Séance du
vendredi 24 septembre 2010 à
20h30
57e
législature -
1re
année -
11e
session -
60e
séance
PL 10548-A
Premier débat
M. Frédéric Hohl (R), rapporteur de majorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, c'est un plaisir pour moi d'être le rapporteur de majorité de ce projet de loi, qui a principalement pour but d'interdire à l'Etat de vendre sa parcelle de Pregny-Chambésy, ainsi que d'offrir à quelques Genevois un accès supplémentaire au lac. Ce projet de loi socialiste, également signé par un député UDC, a mis en avant ces deux objectifs.
Dans la présentation générale, il convient de rappeler que l'Etat est propriétaire d'un terrain de 11 500 m2 au bord du lac, à côté du Vengeron, sur la commune de Pregny-Chambésy, juste avant l'entrée de la bretelle de l'autoroute. Sur cette parcelle, il y a deux maisons: une maison dite «maison de maître», de 756 m2, et une annexe. Il y a également une petite plage de 63 mètres de long.
En mars 2007, la large majorité de la commission des finances - sauf les socialistes - avait accepté de vendre, ou plutôt avait accepté que l'Etat vende cette propriété au plus offrant. Ce vote a été confirmé au Grand Conseil en 2007. Ensuite, en septembre 2009, les socialistes, avec une signature UDC, ont déposé ce projet de loi.
Il y a eu pas mal de discussions à la commission des finances, ainsi qu'une visite sur place fort intéressante. On s'est donc rendu compte que, depuis 2007, l'Etat essayait de vendre cet objet. Je le précise tout de suite, ce n'est pas la servitude de passage qui a rendu difficile la vente de cet objet, mais probablement la taille de la maison, qui n'est somme toute pas si grande: 756 m2, cela paraît énorme, mais sur une parcelle d'environ 12 000 m2, ce n'est pas si grand. Enfin, je vous rappelle que l'intérêt de la dette coûte aux contribuables 800 000 F par jour et que, honnêtement, il ne serait pas raisonnable de garder cette parcelle.
Alors comme la majorité de la commission, Mesdames et Messieurs, je vous engage à refuser ce projet de loi et à encourager l'Etat à vendre au plus offrant et le plus rapidement possible cette parcelle. Je vous remercie et je reprendrai la parole un peu plus tard.
Une voix. Bravo !
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de première minorité. Je tiens à préciser d'emblée que, si cette parcelle appartient à l'Etat de Genève, c'est que l'Etat de Genève l'a achetée il y a une trentaine d'années pour en faire le pendant de Genève-Plage sur la rive droite, laquelle est, comme vous le savez tous, très pauvre en structures d'accès au lac pour le grand public. L'Etat avait donc acheté cette parcelle de façon à pouvoir y établir un centre de planche à voile en face, à peu près, de Genève-Plage, sur la rive droite, comme je l'ai dit.
L'historique de M. Hohl est à peu près juste, sauf qu'il oublie au passage une motion de mon voisin M. Bertinat de l'UDC, qui avait effectivement appris à l'époque qu'il y avait une servitude de passage. Alors que signifie cette servitude de passage ? Il faut que la population le sache, que tous les députés ici le sachent. Cela signifie que cette parcelle est la seule parcelle entre le Vengeron et le Reposoir qui est accessible au public. Eh oui: accessible au public; n'importe qui peut demander de pouvoir passer sur cette parcelle sans y être entravé. Alors évidemment qu'une mission diplomatique qui viendrait s'installer ici... Cela a vite posé de petits problèmes.
M. Hohl vient nous dire que le problème n'est pas là, qu'il réside dans la taille de la maison. Mais c'est complètement faux ! C'est effectivement la servitude de passage qui est le problème numéro 1 pour que l'Etat puisse vendre cette parcelle. Cependant, le Conseil d'Etat continue à être aveugle, puisque son représentant à la commission des finances, le représentant du DCTI, nous a dit que non seulement la plage est accessible au public, mais également l'entier de la parcelle, et que, malgré tout cela, le Conseil d'Etat s'évertuait à vendre - je dis bien «vendre» - cette parcelle sans modifier quoi que ce soit dans la loi, puisqu'il faudrait modifier la loi afin de pouvoir rendre cette parcelle inaccessible au public. Voilà les raisons qui font que, aujourd'hui, cette maison n'a pas pu être vendue par le Conseil d'Etat.
Concernant la taille de la maison, laissez-nous un peu sourire, Monsieur Hohl, s'il vous plaît ! En effet, la personne qui va acheter une propriété de cette dimension au bord du lac, quelle que soit la taille de la maison, n'en a pas grand-chose à faire, vu l'argent qu'elle doit avoir à disposition, en tout cas en réserve, pour agrandir ou reconstruire. Que cette maison soit inscrite ou pas à l'inventaire, classée ou pas, cette personne aura les moyens. Sur 12 000 m2, vous n'allez pas me dire qu'il n'y a pas la place d'en construire encore même quelques-unes !
Il y a différents exemples au bord du lac, sur les rives du lac, qui devraient normalement être dans leur entièreté accessibles au public, toujours d'après la loi; mais cela ne se fait pas, puisque les barrières vont bien au-delà, parfois, du rivage - carrément en partie dans l'eau - pour empêcher les personnes de passer d'une parcelle à l'autre, surtout venant des parcelles publiques, évidemment.
Donc comme je le disais, l'historique qu'a fait M. Hohl est en grande partie juste, effectivement. (Exclamations.) En 2007, il y a pratiquement trois ans jour pour jour, le Grand Conseil a voté à sa très grande majorité la vente de cette parcelle. Seul le groupe socialiste, effectivement, s'était opposé à l'époque. Ensuite, il y a eu la motion - une année plus tard, je crois - du groupe UDC, qui était soutenue par l'UDC et le parti socialiste. Puis nous avons décidé de déposer ce projet de loi, il y a pratiquement une année maintenant, de façon à montrer que le parti socialiste, avant tout, avant tout et comme sur toutes les ventes, sur toutes les aliénations, s'oppose par principe. Du moment que l'on n'a pas affaire à un petit bout de puzzle, le parti socialiste pense que l'Etat ne doit pas se défaire du territoire, de ses propriétés. Il doit les garder, rester maître du sol, de façon à pouvoir contrôler le développement au niveau des bâtiments et de l'aménagement à Genève.
Concernant la grandeur de la plage, je m'inscris en faux. Ce n'est pas 65 mètres de plage, comme M. Hohl veut le laisser croire, que l'on pourrait développer à cet endroit; c'est bien plus. C'est ce qu'il y a aujourd'hui mais, actuellement, c'est le strict minimum qui a été réalisé. Il y aurait de quoi faire à cet endroit, et ce n'est pas 65 mètres. Je rappelle qu'il y a 12 000 m2 en tout - je dis bien 12 000 m2. J'ai entendu dire par certains membres de la majorité, de l'Entente, que c'était un «jardin pour nains». Moi, des jardins pour nains comme cela, je m'en satisferais largement. Ce n'est pas 150 à 200 personnes que l'on pourrait mettre sur cette plage. Allez voir du côté du Reposoir ! La plage n'est pas beaucoup plus grande, et vous dites qu'il peut y avoir jusqu'à 2000 personnes. Donc entre 2000 et 150 à 200 personnes, je pense qu'il y a une différence qui n'est pas tout à fait juste dans vos calculs.
Quant à l'accessibilité au lac, sur la rive droite en tout cas... Sur la rive gauche, c'est vrai que nous avons voté pour la plage dite «Cramer» du côté des Eaux-Vives, mais sur la rive droite, il n'y a pratiquement rien.
Pour terminer, je vous rappellerai tout de même que vous militez à fond pour une grande traversée du lac. Or où aboutirait cette grande traversée du lac sur la rive droite ? Elle partirait du Vengeron, donc sur la seule plage qui existe hormis le Reposoir. Par conséquent, il faut absolument trouver un moyen d'échange à ce niveau. Pour cela, la parcelle de Rive-Belle est inespérée pour la population genevoise.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole est à M. Stauffer.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de troisième minorité. Merci, Monsieur le président. Je suis le rapporteur de la troisième minorité, vous auriez pu passer la parole à M. Bertinat...
Le président. Vous étiez inscrit avant ! A tout seigneur, tout honneur, Monsieur le rapporteur ! (Brouhaha.)
M. Eric Stauffer. Très bien. Evidemment, nous allons soutenir ce projet de loi, parce que nous estimons important pour les Genevois qu'il puisse y avoir des endroits, des endroits d'exception, qui soient accessibles. Je vais vous lire les premiers paragraphes de mon rapport de minorité à la page 18 pour bien illustrer mes propos. (Commentaires. Le président agite la cloche.) «Mesdames et Messieurs les députés, un cadre idyllique, lieu de détente incroyable, contacts poussés avec la nature, arbres centenaires, vue directe sur le Petit-Lac et le massif du Mont-Blanc, une magnifique maison du début du XIXe siècle, avec une magnifique plage aux eaux turquoises et tempérées, sur le ponton mon fils prend ses premiers cours de planche à voile. Voilà où j'ai passé ce dimanche après-midi en famille, goûtant un pique-nique et barbotant dans les eaux du lac.
Non, Mesdames et Messieurs les députés, il ne s'agit pas d'un milliardaire qui aurait une maison de maître au bord du lac de Genève, mais d'un simple citoyen qui pourrait profiter de la plage publique sur le domaine de Rive-Belle !»
Voilà ce que le MCG veut pour les citoyens genevois. C'est vrai que cette propriété est une propriété d'exception. Et finalement, laisser la jouissance au peuple genevois ne paraît absolument pas utopique, sauf bien sûr, vous l'aurez compris, pour quelques partis largement sponsorisés par les milieux immobiliers, les milieux affairistes. Evidemment, cela se voit bien. Voyez, d'un côté de cette table, on a des partis plus populaires, et de l'autre côté, finalement, on a le représentant de l'Entente dans sa grande splendeur pour faire de la spéculation immobilière et de juteuses affaires. (Brouhaha.)
Alors le rapporteur... (Brouhaha.) ...de majorité vient nous dire: «Mesdames et Messieurs, la dette coûte 800 000 F par jour.» Oui, mais pas la dette de cette villa, la dette totale du canton, à cause notamment, par exemple, des casseroles de la BCGe... (Commentaires. Exclamations.) Rappelez-moi qui dirigeait la BCGe à l'époque. Evidemment, c'étaient bien vos partis qui étaient au conseil d'administration, et voilà, la boucle est bouclée.
Non, Mesdames et Messieurs, quand on a un objet aussi magnifique que celui-là, on laisse les citoyens en profiter. Cela s'appelle un juste retour des choses. Vous le verrez, Mesdames et Messieurs, dans quelques semaines, quand peut-être d'une manière beaucoup plus pernicieuse le gouvernement - à majorité de droite, faut-il le rappeler ? - viendra expliquer à la population genevoise que, ma foi, les deux milliards de la BCGe, nous allons les oublier, que nous allons tourner la page et passer cela par le compte des pertes et profits, et que la BCGe n'aura plus qu'à rembourser les frais de fonctionnement: 320 millions. Cela s'appelle encore une fois la tonte organisée des citoyens genevois.
Par qui tout cela est-il prôné ? Eh bien toujours par les mêmes partis affairistes, ceux qui ont envoyé leurs sbires contracter des centaines de millions de crédits, ceux qui venaient donner des leçons au bon peuple genevois sur la façon dont il fallait vivre, et ceux qui viennent aujourd'hui vous donner la leçon en disant: «Il faut la vendre au plus offrant.» Comme par hasard, ce sera évidemment un intermédiaire du parti de l'Entente, un promoteur immobilier du parti de l'Entente. Et finalement, on ne change pas une équipe qui gagne.
Eh bien j'espère, Mesdames et Messieurs, que les Verts, qui vont faire la balance dans ce vote, vont prendre conscience des propos qui viennent d'être tenus. Si l'on additionne les Verts, l'UDC, les socialistes et le MCG, ce domaine restera la propriété du peuple et ce dernier pourra en profiter comme je viens de vous le décrire dans la lecture de ces premiers paragraphes. En conclusion, je vous demande, Mesdames et Messieurs, de soutenir le présent projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Ce qu'il y a de bien avec vous, c'est que vous vous plaignez quand je vous coupe la parole et quand je vous la donne ! C'est tout de même un peu paradoxal. (Applaudissements.) La parole est à M. Bertinat.
M. Eric Bertinat (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Le rapporteur de la majorité dit vrai. Quand l'Etat a essayé de vendre cette propriété, il l'a fait par l'intermédiaire de régies pour un prix de 31 millions, et il espérait la vendre au gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire. Seul problème - et c'est là que je ne suis plus d'accord avec le rapporteur de la majorité - il y a une servitude de passage. L'affaire, une fois démontrée, nous a conduits tout simplement à ne plus pouvoir vendre cette propriété. Il y a une servitude de passage ! La preuve que nous avons raison est que la Confédération elle-même a refusé la validité de la vente, s'appuyant entre autres sur l'argument que l'on ne pouvait pas autoriser un Etat étranger à acquérir cette propriété pour des questions de sécurité. Il est bien évident que l'on ne peut pas le laisser acquérir cela, parce que, sur cette parcelle, avec une servitude de passage, il est absolument impossible d'assurer la sécurité de ce lieu.
Donc l'UDC avait proposé une motion en disant: «Mais puisque l'on ne peut pas la vendre, profitons-en. Offrons à la population genevoise une nouvelle plage.» M. Charbonnier a expliqué la nécessité d'avoir une plage supplémentaire, puisque d'autres plages risquent de disparaître. Le lieu est vraiment adéquat pour offrir aux Genevois cette possibilité de passer de bons moments de détente. Il est bien évident que, avec cette possibilité, il serait nécessaire d'améliorer les conditions; l'aménagement même de la rive serait nécessaire. Il n'en demeure pas moins que la vente, telle qu'on nous l'a proposée, est impossible, impossible de par la loi.
Alors M. Mark Muller nous a expliqué que, finalement, c'était bien possible, parce qu'il a convenu que la restriction existait, mais qu'elle n'a jamais été ni appliquée, ni respectée. Je me demande vraiment si c'est un argument pour passer par-dessus la loi ! Il y a une dernière anecdote concernant la nouvelle vente. En effet, si l'Algérie n'a évidemment pas pu acquérir ce bien, il semblerait qu'il y ait un autre acquéreur, mystérieux; on ne sait pas qui c'est ni le prix de vente. Et l'on nous demande aujourd'hui, tout simplement, de liquider en quelque sorte un bien de l'Etat.
Donc l'UDC n'est pas du tout favorable à cette idée. L'UDC a soutenu le projet de loi déposé par les socialistes et vous invite aujourd'hui à faire vraiment un cadeau à la population - comme vous avez su le faire pour la fameuse plage Cramer - en lui offrant cette plage pour le bien, réellement, de notre république. Je vous en remercie par avance.
M. Jacques Jeannerat (R). Mais qu'est-ce que j'entends ? Vouloir faire de cette maison un «pendant de Genève-Plage»; endroit «idyllique». (Commentaires.) Mais laissez-moi rire ! (Brouhaha.) Moi j'y suis allé. L'endroit est extrêmement bruyant. (Remarque.) On est à quelque 20 mètres de l'échangeur du Vengeron... (Remarque. Brouhaha.) Est-ce que vous pouvez faire taire le député Stauffer, Monsieur le président ? Il m'empêche de parler. L'endroit est bruyant; on est à peine à 20 mètres de l'échangeur du Vengeron. On est loin de la ville; c'est une catastrophe; il n'y a pas de parking. (Brouhaha.) Même le rapporteur de majorité a dû se parquer sur la bande cyclable ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) La maison est en piteux état; c'est à peine s'il y a de l'eau courante. Quant au droit de passage, je m'excuse, Monsieur Bertinat, mais il y a des dizaines de maisons qui ont des droits de passage à Genève.
Non, l'Etat doit se débarrasser rapidement de cette maison... pardon: de cette baraque, qui est un véritable gouffre à fric. Au fond, les auteurs de ce projet de loi sont juste des capricieux en mal de propriétés. Il faut vendre cette maison rapidement.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, de temps en temps, dans la vie de chef de groupe, il faut savoir faire appel à sa vie intérieure. Il y a de grands moments de solitude, comme cela, où vous vous retrouvez face à un parlement et où l'on vous dit: «Allez, tu donnes la position des Verts.» Alors je vais être très clair: les Verts ce soir seront en vrac ! C'est le grand plaisir d'un parti qui adore le débat démocratique, qui adore que chacun puisse continuer à avoir sa liberté, penser tel qu'il le veut et comme il le sent. C'est ce que nous vivons ce soir. Vous aurez donc un parti en ordre dispersé.
Je souhaite bien du plaisir à tous les rapporteurs pour essayer de convaincre le groupe dans un sens ou dans un autre ! (Rires.) Le résultat du vote est alors tout ce qu'il y a de plus improbable chez nous. Sachez que, de temps en temps, dans notre parti, le côté libertaire historique des Verts resurgit, comme une épidémie et comme des petits boutons sur la figure. Voilà, c'est notre cas ce soir. Nous acceptons que, parfois, nous ne sommes pas d'accord. Nous en avons débattu et nous vous le disons simplement: les Verts ce soir sont en vrac et continueront à l'être. Je vous souhaite bien du plaisir pour ce débat !
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député, d'appliquer le principe de la biodiversité à votre groupe ! La parole est à Mme von Arx-Vernon.
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, c'est le troisième ou quatrième tome de la fameuse série «Le syndrome des bijoux de la couronne». Alors vous voyez, c'est la terreur absolue; il faut absolument tout garder et tout préserver. Mais en fait, les rapporteurs de minorité ont, pour nous les démocrates-chrétiens, des caprices de riches privilégiés, parce que cela n'a aucun sens de garder cet objet... au demeurant charmant, Monsieur Jeannerat. L'objet est charmant, pas du tout décrépi, mais enfin quand même vétuste - et charmant...
Une voix. Vétuste quand même ?
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon. Vétuste mais confidentiel. Et s'il fallait faire un lieu ouvert à la population... Mais effectivement, vous voyez la population comme une population de nains de jardin. Ce n'est pas du tout respectueux du peuple de penser que, parce que certains ont pu se promener ou pourront se promener avec leurs enfants, eh bien 200 000, 400 000 Genevois pourront y aller, plus nos voisins, bien évidemment ! Arrêtons de plaisanter.
Par contre, la vente dans des conditions avantageuses pour l'Etat permettra de contribuer aux investissements. On en a besoin, de ces investissements, qui vont être bien plus importants pour l'intérêt général de Genève qu'une adorable miniplage pour quelques privilégiés. Et puis, le parti démocrate-chrétien est aussi très intéressé à contribuer au remboursement de la dette, qui nous coûte, je vous le rappelle, 800 000 F par jour. Alors vos caprices de stars et de riches privilégiés... Nous ne pouvons pas vous suivre. Soyons réalistes ! Nous sommes pragmatiques, soucieux des deniers publics, et nous refuserons ce projet de loi.
Mme Christina Meissner (UDC). En réalité, tout réside dans le fait qu'il y a une loi générale sur la protection des rives du lac, qui exige non seulement que la plage soit accessible au public, mais également que l'entier de la parcelle le soit. Dans ces conditions, il est juste illusoire de vouloir trouver un acheteur, parce qu'aucun acheteur ne souhaiterait que sa parcelle ou sa plage soit publique. Ou alors il faut changer la loi sur les rives du lac.
On discute ce soir, en l'occurrence, d'une occasion magnifique à saisir; cette parcelle est inespérée. Elle arrive au bon moment, au moment où la plage publique de Robert Cramer - ou, comme vous le dites, la plage publique des Eaux-Vives - a un peu de plomb dans l'aile. Il faut dire que, à ce niveau, il y a une initiative intitulée «Sauvons nos parcs au bord du lac !» qui risque de retarder pendant des années cette plage que nous avons votée. Et là, on n'a pas hésité à claquer 50 millions pour faire cette plage publique.
Ici, le terrain existe; nous l'avons déjà à disposition. Pourquoi ne pas offrir cet accès public que l'on réclame à grands cris depuis longtemps pour les Genevois qui sont hélas interdits de plage publique sur la plupart des rives du lac ? Alors rendons-la accessible.
Je dois dire que l'on nous a bassinés ce soir avec des déclassements de terrains qu'il fallait quand même toujours faire bien que l'on ait déjà déclassé des terrains et que l'on n'y ait encore pas réalisé quoi que ce soit. Alors faisons de même avec Rive-Belle. On n'a pas encore la plage Cramer; on l'a déjà votée, mais elle n'est pas encore construite. Anticipons et prenons les devants en votant pour cette autre plage publique, qui, en l'occurrence, est là !
Enfin, je vous rappelle juste une chose. En ce qui concerne la plage - pas la maison, mais la plage - pour avoir accès à ce qui est naturel, à ce qui fait que l'on a envie d'être au lac, il n'y a pas besoin d'aménagement. Les poissons sont là, les canards sont aussi à proximité, voire même les libellules... (Commentaires.) ...qui font tellement plaisir à d'autres... (Commentaires.) Et les grenouilles ? Je n'en suis pas tout à fait sûre, mais je pense que oui. Alors allons-y, votons oui !
Le président. Merci, Madame la députée. Le Bureau clôt la liste. Mmes et MM. Schneider Hausser, Cuendet, Bolay, Charbonnier, Hohl, Bertinat, Stauffer et Emery-Torracinta sont inscrits. La parole est à Mme Schneider Hausser.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, je suis désolée de contredire M. Jeannerat: cet endroit se situe - allez, si on est très lent - à dix minutes à vélo de Genève, du centre-ville. (Brouhaha.) Quand on y arrive... Oui, il y a une route ! Du côté lac, si l'on entre dans la propriété, ce sont 12 000 m2 de terrain. Ce n'est toutefois pas seulement du terrain. C'est un patrimoine au niveau des arbres. C'est un lieu magnifique pour ceux qui aiment un peu le vert. Je ne parle pas des maisons qui s'y trouvent et qui auraient besoin, c'est vrai, d'une petite rénovation.
Il y a aussi toute une histoire qui est rattachée à cette maison. Cette maison est un legs, à un moment donné, d'une grande famille genevoise, sauf erreur les Pictet. Et je crois que c'était tout de même dans l'intention de la donner à la république, d'en faire profiter les gens de ce canton et de pouvoir garder un accès au lac.
On l'a déjà dit, sur la rive droite, on a bien le Vengeron. Mais allez-y ! Allez-y les soirées et le week-end. C'est un endroit surpeuplé, bondé; on n'arrive plus à trouver de place. De plus, il est vrai que cet endroit, avec les projets qui ont été votés ici, plébiscités ici par la droite, va certainement disparaître. Que ce soit pour un pont, une bretelle d'autoroute ou un parking - je ne sais pas - il sera certainement voué à la voiture. Alors que vont faire les gens, sur la rive droite ? Il n'y a plus d'accès au lac, à part des accès piscine ou les Bains des Pâquis.
Mais ce qui est le plus important dans cette affaire, c'est qu'il y a des besoins. Je ne parle pas seulement des pique-niqueurs. Je parle des écoles, des crèches, des ludothèques, de toutes les maisons de quartier qui peinent à trouver des lieux pour des journées au vert, des centres aérés voire des camps. On pourrait même imaginer une maison de l'intégration, qui permettrait des manifestations sympathiques. C'est vrai que, avec la proportion de personnes originaires de divers pays du monde, on pourrait imaginer donner une place à ce type d'événements dans ces lieux. (Brouhaha.) Sans frais excessifs, Mesdames et Messieurs ! Je répète: sans frais excessifs. Ces lieux pourraient être aménagés pour des entités publiques.
Mesdames et Messieurs les députés, la vente d'un tel objet est un luxe, ce n'est pas un revenu pour l'Etat, surtout pour les habitants du canton. C'est pourquoi nous vous demandons d'accepter ce projet de loi qui combat sa vente.
M. Edouard Cuendet (L). J'ai de nouveau été rassuré par M. Charbonnier, qui cette fois a dit clairement que son parti s'opposait pour des raisons dogmatiques à la vente des biens de l'Etat. A la dernière séance, on nous a fait croire un instant dans un rapport que le parti socialiste était prêt à aliéner un bien de l'Etat. Maintenant, on est revenu aux choses réelles, et cela me rassure. Donc merci, Monsieur Charbonnier.
Deuxième chose, le rapporteur de troisième minorité, lui, est entré dans sa paranoïa habituelle contre les milieux immobiliers. (Brouhaha.) C'est anecdotique, je ne m'y attaquerai pas.
Ensuite, ce qui m'a davantage surpris, c'est l'UDC. On a vu l'UDC plus soucieuse de la bonne gestion des deniers publics. Dans les débats récents, on a vu que l'Association Pic-Vert avait pris le dessus en matière d'aménagement dans ce parti. C'est encore prouvé sur ce dossier... (Remarque.) ...puisque l'on reçoit comme député des e-mails directement... (Remarque.) ...d'un membre du parlement et secrétaire général de l'association. Donc c'est la preuve de nouveau que Pic-Vert a pris le pouvoir dans ce parti en matière d'aménagement. Et c'est montré ici. Je me réjouis... (Commentaires.) Je me réjouis de voir le parti UDC voter les crédits d'investissement et de fonctionnement pour la maison de l'intégration que Mme Schneider Hausser appelle de ses voeux. Je pense que le MCG se joindra aussi à cet investissement de dizaines de millions pour la Genève multiculturelle qui leur tient tellement à coeur. (Brouhaha.)
Cela étant dit, on a montré dans les débats que le problème majeur d'accessibilité et d'aménagement de ce site était bien réel. La plage n'est pas adaptée pour une plage publique; les accès sont même dangereux. (Commentaires.) Il faut renoncer à ce projet. La plage... (Commentaires. Brouhaha.) Monsieur le président, est-ce que vous pouvez mettre un peu d'ordre ? (Le président agite la cloche.) Merci. La plage des Eaux-Vives contribuera à répondre de manière beaucoup plus efficace aux besoins lacustres légitimes de la population genevoise. Ce n'est pas pour rien, d'ailleurs, que notre parlement a voté à l'unanimité ce projet, qui est ainsi soutenu par tout le monde.
Il est important de souligner un autre point ici: maintenir l'actuelle Genève-Plage en l'état, qui répond aussi à un besoin légitime de la population genevoise, et ne pas faire sur ce site un projet mégalomane, comme on en a vu un récemment.
On constate donc que Rive-Belle ne remplit pas un besoin prépondérant de l'Etat, ne remplit pas un besoin prépondérant de la population. C'est un gouffre à millions en matière d'entretien. Des investissements énormes devront être consentis pour la mettre en usage. C'est pour cela que je vous invite à refuser ce projet de loi, de sorte que la vente de ce bien se fasse dans les plus brefs délais. (Commentaires. Applaudissements.)
Mme Loly Bolay (S). J'aimerais tout d'abord, si vous le permettez, revenir sur les paroles de M. Jeanneret...
Une voix. Jeannerat !
Mme Loly Bolay. Veuillez m'excuser: M. Jeannerat. Je confonds toujours avec votre collègue. (Brouhaha.) Vous avez dit que cette propriété est petite et qu'elle n'a même pas de lumière. Une crouille propriété, quoi ! C'est une crouille, pour vous. C'est intéressant, parce que, dans le rapport de votre collègue du même parti, il est dit à la page 3: «Cette propriété semble être idéale pour des bureaux, une ambassade...» Une crouille pour une ambassade ? Je vous le demande ! (Rires. Applaudissements. Commentaires.) Vous avez déjà été bien meilleurs dans d'autres débats. Je termine la lecture: «...voire pour un usage privé...» Il ne faut quand même pas se payer la tête des gens.
Alors je vais vous dire une chose, Mesdames et Messieurs les députés. J'habite la rive droite, or la rive droite, depuis des années, vous l'avez totalement oubliée. Je fréquente le Reposoir. Je vais constamment, en juillet et en août, me baigner au Reposoir. (Commentaires. Exclamations.) Et je vais vous dire: le Reposoir est plein... (Remarque.) Oui, vous pouvez venir, pas de problème ! (Commentaires. Exclamations.) On l'a dit tout à l'heure, le Vengeron, quand il y aura la traversée du lac, ne sera plus là. Donc, sur la rive droite, il n'y a absolument pas d'endroit pour aller se baigner, mis à part les Pâquis, mais ils sont bondés. Donc vous avez totalement oublié la rive droite.
En revanche, Monsieur le président, on n'oublie jamais la rive droite pour tout y mettre, c'est-à-dire la zone industrielle et tout ce que vous voulez. Cela, vous le mettez sur la rive droite. Cela ne vous gêne pas que, sur la rive droite, on construise à outrance. Et dans ma commune, au Grand-Saconnex, dieu sait si on a construit ! On vient de faire un sacré quartier où 3000 personnes habitent. Là, cela ne vous gêne pas. Mais pour donner à la rive droite le minimum d'infrastructures, cela, vous n'en voulez pas ! Je vais même vous dire mieux. A côté du Reposoir... (Brouhaha.) ...il y a une grande propriété. Elle est immense. Eh bien, qu'a-t-on fait ? Pour que ce monsieur, qui doit avoir énormément d'argent, puisse entrer dans sa propriété, on a pris sur le domaine public trois à quatre places de parc.
Je vais maintenant vous rappeler quelque chose. Il y a cette loi qui donne accès à la rive du lac; loi cantonale, loi fédérale. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, est-ce que l'un d'entre vous ici peut me dire s'il a pu faire le tour du lac à Genève ? Eh bien, vous ne le pouvez pas ! Pourquoi ? Les Genevois sont interdits parce que l'on a vendu tout ce que l'on avait de mieux sur la rive du lac et que nous, nous ne pouvons pas nous promener sur la rive du lac. Alors arrêtez de nous raconter des... sornettes, pour ne pas dire autre chose. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi, il faut l'accepter. En effet, c'est un bien qui doit revenir aux Genevois. Les Genevois n'ont plus rien à Genève. (Protestations.) Eh bien donnons-leur au moins cela, cette crouille propriété selon M. Jeannerat, puisque c'est une crouille... (Commentaires.) Nous, nous voulons cette crouille pour les Genevois. Merci de l'accepter !
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Il n'est pas facile d'intervenir après Loly Bolay, parce qu'elle a vraiment touché la corde sensible et l'émotion de chacune et de chacun d'entre vous. Je vais donc revenir à quelque chose d'un peu plus rationnel. Je trouve que, aujourd'hui, on doit faire très attention quand on brade le patrimoine de l'Etat. Vous avez beaucoup parlé de plage, vous avez parlé de l'usage que l'on pourrait faire de cette maison. Mais je crois que personne n'a soulevé une chose importante, qui est de dire que, au fond, lorsqu'on a des terrains, un patrimoine, il faut les garder. Parce que, qui sait, dans cinquante ans, dans un siècle, on sera peut-être très content d'avoir gardé certains endroits. Si aujourd'hui nous avons des parcs publics à Genève, c'est parce que, un jour, des familles ont légué leur terrain, leur patrimoine, mais ont demandé que ces terrains restent en partie arborisés et pour le plaisir des habitants de ce canton. Donc j'insiste, Mesdames et Messieurs les députés: nous devons garder cette magnifique parcelle.
Et puis j'entends certains qui nous parlent de rembourser la dette du canton. Mais où va-t-on ?! On a une dette qui est de l'ordre de 10 milliards, voire 11 milliards. Et vous nous dites: «On va sauver les finances du canton avec Rive-Belle, avec une "croûte" de surcroît !» J'aimerais vous croire, Mesdames et Messieurs les députés, mais alors on pourrait aussi sauver les finances du canton en évitant les baisses d'impôts. C'est en tout cas ce que vous diront les socialistes.
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, pourquoi je vous invite à soutenir le projet de loi socialiste. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est aux rapporteurs, à commencer par celui de troisième minorité, M. Stauffer.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de troisième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je vais avoir dans quelques jours 46 ans. (Exclamations. Applaudissements.) Dans quelques jours, j'ai dit ! (Commentaires. Brouhaha.)
Une voix. Tu nous paies un verre ! (Des députés entonnent «Joyeux anniversaire». Applaudissements.)
M. Eric Stauffer. Merci, mais je n'ai pas dit «aujourd'hui», j'ai dit «dans quelques jours» ! (Commentaires.) Je voulais dire que je me souviens que, lorsque j'avais 9 ou 10 ans... (Exclamations.) ...à l'époque...
Le président. Si vous pouviez revenir au sujet, s'il vous plaît... (Rires.)
M. Eric Stauffer. Je reviens au sujet, on va peut-être y arriver... A l'époque, le jour de congé était le jeudi; et chaque jeudi, j'allais avec le centre de loisirs dans un endroit qui s'appelait Port Choiseul à Versoix. Port Choiseul était une magnifique bâtisse au bord du lac où, tous les jeudis, plein d'enfants des écoles allaient passer du temps. Il y avait une cantine à midi, ils étaient sous surveillance. C'était effectivement quelque chose que j'adorais quand j'étais petit. Et vous voyez, aujourd'hui, en parlant et en le transposant sur Rive-Belle, on pourrait faire exactement la même chose. C'est un lieu magnifique, agréable, au bord du lac, comme l'était jadis Port Choiseul. Finalement, c'est une bonne chose pour les Genevois. Alors une fois encore, pourquoi sacrifier cet objet en voulant absolument le vendre au plus offrant ?
Et puis, on remarquera, Mesdames et Messieurs les députés, que, finalement, dans l'Entente, à part la représentante du parti démocrate-chrétien, qui n'a plus de chrétien que le nom de son parti, on a encore entendu un orateur qui est directeur d'une banque privée, ou en tout cas banquier, et un autre orateur qui n'est autre que le directeur de la Chambre de commerce et immobilière de Genève... (Remarque.) Pardon: de la Chambre de commerce et d'industrie, mais enfin, ce sont les mêmes milieux de toute façon. Et c'est bien la démonstration, en fait, de ce que je vous expliquais précédemment: ici, on ne veut pas prétexter et garder cet objet pour les Genevois, pour le bien-être de la population, mais c'est juste une question de lobby et d'argent pour faire du business, pour faire des affaires.
Alors, Mesdames et Messieurs de l'Entente, puisque le bloc est cette fois vraiment clairement défini: PDC, radicaux et libéraux, qui seraient normalement le PLR, mais ils ont quelques problèmes de cousins germains et de consanguinité - enfin, ils régleront cela entre eux... C'est bien la démonstration, Mesdames et Messieurs de l'Entente, que vous devriez en fait - je conclurai par là, Monsieur le président - offrir une croisière aux Genevois, parce que cela fait des années que vous les menez en bateau. (Applaudissements.)
M. Eric Bertinat (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Je crois que pratiquement tout a été dit. En guise de conclusion, je dirai que je maintiens que ce bien, à défaut d'être invendable, est difficilement vendable. Qu'importe le débat, à savoir si cela vaut rien ou beaucoup. En l'occurrence, le dernier prix de vente connu est de 31 millions. Vous voulez vendre une propriété à ce prix en laissant la possibilité à n'importe qui de passer par cette propriété. Il y a quelque chose là qui n'est pas logique, qui explique peut-être l'identité inconnue du mystérieux acheteur que le conseiller d'Etat Mark Muller a évoqué. Reste toujours que, au lieu de se casser la tête avec quelque chose d'aussi compliqué que cela, le plus simple - et l'UDC l'a toujours demandé - est d'offrir aux Genevois une nouvelle plage, tout simplement. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de première minorité. Il y a quelque chose qui me dérange dans ce dossier, enfin, qui m'a dérangé pendant longtemps, c'est le mensonge par omission des représentants du département, du DCTI, qui ne nous a jamais dit, en 2007, que cette parcelle était dans son entièreté accessible... Car ce ne sont pas les rives qui sont accessibles, comme les autres rives de toutes les parcelles du bord du lac, c'est l'entier de cette parcelle qui est accessible au public. Et quand on me dit qu'il y a plein de maisons comme ça qui seraient accessibles au public, alors j'attends les plans des gens de l'Entente qui prétendent cela. En tout cas, sur le plan que l'on a eu de la part du département, c'est la seule. C'est la seule ! C'est l'unique parcelle de cette importance sur tout le plan que l'on a qui est accessible au public.
Ensuite, on me dit: «Ouh là là, mais c'est tout petit ! Qu'est-ce que vous allez faire là-bas ? C'est pour les nains...» Les nains se contentent d'une plage tout près, à 20 mètres, peut-être à 30 mètres, selon M. Hohl; cela dépend, parce que les grandeurs varient un peu. Mais il y a une toute petite plage qui appartient à la commune de Pregny-Chambésy, qui doit faire environ 15 mètres de long, mais qui est pleine, pleine de gens le week-end. Alors quand j'entends dire que ce n'est pas une nécessité pour la population et que cette dernière n'a pas besoin de ce genre de parcelle, c'est un mensonge, un deuxième mensonge.
Ensuite, concernant le parking, je ne préciserai pas ce que j'ai mis dans mon rapport de minorité, Monsieur le rapporteur de majorité, mais il se trouve que, à 30 mètres de cette parcelle, il y a le parking du Vengeron, de la plage du Vengeron. Donc en termes de parking, s'il y a bien une plage qui est bien pourvue de ce côté-là, c'est cette petite plage; cette propriété de Rive-Belle n'aurait aucun problème par rapport à cela.
M. Cuendet, le représentant des banquiers, nous parle, lui, d'accès dangereux. Evidemment, il y a de l'eau ! (Rires.) On peut parler de dangerosité, Monsieur Cuendet. J'imagine que vous ne savez peut-être pas trop bien nager. A l'image, d'ailleurs, de vos congénères banquiers, qui, eux, ont carrément coulé. Alors, eux, c'est vrai qu'ils ont un problème avec l'eau. Et quand vous parlez de «gouffre à millions» - de «gouffre à millions» ! - c'est un banquier qui nous le dit, on peut y aller, cela ne nous coûtera rien du tout ! (Rires.)
Donc cette plage, Mesdames et Messieurs les députés, ne nous coûte rien ! J'entends parler de dette, etc. Mais cette plage ne nous coûte rien: elle nous appartient ! Alors allez expliquer à la population que nous avons une plage et que nous allons la vendre à une personne. Parce que c'est une personne et sa famille qui vont pouvoir en profiter, alors que, aujourd'hui, on pourrait la rendre accessible à la population.
Je terminerai juste en disant que, effectivement, Monsieur Cuendet, pour les socialistes, on ne vend pas les bijoux de famille. Mais cela, en tant que banquier, vous devriez le savoir ! (Applaudissements.)
M. Frédéric Hohl (R), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, alors c'est vrai, c'est un débat plaisant. On s'amuse, c'est rigolo, c'est très détendu. Je vous rappelle que, à droite, on est en faveur des plages. J'étais d'ailleurs le rapporteur de majorité de la fameuse plage Cramer. On est pour les plages ! Alors vous avez raison, les socialistes; vous avez raison, l'UDC; vous avez absolument raison, le MCG: c'est formidable d'offrir à Genève une plage. Vous avez 100% raison. Et, à vous entendre, ce sera la plus belle plage de Genève.
Alors maintenant, Mesdames et Messieurs, je vais vous parler du flux de visiteurs. Comment allez-vous gérer, à Genève, avec presque 500 000 habitants, cette plage qui peut accueillir - j'ai marqué dans le rapport 150 à 200 personnes, allez, doublons ! - 500 personnes ? Comment allez-vous pouvoir accueillir 500 personnes ? Des milliers de personnes vont venir à votre plage, tellement elle est formidable et idyllique. Comment allez-vous pouvoir faire avec le flux de visiteurs ? (Commentaires.) Et là, Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Les socialistes, vous avez un magistrat de la Ville, Manuel Tornare, qui connaît très bien le flux de visiteurs. Je m'étonne qu'il ne vous ait pas expliqué cela. C'est juste impossible. C'est une fausse bonne idée, Mesdames et Messieurs ! (Remarque.)
Alors, Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha.) ...je m'adresse aux Verts: c'est vous qui allez faire changer le vote. Alors un petit rappel. Sur la rive gauche, Genève-Plage a une capacité de 6000 places, et la future plage Cramer de 8000 à 15 000 places. Ensuite, sur la rive droite, Mesdames et Messieurs les Verts, les Bains des Pâquis ont une capacité de 6000 places, le Reposoir de 2000 places, et leur plage de 250 places. C'est juste impossible ! (Remarque.) Non, Mesdames et Messieurs, ce sera extrêmement dangereux. Ce n'est pas accessible, c'est une fausse bonne idée. C'est idéologique. Vous voulez absolument offrir à la population une magnifique demeure. C'est une fausse bonne idée.
Mesdames et Messieurs, je vous encourage: rendez à l'Etat la possibilité de vendre cette demeure. Si on trouve quelqu'un, il faut le faire. Ce sera un bien pour la république !
Des voix. Bravo ! (Applaudissements. Huées.)
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole est à M. Muller. (Brouhaha.) S'il vous plaît: un peu de calme !
M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vous vous rappellerez certainement que nous avons déjà eu ce débat il y a assez peu de temps, lorsque vous avez voté la loi qui permet aujourd'hui au Conseil d'Etat de vendre cette demeure. A l'époque, c'était lors de la précédente législature, le Conseil d'Etat avait fait un constat. Depuis l'acquisition de cette parcelle à l'époque de M. Grobet, nous n'avions pas pu réaliser les projets intéressants que M. Grobet avait alors de créer une plage ouverte au public, de créer un petit club d'aviron à cet endroit. Pour toutes sortes de raisons, ce projet n'avait pas pu voir le jour. (Brouhaha.) Ensuite, on s'est dit: «On va quand même faire quelque chose de cette maison.» Et nous avons loué cette maison pendant plus de dix ans à la Confédération pour le secrétariat d'un organisme parfaitement respectable de la Confédération, qui s'y réunissait environ quatre à cinq semaines par année.
Lorsque nous avons pris connaissance de cette situation, nous avons examiné ce que nous pourrions faire de cette parcelle. Est-ce que, par hasard, nous pourrions l'affecter à ce pour quoi elle avait été acquise, à ce que mentionne la loi sur la protection des rives du lac, c'est-à-dire un espace ouvert au public ? Où personne ne va jamais ! Je ne sais pas si quelqu'un parmi vous, outre les membres de la commission des finances, est déjà allé sur place. La plage dont on parle fait peut-être six mètres de large - six mètres de large ! - il n'y a pas de plage. C'est un mur qui bloque la parcelle par rapport au lac. Donc il est strictement impossible d'affecter cette parcelle à une plage.
Au vu de ces circonstances, nous avons considéré qu'il s'agissait là d'une demeure dont l'Etat n'avait pas besoin. Et lorsque quelqu'un fait un tel constat, il en tire les conséquences et prend la décision d'aliéner la parcelle, ce que nous avons fait pour cette parcelle. Nous le faisons régulièrement pour d'autres parcelles dans le canton dont nous n'avons pas besoin, ce qui d'ailleurs génère des recettes qui nous permettent d'acquérir des terrains dont nous avons besoin pour des équipements publics ou du logement.
Donc voilà le raisonnement que nous avions fait à l'époque et qui avait recueilli une majorité dans ce Grand Conseil. C'est un raisonnement qui demeure valable. Le fait que la parcelle soit accessible au public ne nous interdit pas de vendre ladite parcelle ! Alors cela rend peut-être l'objet peu attractif sur le marché, mais il n'empêche que des acquéreurs sont intéressés. Donc voilà quelle est la situation.
Des voix. Des noms !
M. Mark Muller. Vous pouvez aujourd'hui prendre une décision différente, décider de garder cette demeure. Le risque qui est pris est que, effectivement, nous ne la vendions pas à un particulier, mais que nous soyons amenés à la louer à une société, à une ambassade, pour des bureaux, probablement. Et je ne suis pas certain que ceux qui, aujourd'hui, soutiendraient ce projet de loi dans le but louable de permettre l'accessibilité au public de cette parcelle s'en trouvent gagnants.
Voilà les raisons pour lesquelles, Mesdames et Messieurs, je vous invite à refuser ce projet de loi et à permettre au Conseil d'Etat d'aller de l'avant dans la recherche d'un acquéreur.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, nous allons nous prononcer sur l'entrée en matière du projet de loi 10548.
Mis aux voix, le projet de loi 10548 est adopté en premier débat par 54 oui contre 40 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. Nous passons au point 29 de notre ordre du jour... (Remarque.) Oui, pardon ! Veuillez m'excuser: nous sommes en deuxième débat.
La loi 10548 est adoptée article par article en deuxième débat.
Le président. Le troisième débat est-il demandé ? Non, voilà ! (Commentaires.)
Une voix. Si, il l'est.
Le président. Il est demandé. Dans ce cas, je vous soumets ce projet de loi en troisième débat.
La loi 10548 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10548 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 51 oui contre 41 non et 1 abstention. (Exclamations et applaudissements à l'annonce du résultat.)