Séance du
jeudi 23 septembre 2010 à
17h
57e
législature -
1re
année -
11e
session -
56e
séance
PL 10523-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Nous sommes aux points 26 et 47 de notre ordre du jour, et je passe la parole à M. Amsler, rapporteur de majorité.
M. David Amsler (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. J'aimerais commencer mon intervention en posant sept questions. Je souhaiterais tout d'abord demander qui veut résoudre la crise du logement à Genève. Je voudrais également demander qui veut accueillir de nouvelles entreprises et créer des emplois. Je souhaiterais savoir qui a envie de créer des zones de détente, des zones de sport. Qui a envie de finir la renaturation de l'Aire ? Qui a envie de respecter le plan directeur cantonal, qui a été accepté par tous ? Qui a envie de suivre la position des deux communes, qui ont accepté le projet ? Et qui, finalement, a envie de réaliser une nouvelle école de culture générale de plus de 1000 élèves, demandée depuis fort longtemps par le département de l'instruction publique ?
Mesdames et Messieurs les députés, en répondant à ces questions, on prend forcément position sur ce projet de loi 10523 pour le déclassement de la zone des Cherpines et des Charrotons. Mais de quoi est-il question exactement ? C'est un déclassement important, puisqu'il s'agit de déclasser 58 hectares, soit 580 000 m2, dans la plaine de l'Aire, et de déclasser cette surface en quatre zones différentes. Il y aura une zone de développement 3 d'utilité publique de 24 000 m2, une zone de développement 3 destinée à du logement de 417 000 m2 - soit 72% du périmètre - une zone de développement industriel et artisanal d'un peu plus de 132 000 m2, et finalement une zone de bois et forêts de 4400 m2.
La commission d'aménagement du canton s'est réunie à douze reprises, du 14 octobre 2009 au 24 mars 2010, avec au passage un changement de législature. Lors de ces douze séances de la commission d'aménagement, les commissaires ont auditionné, dans l'ordre, le DCTI, les associations de propriétaires, les exploitants et propriétaires, les deux communes, AgriGenève, la Fondation pour les zones agricoles spéciales, les représentants du DCTI pour le PACA Saint-Julien - plaine de l'Aire. La commission a également procédé à une visite des lieux et a finalement auditionné la coopérative du Jardin des Charrotons, qui nous offre peut-être ce panier ce soir. (L'orateur désigne le panier de légumes posé sur la table des rapporteurs.) On en saura davantage tout à l'heure, ou peut-être pas...
Le travail a été fait de manière excessivement sérieuse, et je voulais remercier les présidents qui ont mené ces débats. Je souhaiterais également remercier les commissaires qui ont participé à ces douze séances. J'aimerais aussi souligner le fait que l'unanimité des commissaires, avec une abstention UDC, a accepté l'entrée en matière de ce projet de loi 10523.
J'en viens maintenant brièvement au développement du projet qui suivra le déclassement, puisque les communes et surtout le DCTI ont procédé à un mandat d'études parallèles qui a donné lieu à un projet lauréat présenté lors de la séance publique du 17 septembre dernier. Ce projet - on y reviendra peut-être tout à l'heure - est exemplaire sous tous ses aspects, et les lauréats ont été applaudis par les membres présents lors de cette assemblée publique du 17 septembre.
J'aimerais encore revenir rapidement sur l'accord des propriétaires et la proposition qui a été faite au Jardin des Charrotons pour le déplacement des activités. On y reviendra peut-être aussi tout à l'heure, mais les propriétaires ont accepté formellement la délocalisation sur une zone prévue à cet effet située juste de l'autre côté de l'autoroute. (Remarque.) Donc MM. Charles et Boehm ont accepté un protocole d'accord. De plus, je voulais aussi faire état d'un accord signé de M. Daniel Charles - que je remettrai volontiers aux rapporteurs de minorité - qui confirme par écrit la proposition du relogement du Jardin des Charrotons sur une parcelle qui se trouve sur la commune de Perly et qui permettra de recréer l'exploitation actuelle du Jardin des Charrotons. Je remets volontiers ce courrier à M. Deneys et à Mme Mahrer.
Pour terminer cette première intervention, voici quelle est la position des groupes. Les libéraux, les radicaux, le PDC et le MCG ont voté ce projet de loi. L'UDC a soulevé deux griefs. Il s'agit d'une part d'un grief sur l'emploi. Mais je crois que l'on ne peut ici que les rassurer: le projet générera plus d'emplois qu'il n'y en a aujourd'hui et les emplois actuels seront délocalisés. D'autre part, il y a eu des discussions sur ces zones agricoles spéciales, mais l'exploitation qui sera transférée dans ces zones spéciales sera en tout point conforme à la réglementation de ces zones.
Quant aux Verts, pour en dire juste deux mots - Madame Mahrer, vous donnerez votre position tout à l'heure - ce projet de déclassement a été initié par le précédent conseiller d'Etat Cramer, Vert ! Le résultat de l'étude montre un écoquartier exemplaire sous tous ses aspects; les exploitants sont relocalisés, et ce projet permet d'achever la renaturation de l'Aire qui, je crois, était un sujet qui vous était précieux et que vous désirez pouvoir terminer dans les meilleurs délais.
Je finirai avec la position des socialistes qui, par deux fois, au Bureau directeur... (Remarque.) ...ont accepté ce projet de loi, pour soutenir le logement, je crois que nous en sommes tous conscients. Je voulais dévoiler peut-être un petit scoop au parti socialiste en disant que, probablement, nous accepterons... (Remarque.) ...les principaux termes de la proposition de résolution 611, qui est liée au traitement de ce projet de loi. Alors je crois, Monsieur Deneys, que vous vous retrouvez finalement un peu seul dans votre parti, mais je pense que vous aurez l'occasion de défendre votre position tout à l'heure.
Voilà, Mesdames et Messieurs, pour cette première intervention. La majorité de la commission d'aménagement vous recommande de soutenir massivement ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Pour que ce soit clair, je rappelle que nous avons lié ce débat avec le point 47, soit la proposition de résolution 611: «Plaine de l'Aire: priorité aux logements !» Elle est donc également traitée maintenant. Je vais demander à M. l'huissier de bien vouloir mettre la corbeille de fruits dans la salle des Pas-Perdus, de manière que celles et ceux qui veulent en profiter puissent le faire. Merci. (Brouhaha.) Ce n'est pas le lieu ici de venir avec des corbeilles, fussent-elles les mieux garnies du monde. La parole est à M. Deneys.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, aux sept questions initiales de M. Amsler, on pourrait en ajouter au moins deux autres. La huitième est: «Qui veut sauver la zone agricole genevoise ?» Et la neuvième: «Qui veut garantir la production de biens agricoles sur le territoire du canton de Genève pour essayer de garantir un minimum de souveraineté alimentaire ?» Je pense que ces deux questions supplémentaires sont nécessaires ici dans ce débat, parce qu'il n'est pas anodin de déclasser de la zone agricole, même pour un usage aussi important que le logement. Donc c'est une pesée d'intérêts à laquelle nous assistons aujourd'hui. Les socialistes, dans leur rapport que j'ai rédigé, ont essayé d'expliquer pourquoi ce choix était difficile et de montrer que la réponse dépendait aussi des garanties que nous pourrons obtenir aujourd'hui peut-être de la part du conseiller d'Etat; c'était aussi une manière de donner un message très clair concernant des dérives potentielles dans le contenu de ce déclassement.
En effet, aujourd'hui, c'est clair, ce dont la population a besoin de façon prépondérante, c'est de logements, de logements bon marché, de logements aussi sous forme de coopératives, parce que cela représente des coûts inférieurs de l'ordre de 20% en termes de loyer par rapport au marché libre. Donc, si l'on déclasse de la zone agricole, il faut offrir du logement bon marché à la population qui en a besoin.
Il ne s'agit pas de faire un gadget dans lequel nous avons une partie de logements et des activités commerciales que nous retrouvons bien trop souvent à Genève sous forme de stades, de centres commerciaux, d'event centers, etc. Alors si déclasser de la zone agricole, c'est réaliser ce type de projets, les socialistes s'y opposeront jusqu'au bout par la suite, même s'ils donnent leur accord aujourd'hui au principe du déclassement. Donc c'est un message très clair. Il faut savoir que nous gagnons peut-être quelques mois en votant le déclassement aujourd'hui, mais que si les projets qui viennent par la suite relèvent du gaspillage du sol, nous nous y opposerons, et le temps prétendument gagné aujourd'hui sera finalement perdu pour tout le monde; nous le déplorerons, mais vous ne pourrez pas dire que vous n'étiez pas au courant.
Nous avons consacré - vous l'avez dit, Monsieur Amsler - douze séances de commission à l'étude de ce dossier, et cela semble un minimum pour un projet d'une telle importance. Il est très clair - vous l'avez aussi évoqué - qu'il y a un petit malentendu dans le déroulement de ce dossier. En effet, le Conseil d'Etat et les communes ont, dans le même temps que nous travaillions en commission, donné des mandats d'études parallèles dont les résultats ont été rendus publics en même temps que les décisions prises au sein de la commission d'aménagement et sans que cette dernière soit en réalité saisie de ces projets. C'est même assez paradoxal, parce que vous faites référence à la séance de la semaine passée, du 17 septembre, à laquelle tous les députés étaient invités, mais qui ne représente en aucun cas un acte constitutif du travail du parlementaire genevois. Nous aurions d'ailleurs pu avoir une séance de présentation pas plus tard qu'hier, parce que la commission d'aménagement a été supprimée par manque d'objets. Eh bien non, on ne vient pas nous présenter ce projet; ce n'est donc pas quelque chose qui existe au niveau de ce Grand Conseil aujourd'hui. C'est d'ailleurs bien l'un des problèmes du fond de ce dossier.
Pour le reste, les socialistes sont à priori favorables à ce déclassement. Ils l'ont dit et répété. Il est cohérent de vouloir développer la ville dans sa continuité par rapport à ce qui existe aujourd'hui. Il est logique de vouloir faire une zone industrielle à proximité de la ZIPLO, d'autant plus que la commune de Confignon en a besoin, même si peut-être ses recettes fiscales seront moindres qu'espéré. De plus, on peut bien entendu estimer que, justement quand il s'agit de zone agricole, le prix du terrain étant faible, on peut y réaliser du logement bon marché. Et puis il y a bien sûr le projet d'agglomération; la construction de la région avec nos amis de France voisine passe aussi par le changement de paradigme qui veut que, aujourd'hui, nous avons des emplois à Genève et des logements en France voisine. Donc Genève doit faire un effort, c'est certain, et c'est pour cette raison que les socialistes, dans leur grande majorité, soutiennent le principe de ce déclassement.
Maintenant, de nouveau, cela ne doit pas être fait à la légère. Le déclassement ne doit pas conduire à la réalisation d'un nombre de logements trop limité. Or la commune concernée par des projets un peu particuliers, en l'occurrence la commune de Plan-les-Ouates, a évoqué des chiffres de l'ordre de 1000 à 1500 logements. Alors je vous laisse imaginer ce qu'il faudra faire à Genève pour résoudre la crise du logement s'il est nécessaire de déclasser 58 hectares pour réaliser 1000 à 1500 logements. C'est tout simplement surréaliste ! Si nous partons sur des bases pareilles, nous n'arriverons à rien. Un tel déclassement n'est donc pas opportun quand des chiffres pareils sont évoqués. Aujourd'hui, les chiffres tournent plutôt autour des 2500 logements. C'est certainement un minimum. Et il est assurément utile que M. le conseiller d'Etat puisse nous indiquer ce qu'il souhaite réaliser dans ce périmètre avec les services de l'Etat, avec la force du Conseil d'Etat, pour obtenir un chiffre un peu plus décent compte tenu des besoins actuels. Cela va aussi servir d'indicateur pour la décision finale des socialistes.
Pour le reste, je pense que la question de la souveraineté alimentaire, qui a été amenée très justement par le Jardin des Charrotons, et notamment la question de la qualité de la terre agricole, ne peut pas être balayée d'un revers de la main en disant: «Il y a dix ans, on avait décidé dans le plan directeur cantonal de déclasser cette zone.» Ce n'est pas suffisant de dire que c'est parce que cela a été décidé il y a dix ans qu'on doit le faire aujourd'hui. Se pose la question des terres agricoles. Ce n'est pas parce que les principaux exploitants sont relogés que le problème est réglé. Ici, on va quand même au final avoir 58 hectares - un peu moins, on va dire 50 hectares - de terres agricoles en moins. Ce n'est donc pas anodin.
Se pose ici de nouveau la question de la région...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le rapporteur.
M. Roger Deneys. Je vais conclure ! Nous pourrions imaginer - et à ce sujet aussi il faudrait avoir des réponses - que des zones agricoles soient constituées et protégées en zone voisine française pour avoir des garanties dans une logique d'agglomération. Et peut-être ce déclassement intervient-il trop tôt aussi pour cette raison.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Le Bureau décide de clore la liste. Sont inscrits: M. Leyvraz, Mme Gauthier, M. Golay, Mme Mahrer en tant que rapporteure, M. Conne, M. Dal Busco, M. Aumeunier, M. Norer, M. Lefort, M. Saudan, M. Girardet, M. Dandrès, Mme Meissner, M. Losio, M. Gillet, Mme Schneider Hausser et M. Barrillier, soit à peu près la moitié du parlement ! A cette cadence, on finira demain vers minuit. La parole est à Mme Mahrer, rapporteure de deuxième minorité.
Mme Anne Mahrer (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Je n'avais pas imaginé qu'un panier de légumes puplingeois puisse à ce point dérouter ce parlement ! (Remarque.) Mais enfin, il faut peu, finalement...
Mesdames et Messieurs les députés, je crois que les Verts l'ont prouvé, et je vais le répéter, les Verts ont assumé leurs responsabilités en acceptant des déclassements importants comme Les Vergers, la Chapelle-Les Sciers, en zone agricole, les Communaux d'Ambilly, situés en zone villas, sur la base de plans directeurs de quartier. Il s'agit de déclassements qui représentent au total près de 4000 logements, dont on attend toujours la pose de la première pierre. Construire des logements à Genève est une nécessité absolue pour l'agglomération franco-valdo-genevoise. Pérenniser une agriculture de proximité telle que l'exige notre loi genevoise sur la promotion de l'agriculture, votée à l'unanimité de ce Grand Conseil en 2008, l'est également. Donc il ne s'agit pas d'opposer logement et agriculture. C'est tout à fait absurde.
Ce que les Verts souhaitent, c'est que l'on ait un projet lorsqu'on nous propose un déclassement d'une telle ampleur. Donc nous disons: «Pas de déclassement sans projet.» C'est la raison pour laquelle, en commission, les Verts ont demandé de surseoir à ce déclassement pour que les choses soient plus claires et pour que nous puissions enfin avoir un plan directeur de quartier. Nous ne signerons donc pas un chèque en blanc sur des terres qui sont les plus fertiles du canton, des terres sur lesquelles nous allons visiblement avoir un centre sportif tout à fait important, 12 000 m2, et 2000 parkings - du reste je vous demande pourquoi, puisque le tram est censé arriver jusque-là.
Donc je crois, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il faut être cohérents avec ce que nous votons et avec notre initiative cantonale, que nous avions aussi votée, concernant les fruits et légumes venant du sud de l'Europe et cultivés dans des conditions totalement inacceptables. Nous avons des exigences à l'égard de nos agriculteurs et de nos maraîchers dans ce canton et dans ce pays, et nous avons bien raison d'en avoir. Il ne s'agit pas pour autant de leur enlever leur outil de travail.
Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, quand on parle d'un accord signé, d'un accord «bétonné», je dirai, entre les personnes concernées par ce déclassement, il n'en est rien. Ce sont des discussions qui ont eu lieu. Vous pensez bien que ces personnes qui vont déménager souhaitent reconstruire en zone agricole spéciale leur maison, leur logement, leur hangar. Imaginez le précédent de taille si l'on autorise ce genre de constructions. Je pense donc que, avant de déclarer que tout est sous toit et que tout est signé, il faut prendre en compte ce qui l'est réellement. Et j'aimerais bien savoir si la Fondation pour les zones agricoles spéciales a été contactée et si elle a eu son mot à dire. Visiblement pas. Donc rien n'est moins sûr et tout est très flou.
Quant au parti libéral, qui souhaite déclasser, nous nous réjouissons, parce que j'espère qu'il ne manquera pas l'occasion ce soir d'être cohérent à l'égard de ses électeurs, qu'il ne prendra pas le risque, à quelques mois des élections municipales, de les décevoir et qu'il ne votera pas ce projet de déclassement. J'ai relu récemment un tout-ménage du parti radical... (Remarque.) ...libéral - pardon - de sa campagne de l'automne 2009. Or, dans ce tout-ménage qui concerne la région dont nous parlons ce soir, ils disent tout le mal d'abord qu'ils pensent des PACA, du PACA de la région en particulier, et qu'il ne s'agit en tout cas pas, évidemment, d'urbaniser. Ils font des tas de promesses aux gens de la région et j'espère qu'ils ne vont pas oublier ces promesses ce soir. Ce serait évidemment tout à fait mauvais pour leurs prochaines élections dans les Conseils municipaux concernés.
Ensuite, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai entendu hier soir M. Muller dire que les maraîchers, les vrais maraîchers - je pense que les coopératives concernées apprécieront - ont trouvé des solutions. Donc, non, il n'y a pas de solution définitive. Il parlait encore de zone non bâtie, de zone sans obstacles; il se trouve que, dans cette zone, il y a des maraîchers, il y a des habitants. Donc ce n'est pas un grand vide en attente d'être rempli. Ce n'est décidément pas une manière de travailler pour aborder un projet de déclassement.
Les Verts ont des propositions, en tenant compte de la zone agricole. Les Verts ont des propositions, absolument, pour un quartier qui pourrait être réalisé, d'abord avec du logement, et beaucoup de logements, tout en tenant compte de la zone et évidemment en favorisant l'agriculture contractuelle de proximité. Des solutions existent. Pour l'instant, nous n'en avons pas vu l'ombre. Je reprendrai la parole plus tard, je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Eric Leyvraz (UDC). Ce projet de loi demande le déclassement de l'un des meilleurs périmètres agricoles du canton en zone de construction. Cela représente une très grande surface pour nous: 0,2% du canton. Il pose indéniablement une série de questions qui vont bien plus loin que l'objet même.
Rappelons un peu dans quel contexte général nous naviguons. En Suisse, en douze ans, le territoire construit a grignoté 264 km2, surtout sur les zones agricoles, soit presque la surface du canton. L'Office fédéral de l'agriculture est préoccupé par la situation et déclare que l'urbanisation intensive a entraîné une nette régression des meilleures terres agricoles et que la situation des surfaces cultivées devient critique. Chaque heure, la population du monde gagne 8000 habitants, qui auront besoin de 2000 hectares pour se nourrir. D'ailleurs, plusieurs pays ont compris que cette situation est intenable et louent ou achètent surtout en Afrique des surfaces colossales. Actuellement, cela représente 45 millions d'hectares, soit 11 fois la surface de la Suisse. J'appelle cela du néo-colonialisme alimentaire, car on chasse les petits paysans, et les régions concernées seront les facteurs de troubles et de révoltes de demain.
Et nous, que faisons-nous ? Eh bien, au rythme où nous allons, dans quatre générations - c'est-à-dire cent ans, cela va vite - nous aurons tout bétonné. On fera peut-être de l'agriculture sur les toits ! Est-ce cela que vous voulez léguer à nos enfants, à nos descendants ? Où sera-t-elle, la qualité de vie dont nous avons hérité ? Quand comprendrons-nous que la terre chez nous est un bien non renouvelable, aussi rapidement épuisable que le pétrole ? Trouvez-vous la situation brillante, ou bien croyez-vous que les légumes poussent dans votre Coop de quartier et que les berlingots de lait sortent des robinets de la Migros de Balexert ?
Nous nous félicitons de notre projet de société à 2000 watts dans la Genève, ville du développement durable. Nous nous gargarisons de notre lutte contre le changement climatique. Et dans une attitude totalement contradictoire, nous allons à la solution de facilité. Nous voulons déclasser nos meilleures terres, alors que nous couvrons avec notre production à peine 15% de ce que nous consommons. Donc faites ce que je dis, mais pas ce que je fais ! Que l'on amène notre nourriture d'autres lieux, et peu importe si l'on participe à un nouveau pillage de l'Afrique et si, par notre inconséquence, nous avons une part de responsabilité pour le milliard d'affamés de la planète !
Le développement durable passe aussi par une certaine volonté d'indépendance alimentaire, une attitude responsable face au transport des biens lourds, et du bon sens dans ses achats. Avons-nous besoin des haricots d'Afrique et des pommes de Nouvelle-Zélande ? Gardons nos moyens de production; nous allons en avoir besoin bien plus rapidement que nous le pensons.
Cette destruction des terres fertiles est bien à l'image de notre société: l'avantage immédiat au détriment du proche futur; après moi, le déluge ! Je vous rappelle que, pour former un bon sol à partir de la roche mère, il faut dix mille ans. On ne peut plus continuer à sacrifier le sol sans tenir compte de sa qualité.
Alors l'UDC et les paysans sont-ils contre le développement du canton, contre les constructions de logements qui font cruellement défaut ? Mais non ! Ce que nous voulons, c'est d'abord que l'on utilise les importants secteurs déclassés, parfois depuis des années, et qui ne portent encore pas l'ombre d'un bâtiment. Ensuite, que l'on adopte une politique d'aménagement respectueuse des terres non renouvelables. On voit des immeubles neufs qui n'ont que cinq ou six étages; mais c'est ridicule et inconséquent, c'est du gaspillage de surface ! L'exposition des Bastions que vous avez peut-être vue a clairement démontré que la densification dans le périmètre bâti actuel pourrait absorber 50 000 personnes en préservant une bonne qualité de vie.
On a des exemples sous les yeux ! Rappelons que Singapour, avec 710 km2 - c'est deux fois la surface de Genève - compte 6,5 millions d'habitants et ne manque pas de surfaces vertes. Et Hong Kong, avec quatre fois la surface de Genève, a pour objectif d'offrir à ses 7,5 millions d'habitants 40% de sa surface en forêts. Alors que l'on arrête de nous bassiner avec les problèmes de logements ! En fait, ce qui empêche la construction, ce n'est pas le manque de place, mais les obstacles administratifs innombrables et uniques en Suisse, qui découragent les plus hardis.
Les partisans de ce projet de loi cherchent à nous amadouer en promettant de respecter l'environnement avec la construction d'un écoquartier. Mais c'est du blabla publicitaire ! L'écoquartier n'a rien à voir avec l'agriculture. L'écoquartier est à l'agriculture ce qu'un parcours de golf est à la nature: c'est un trompe-l'oeil. (Rires. Remarque. Applaudissements.)
Nous, l'UDC, disons donc clairement non à ce projet de loi, déjà parce qu'il n'offre pas de solution de rechange à tous les exploitants agricoles du lieu, contrairement à ce que dit le DCTI, ensuite parce que nous exigeons une réflexion profonde sur le type de société que nous voulons. Mais comme il est difficile de canaliser des appétits insatiables, revenons à la sagesse de nos pères qui, voyant l'indispensable forêt disparaître à grande vitesse, l'ont définitivement protégée au XIXe siècle pour le bien-être et la sécurité de la population. Et personne ne s'en plaint aujourd'hui, tout au contraire. Alors faisons de même pour nos terres agricoles.
Pour toutes ces bonnes raisons, Mesdames et Messieurs, l'UDC n'entrera pas en matière sur ce projet de loi, refusera la proposition de résolution 611 et vous encourage à faire de même.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Morgane Gauthier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce sera la première intervention d'une longue série des membres de notre groupe, et j'aimerais relever deux paradoxes.
Le premier paradoxe est celui des libéraux qui, à la séance du 2 septembre dernier rattachée à la session de juillet, disaient qu'il ne faut pas donner un blanc-seing ni voter des enveloppes, qu'il faut absolument vérifier étape par étape et avoir des projets concrets dès le moment où l'on vote quelque chose. On voit ici le premier paradoxe: pour ce projet, tout cela tombe. L'argumentaire développé par M. Slatkine dans son rapport sur les trams était exactement celui-là. Donc un peu de cohérence, Mesdames et Messieurs, refusez une coquille dans laquelle on ne sait pas ce qui se trouvera. Voilà le premier élément.
Le deuxième paradoxe est celui de l'Etat, qui vient de publier un rapport concernant le métabolisme agricole de l'agglomération franco-valdo-genevoise. Dans ce rapport qui vient de sortir - édité en septembre 2010 - il est dit que l'agriculture de proximité fait partie de l'habitat de demain. On se demande bien où trouver de l'agriculture dans ces zones qui seront bétonnées ! Cette brochure explique en outre clairement que Genève a un taux d'autosuffisance alimentaire de même pas 20% et qu'il faudrait 2000 m2 par personne pour couvrir les besoins d'une année, alors qu'il n'y a que 600 m2 actuellement. La deuxième raison est que les surfaces agricoles ont régressé de 8% en quarante ans alors que la population a largement augmenté.
Il nous semble incohérent aujourd'hui de déclasser les meilleures terres alluviales du canton de Genève. Comme l'a rappelé M. Leyvraz, les terres que nous connaissons à Genève mettent entre dix mille et vingt mille ans pour se former. C'est pour tous ces paradoxes inexpliqués et pour toutes ces raisons que les Verts refuseront ce projet de loi et les autres textes qui l'accompagnent. (Applaudissements.)
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, d'emblée, je tiens à saluer l'excellent rapport de notre collègue M. Amsler et la qualité de la présentation du dossier qui nous a été fourni par le Conseil d'Etat, notamment M. Muller.
Alors vous l'avez dit, Monsieur Deneys, il n'est pas anodin de déclasser une zone agricole telle que celle que nous connaissons et dont nous discutons ce soir. Il est évident qu'il s'agit peut-être de l'une des meilleures zones agricoles pour toutes les raisons qui ont été expliquées par ma collègue Verte. Nous aussi partageons les soucis des agriculteurs, des exploitants de diverses petites entreprises et des quelques habitants qui sont logés sur ces terres. Bien entendu, nous avons également dû, à un moment donné, décider ce que nous voulions.
Nous avons tranché simplement par rapport à la pesée d'intérêts pour redynamiser une zone qui en a aussi besoin, une zone surtout qui est enclavée. Malheureusement, c'est le cas; c'est une zone agricole entourée déjà pour une bonne partie de bâtiments, comme, du côté de Plan-les-Ouates, tous ces bâtiments high-tech et ces entreprises de renommée genevoise.
De plus, le MCG tient bien sûr à respecter ses engagements auprès de la population, c'est-à-dire d'offrir des logements à ses citoyens. Or là, nous avons une possibilité de 3000 logements et d'y loger environ 5000 personnes, voire davantage.
D'autre part, il y a aussi les équipements publics, la partie sportive. Je pense que, aujourd'hui, contester le déclassement d'une zone agricole pour avoir des installations sportives ne tient pas vraiment la route. En effet, actuellement, si l'on veut développer des zones sportives, où peut-on le faire si ce n'est sur des zones agricoles ? On ne peut pas construire des zones sportives en zone villas, etc. Cela mettrait beaucoup trop de temps, vous le savez très bien. C'est donc la raison pour laquelle le MCG souhaite aussi le développement d'une zone sportive à cet endroit.
Tout ce complexe va également amener des milliers d'emplois, avec des bâtiments high-tech du côté de Confignon et trois ou quatre entreprises, ce qui va aussi permettre des retombées économiques à la commune de Confignon, qui en a besoin. Cela représente ainsi des milliers de postes de travail créés pour beaucoup - nous l'espérons, au MCG - non pas de frontaliers, mais en tout cas de résidents genevois qui sont à la recherche d'un emploi.
En outre, il y a naturellement tout le côté équipement public, cela a été souligné par le rapporteur de majorité, c'est-à-dire une urgence: l'école de culture générale. Aujourd'hui, les jeunes de la région - Onex, Lancy - doivent se déplacer jusqu'à Chêne-Bougeries pour aller dans ce type d'école. Aujourd'hui, on va voter une école qui sera vraiment à proximité de la région, qui va faire gagner une heure de temps de déplacement à tous ces jeunes du Grand-Lancy, de Perly, etc. Donc cela a aussi son importance. C'est un besoin vraiment nécessaire de construire également une école.
De plus, dans les équipements publics, tout sera prévu, puisque cette zone de 58 hectares, 120 parcelles, permettra de structurer parfaitement une région: l'habitat, les entreprises, les équipements publics. Pour nous, c'est vraiment un projet fantastique, puisque nous aurons tout sur place; les centres commerciaux représentent moins de déplacements - je dis cela pour les Verts - etc. Donc là-dessus, je pense que nous pouvons saluer la qualité de ce projet.
Bien entendu, nous sommes aussi - on l'a dit - soucieux par rapport aux gens qui résident, qui exploitent ces terres. A ce sujet, nous faisons confiance au Conseil d'Etat et aux autorités communales afin de pouvoir reloger ces gens au mieux; nous le souhaitons vraiment. C'est un souci qui, pour nous, est permanent. Je pense que des négociations ont déjà été ouvertes avec les autorités communales et cantonales pour satisfaire les gens qui se trouvent là-bas. D'ailleurs, je vous rappelle que les 50 propriétaires regroupés à l'ARPACC n'étaient pas franchement opposés - bien au contraire ! - par rapport à cette zone de développement. Donc là-dessus, je pense que l'on peut aussi saluer en tout cas le dialogue qui s'est tenu pendant toutes ces auditions que nous avons eues à la commission d'aménagement vis-à-vis de ces craintes, des soucis de tous ces gens qui sont au plus près concernés par ce projet.
Par ailleurs, je rappelle aux Verts que, là, nous allons offrir, en termes de standards énergétiques, le top au niveau de l'urbanisation. Nous allons pouvoir vraiment développer selon le label Minergie. Ce sont 3000 logements avec des standards réellement au plus haut, donc c'est intéressant aussi de ce point de vue.
Pour ce qui concerne la zone d'activité industrielle, il faut également reconnaître qu'elle se trouve en bordure d'une autoroute. Il est question d'implanter trois ou quatre entreprises et, connaissant les demandes en matière de multinationales ou autres entreprises genevoises ou suisses, il est important, à mon avis et de l'avis du groupe MCG, de pouvoir offrir encore quelques terres à ces entreprises pour stimuler et redynamiser, comme je l'ai dit en tout premier, cette région par l'emploi.
Nous reprendrons certainement la parole en cours de débat. Pour l'instant, nous vous invitons à soutenir ce projet de loi qui est très bien ficelé et, encore une fois, nous en remercions les auteurs.
M. Pierre Conne (R). Mesdames et Messieurs les députés, pourquoi construire sur les lieux-dits «Les Cherpines» et «Les Charrotons» ? Avant tout, ce développement urbain est une partie de la réponse à la nécessité vitale pour l'agglomération genevoise de produire de nouveaux logements. Mais il s'agit aussi de profiter d'une localisation exemplaire. Le secteur des Cherpines-Charrotons se situe sur l'axe de développement naturel du territoire de l'agglomération, le long du faisceau Genève - Saint-Julien, à l'intersection d'une autoroute de contournement et d'une radiale de transports en commun, ce qui du point de vue des mobilités est parfaitement dans les objectifs d'un développement durable pour un nouveau quartier de logements.
Il s'agit également de travailler l'articulation entre les différents secteurs en limite du site et de créer du lien. En effet, le secteur des Cherpines-Charrotons se trouve au carrefour de différentes entités urbaines et naturelles qui entretiennent peu de relations entre elles. La constitution du nouveau quartier est l'occasion de redéfinir une centralité urbaine regroupant en priorité des logements, mais aussi des commerces et des espaces verts au profit des nouveaux habitants comme des personnes et des entreprises déjà présentes sur le site. Genève s'est développé en assumant à la fois son histoire agricole et son devenir urbain, et doit continuer à procéder ainsi. Nous avons l'opportunité de créer un paysage urbain accessible apportant aux futurs logements une véritable valeur d'usage avec une réelle interaction.
Pour ces raisons, les radicaux soutiennent le développement de logements sur le site des Cherpines-Charrotons, afin d'y installer un morceau de ville attractif du point de vue du cadre de vie qui pourra être exemplaire en termes de développement durable et en matière d'accessibilité et de rayonnement. Le groupe radical votera le PL 10523 et la M 1884, et soutiendra la R 611 des socialistes, en vous invitant à faire de même. (Applaudissements.)
M. Serge Dal Busco (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, chers collègues, assurément, c'est un objet dont la portée va au-delà de l'ampleur pourtant très grande du périmètre à déclasser. C'est vraiment un cas emblématique. En effet, le rapporteur de majorité a commencé son intervention en posant un certain nombre de questions - c'est ce que j'avais l'intention de faire - et, dans le fond, ce sont vraiment des questions fondamentales auxquelles nous devons apporter une réponse aujourd'hui au travers de ce débat.
Ces questions fondamentales sont les suivantes. Faut-il oui ou non sortir du schéma habituel ? Ce schéma, qui imprègne malheureusement depuis trop longtemps notre chère république, consiste à dire: «Du logement, oui; mais pas ici, pas comme cela, pas là.» Poser cette question - on a eu l'occasion de le faire à plusieurs reprises au cours des dernières sessions - c'est évidemment y répondre. Faut-il améliorer concrètement - je dis bien «concrètement» - la situation du logement à Genève ? Et répondre à cette question, c'est vraiment prendre la mesure, pas seulement dans les paroles, pas seulement dans les blablas que l'on peut tenir ici ou là, de la crise sans précédent que nous vivons, d'une crise dont une large partie de la population souffre, en particulier les jeunes et les familles.
Voici une autre question fondamentale: voulons-nous garder l'attractivité de notre canton, de notre région ? C'est une attractivité que l'on nous envie loin à la ronde, une attractivité sur le plan de la qualité de vie, de l'environnement, de la qualité de l'emploi, bref, de tout ce qui fait ce que nous aimons dans ce canton et qui commence sérieusement à pâtir de ce manque de logements sur notre territoire cantonal.
Alors peut-on laisser faire ? On peut continuer à laisser faire - c'est ce qui se passe, d'ailleurs - et des sacrifices de zones agricoles sont effectués tous les jours, Mesdames et Messieurs, pas très loin; en dehors de nos frontières, certes, sur le territoire français et sur celui du canton voisin et ami, mais ils ont lieu. Alors si l'on fait des grandes considérations sur la sécurité alimentaire, évidemment, il faut prendre un spectre un peu plus large en tout cas en matière de territoire, parce que si on laisse aller la situation, les sacrifices ont lieu, et des sacrifices beaucoup plus grands que ceux que nous serons appelés à faire sur notre territoire cantonal.
Voulons-nous - enfin, dirai-je ! - un quartier novateur ? Tout le monde parle de ces questions d'écoquartier. Il n'y a pas de normes pour définir un écoquartier. Tout le monde appelle cela de ses voeux. Je crois que l'on a une unanimité sur cette question. Pour cela, il faut pouvoir le mettre en oeuvre sur un périmètre d'une certaine ampleur. C'est le cas: 58 hectares représentent une surface considérable, mais c'est aussi une chance de pouvoir mettre en oeuvre dans un périmètre comme celui-là un urbanisme novateur et de qualité, quelque chose qui arrive à faire la synthèse des questions environnementales et sociales. Il faut inventer une nouvelle manière de vivre sur ces lieux et réellement se donner les moyens d'y parvenir. Pour cela, il faut un projet, un territoire à urbaniser, à construire, à construire pour la société.
Faut-il compléter des offres en infrastructures ? Je ne vais pas m'attarder là-dessus. Pour nous, le groupe démocrate-chrétien, l'essentiel doit être mis sur les logements. A ce titre, je vous informe que nous allons nous aussi soutenir la proposition de résolution socialiste 611, qui précise le contenu de ces terrains qui seront déclassés, et nous y adhérons.
Je relève encore - mais je ne m'attarderai pas sur ce sujet - le fait que dans d'autres secteurs, par exemple le secteur économique, il y a aujourd'hui une offre déficiente en matière de terrains mis à disposition, en particulier pour des entreprises émergeant dans des domaines très prometteurs et très pourvoyeurs d'emplois, notamment les cleantechs.
Enfin - et c'est le magistrat communal en d'autres moments qui vous parle - il s'agit de se demander si l'on veut, pour une fois, saluer et concrétiser une entente, une collaboration constructive entre des communes et entre l'Etat. C'est suffisamment rare; j'entends souvent mes oreilles qui bourdonnent en raison de propos reprochant aux communes une certaine attitude négative - c'est un euphémisme. Or là, on a une situation - peut-être ne s'est-elle même jamais présentée auparavant, en tout cas dans un passé récent - où deux communes sont absolument partisanes de ce projet et le soutiennent vraiment de manière déterminée.
Se prononcer sur ces questions, c'est évidemment répondre par l'affirmative. On n'a pas d'autres choix. C'est juste une question de cohérence, notamment par rapport à tout ce que nous devons faire en matière de logements, de mise à disposition de terrains à construire. Il n'y a pas si longtemps, lors de la dernière séance, on a largement débattu d'un déclassement d'une surface située en zone urbaine occupée par une zone villas. Les mêmes qui, ce soir, nous ont expliqué qu'il fallait construire dans des zones plus urbaines se sont largement opposés à ce projet, démontrant par là une incohérence et une inconsistance totale dans ces prises de position.
Donc nous, le groupe démocrate-chrétien, sommes conscients des efforts et des sacrifices qui sont demandés, en particulier à l'agriculture. Et je souhaite vraiment rendre hommage à la qualité des produits que notre agriculture cantonale est capable de fournir. Mais là, il faut vraiment prendre nos responsabilités. Nous renvoyons dos à dos les opposants de tous bords. Nous prônons une symétrie des efforts, Mesdames et Messieurs: il y a d'une part la nécessité de déclasser des terrains parfaitement aptes à recevoir une nouvelle urbanisation, comme ce secteur des Cherpines-Charrotons, et d'autre part nous soutiendrons également toute demande qui vise à déclasser des terrains situés en zone urbaine et occupés par un habitat dispersé aujourd'hui, précisément pour augmenter la densité dans les zones urbaines. Donc c'est une question de cohérence. Il faut absolument poursuivre dans cette voie.
Nous, les commissaires démocrates-chrétiens, avons démontré en commission quel était notre souhait, justement, de cohérence et notre désir de trouver une solution qui permette de faire la synthèse de tout cela, puisque nous avons proposé une motion, qui fait partie de ce point de l'ordre du jour...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Serge Dal Busco. Je conclus là-dessus en me réservant le droit de revenir dans quelques instants pour poursuivre dans cet intéressant débat. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je rappelle qu'il n'est pas possible de reprendre la parole, puisque la liste est close. La parole est à M. Aumeunier.
M. Christophe Aumeunier (L). Mesdames et Messieurs les députés, la zone dont nous parlons a été identifiée par le plan directeur 2001. Voilà dix ans que nous nous sommes mis d'accord pour indiquer que c'était une zone à déclasser, de par sa localisation et parce qu'elle est exceptionnelle au niveau de ses liens avec les tissus de transports urbains.
Il y a un besoin quantitatif et qualitatif en logements à Genève. Ce besoin quantitatif n'est pas couvert aujourd'hui par les perspectives du plan directeur 2001. Nous avons un monitoring - je remercie ici le département des constructions et des technologies de l'information de nous l'avoir délivré l'année dernière - qui nous démontre que l'addition des potentiels dans les plans localisés de quartier, l'addition des potentialités dans les zones déjà déclassées et même l'addition des zones dont nous parlons aujourd'hui au déclassement ne suffisent pas à produire 2500 logements par année, ce dont Genève a besoin, et ce en se fondant sur les chiffres de l'office cantonal de la statistique et sur la croissance de notre agglomération, qui est contenue et souhaitable pour maintenir une prospérité utile aux Genevois.
Alors de quoi parlons-nous aujourd'hui ? On nous parle d'un péril agricole. Mesdames et Messieurs, il faut bien savoir que, s'agissant des cas particuliers de la zone des Cherpines-Charrotons, ces cas sont réglés. Les personnes qui exploitent sur place n'exploitent que 15% du périmètre, il faut le savoir ! Donc lorsqu'on nous parle de sous-densification en logements, on peut aussi éventuellement regarder à quoi servent les terrains qui sont aujourd'hui aux Cherpines-Charrotons. Il y a beaucoup d'embouteillages, beaucoup de mises en bocal de cardons; c'est parfaitement respectable, et je suis très heureux que les producteurs de cardons aient retrouvé des terres agricoles de très bonne qualité pour perpétuer leur activité. (Remarque.) C'est le cas. Et s'agissant de la coopérative des Charrotons, des propositions lui ont été faites. Elle les a refusées; elle les refuse par idéologie dogmatique et sans voir l'intérêt général public qu'il y a à créer des logements.
S'agissant d'ouvrir le champ des possibles, un déclassement, c'est précisément cela. C'est ouvrir le champ des possibles. Et là, je ne comprends pas l'attitude des Verts, qui sont un parti gouvernemental. Effectivement, le magistrat Robert Cramer a initié les travaux relatifs à ce déclassement. Il nous avait même dit que des grues seraient dans les grands périmètres en 2007, 2008 et 2009. C'est en définitive ici se rendre compte de l'absolue nécessité de déclasser pour ne pas se retrouver dans une situation dans laquelle nous n'aurions pas de terrains pour construire. Au final, ne pas ouvrir le champ des possibles, Mesdames et Messieurs les Verts, c'est rendre impossible un écoquartier, c'est rendre impossible l'émergence de l'écoquartier qui est prévu à cet endroit. C'est rendre impossible l'expérience d'une zone industrielle dense qui, effectivement, vise également des tendances écologiques.
Dès lors, le syndrome qui vous frappe, c'est bien le syndrome de la «bonne meilleure idée», ce fameux syndrome qui paralyse Genève et qui vous plonge, Mesdames et Messieurs, en définitive, dans la décroissance. Est-ce cela que vous voulez, Mesdames et Messieurs les Verts ? Dites-le-nous, parce que, aujourd'hui, nous ne sommes pas prêts à accepter ce point de vue; nous ne sommes pas prêts à accepter la décroissance.
Nous souhaitons un quartier qualitatif, un quartier qui apporte un nombre de logements suffisant dans un écoquartier et qui bénéficie à tous les Genevois, raison pour laquelle le parti libéral genevois votera effectivement le projet de loi, la motion et la résolution, Mesdames et Messieurs les députés, et vous encourage à faire de même.
M. Olivier Norer (Ve). Mesdames et Messieurs, le groupe des Verts intervient à nouveau sur ce sujet. Effectivement, il lui tient à coeur. Plusieurs intervenants ont précisé et souligné toutes les qualités du projet en spécifiant que tout était en règle, que l'on pouvait tout accepter, puisque tout était terminé, finalisé... En fait, en l'occurrence, ce projet que l'on traite depuis près d'une année contient encore et toujours beaucoup trop de zones d'ombre. Ces zones d'ombre se situent principalement au niveau de deux aspects. Elles concernent d'une part l'agriculture, l'agriculture de proximité, et d'autre part la place du sport, du sport business dans le périmètre des Cherpines-Charrotons.
Malgré tous nos appels en commission et en dehors, au niveau des départements, pour obtenir des réponses claires et des engagements, nous n'avons toujours pas d'engagements clairs et fermes relatifs à ces deux problématiques. On nous dit: «Oui, l'agriculture de proximité, on en tient compte. Oui, on va reloger les exploitants actuels.» Mais nous n'avons rien de garanti. On nous dit: «Oui, le sport business, on en a tenu compte; on a modéré l'ampleur du sport business dans le périmètre de déclassement.» Mais nous n'avons toujours rien, rien de concret. Vendredi passé, lors de la présentation à Plan-les-Ouates des résultats des mandats d'études, il a été posé une question concernant l'event center prévu, donc la maxi-patinoire telle qu'elle était prévue en tout cas, et l'on nous a répondu: «Ecoutez, on étudie toujours, ce n'est pas complètement finalisé... Enfin c'est bon, c'est bon !» On a en même temps parlé, lors de cette présentation, d'Arena. Construirait-on une deuxième Arena à Genève ? A-t-on besoin d'une deuxième Arena ? De même, a-t-on besoin d'un deuxième stade de Genève, d'un deuxième gouffre financier, qui plomberait toutes les finances publiques pendant de nombreuses années ? Est-ce cela que l'on veut ? Non, forcément. En tout cas, les Verts, nous ne souhaitons pas ce type de mesures qui plomberaient les finances publiques.
Dans le périmètre des Cherpines-Charrotons, on a trois acteurs en présence: le logement, l'agriculture et le sport. Pour nous, si nous devons faire un choix en tant que Verts, nous choisissons éventuellement le logement et l'agriculture, et nous reléguons à un rang beaucoup plus modeste le sport, notamment en permettant le sport intercommunal et non pas un sport business. (Remarque.) A nos yeux, en l'occurrence, ce projet de loi tel qu'il est préparé actuellement et tel qu'il a été travaillé pendant une année, vu la faiblesse des garanties que l'on nous propose, nous ne pouvons pas l'accepter et donc nous le refusons.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements et exclamations depuis la tribune.)
Le président. J'informe les gens qui sont à la tribune qu'on ne manifeste pas ses émotions. La parole est à M. Lefort.
M. François Lefort (Ve). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, l'opposition des Verts à ce déclassement massif de la zone agricole est une opposition de raison. Il est mensonger de dire que les Verts bloquent le logement. Nous avons soutenu, entre autres, les projets des Communaux d'Ambilly, des Vergers de Meyrin, de la Chapelle-Les Sciers, des projets de milliers de logements, qui ont déjà cinq à sept ans.
Mais le problème est que ce sont toujours des projets en l'air. Rien n'a été construit ! Et pourtant, chaque fois que l'on parle de ces projets dans la presse, tout un chacun - moi-même, d'ailleurs - croit que l'on parle d'un nouveau projet, avec de nouveaux milliers de logements. Un exemple: aux Communaux d'Ambilly, projet 2003, il y aura 1200 logements, prévus en 2018, avec une réserve de la même taille pour 2023. Or le projet date de 2003. Cela signifie qu'il aura fallu quinze ans pour construire 1200 logements ! Si le sort des Genevois était si important, peut-être que ces projets seraient déjà terminés aux Communaux d'Ambilly, aux Vergers, à la Chapelle-Les Sciers.
Peut-être aussi qu'une autre politique d'aménagement du canton, plus courageuse, plus imaginative ces trente dernières années n'aurait pas poussé plus de 56 000 Suisses à s'établir en France, sans compter les ressortissants européens, également, et sans compter les clandestins suisses qui habitent dans leur résidence secondaire de façon permanente. Alors les Verts étaient-ils au pouvoir ces trente dernières années ? Non. Les Verts étaient-ils majoritaires au Grand Conseil ? Non ! Les Verts étaient-ils majoritaires au Conseil d'Etat ? Non plus. (Commentaires.) Et est-ce qu'on les a écoutés sur l'aménagement ? Jamais.
Des voix. Oui !
M. François Lefort. Les partisans du projet disent que déclasser un hectare à Genève, c'est déclasser trois hectares en France. Et c'est vrai. Mais c'était vrai il y a trente ans aussi. Cette question a été tranchée par les déplacements massifs de populations vers la France. Genève a exporté 15% de sa population en trente ans. Alors il est bien charitable de penser aujourd'hui à sauver la campagne française, malgré eux, du mitage. Cela n'engage à rien et c'est trop tard, de toute façon. Cette charité paresseuse est beaucoup moins contraignante que de créer les conditions d'une planification concertée avec la France voisine, qui seule permettra d'enrayer justement ce mitage des campagnes.
Là aussi, il manque un élément essentiel: le réseau régional ferroviaire, dont le CEVA est une pièce maîtresse, le CEVA dont les travaux n'ont toujours pas commencé ! Et là encore, ce ne sont pas les Verts qui se sont opposés au CEVA, vous le savez.
Enfin, il est mensonger de dire que les Verts s'opposent toujours aux déclassements des zones agricoles. (Commentaires.) Ce n'est pas vrai. Nous ne nous opposons jamais aux déclassements de zones agricoles... (Exclamations.) ...lorsque ceux-ci sont rationnels et concernent des terrains enclavés devenus impropres à l'agriculture.
Pour finir, voici quelques chiffres, pour compléter ceux qui ont été donnés par mon collègue Leyvraz, afin que vous compreniez l'enjeu de l'urbanisation des sols. Chaque année, dans le monde, ce sont 8 millions d'hectares de terres arables qui disparaissent de façon irréversible par l'urbanisation et la construction de routes. En Suisse, c'est 1 m2 par seconde, ce qui signifie 30 000 hectares par an... (Remarque.) ...30 000 hectares par an, Monsieur Aumeunier !
A Genève, qu'en est-il ? De 1980 à 2004, on a retiré 1200 hectares à l'agriculture, 10% déjà de la zone agricole déclassés pour l'urbanisation. Il reste officiellement 11 000 hectares. Mais des centaines d'hectares sont déjà déclassés sans avoir été déclassés, grâce à l'article 24 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire. Vous savez peut-être que des morceaux entiers de l'autoroute de contournement sont encore en zone agricole ! Vous le savez, non ? (Commentaires.) Non, alors on vous l'apprend. En fait, il ne reste que 10 500 hectares de surfaces agricoles, dont 600 sont encore promis au déclassement; et on va encore en reparler. Or ces terres-là sont des terres arables, des surfaces agricoles utiles.
Le déclassement que l'on nous propose est un déclassement pour un projet discutable, avec 2500 logements, un centre sportif et des activités industrielles, sur 58 hectares, avec une très faible densité de logements. Si l'on compare avec un écoquartier modèle, le fameux écoquartier Vauban de Freiburg, on a là 3000 logements et des activités artisanales, sur 38 hectares ! Surtout, ce quartier n'a jamais été bâti sur des zones agricoles. Cet exemple, enfin, vous montre que ce projet de loi 10523 est un gâchis de surfaces agricoles.
Alors l'opposition des Verts à ce projet de déclassement est juste raisonnable. C'est un message pour une autre façon d'aménager le territoire, pour une plus grande densification, cohérente avec le développement des transports publics. Pour les Verts, la priorité va à la construction de ce qui est déjà déclassé. Mesdames et Messieurs les députés, vous l'avez compris, il ne faut pas accepter ce projet de loi. Nous vous demandons de le refuser, de même que les textes afférents.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Il reste encore quelques minutes pour l'intervention de M. Saudan.
M. Patrick Saudan (R). Merci, Monsieur le président. Je serai bref, vu l'heure.
Alors oui, c'est vrai, Genève doit s'assumer. Nous devons nous assumer au plan régional, mais nous avons de la peine à le faire. Nous sommes un centre qui attire du monde et crée des emplois, mais qui, malheureusement, exporte ses logements et ses nuisances de l'autre côté de la frontière. Ainsi, cette dimension régionale extrêmement importante et fondamentale fait que ce projet de déclassement s'inscrit dans le projet d'aménagement cantonal. Alors oui, c'est vrai, c'est une pesée d'intérêts. Je suis d'accord avec vous, Monsieur Deneys; nous allons sacrifier d'excellentes terres agricoles, et ce projet doit en valoir la peine. Certaines critiques que vous avez faites sur la sous-densification du projet et éventuellement sur un complexe sportif qui vous semble hypertrophié et démesuré sont tout à fait légitimes d'intérêt. C'est pour cela que nous allons voter cette proposition de résolution 611, dont la troisième invite répond en grande partie à vos préoccupations.
Mais je crois que ne pas voter ce projet de déclassement serait donner un signal catastrophique pour la région. L'attitude des Verts me paraît un peu incompréhensible. C'est comme si l'on refusait de faire les fondations d'une maison parce que l'on n'est pas d'accord sur la couleur des volets. On fait les fondations et, ensuite, on a amplement le temps de discuter de la couleur des volets.
J'en viens aux critiques de M. Norer par rapport au sport business. J'ai lu dans le rapport de minorité de votre excellente collègue Mme Mahrer que nous avions déjà Vitam'Parc à 8 km de l'autre côté de la frontière, à Neydens. Je crois que cet argument n'est absolument pas recevable. En effet, Vitam'Parc est un centre de wellness où vous avez quatre courts de squash et de tennis, un mur de grimpe et un bassin de 25 mètres. Pensez-vous que c'est un centre sportif qui pourrait répondre aux besoins d'une population de 3000 habitants ? Non ! Nous devons déclasser, construire des logements, plus de logements que ce qui est prévu, et des installations sportives en adéquation avec la population qui sera dans ce secteur. C'est pour cela que, comme l'ont dit plusieurs préopinants, nous allons voter et le projet de loi et la proposition de résolution 611.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Suite des débats: Session 11 (septembre 2010) - Séance 57 du 23.09.2010