors sujet !

M. Eric Stauffer. Non, je ne suis pas hors sujet, Mesdames et Messieurs ! Parce que c'est bien la preuve que tant qu'il n'y a pas un droit opposable, vous vous foutez de ce que vous votez ! On est tous d'accord pour dire qu'il manque des places de crèche et que l'un des piliers, c'est la famille, mais pour que l'on puisse avoir des gens qui travaillent et qui, pour les libéraux, paient des impôts - et puis, pour les vieux libéraux, des jeunes qui paient leur AVS, parce que c'est aussi cela - eh bien, il faut faire des enfants ! (Remarque.) Rassurez-vous, Madame la députée ! Je pense que j'en paie beaucoup plus que vous, vous risquez d'être surpris ! (Rires. Exclamations.) Oui, oui, rigolez ! Bref. Vous voyez, ce qui est dommage, Monsieur le président, c'est que lorsqu'ils ont fini l'argumentaire politique, ce ne sont que des attaques personnelles. Eh bien, moi je vous défie, Madame la députée: à la fin de l'année, on rend publiques nos deux déclarations d'impôts... (Commentaires.) Vous voulez parier qui paie le plus d'impôts ?

Le président. Monsieur le député ?

M. Eric Stauffer. On verra qui truande les impôts et qui ne le fait pas !

Le président. Monsieur le député, parlez-moi !

M. Eric Stauffer. Oui, je vous parle, mais... Ecoutez, de toute façon, mes petits camarades de jeu savent que depuis cinq ans je suis rompu à toutes les techniques, et, lorsque je fais l'objet d'attaques, j'y réponds. Cela étant, j'en reviens au débat sur les crèches.

Des voix. Ah !

M. Eric Stauffer. Voilà ! Vous pouvez continuer à vous moquer encore... Oui, rigolez ! Mais c'est tellement génial, à trois mois des élections municipales... Les parents qui cherchent aujourd'hui des places de crèche pour leurs enfants et qui vous écoutent vous foutre de leur gueule en rigolant, en ricanant et en lançant des attaques personnelles, alors que l'on débat d'un sujet important... Mais c'est génial ! Il faut qu'on mette cela sur YouTube, il faut que les gens voient comment vous vous comportez face à l'électorat ! Parce que c'est ça la vérité de ce parlement, c'est que vous vous en moquez...

Le président. Monsieur le député, parlez-moi !

M. Eric Stauffer. Alors moi je vous le dis, Mesdames et Messieurs, si nous avons accepté de rédiger un contreprojet, c'est pour un seul argument: c'est que je ne suis pas convaincu qu'avec les moyens que vous êtes capables de mettre en oeuvre dans une campagne électorale - parce que vous êtes sponsorisés évidemment par de puissants lobbies - je ne suis pas sûr que l'initiative telle qu'elle est formulée par les initiants passerait du premier coup. Et pour cette raison, nous voulons donner toutes les chances et avoir un contreprojet. Mais je vous mets en garde: nous n'avons pas encore décidé - et on le fera le moment venu - si nous soutenons davantage l'initiative ou le contreprojet. Mais pour laisser une chance, il faut que les deux objets arrivent devant le peuple. Alors vous voyez, Madame Captyn, avant d'allumer le MCG, on attend d'abord les déclarations et, ensuite, on juge sur pièces. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la rapporteure Sylvia Nissim, à qui il reste trois minutes dix.

Mme Sylvia Nissim (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Je voudrais quand même apporter quelques petites précisions par rapport aux interventions de mes collègues. S'agissant de la prise de parole de M. Selleger tout à l'heure, j'ai quand même l'impression que dans cette initiative il ne s'agit pas de discriminer entre les familles, pas plus qu'entre les modes de garde, d'ailleurs. Si nous tenons au droit, c'est bien que nous sommes convaincus que cette opportunité, que ce choix doit être offert à toutes et à tous, quel que soit leur salaire ou leur situation familiale. C'est donc dans un but d'égalité.

Je tiens encore à préciser que lorsqu'il parle de familles plus disponibles pour les enfants, il parle en fait à plus de 90% des femmes, puisque ce sont toujours elles qui, les premières, quittent le monde du travail pour éduquer les enfants. C'est important à signaler.

Quant aux doutes soulevés par l'UDC, on se réjouit d'abord de la mise en place de l'observatoire - mon collègue UDC n'est pas là pour m'écouter, mais ce n'est pas grave - qui va permettre de prouver le besoin, dont les UDC sont apparemment ici les seuls à douter.

Enfin, pour terminer, nous estimons pour notre part que l'incitation dont ont parlé mes collègues libéraux et UDC a prouvé son inutilité. Il est temps aujourd'hui de passer au concret, et au plus vite.

Mme Marie Salima Moyard (S), rapporteuse de première minorité. Chose promise, chose due. Je vous avais promis un petit excursus juridique sur cette fameuse question du droit, qui a tant traumatisé la majorité de cette commission: le voici. Cette majorité de la commission nous a dit être parfaitement acquise au fond: «Ce n'est pas un problème, nous avons tous le même objectif. Mais nous refusons le droit de voir ce principe mis en place et garanti.» Y voir là un paradoxe ? Non, non, pas du tout. Je vais essayer de vous expliquer pourquoi ce problème du droit, qui les a tant traumatisés, n'en est pas un. D'abord, il y a déjà des droits sociaux: il y a ce fameux droit au logement, mais il y en a d'autres, le droit à des conditions minimales d'existence, le droit à un enseignement de base suffisant et gratuit, garanti par la Constitution fédérale également. Donc ce ne serait pas une étrangeté constitutionnelle, cela rappellerait simplement le principe de cet accueil de la petite enfance comme quelque chose de réellement crucial dans notre société. Deuxième élément: la commission du Grand Conseil se plaisait à s'imaginer décider elle-même de la justiciabilité d'un tel droit. Je suis désolée, mais c'est faux ! Parce que c'est bien la justiciabilité, c'est-à-dire la possibilité d'invoquer en justice ce droit, qui fait peur à cette commission. Mais en réalité, ce n'est pas de notre ressort...

Le président. Il vous reste dix secondes, Madame la députée !

Mme Marie Salima Moyard. Eh bien en dix secondes, je vous dirai, d'une part, que ce n'est pas le législateur, mais les tribunaux qui décident de la justiciabilité; d'autre part, qu'à partir d'une formulation extrêmement vague au niveau du principe, c'est ensuite une loi d'application qui doit décider des critères précis - et notamment des conséquences de la violation d'un tel droit - et que, ensuite, l'inscription d'un droit social ne voudrait pas dire que l'Etat doit trouver miraculeusement ces places de crèche, mais que la justice lui enjoint de mettre en place les conditions-cadres pour le faire.

Le président. Vous devez conclure, Madame la députée !

Mme Marie Salima Moyard. Voici le dernier élément, et je finirai là-dessus, Monsieur le président: le canton de Bâle-Ville s'est doté d'un droit justiciable, précisé comme tel, avec une loi d'application, et il n'y a eu aucun déluge de recours, car les collectivités publiques tiennent leurs engagements, car le risque est connu, la prise en charge est adéquate, l'objectif est atteint, et c'est ce qui a été déclaré comme le but commun de tous les partis de ce Grand Conseil. Donc soyons conséquents et acceptons cette initiative. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le rapporteur François Gillet, à qui il reste trois minutes.

M. François Gillet (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. J'aimerais réagir aussi à quelques remarques qui ont été formulées. Je vais d'abord rebondir sur le dernier propos de M. Tornare, qui se réjouissait - mais il ne m'écoute pas - de revivre le succès en votation populaire de l'accueil continu des élèves. J'aimerais lui rappeler qu'il s'agissait précisément d'un contreprojet, qui avait été travaillé en commission sur une base intéressante, comme l'initiative rose-verte, mais qui posait un problème de forme. Et, dans sa grande sagesse, la commission de l'enseignement avait trouvé la formule idéale. C'est précisément ce que nous souhaitons et ce que nous vous invitons à accepter ce soir, Mesdames et Messieurs les députés, c'est-à-dire à garder sur le fond ce qu'il y a de bon dans cette initiative. Il n'est pas question d'en rejeter la totalité ! Par exemple, cela a été évoqué à plusieurs reprises, nous allons évidemment conserver la volonté de développer toutes les formes de prise en charge des enfants, et pas seulement les crèches. Il est évident que nous allons conserver ce principe dans le contreprojet. Il est clair aussi que nous allons tout faire pour inciter et encourager plus vivement à la création de nouvelles places d'accueil, et je crois que l'ensemble des groupes est conscient qu'il faut être plus incisif dans le futur dispositif. Il ne s'agit pas d'attendre passivement que les communes s'exécutent ! Il est vrai qu'un certain nombre d'entre elles ne font pas ce qu'elles devraient dans ce domaine, et il est nécessaire que le nouveau dispositif les incite à en faire davantage. Je crois que nous ne sommes pas opposés non plus à introduire ce principe dans le contreprojet.

J'aimerais maintenant réagir à quelques propos de Mme Captyn, qui dit qu'il est exclu, pour les Verts, de soutenir le contreprojet. Elle laisse entendre que certains groupes tergiverseraient et seraient une fois d'accord et une fois pas d'accord... Je lui rappellerai que, en commission, les Verts se sont dits prêts à travailler au contreprojet - Mme Nissim l'a rappelé - et je m'étonne que vous disiez le contraire, mais enfin il peut arriver que les Verts aussi changent d'avis... Donc, effectivement, il y a volonté de la commission de travailler rapidement à l'élaboration d'un contreprojet. Il n'est pas question de perdre du temps, il y a urgence, nous sommes tous d'accord sur ce point. La situation est dramatique pour de nombreuses familles: il s'agit d'aller vite, et nous irons vite. Nous sommes capables de travailler rapidement en commission de l'enseignement, d'autant plus que sur les 90% nous sommes d'accord.

D'ailleurs, un certain nombre de pistes intéressantes sont sorties des travaux de la commission, notamment suite aux auditions. Il apparaît - et ce n'était pas forcément évident pour tout le monde au départ - que ce qui coûte très cher, au niveau de la petite enfance, ce sont les groupes de bébés. Ainsi, dans le cadre du contreprojet, nous pourrions effectivement travailler à trouver des solutions différentes pour ces groupes de tout-petits qui coûtent très cher selon les normes en vigueur - que ce soient les normes de construction ou les normes d'encadrement - et nous sommes prêts à étudier cette question-là également dans le cadre du contreprojet.

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je crois vraiment que pour la majorité il n'y a aucune volonté de perdre du temps, il n'y a aucune volonté de ne pas aller dans le sens de la création de places de crèche, mais pour ce faire il nous paraît de loin préférable de dire non à l'initiative et oui au principe du contreprojet. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, très rapidement, permettez-moi quand même de rappeler que depuis 2003, année au cours de laquelle votre Grand Conseil a décidé d'adopter la loi sur la petite enfance, nous sommes en constants travaux, via des projets de lois, des règlements, des motions, des interpellations urgentes écrites, des questions. Il m'arrive quelquefois d'évoquer les 192 travaux en cours touchant la petite enfance lancés par tel ou tel groupe, par telle ou telle alliance de députés, et visant à décanter une situation qui, d'évidence, est une situation de pénurie, dont bon nombre de jeunes parents souffrent.

Mesdames et Messieurs les députés, en fonction de ce très rapide - trop rapide - historique réducteur, le Conseil d'Etat souhaite que cette initiative soit saisie comme une chance de pouvoir enfin clarifier un certain nombre d'éléments en ce qui concerne notamment les droits. A l'instar de sa position s'agissant de l'accueil continu des élèves, le Conseil d'Etat estime que nous sommes entrés dans une ère nouvelle, qui fait que les pères et les mères travaillent, se forment, bref, utilisent leur temps à des tâches économiques et sociales, lesquelles impliquent que la collectivité soit organisée de manière à faire face à l'accueil des enfants de zéro à quatre ans, de même que, en dehors des périodes scolaires - comme vous l'avez décidé, et comme la population l'a également ratifié - des jeunes de quatre à quinze ans.

Il me semble pour le moins cohérent que le Conseil d'Etat - qui a soutenu de bout en bout vos travaux, d'abord avec l'initiative 141 sur l'accueil continu, puis avec le contreprojet, demandant que l'on se soucie de l'accueil des jeunes entre quatre et quinze ans - vous invite également à prendre en compte l'accueil de ces mêmes enfants avant qu'ils entrent à l'école, c'est-à-dire dès leur naissance jusqu'à quatre ans.

Mesdames et Messieurs les députés, vous l'avez compris, le Conseil d'Etat souhaite que ce débat serve non seulement à clarifier des éléments, mais également à consacrer des droits nouveaux qui sont relatifs à une organisation sociale contemporaine, que les forces économiques et sociales non seulement appellent de leurs voeux, mais s'engagent aussi jour après jour à développer. Dès lors, et en fonction des travaux de votre commission, ayant entendu qu'il y a une majorité en faveur d'un contreprojet, tout en soutenant l'initiative, je ne peux que souhaiter que, à l'instar de ce qui s'est passé concernant l'IN 141 en commission - je fais une fois encore le parallèle - à l'instar également de ce que vous avez su trouver en commission encore hier soir, comme l'a rappelé M. le député Bertschy, avec la loi sur la petite enfance concernant l'accueil familial, eh bien je ne peux que souhaiter que l'on trouve le chemin d'un consensus nous permettant non seulement de consacrer un droit constitutionnel - permettez-moi de dire qu'il y aura largement le temps en commission pour disserter sur la nature de ce droit - mais aussi de le proposer le plus rapidement possible au peuple, de manière que nous puissions entrer dans une loi d'application. D'ailleurs, Monsieur Bertschy, je tiens à vous dire que les craintes que vous avez de tout redémarrer pourraient être tout à fait fondées, mais je suis convaincu qu'avec la rapidité et la volonté de consensus, tous les travaux que vous avez menés et que nous menons ensemble mercredi après mercredi seront bénéfiques à une clarification sous forme de loi d'application de cette disposition constitutionnelle que les Genevoises et les Genevois appellent de leurs voeux. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons maintenant nous prononcer sur la prise en considération de cette initiative.

Mise aux voix, l'initiative 143 est refusée par 47 non contre 36 oui et 13 abstentions.

Le président. Suite à ce refus, nous allons nous prononcer sur le principe d'un contreprojet.

Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est accepté par 56 oui contre 11 non et 27 abstentions.

L'initiative 143 est renvoyée à la commission de l'enseignement, de l'éducation et de la culture pour l'élaboration du contreprojet.

Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 143-C.