Séance du
vendredi 3 décembre 2010 à
20h30
57e
législature -
2e
année -
2e
session -
10e
séance
M 1923 et objet(s) lié(s)
Débat
M. Gabriel Barrillier (R). Monsieur le président, chers collègues, retour sur le plancher des vaches !
Des voix. Ah !
M. Gabriel Barrillier. La motion 1923 est la motion d'origine, la motion 1926 n'étant qu'une copie qui a été déposée, sauf erreur, par nos collègues socialistes. Cette motion 1923 est dans la droite ligne de tous les efforts que nous réalisons, chers collègues, pour faire reconnaître la proximité, pour essayer - dans la politique d'adjudication, de soumission, d'attribution de marchés - de prioriser, de tenir compte de la valeur des prestations des productions du canton. Je ne reviendrai pas sur les crayons chinois... qui continuent à faire des vagues.
Dans cette motion-là, nous voulons très simplement, dans la droite ligne de l'Agenda 21 que l'on rappelle à chaque occasion, obtenir du Conseil d'Etat - et ce n'est pas très compliqué - qu'il invite sérieusement, en ce qui concerne la consommation des produits agricoles alimentaires, par exemple lorsqu'il s'agit de restaurants scolaires, d'établissements de santé et autres entreprises autonomes, eh bien, qu'il invite les responsables à utiliser des produits alimentaires de la région et du canton. Ce n'est pas compliqué ! Je vois que le député Tornare a déjà apporté du... Qu'est-ce-que c'est ? Des cardons... C'est des cardons ? (Remarque.) Alors, c'est des cardons.
A l'appui de cette motion que j'ai rédigée - puisque, comme vous le savez, j'ai abandonné le béton pour retourner à l'agriculture...
Une voix. Bravo !
M. Gabriel Barrillier. N'est-ce pas ? Je note, et cela me paraît assez important - je m'adresse peut-être plutôt à Mme Künzler qui est responsable de l'agriculture - que vient d'être publiée une étude sur le métabolisme de l'agriculture genevoise, étude réalisée par l'Institut des sciences de l'environnement en collaboration avec la direction générale de l'agriculture du canton de Genève. Le titre de cette étude - elle vient de sortir, mais je pense que Mme la conseillère d'Etat la connaît, peut-être qu'elle pourra nous la distribuer en commission de l'agriculture - c'est: «L'agriculture genevoise peut nourrir un habitant sur deux».
Cette motion n'est donc pas excessive, n'est pas altermondialiste, n'est pas doctrinaire. Elle demande simplement que, dans les restaurants scolaires ou ailleurs, on puisse manger des pommes de la région quand c'est la récolte, qu'on puisse aller s'approvisionner, qu'on utilise des produits de la région - donc du canton, mais de la région. Je pense que ça sera quelque chose de positif.
Le président. Monsieur le député, il vous faudrait finir.
M. Gabriel Barrillier. Je conclus. En revanche, mon collègue Haldemann se prononcera sur la motion 1926 qui est un petit peu... Je demande donc, au nom du groupe radical, le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat, directement. Je vous remercie.
Le président. Je me propose de passer la parole à Mme Schneider Hausser pour présenter et défendre la motion 1926. Madame Schneider Hausser, vous avez la parole.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la motion socialiste - comme sa petite soeur, la motion 1923 - s'est inscrite dans le cadre des manifestations organisées par les paysans suisses et genevois au regard du prix du lait durant l'été et l'automne 2009. La motion 1923, que M. Barrillier vient de décrire, tend à promouvoir activement les produits locaux. Il est vrai que nous avons déjà fait plusieurs efforts dans le canton, en particulier dans les restaurants scolaires - je ne sais pas pour les autres communes, mais, en tout cas, en Ville de Genève, je sais qu'on mange des pommes genevoises.
Notre motion, tout en reprenant les invites de la motion précédente, est cependant plus large. Elle tient compte du fait que, quoi que nous fassions, le marché suisse et genevois ne peut se passer de 40% des produits agricoles consommés, soit la part de nourriture importée. Tout en promouvant et en protégeant les produits locaux à juste prix, nous demandons au Conseil d'Etat d'appliquer et de privilégier également, dans les domaines où c'est possible, des critères durables en ce qui concerne les produits importés.
Dans le monde, 300 millions de personnes vivent directement de l'agriculture. Les deux motions ici présentées sont importantes. Le signal qui sera donné par ce parlement - je l'espère - consistera à protéger les producteurs locaux, mais aussi les producteurs des autres pays du monde pour qu'ils aient un revenu digne et acceptable leur permettant entre autres de vivre. Les deux motions vont donc dans le même sens, et je pense qu'il est important que ce parlement donne ce signal.
En soutenant notre motion, vous permettez que les consommateurs, qui sont toujours plus nombreux à accepter de cautionner ce type de production durable au travers de l'achat toujours plus important de produits labellisés, puissent aussi les retrouver, soit dans les restaurants scolaires, soit, en tout cas, dans les endroits où l'Etat peut impulser ce phénomène de protection des denrées alimentaires à juste prix.
Nous avons un outil déjà institué qui est la loi sur la promotion de l'agriculture. Ce que demande notre motion, comme l'autre motion, c'est une amélioration de sa mise en pratique et, en ce qui concerne notre texte, un élargissement non seulement aux produits genevois, mais aussi aux produits issus du développement durable dans le monde.
M. Serge Hiltpold (L). Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que le secteur de l'agriculture a toujours suscité un important intérêt de la part du peuple genevois, notamment parce qu'il préserve et entretient la nature et le paysage, mais aussi parce qu'il propose des produits du terroir de qualité. Les producteurs eux-mêmes ont su s'adapter aux nouvelles exigences qualitatives et démontrer ces dernières années un assez grand dynamisme avec le développement du label «Genève Région -Terre Avenir». Je crois que c'est assez porteur dans un canton urbain où l'on a besoin de montrer un peu aux citadins ce qui se passe depuis la matière première jusqu'à l'assiette. Ce secteur enveloppe également la viticulture, dont les vins genevois sont de fiers ambassadeurs de notre terroir, rivalisant avec les meilleurs crus dans les concours nationaux et aussi internationaux - notre ami Eric Leyvraz en fait un juste ambassadeur. Je peux vous assurer que la fameuse époque du Perlan est révolue et que la diversité des cépages développés dans la station fédérale de Changins a de belles implantations dans nos coteaux, dans le mandement ou dans le reste du canton.
Cette motion vise, en quelque sorte, à légitimer davantage ce travail en donnant la possibilité à nos produits locaux d'être mieux pris en considération dans les établissements publics et semi-publics, non seulement en tenant compte du prix, mais en intégrant également la notion de développement durable, d'énergie grise, de qualité et de savoir-faire.
En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral vous demande de soutenir le renvoi à la commission de l'environnement.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est mon honoré prédécesseur, M. Eric Leyvraz.
M. Eric Leyvraz (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je me permets de parler d'un sujet que je connais, mais il est bien clair que je m'abstiendrai lors du vote. Encore des textes qui défendent l'agriculture, sa production locale liée à un développement durable. Que de bonnes intentions ! Que de belles paroles, la main sur le coeur ! Merci !
Un large consensus se dégage en faveur du maintien de la zone cultivée, les enquêtes auprès du public le démontrent. Cependant, quand il s'agit de passer au concret, c'est un autre problème. Cela me rappelle un peu l'histoire de Coluche, qui faisait parler une personne noire: «Ils disent tous que je suis leur frère, mais, quand il s'agit de devenir leur beau-frère, il n'y a plus personne.»
Le panier de la ménagère représente, en Suisse, 8 à 9% d'un budget, alors que, dans un pays du tiers-monde, ça peut monter à 85%. Tout est abondance dans nos magasins, on se fiche bien de vendre des haricots venant d'Afrique, de quelle manière ils ont été produits. Et ce qui est bon marché, dans le fond, n'a pas de valeur intrinsèque. Le prix payé actuellement aux producteurs suisses, par exemple pour le lait, est tout simplement ridicule ! Le Coca-Cola est plus cher ! Avec quelques centimes de plus, le paysan s'en sortirait sans couler le budget d'un ménage.
L'Etat, qui se montre toujours plus exigeant en ce qui concerne les normes de production agricole, devrait donner l'exemple de la préférence locale, soutenir ses paysans - qui préservent aussi un magnifique environnement. Mais, plus d'une fois déjà, il a montré qu'il y a loin de la coupe aux lèvres. Prenons l'exemple des matériaux de construction recyclés: on vante les entreprises qui se sont lancées dans ces nouvelles technologies, on reconnaît la qualité des produits. Mais, pour les fondations du tram - ce qui est très «vert», n'est-ce pas ? - on utilise du gravier venant de France alors que le matériel proposé par les entreprises de transformation est même meilleur marché ! On félicite la commune de Vernier, qui a fait des ateliers et proposé des produits du terroir dans ses écoles, mais on n'inscrit pas une demande de 170 000 F - ce n'est rien - dans le nouveau budget de l'Etat, ce qui aurait permis de multiplier cet exemple.
Ces motions doivent être renvoyées au Conseil d'Etat, car, face à une situation financière préoccupante pour beaucoup de paysans, un signal clair doit être entendu. On ne peut plus, d'un côté, dire son amour de la terre et des paysans qui la cultivent - entre parenthèses, terre agricole qui vaut quand même cinquante fois moins que si elle était déclassée en zone de construction - et, de l'autre côté, laisser se développer la prochaine classe de working poors, qui bossent sans compter juste pour ne pas arriver à tourner. Rappelons pour mémoire que le prix de la viande à la production a baissé de 30% en dix ans et a augmenté, simplement à l'étal des grandes surfaces, de 10%.
Je souligne une fois de plus l'effort de rationalisation, le modernisme et le dynamisme de notre agriculture. Je viens de visiter des essais de non-labour avec semis intermédiaires qui, à terme, permettront d'économiser deux tiers du gazole des tracteurs. Alors, soutenons nos paysans ! Arrêtons d'acheter, pour quelques centimes de moins, des pommes, des légumes ou du lait venant de l'autre bout du monde avec des tonnes de CO2 dégagées inutilement ! Merci à tous d'accueillir favorablement ces motions ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le député Hiltpold, vous demandez le renvoi à la commission de l'environnement et de l'agriculture, des deux motions ou seulement d'une ? (Commentaires.) Laquelle ?
M. Serge Hiltpold (L). La première, la motion 1923, Monsieur le président.
Le président. D'accord, donc vous ne demandez pas le renvoi de la motion 1926 à la commission de l'agriculture. (Commentaires.)
M. Serge Hiltpold. Pardon, nous demandons le renvoi des deux motions, la M 1923 et la M 1926.
Le président. Vous demandez donc le renvoi des deux motions. La parole est à Mme la députée Anne Mahrer.
Mme Anne Mahrer (Ve). Merci, Monsieur le président. Les Verts sont bien sûr favorables à ces deux motions. Je m'exprimerai d'une manière un peu générale et ensuite sur la motion 1926. Les Verts sont très heureux de relever qu'une large majorité de ce parlement entend soutenir l'agriculture en payant le juste prix, découvre toute la pertinence de la loi sur la promotion de l'agriculture et demande que les produits importés soient étiquetés de manière claire, en prenant en compte les facteurs environnementaux et sociaux, et répondent pour le moins aux exigences du commerce équitable. Mesdames et Messieurs les députés, souvenez-vous de notre résolution 544, votée en juin 2008.
Les produits importés, tout équitables qu'ils soient, ne doivent bien sûr pas se faire au détriment de la production vivrière, comme cette huile de palme que l'on introduit partout de manière insidieuse sous le terme générique «huile végétale». On est donc loin du compte: la grande distribution offre toujours des légumes hors saison, venant du sud de l'Europe notamment, sans aucun étiquetage clair.
C'est aussi l'occasion, Mesdames et Messieurs les députés, de prendre conscience des liens qui existent entre choix alimentaires et protection de l'environnement. En Suisse, notre alimentation représente 30% de notre empreinte écologique et 17% de nos émissions de gaz à effet de serre. La protection du climat passe aussi par nos choix alimentaires.
Oui, Mesdames et Messieurs, l'agriculture locale a besoin de se faire connaître. Pour cela, il faut sensibiliser les enfants, les enfants des écoles primaires, comme le fait très bien le service de l'agriculture, en particulier une personne déléguée à cet effet. Elle l'a fait à Vernier - M. le député Leyvraz l'a rappelé - et le résultat est exceptionnel. Dans les neuf restaurants scolaires, on mange chaque jour des produits locaux, si possible bio. Simplement, cette expérience doit être généralisée, et les collectivités publiques et organismes subventionnés sont intéressés et souhaitent le faire. Donc il faut poursuivre, informer les enfants, vous savez qu'ils sont les consommateurs de demain. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Mesdames et Messieurs les députés, nous vous invitons à renvoyer ces deux motions à la commission de l'agriculture. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. François Lefort, à qui il reste une minute trente.
M. François Lefort (Ve). Ce sera suffisant, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est avec une certaine empathie, empreinte de miséricorde...
Une voix. Oh !
M. François Lefort. ...que nous accueillons cette motion de l'Entente pour le soutien aux productions agricoles locales. Une motion: que dis-je ? Ce n'est pas une motion, c'est plutôt une requête en indulgence, au sens catholique romain du terme. (Exclamations.) Une requête en indulgence ou une offrande païenne, c'est selon, déposée par anticipation, vous vous rappelez, pour se faire pardonner le grave péché qu'on allait commettre ensuite dans cette enceinte contre cette même campagne - comme disait M. Leyvraz - que l'on veut soutenir. Ce très grave péché, c'est bien sûr le déclassement des Cherpines-Charrotons.
Une voix. Mais non !
M. François Lefort. Mais si ! Soutenir les productions agricoles locales, nous y sommes favorables, bien sûr. Et les considérants de cette motion sont justes. Oui, le revenu agricole s'effondre; oui, Genève a besoin de ses agriculteurs pour garantir un approvisionnement local; oui, des exploitations agricoles disparaissent. Ce soutien à l'agriculture de proximité, sous toutes ses formes, s'inscrit dans la politique de développement durable du canton.
Alors, oui, les collectivités publiques peuvent, mais surtout doivent, jouer un rôle pour soutenir la production locale, donc la survie de l'agriculture locale, par des mesures simples comme le choix privilégié des achats de produits locaux.
C'est donc ce que demande cette motion. Pour toutes ces raisons, nous la soutiendrons. Nous soutiendrons le renvoi de cette motion non pas à l'Enchiridion des indulgences vaticanes, mais à la commission de l'environnement et de l'agriculture. Et nous vous invitons à faire de même, Mesdames et Messieurs les députés.
M. François Haldemann (R). Je ne me prononcerai que sur la motion 1926. C'est d'autant plus facile pour moi de m'exprimer que cette motion a été rédigée par le groupe socialiste. (Remarque.) Pourquoi ? Justement, c'est très clair: en ce qui me concerne, elle est très proche de la motion 1923 et, finalement, les objectifs et les invites sont, quelque part, identiques.
Concernant le principe de souveraineté alimentaire, il est vrai que Genève ne peut pas prétendre vouloir nourrir sa population, qui va grandissant au demeurant. Néanmoins, je crois que la nécessité d'envisager une souveraineté alimentaire partielle est quand même claire. C'est aussi en ce sens qu'est traitée une initiative parlementaire au niveau du Conseil national.
J'aimerais relever que le Conseil d'Etat travaille et a permis l'émergence d'un label, propriété de l'Etat, «Genève Région -Terre Avenir». J'aimerais saluer les investissements qui ont été consentis depuis de nombreuses années à ce sujet. Il faut souligner que le label «Genève Région -Terre Avenir» a aujourd'hui une très grande notoriété auprès des consommateurs.
Il faut relever un problème, et c'est l'un des grands défis de l'agriculture genevoise. C'est un paradoxe: aujourd'hui, Genève est par exemple un grand producteur de céréales et un grand producteur d'oléagineux, mais nous ne transformons pratiquement pas nos produits sur Genève. Et il est grand temps que cela change. Grâce à ce genre de motions et d'initiatives, nous pouvons imaginer qu'une plus grande partie de nos céréales, voire la totalité, soit transformée sur Genève et que nous puissions les utiliser de la manière la plus large possible dans nos institutions, dans nos écoles. (M. Michel Ducret, qui revient à sa place, dépose une pomme sur le pupitre de l'orateur.)
C'est ce que nous souhaitons voir émerger à l'avenir, raison pour laquelle le groupe radical souhaiterait, au lieu de renvoyer ces deux objets en commission, finalement - puisque les invites sont relativement bien décrites - les renvoyer directement au Conseil d'Etat, pour qu'on puisse voir leur effet en faveur de la production genevoise apparaître au plus vite.
M. Michel Ducret. Je t'ai offert une pomme !
Le président. Merci, Monsieur Haldemann. La parole est à Mme Christina Meissner, à qui il reste trente-cinq secondes.
Mme Christina Meissner (UDC). Je serai brève. Vous noterez pour le Mémorial que je suis entièrement d'accord et souscris à ce qu'ont dit la députée Verte Anne Mahrer et le non moins Vert agriculteur de mon parti, Eric Leyvraz. La seule chose que j'aimerais ajouter, c'est que je regretterais qu'Eric Leyvraz, agriculteur qui nous nourrit de ses produits, s'abstienne. A ce moment-là, nous devrions tous nous abstenir aussi, parce que nous nous nourrissons des produits de la terre. Je vous propose, au nom de l'UDC, de renvoyer ces deux motions au Conseil d'Etat.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Jean-François Girardet, à qui il reste... (Remarque.) ...un certain temps.
M. Jean-François Girardet (MCG). Il me reste ? (Remarque.) Trois minutes, je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, les deux motions qui nous sont soumises ce soir se ressemblent comme deux soeurs jumelles. Effectivement, il y a une question de préséance, mais elles demandent les deux exactement la même chose. Le MCG soutiendra leur renvoi au Conseil d'Etat, mais nous aurions préféré pouvoir amender les deux motions qui nous sont proposées. Je vais expliquer pourquoi.
Tout d'abord, ces motions paraissent un peu superflues, ou superfétatoires, puisqu'elles invitent le Conseil d'Etat à mettre en oeuvre de manière volontariste la loi sur la promotion de l'agriculture; mais le Conseil d'Etat a été élu pour mettre en oeuvre les lois qui lui sont soumises ! Il me semble ainsi que, si l'on doit faire une motion pour demander au Conseil d'Etat de faire son travail, c'est qu'on arrive aux limites, précisément, des motions. Maintenant, si les motionnaires demandent le renvoi en commission - comme c'est le cas pour les socialistes - là aussi, on entre en contradiction avec le projet de loi qu'on vient de renvoyer en commission.
J'aurais voulu mettre l'accent sur une invite qui me paraît précisément être une porte ouverte à une non-application de cette motion qui demande justement qu'on fasse de la promotion pour les produits, soit maraîchers, soit agricoles, soit viticoles du pays ou du canton. A la fin des invites de la motion radicale - de la motion présentée par Gabriel Barrillier - il est indiqué: «à obtenir de ces mêmes acteurs - c'est-à-dire de ceux qui utilisent et mangent des produits genevois - qu'ils accordent de manière générale la préférence à des produits n'ayant pas fait l'objet d'une importation à longue distance». Alors, c'est tout dans le détail; «à longue distance», qu'est- ce que ça veut dire ? Est-ce que Bellegarde est à longue distance ? Est-ce que la vallée du Rhône est à longue distance ? Est-ce que Madrid ou le Portugal sont à longue distance ? Même remarque pour la motion socialiste, où il est écrit: «[...] ainsi que sur le marché international si nécessaire...». On autoriserait donc éventuellement l'achat de produits internationaux si nécessaire. Bien sûr qu'on ne va pas produire des bananes, mais on voudrait faire de la promotion pour les pommes genevoises. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Florey, je ne vous passe pas la parole, votre temps de parole est terminé et échu. (Remarque.) Oui, il y a quatre minutes par groupe. La parole est donc à Mme la députée Marie Salima Moyard.
Mme Marie Salima Moyard (S). Merci, Monsieur le président. Ces deux motions soulèvent une problématique fort importante et esquissent des solutions pertinentes. Vous avez, pour certains, remarqué qu'il y avait un écart d'une semaine entre l'une et l'autre dans le dépôt. Le groupe socialiste a la prétention, en toute modestie, de penser que sa motion va, sur plusieurs points, plus loin que la motion radicale.
Voici un bref survol comparatif. Premier élément: bien sûr, les deux motions vont dans le sens d'une revalorisation des prix pour ces produits de l'agriculture, mais ce qui est surtout important pour les socialistes est de pouvoir avoir des prix représentant un revenu acceptable, un revenu juste pour les agriculteurs, et les ouvriers agricoles. Il s'agit donc non seulement de fournir des produits locaux à des prix adéquats pour l'économie, mais également que les agriculteurs et les personnes travaillant dans le domaine puissent en vivre dignement.
Le deuxième élément, c'est que notre motion ne s'arrête pas seulement à la question genevoise, voire suisse. Il faut penser, vous le savez bien, global pour agir local. Nous pensons international, c'est pour cela que nous ne pouvons mettre de côté la question des importations, la question du commerce équitable. En effet - rappelons-le - les importations représentent 40% de ce que nous consommons à Genève. Il faut donc penser les deux en balance et mener une action concertée, à la fois sur le plan local avec un soutien adéquat à l'agriculture locale et également sur le plan international avec une certaine solidarité, des prix justes et - comme je l'ai dit - un commerce équitable !
La quatrième invite de la motion du parti socialiste découle du fait qu'il est inutile de faire de telles demandes sans distribuer des moyens supplémentaires aux différents organismes et accroître leur budget pour ces questions. On ne peut pas demander des prix plus élevés et, en même temps, demander à des organismes publics ou parapublics de continuer à fonctionner avec les mêmes budgets. Ce serait accroître le budget d'alimentation, ce qui est une bonne chose, mais au détriment d'autres secteurs d'action de ces organismes - ça n'a pas de sens. C'est là toute la question de recommencer - et nous souhaitons que ce soit le plus rapidement possible - à payer, au détriment d'autres choses moins essentielles, le juste prix pour une alimentation saine, durable et produite localement.
En conclusion, nous devons évidemment protéger les paysans qui cultivent ces produits agricoles de qualité. Nous devons également protéger les paysans qui entretiennent la terre et le paysage de notre région. A ce titre, ils méritent d'être soutenus par la société dans laquelle ils vivent.
L'alimentation doit donc reprendre sa juste place dans le porte-monnaie des gens et des institutions publiques: des produits locaux de saison et produits convenablement à des prix justes au lieu, par exemple, d'une quatrième télévision ou un troisième iPhone.
Pour finir, au niveau de la position, évidemment, nous vous invitons à soutenir notre motion et la renvoyer au Conseil d'Etat. Mais nous ne sommes absolument pas sectaires: les deux motions vont tout à fait dans la même direction. Nous demandons donc formellement le renvoi de ces deux motions au Conseil d'Etat, car elles vont toutes deux dans la bonne direction. Je vous remercie.
M. François Gillet (PDC). Pour le groupe démocrate-chrétien, il est évident qu'il faut valoriser les produits locaux. Il est évident que l'introduction du label «Genève Région -Terre Avenir» a lancé une dynamique extraordinaire dans ce canton, qu'il faut poursuive. Il faut continuer à aller dans ce sens, raison pour laquelle nous voyons d'un très bon oeil ces deux motions, dont nous avons cosigné l'une d'elles.
Nous pensons qu'effectivement, notamment dans les organismes publics tels que ceux qui ont été cités, il faut tout faire pour que des produits locaux soient servis aux enfants. Cela peut se faire aussi avec les vins, dont nous avons parlé - qui ne sont, eux, évidemment pas à servir aux enfants, il est clair.
Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes certainement favorables à l'agriculture de proximité. Nous pensons qu'il faut également penser au développement durable à ce niveau-là. Toutefois, lorsque, pour une poignée de personnes, le respect de l'agriculture de proximité bloque plus de 3000 logements - comme c'est le cas aux Cherpines-Charrotons - là, nous mettons effectivement des limites à l'application de ce principe. Mais, dans le sens de ces deux motions qui demandent de promouvoir les produits locaux, nous ne voyons aucune objection à le faire.
Cela dit, nous nous sommes un peu interrogés sur le sort à réserver à ces motions au niveau des renvois. Par rapport au débat de tout à l'heure - qui poursuivait quand même le but d'éviter un engorgement inutile des travaux des commissions - nous serions plutôt enclins à renvoyer directement ces motions au Conseil d'Etat, même si la motion socialiste, qui est un peu plus précise sur certaines invites, aurait peut-être mérité d'être étudiée en commission. Mais je crois que, par cohérence avec ce qui a été discuté tout à l'heure, nous serons prêts à renvoyer directement ces deux motions au Conseil d'Etat.
Le président. Merci, Monsieur le député, la parole est à M. le député Claude Jeanneret, à qui il reste une minute quinze.
M. Claude Jeanneret (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues députés, nous sommes malgré tout dans un domaine extrêmement sensible. Protéger l'agriculture, c'est important ! C'est important parce que c'est quand même, au niveau de Genève, une grosse activité: on est un grand producteur de vins, un grand producteur de céréales, un grand producteur de primeurs. Même si l'on est un tout petit canton, on est un canton extrêmement performant.
La chose qui nous gêne le plus ici, c'est que des institutions subventionnées s'amusent à commander des laitages dans d'autres cantons. Les Laiteries réunies importent à Genève 50% en provenance de la zone frontière; c'est beaucoup, mais c'est quand même une production locale. Et, là-dessus, il faudrait aussi que le Conseil d'Etat intervienne maintenant, parce que les zones franches doivent être respectées. En effet, si l'on respecte les zones franches, la production locale pourra aussi être écoulée en France, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui avec toutes les barrières qu'on nous impose.
Je pense que ces deux motions sont importantes et qu'il faut les renvoyer au Conseil d'Etat, car c'est lui qui doit se battre pour que l'on puisse enfin faire respecter la production genevoise vis-à-vis de nos voisins français ! Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Stauffer, à qui il reste deux secondes un quart.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Il me restait un tout petit peu plus de temps, mais je vais être très bref. Mesdames et Messieurs, nous sommes très surpris au MCG, parce que vous demandez le renvoi de cette motion en commission. C'est ce que vous proposiez avant...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Je conclus. Et si vous voulez savoir où sont les libéraux, je vous invite à aller sur mon profil Facebook: ils jouent aux cartes à la buvette, les photos sont sur mon profil. Demandez-moi comme ami, j'accepterai, vous verrez de vous-mêmes !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la conseillère d'Etat Michèle Künzler.
Mme Michèle Künzler, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, c'est avec grand plaisir que nous répondrons à ces motions si elles nous sont renvoyées directement; de même, nous donnerons bien volontiers des explications en commission, le cas échéant. Effectivement, le Conseil d'Etat soutient l'agriculture genevoise sous toutes ses formes, en particulier l'innovation de prestations pour l'environnement. C'est pourquoi nous avons, dans le projet de législature, fait preuve d'un certain poids sur l'innovation dans l'agriculture, et il y a justement d'énormes projets pour valoriser les produits du terroir. Cela demanderait en effet un peu de financement, M. Leyvraz l'a souligné. Il ne s'agit pas de sommes extraordinaires, c'est de l'ordre de 120 000 F pour, simplement, informer, mettre en place des activités dans les classes d'écoles. Eh bien, c'est à vous de réintroduire cela au budget; si vous le désirez, ce sera un vrai soutien à l'agriculture.
Par ailleurs, nous avons d'autres projets, notamment avec des centrales de distribution qui permettront de valoriser tous les types de produits du terroir en les regroupant et où l'on pourra s'approvisionner. Car l'agriculture genevoise est fort diversifiée, et nous avons des produits de qualité ! L'objectif, par exemple pour les céréales, c'est de produire beaucoup plus de céréales panifiables et de les transformer: c'est cela qui crée de la richesse, non seulement la production de blé mais aussi sa transformation. On a déjà la première production de blé GRTA - «Genève Région -Terre Avenir» - blé qui est aussi transformé en pain et vendu dans les grandes surfaces. Nous devons également - et nous le faisons - promouvoir dans le cadre de la grande distribution une vraie place pour les produits du terroir. Nous effectuons cela grâce au label GRTA, mais il y a encore du travail pour ce faire.
Quant à la filière laitière, nous avons aussi mis en place un produit très innovant, dont le prix est fixé à 1 F le litre payé aux producteurs - des producteurs locaux, avec un produit de qualité. Malheureusement, on ne peut pas encore le trouver partout, mais c'est l'un des produits du terroir qui est valorisé. Nous en avons aussi labellisé d'autres, comme les cardons ou la longeole. C'est également au travers de l'OPAGE qu'il y a du travail à réaliser pour promouvoir cette agriculture. Je crois que la filière viticole se débrouille très bien, elle a reçu de nombreux prix, et c'est peut-être maintenant qu'il faut agir concernant d'autres produits.
Nous avons publié deux brochures très intéressantes par rapport à la production agricole. L'une présente la production agricole aussi sous l'angle énergétique; l'autre, rapport qui intéressera les députés, porte sur l'écobilan, soit du vin, soit de la tomate, afin de voir ce qu'il y a comme énergie grise dans le vin ou la tomate lorsqu'ils sont produits ailleurs et transportés. Même si actuellement, à Genève, la tomate est produite sous serre, elle a un meilleur écobilan que celle qui est transportée depuis très loin.
Quant à la motion radicale, ou de l'Entente, j'adhère tout à fait aux invites, sauf que ce n'est pas très libéral. Lorsqu'on signe des AIMP, qu'on demande plus de concurrence, eh bien, exiger de choisir certains producteurs... n'est pas très libéral. On n'est jamais à un paradoxe près dans ce parlement ! Quoi qu'il en soit, on vous répondra bien volontiers.
Et nous avons envie de mener une action auprès des collectivités publiques. Là aussi, cela a un prix, puisque chaque repas préparé avec des produits du terroir coûte plutôt 1 F de plus qu'à l'ordinaire. Peut-être qu'il faudra changer le type de repas, peut-être qu'il faudra discuter avec les gens s'occupant de Fourchette Verte ! J'étais assez surprise de constater que les menus Fourchette Verte sont préparés trois ou quatre mois à l'avance. C'est absurde: un paysan ne peut pas savoir si sa batavia sera mûre le 15 juin ou le 16 ! Dans les types de menus proposés par les collectivités, il faut plus de souplesse pour utiliser les produits du terroir; pas simplement suivre une liste et, ainsi, être obligé d'utiliser des produits importés parce que, le jour J, la batavia n'est pas là ! A ce niveau-là, il y a du travail à effectuer. On l'a fait avec la commune de Vernier: ça a été un grand succès. On le fait avec la Ville de Genève aussi: c'est un grand succès. On aimerait maintenant poursuivre avec les autres communes et être en mesure d'entreprendre une action à l'intention des enfants: avec, d'une part, une bonne nourriture et, d'autre part, la connaissance des produits du terroir.
Nous n'avons de toute façon pas de quoi nourrir toute la population, mais il faudrait que tout ce qui est produit ici soit consommé ici. Je vous invite à renvoyer ces motions au Conseil d'Etat.
Le président. Merci, madame la conseillère d'Etat. Nous sommes en procédure de vote concernant la motion 1923. Dans un premier temps, nous voterons sur le renvoi de cette motion à la commission de l'environnement et de l'agriculture, puis, si cela est refusé, au Conseil d'Etat.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1923 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est rejeté par 69 non contre 13 oui.
Mise aux voix, la motion 1923 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 79 oui et 4 abstentions.
Le président. Nous allons maintenant nous prononcer sur la motion 1926.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1926 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est rejeté par 66 non contre 14 oui et 2 abstentions.
Mise aux voix, la motion 1926 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 66 oui et 19 abstentions.