Séance du
jeudi 2 septembre 2010 à
17h
57e
législature -
1re
année -
10e
session -
55e
séance
PL 10527-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de majorité. Le sujet sur lequel nous allons nous pencher maintenant est extrêmement important, puisqu'il porte sur toutes les prestations sociales qui sont distribuées à Genève sous condition de ressources.
En quelques mots, je vais d'abord indiquer ce qui n'est pas contesté dans ce projet. J'aborderai ensuite les points qui ont posé problème à la commission, et je vous expliquerai comment nous avons tenté de les résoudre. Puis, je terminerai en présentant la motion 1932, qui est liée à ce projet. Si je devais ne pas avoir assez de temps, je reprendrai la parole ultérieurement sur la motion.
Alors, de quoi s'agit-il et qu'est-ce qui n'est pas contesté ? Mesdames et Messieurs les députés, il est question ici de ce qu'on appelle «le système d'information du RDU» - revenu déterminant unifié. En l'occurrence, chaque année à Genève, ce sont plus d'un milliard de francs qui sont distribués par cinq départements différents à certaines couches de la population. Et vous savez très bien, Mesdames et Messieurs les députés, que l'enjeu par rapport à cela, c'est, d'une part, la hiérarchie des prestations, c'est-à-dire l'ordre dans lequel sont distribuées les prestations sociales, et, d'autre part, la question de l'égalité de traitement. En effet, selon le revenu qui est pris en compte, selon l'ordre dans lequel on traite les prestations, avec le même revenu, une personne pourrait avoir droit à une prestation sociale et l'autre pas.
Il y a quelques années, notre parlement a donc accepté le principe d'un calcul unifié pour savoir quel était le revenu d'un ménage ou d'une personne. Une fois ce projet de loi accepté, il fallait créer le système informatique permettant de l'appliquer. Un prototype a été mis en place dès 2007, mais il posait problème car il prenait en compte ce qu'on appelle «l'année fiscale N-2», c'est-à-dire le revenu des personnes deux avant la période concernée.
Vous pouvez donc bien imaginer qu'en termes de prestations sociales cela pose des problèmes, parce que la situation personnelle d'un ménage peut fortement varier en deux ans, ce qui limitait énormément la possibilité d'appliquer le RDU. Il fallait donc développer un nouveau système informatique, et c'est de ce projet qu'il est question, c'est-à-dire d'élargir le SI RDU.
Cette extension, qui permettrait à l'ensemble des prestations sociales d'être concernées, n'est contestée par aucun parti de cet hémicycle. Donc, sur le fond, le projet est accepté par tout le monde.
Par contre, ce qui a suscité la discussion en commission des finances - vous pouvez l'imaginer - ce sont les coûts de ce projet. La question était un peu la même que précédemment: je veux parler de notre difficulté, en tant que députés de milice, à savoir si le projet présenté par le CTI était financièrement correct... Allait-on dépenser trop ? Allait-on accorder un crédit insuffisant ? Il faut bien reconnaître, Mesdames et Messieurs les députés, qu'aucun d'entre nous n'est vraiment capable de savoir si les projets que nous votons - et nous voyons régulièrement défiler des projets informatiques - sont véritablement conformes aux besoins.
La commission a également discuté de la question des mandataires externes, dont nous avons beaucoup parlé tout à l'heure, puisque l'essentiel du projet devrait aussi être mis en place par des prestataires extérieurs au département.
Ce qui a néanmoins motivé l'immense majorité de la commission - c'est-à-dire tous les partis sauf le MCG - à soutenir ce projet, outre le fond lui-même, qui est important - il est urgent que le canton de Genève se dote de cet outil - c'est qu'il nous a semblé que les coûts énoncés par le département, comparativement à ce qui se faisait, par exemple, dans le canton de Vaud, étaient raisonnables et, donc, le projet tout à fait acceptable.
Et puis, ce projet de loi comporte un article - l'article 5, sauf erreur - qui prévoit un suivi périodique effectué par la commission des finances. C'est-à-dire que chaque année le département doit expliquer à la commission des finances où il en est en termes de coûts.
Ces différents éléments ont amené la majorité de la commission à accepter le projet tel qu'il avait été présenté par le Conseil d'Etat. J'apporterai néanmoins une petite précision... Lors des débats en commission, le département a présenté un amendement d'environ 1,5 million de plus, amendement qui était lié à des questions techniques, à des normes comptables - les normes IPSAS, je vous passe les détails ! - et qui font que ce qui avait été prévu en fonctionnement devait maintenant être prévu en investissement. Mais la majorité de la commission a prudemment refusé cet amendement, estimant que le coût initial du projet devait suffire, notamment grâce au suivi périodique qui était prévu.
En conclusion, donc, la commission, à la quasi-unanimité, vous recommande d'accepter ce projet. A notre avis, le rapport de minorité n'a en l'occurrence pas une grande signification, puisqu'il s'agit d'un couper-coller du rapport de minorité du projet dont nous avons parlé tout à l'heure. Le débat n'a par conséquent pas lieu d'être refait ce soir.
En ce qui concerne la motion 1932, elle a été signée, je crois, par presque tous les membres de la commission des finances. En effet, lorsque nous avons travaillé sur ce projet, nous nous sommes rendu compte qu'il n'y avait pas, actuellement à Genève, sur le site internet de l'Etat, un outil simple et fiable qui permette à tout un chacun - aussi bien à un éventuel bénéficiaire, à un député ou à je ne sais qui, un fonctionnaire de l'Etat qui se trouverait dans un service et qui aurait besoin de renseignements - de savoir, de manière transparente, à quoi a droit telle ou telle personne en fonction de sa situation.
La commission a donc estimé qu'il fallait profiter de ce projet informatique pour réaliser un tel site, pour qu'il n'y ait qu'une adresse. Il fallait donc pouvoir rassembler au même endroit toutes les informations concernant le système des prestations sociales en vigueur à Genève et, aussi, de mettre en place une sorte de calculette qui permettrait à tout un chacun, après avoir entré quelques données, de savoir s'il a droit ou non à telle ou telle prestation en fonction de sa situation. C'est une question de transparence et d'équité.
Nous vous invitons donc, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter le projet de loi 10527 et la motion 1932.
Le président. Vous avez parlé sept minutes exactement ! Merci, Madame le rapporteur ! Je passe maintenant la parole à M. Stauffer.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président ! Mesdames et Messieurs les députés, certes nous n'allons pas recommencer le débat que nous avons déjà fait.
Je tiens néanmoins à vous fournir quelques chiffres. Il faut compter, pour ce projet de loi, 145 000 F de matériel et 6 494 000 F d'écritures de programmes informatiques, avec, cette fois, 100% de mandat externe... Je sais que cette auguste assemblée compte quelques avocats bien à la page, sachant ce qui doit être fait ou pas. Moi je pose une seule question, Mesdames et Messieurs: il s'agit d'un mandat externe de 6 494 000 F, mais où, pour ce mandat, est l'appel d'offres sur le marché public ? Pourtant, le seuil est fixé à 200 000 F ! Et je n'ai pas le souvenir, lors des travaux de la commission des finances, d'avoir vu un quelconque appel d'offres ou une mise au concours pour ce projet de loi dont le coût est exorbitant !
Evidemment, Monsieur le président, vous transmettrez à M. le conseiller d'Etat, pour qu'il nous rassure, s'il y a lieu, sur les éventuels appels d'offres qui auraient pu être effectués, avec mise au concours, pour un tel montant !
J'aimerais quand même vous rappeler les propos de la Cour des comptes par rapport aux mandats externes. Si l'on subdivise les mandats externes, on peut contourner l'obligation de procéder à un appel d'offres sur le marché public. Mais là, en l'occurrence, il s'agit d'un seul mandat externe pour un montant de près de 6,5 millions. Dans ce cas, il est obligatoire de faire un appel d'offres, sinon la loi est clairement violée, et l'Etat peut être poursuivi.
Maintenant, on aurait pu subdiviser cette somme en mandats n'excédant pas 200 000 F, pour rester sous la stricte compétence du Conseil d'Etat... Eh bien, laissez-moi juste vous citer ce que relevait la Cour des comptes dans son rapport - je vous lis deux passages très courts: «Pour l'année 2008, le CTI a comptabilisé 151 millions de francs de charges d'exploitation et 66 millions de francs d'investissement. Pour cet audit conclusif, la Cour a identifié au sein du CTI les risques importants de la gouvernance des systèmes d'information, de la gestion des ressources et des compétences, et de l'environnement de contrôle en matière d'intégrité et d'éthique.» Ce n'est pas le MCG qui le dit: c'est la Cour des comptes ! Je continue: «Constatant des lacunes en matière de planification des ressources, puisque l'équivalent d'environ 75 ETP - équivalents temps plein - ne sont pas planifiés, la Cour recommande de modifier le processus de planification.»
Tout cela pour vous dire que je ne me souviens pas, en tant que commissaire à la commission des finances, d'avoir vu un quelconque appel d'offres pour ces sommes abyssales: 151 millions de francs qui sont confiés à des tiers, à des sociétés externes ! Je demande donc si le projet de loi, qui est soumis aujourd'hui à cette assemblée, respecte bien la loi et s'il n'était pas obligatoire de lancer un appel d'offres. Parce que, finalement - et vous en conviendrez avec moi, chers collègues - les mandats externes sont toujours confiés aux mêmes sociétés, avec les mêmes employés, et c'est bien ce que la Cour des comptes avait reproché ! La loi est-elle respectée ? C'est la question que je pose au Conseil d'Etat !
Le président. La parole est à M. Losio...
Une voix. Bavarel !
Le président. Alors, à M. Bavarel !
M. Christian Bavarel (Ve). Le problème est toujours le même, mais tout à l'heure vous étiez remplacé... Néanmoins, je vous rassure, M. Losio va beaucoup mieux ! (Rires.)
Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi nous pose effectivement un problème. Je vous dirai que je suis d'accord et avec Mme Torracinta et avec M. Stauffer. La question qui se pose aujourd'hui pour nous est la suivante. D'un côté, ce projet de loi va permettre de faire une avancée sociale importante - du reste, nous avions voté, lors de la dernière législature, le RDU - car il représente la mise en place du RDU, qui doit pouvoir être déployé; d'un autre côté, la question posée par M. Stauffer est justifiée. Mais d'autres questions se posent aussi... Je suis toujours surpris lorsqu'on affirme qu'il y a bien neuf projets sur dix qui passent ! Que dirons-nous le jour où un ingénieur en génie civil viendra nous expliquer, tout fier, que neuf ponts sur dix à Genève ont tenu, qu'un seul s'est écroulé et qu'il ne faut pas râler ?! Que dirons-nous le jour où un constructeur d'immeubles prétendra qu'il fait du bon boulot, puisqu'ils ont presque tous tenu et qu'un seul immeuble s'est écroulé ?! Sur des sommes à peu près équivalentes, je pense qu'il y a un réel problème !
Monsieur Stauffer, je pense que vous avez raison, mais ce qui me rassure, c'est de savoir que la Cour des comptes suit nos travaux, qu'elle est certainement en train de nous regarder, qu'elle a une possibilité d'autosaisine, que n'importe quel député peut lui demander un rapport et que n'importe quel citoyen peut le faire aussi. Je pense qu'il faudra effectivement demander à la Cour des comptes si les AIMP sont en place ou pas - à moins que le département nous réponde. Mais, pour l'instant, cette problématique reste entière.
Maintenant, c'est une problématique d'arbitrage politique, et - vous en conviendrez avec moi, Monsieur Stauffer - ne pas avancer sur le RDU poserait de très gros problèmes à nos concitoyens. Donc, on est en arbitrage, et c'est là où j'ai l'ai l'impression d'être pris en otage... D'un côté, on nous dit: «Il faut faire le RDU», et on répond que, oui, il faut le faire. Les Verts sont un parti d'ingénieurs - vous direz que cela a un côté pratique, car, de temps en temps, on peut les faire travailler gratuitement... Puisqu'on commence à avoir quelques ingénieurs à l'intérieur du parti, on leur soumet les projets et on leur demande: «Que pensez-vous des coûts et de la structure ? Et que pensez-vous du projet de loi ?» - étant donné que les projets de lois sont publics. Et les ingénieurs qu'on rencontre nous répondent qu'on nous danse sur le ventre ! Et que si l'on faisait dans le privé le quart de ce qui est proposé dans ce projet, eh bien, les gens se feraient foutre dehors. On a donc aujourd'hui un énorme problème avec le CTI.
En ce qui me concerne, je ne sais pas où est la réponse, d'autant moins qu'on va nous raconter que les choses sont bien plus compliquées que cela, que nous ne rendons pas compte... Mais, à chaque fois, le résultat est le même: cela coûte quatre fois plus cher qu'ailleurs ! Les gens sont payés beaucoup plus cher, mais on ne sait pas pourquoi ! Par exemple, on voit que de la fibre optique est facturée... Comme il n'y a pas de plan, si vous fouillez un peu et que vous avez quelques contacts à l'intérieur, vous vous apercevez que la fibre optique était déjà là ! Vous vous demandez alors comment cela peut marcher, comment cela fonctionne dans les services, comment cela fonctionne dans ce fichu paquebot ! Il faut un pilotage, il faut comprendre comment cela marche !
Le problème aujourd'hui, c'est qu'on ne traite pas du CTI: on traite du RDU et de sa mise en place ! C'est pour cela que notre groupe fait le choix de faire avancer le RDU. Nous voterons donc ce projet, en reconnaissant, Monsieur Stauffer, que le problème que vous avez soulevé est tout à fait réel: il y a des questions qui se posent, pour lesquelles nous n'arrivons pas à obtenir de réponses, ce qui nous fâche furieusement ! Toutefois, comme les citoyens n'arrivent pas à savoir quel est le revenu déterminant unifié qui leur permet d'avoir droit à des prestations, nous nous sommes sentis très coincés, et nous avons fait le choix de voter ce projet de loi, mais, je le répète, la problématique que vous venez de soulever est tout à fait exacte.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Bertinat... (M. Eric Stauffer interpelle le président.) Vous n'avez pas la parole ! Je la passe à M. Bertinat.
M. Eric Stauffer (hors micro). Je demande le renvoi en commission ! (Exclamations.)
Le président. On note ! Vous vous calmez ! Je passe la parole à M. Bertinat. Ecoutez ce qu'il a à nous dire !
M. Eric Bertinat (UDC). Merci, Monsieur le président ! (M. Eric Stauffer poursuit son intervention hors micro. Commentaires. Exclamations.)
M. Eric Stauffer (hors micro). Vous n'appliquez pas le règlement ! (M. Eric Stauffer quitte la table des rapporteurs et se rend devant le perchoir.) Le règlement dit qu'un député peut demander le renvoi en commission !
Le président. Je vous donnerai la parole ensuite ! Mais je la passe d'abord à M. Bertinat. Vous êtes prié d'aller vous asseoir !
M. Eric Stauffer. Il faut respecter le règlement, et pas l'appliquer comme bon vous semble !
Le président. On va appliquer le règlement. Allez vous asseoir et laissez parler M. Bertinat !
M. Eric Stauffer. Monsieur le président, j'ai demandé formellement le renvoi en commission ! Vous ne pouvez pas interpréter le règlement à votre guise ! (Un instant s'écoule. M. Eric Stauffer regagne la table des rapporteurs.)
Le président. Merci ! Monsieur Bertinat, la parole est à vous.
M. Eric Bertinat. Merci, Monsieur le président ! Je ne voudrais pas que M. Stauffer s'énerve trop: cet été, cela lui a déjà joué des tours avec ses intestins... (Rires.) J'aimerais bien qu'il reste en bonne santé pour pouvoir continuer à animer nos séances ! (Rires.)
Je ne demanderai pas, comme le fait mon voisin, le renvoi en commission. En effet, le groupe UDC va accepter ce projet de loi, pour les mêmes raisons que celles qui ont été données par mon collègue Bavarel et par Mme le rapporteur de la majorité: à savoir que nous parlons ici de la problématique du RDU, lequel donne droit à des prestations sociales dont bon nombre de personnes à Genève ont besoin. Et la moindre conscience politique qui peut animer un élu, c'est d'assurer ce genre de prestations. La question de savoir si c'est trop, ou pas assez, et qui y a droit, est secondaire, dès lors qu'une loi a été votée et qu'il faut l'appliquer. En l'occurrence, voilà notre préoccupation, et c'est la raison pour laquelle l'UDC soutiendra ce projet de loi.
J'apporterai quand même un complément d'information quant à la problématique des sommes toujours importantes qu'implique la moindre démarche informatique de l'Etat. Comme l'a expliqué Mme Torracinta, nous avons toujours du mal à estimer le bien-fondé d'une dépense relative à l'informatique; les coûts sont toujours élevés, et il est pratiquement impossible d'aller dans les détails, car il s'agit de dossiers très techniques que nous ne maîtrisons pas.
Dans ce projet de loi, cependant, il est possible de faire une comparaison, ce qui permet de clarifier un peu les choses. En effet, le canton de Vaud a l'intention de mettre en oeuvre un système RDU à peu près semblable à celui de Genève et qui coûtera, lui, 4,3 millions, mais avec des prestations en moins. En faisant cette comparaison, on peut constater que l'Etat de Genève - sur ce dossier en tout cas - prévoit des coûts raisonnables. Cela nous permet aujourd'hui d'accepter la mise en oeuvre du RDU sur le fond et d'avancer un peu dans ce dossier. Tout ce qui concerne les questions de mandats externes ou de mandats internes est sur la même ligne que la discussion que nous avons eue précédemment.
M. Edouard Cuendet (L). Tout d'abord, je voudrais rendre hommage à mon excellent collègue Bavarel, qui a reconnu que, concernant leurs projets informatiques, les entreprises privées étaient souvent plus efficientes que l'Etat. Je suis tout à fait d'accord avec lui ! Cela dit - contrairement aux ponts, et heureusement - même dans les entreprises privées, il y a plus d'échecs dans les projets informatiques qu'en d'autres domaines; c'est donc une science assez peu exacte. Mais merci, donc, pour les entreprises privées !
En parlant d'efficience, je salue, comme mon excellente collègue Anne Emery-Torracinta, l'efficience du rapporteur de minorité, qui touche deux fois des jetons pour le même rapport sur deux projets de lois différents ! C'est de l'efficience, qu'il faut relever ! (Applaudissements.)
Nous parlons ici du RDU, et je suis, sur ce point aussi, d'accord avec mon collègue Bavarel - nous sommes d'accord sur tout aujourd'hui ! - ce projet de RDU est important, le groupe libéral l'a soutenu, et cet élément est indispensable à sa mise en place. Cela ne doit pas tout excuser non plus, mais, contrairement au MCG, nous ne pensons pas qu'il faille jeter le bébé avec l'eau du bain. Cela me paraît être irresponsable !
Le groupe libéral, dans ce projet, est avant tout préoccupé par une notion d'entreprise privée qui nous est chère: le retour sur investissement. Ce que nous reprochons à ce projet, c'est qu'il est difficile de définir de manière concrète quel sera le retour sur investissement, notamment en matière d'économies de ressources pour l'Etat, une fois que ce projet sera en place. Ça, c'est un point important !
Comme le disait mon excellent collègue Bertinat... (L'orateur est interpellé.) Absolument: tout le monde est excellent ! ...la comparaison avec d'autres cantons, notamment celui de Vaud, paraît aussi extrêmement importante, et le groupe libéral soutiendra le projet en l'état. En revanche, il n'est pas du tout d'accord de donner suite à la demande de crédit supplémentaire qui a été demandée en cours de travaux. Nous ne sommes pas prêts du tout à porter le coût de l'opération à 8 millions alors que les justifications nécessaires n'ont pas été apportées; cela ne nous paraît pas fondé ! C'est pour cela que nous voterons le crédit en l'état, or il est nécessaire - et tous les groupes partagent cet avis - de procéder à un suivi régulier et rigoureux des projets.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Jeanneret, qui, s'il le souhaite, peut demander le renvoi en commission pour son groupe.
M. Claude Jeanneret (MCG). Bien sûr, Monsieur le président, je vous remercie, je n'y manquerai pas ! J'aimerais tout de même faire remarquer que nous sommes en train de voter un crédit relativement important, de plusieurs millions - plus de 6 - sans même avoir pris la peine de vérifier qu'il respectait les règles normes AIMP ! Il me semble que le parlement fait preuve de légèreté en fonçant de la sorte sans réexaminer le projet en commission. C'est la raison pour laquelle je vais demander le renvoi de cet objet.
Auparavant, j'aimerais faire un commentaire par rapport à ce projet: je crois qu'il aurait vraiment été exceptionnel si l'organisationnel avait précédé l'informatique... Une fois de plus, l'Etat s'imagine que l'informatique est un médicament: ce n'est pas vrai, c'est un emplâtre sur une jambe de bois ! Le médicament, ç'aurait été le guichet unique pour tous les services sociaux ! Ça, ç'aurait été intelligent ! Mais nous savons que certains départements veulent leur guichet... C'est bien dommage, car cela aurait été l'occasion de mettre en place un service rationnel ! Que cela coûte 6, 8 ou 10 millions n'est pas le problème, dans la mesure où, je le répète, c'est rationnel. Et, à ce moment-là, il aurait été possible de calculer le retour sur investissement ! Et, réellement, on aurait eu un service affecté à ce travail, ce qui aurait épargné à d'autres services le temps qu'ils consacrent aux mêmes tâches. Or, avec ce projet, nous sommes une fois de plus dans une grande nébuleuse, et, à nouveau, nous allons investir sans savoir exactement où nous allons.
Donc, Monsieur le président, compte tenu de ce que je viens de dire et, surtout, pour que l'on puisse vérifier que toutes les procédures ont bien été respectées, je demande que ce projet soit retourné à la commission des finances.
Le président. Merci, Monsieur le député. Demandez-vous également que la motion liée à ce projet de loi soit renvoyée en commission ? (M. Claude Jeanneret répond hors micro.) Les deux, d'accord ! Nous ferons par conséquent deux votes séparés: l'un sur le renvoi du projet de loi en commission; l'autre sur le renvoi de la motion en commission.
Maintenant, comme le veut notre règlement, je donne la parole au rapporteur sur le renvoi en commission. Mme Emery-Torracinta d'abord... (Remarque.) M. Stauffer en tant que rapporteur de minorité et, ensuite, Mme Emery-Torracinta.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous demanderai de vous reporter à la page 23 du présent projet de loi et de lire l'annexe II: lots de mise en oeuvre du projet SI RDU. «Lots, Description, Coût. 1. Analyse: réactualisation des besoins métier; rédaction d'un dossier d'analyse; élaboration du dossier d'architecture: 250 000 F. 2. Base centrale RDU: constitution de la base de données centrale du RDU, [...]: 2 500 000 F. 3. Workflow de gestion: réalisation du moteur d'état [...]: 500 000 F. 4. Interfaces partenaires amont: interfaçage avec les différents partenaires [...]: 500 000 F. 5. Interfaces partenaires aval: interfaçage avec les différents partenaires [...]: 1 500 000 F. 6. Infrastructure: mise en place de l'infrastructure du projet [...]: 289 000 F. 7. Gouvernance: outil de pilotage et de gouvernance de l'activité RDU [...]: 1 100 000 F. Total: 6 639 000 F» !
Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat s'est planté: il n'a pas prévu d'AIMP dans le processus de mise en oeuvre du RDU ! C'est grave ! Nous allons, dès la fin du traitement de ce projet de loi, saisir la Cour des comptes ! Vous ne pouvez pas demander des crédits en plénière sans avoir prévu une AIMP ! Je viens de m'entretenir avec le président de la commission des finances: c'est vrai, nous avons zappé ce sujet lors de nos travaux de commission, ce qui pose problème.
Et puis, comme l'a dit très justement ma collègue, il n'y a aucune lisibilité: il n'est pas possible de savoir si ce qui va être fourni correspond bien aux prix qui nous sont proposés ! Ce n'est pas «à choix» ! Vous ne pouvez pas demander un crédit sans avoir lancé un appel d'offres, afin de savoir où l'on va ! Car si les offres ne correspondaient pas au crédit demandé, il faudrait revenir devant le Grand Conseil ! Il faut déjà commencer par lancer un appel d'offres et, une fois l'adjudication effectuée, il faut, sous réserve de l'acceptation du Grand Conseil, demander l'argent. Et il ne faut pas faire le contraire ! Ça, ça s'appelle de la bonne gouvernance !
Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de renvoyer ce RDU à la commission des finances, afin que l'on clarifie ce point qui me paraît hautement important. Et je vous le déclare: le MCG va saisir la Cour des comptes, cet après-midi déjà, sur ce sujet !
Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de majorité. Dans une société démocratique, le pire, c'est le doute... Le doute qui pourrait faire croire à la population qu'il y a des magouilles, que certains essayent de soustraire de l'argent public, etc. C'est dans cet état d'esprit que le groupe socialiste soutiendra le renvoi en commission, pour lever les doutes de ceux qui pensent que certaines personnes, à l'Etat, cherchent à voler de l'argent.
Cela dit, Mesdames et Messieurs les députés, lorsque la commission des finances a travaillé, elle a constaté, comme l'ont rappelé certains d'entre vous, que le canton de Vaud entendait dépenser 2 millions de moins pour un projet similaire. Mais ce projet allait porter sur l'année fiscale N-2, soit comme le prototype que nous avions. Cela n'a rien à voir avec ce qui était proposé !
Je vous rappelle également que le retour sur investissement prévu par le DSE, même s'il est très difficile à chiffrer, est de l'ordre de 4 millions par an. Par conséquent, au niveau de la commission des finances, nous pouvions prendre le risque d'accepter ce projet de loi, sachant qu'à l'article 5 - et j'insiste ! - intitulé: «Suivi périodique», il est stipulé au paragraphe 1 que: «Une fois l'an, les bénéficiaires du crédit d'investissement rendent compte à la commission des finances du Grand Conseil de son utilisation, en particulier sur l'état de réalisation des projets, la consommation des ressources accordées et la planification retenue pour l'année suivante.»
Néanmoins, et malgré tous ces garde-fous, je pense qu'il est plus sage d'éviter de laisser courir la rumeur, qui peut être très mauvaise conseillère en politique.
Le président. Merci, Madame le rapporteur. Je passe la parole à M. Muller, sur le renvoi en commission.
M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, l'intervention de Mme Torracinta est paradoxale... En fait, vous accréditez le doute ! Il suffit qu'un doute soit émis, qu'il y ait soupçon, pour que, tout d'un coup, on ne sache plus ce qu'on veut !
Je suis par ailleurs étonné que vous vous intéressiez au respect des règles sur les marchés publics... Jamais, pour aucun projet que j'ai eu à défendre devant une quelconque commission - qu'il s'agisse de bâtiments ou autres - la question n'a été posée au département quant à savoir s'il respectait la loi, le concordat sur les marchés publics, les lois fédérales ou le droit international ! Cela va de soi: les règles sur les marchés publics sont respectées de manière générale par le département !
C'est vrai, dans un certain nombre de cas, qui ont été soumis récemment au marché public, les pratiques ont parfois dû se conformer, s'adapter. Mais, dans ce dossier-ci, il est évidemment dans l'intention du département de lancer un appel d'offres. Comme cela se fait régulièrement, c'est-à-dire que nous attendons que le crédit soit voté... Cela a été fait, je prends le dernier exemple en date, que vous connaissez bien puisque, récemment, nous en avons parlé abondamment en commission des travaux: nous votons un crédit pour une prison et, une fois le crédit accepté, une procédure AIMP, une mise en soumission, est lancée et les offres rentrent. C'est exactement de cette manière que nous avons l'intention de procéder dans ce dossier, et je ne conçois pas, je ne comprends pas qu'il puisse y avoir le moindre doute quant à la volonté du département d'appliquer les règles, qui sont appliquées à journées faites au DCTI ! Je ne vois donc vraiment pas l'utilité de renvoyer ce projet de loi en commission pour ce motif.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets le renvoi en commission de ce projet de loi.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10527 à la commission des finances est rejeté par 47 non contre 23 oui.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous poursuivons notre débat. Je passe la parole à Mme von Arx-Vernon.
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Merci, Monsieur le président ! Pour les démocrates-chrétiens, ce projet de loi est essentiel pour rendre efficace le RDU que nous avons appelé de nos voeux.
Par rapport à tout ce qui a été dit concernant les procédures AIMP, je rappellerai juste que ce n'est pas la cuisine interne de la commission des finances ! C'est une évidence que le Conseil d'Etat doit nous proposer ensuite les procédures relatives au crédit que nous aurons voté et à l'argent dépensé ! Je vous signale que le point 5 de cette loi permet ce suivi - que nous avons également appelé de nos voeux. Et, s'il y avait une dérive à ce moment-là, quelque chose apparemment illégal, nous serions absolument en mesure de pouvoir le vérifier.
Cette culture du doute, du soupçon, est absolument immonde, parce qu'elle est entretenue par le MCG qui en fait son fonds de commerce ! Et je trouve extrêmement dommageable qu'elle soit récupérée par d'autres partis gouvernementaux: cela finit par donner raison à ceux qui laissent entendre que les politiques sont tous pourris, tous des voyous et tous des magouilleurs, ce qui n'est pas le cas !
S'il y a dérive ou dérapage, la Cour des comptes se charge de nous rappeler à l'ordre. Et cela est arrivé, puisqu'elle a rappelé à l'ordre les départements. Il est de notre devoir de suivre les recommandations de la Cour des comptes. Mais ne mélangeons pas tout: ce n'est pas parce qu'il y a eu quelques erreurs qu'il faut passer systématiquement à l'aune de ces soupçons tous les projets de lois qui nous sont confiés ! C'est une mentalité détestable, et, je vous en prie, ne tombons pas dans ce panneau !
Merci beaucoup de bien vouloir voter ce projet de loi, qui est essentiel. Nous avons des moyens de procéder à un suivi et nous avons aussi les moyens, grâce à la commission de contrôle de gestion, de rappeler à l'ordre les instances concernées si des dérives avaient lieu.
M. Jacques Jeannerat (R). Comme tout à l'heure, nous mélangeons deux choses... D'une part, le RDU et, d'autre part, la mise en place du programme informatique. Il faut vraiment distinguer les deux choses !
Pour le groupe radical, la priorité, c'est le RDU ! Et la mise en place de ce programme va permettre une meilleure gouvernance sociale. Nous savons que certains citoyens «passent deux fois à la caisse» - si je peux utiliser cette expression - et, donc, il faut déterminer de façon rigoureuse la manière dont on distribue l'aide sociale. Alors, certes, 6,5 millions pour un programme, cela peut paraître cher, mais nous sommes convaincus qu'il y aura, à terme, un retour sur investissement. Voilà pour le premier problème ! Les radicaux sont donc favorables à ce programme pour le RDU.
Reste la question informatique... M. Bavarel a raison et M. Cuendet également... Toutefois, comme je l'ai dit tout à l'heure, la sous-commission informatique a décidé, lors de sa dernière séance, de bloquer désormais tous les projets informatiques, jusqu'à ce que le DCTI mène une politique plus claire concernant soit la réalisation en interne de ses programmes à l'Etat, soit la sous-traitance. Nous voulons de la transparence ! Il n'y aura donc plus de projet voté ! Voilà !
S'agissant maintenant de la question des appels d'offres, je suis désolé, à chacun son rôle ! Ce n'est certainement pas le rôle de la commission des finances de surveiller le Conseil d'Etat à ce sujet ! Nous sommes là pour voter des crédits, pour estimer si cela vaut la peine, politiquement parlant, d'investir les sommes demandées. Et puis, comme l'a indiqué Mme von Arx, si nous avons des doutes, nous pouvons activer les membres de la commission de contrôle de gestion. Je le répète: à chacun son rôle ! Le Conseil d'Etat doit respecter les règles - M. Muller nous l'a expliqué - et nous avons confiance en la façon dont il les applique s'agissant des AIMP !
Je vous recommande donc de voter ce projet de loi.
M. Alain Charbonnier (S). Monsieur le président, vous direz à mon préopinant qu'il n'a pas peur d'exprimer ses contradictions... Il nous dit dans un premier temps que seul le RDU compte dans ce projet de loi, mais il évoque tout de même les 6,5 millions nécessaires pour concrétiser l'objectif du projet, à savoir la mise en place du RDU, qui passe obligatoirement par un système informatique.
Par ailleurs, il dit que c'est au Conseil d'Etat de gérer les procédures AIMP... C'est effectivement de son ressort, mais, par contre, nous pouvons tout de même demander à quoi correspondent ces 6,5 millions que le Conseil d'Etat va dépenser avec notre autorisation. Nous sommes encore en droit de nous poser des questions sur ces sommes faramineuses - parce qu'elles sont vraiment faramineuses ! - et cela d'autant plus que le CTI en demandait un tiers en plus: dans la proposition qu'il a faite à la commission des finances, la somme atteignait 8 millions et quelques ! Ce n'est pas rien ! Alors, nous pouvons bien nous permettre aujourd'hui d'avoir des doutes sur la gestion de cet argent, sur la façon dont sont en général établis les devis lorsque l'on nous présente des projets de lois.
Je le dis aussi à l'intention de Mme von Arx, qui voudrait nous fait croire que le parti socialiste rentrerait dans ces histoires de magouilles... Pas du tout: nous voulons simplement savoir où va l'argent du contribuable ! Et le CTI, l'informatique en général à l'Etat de Genève coûte une fortune - c'est peu de le dire ! - et M. Bavarel a eu raison d'indiquer tout à l'heure que des ingénieurs s'étonnaient des sommes faramineuses qui sont dépensées pour ces projets !
Il faut donc garder raison et poser les questions à qui de droit, c'est-à-dire à la commission des finances, à la sous-commission informatique. Or c'est extrêmement difficile, car nous ne sommes pas des informaticiens, et, lorsque des projets nous sont présentés - j'ai fait partie pendant un certain temps de cette sous-commission informatique - il faut vraiment s'accrocher pour comprendre quelque chose ! Il est par conséquent tout à fait raisonnable d'essayer de clarifier les choses, et c'est malheureux que vous ayez refusé ce renvoi en commission.
Pour ce qui est du RDU, c'est effectivement le moment qu'il soit mis en place ! Je m'adresse en particulier au Conseil d'Etat: le RDU a été voté en 2005; en 2006, le Conseil d'Etat nous a demandé 400 000 F pour le projet d'étude, pour établir ce qui nous est demandé ce soir. Il a donc fallu quatre ans, Mesdames et Messieurs les députés, pour obtenir ce projet de loi concernant le RDU ! Il est donc urgent maintenant de passer à la vitesse supérieure pour arriver à un projet définitif, de façon que le RDU puisse enfin être déployé et que les prestations sociales soient distribuées de façon correcte aux bénéficiaires de l'Etat de Genève.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne encore la parole à M. Stauffer; ensuite, nous passerons au vote.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président ! Mesdames et Messieurs les députés, vous «la tournerez» comme vous voulez, mais un appel d'offres qui est lancé après le vote d'un projet de loi, ce n'est pas normal ! J'aimerais bien que le député Jeannerat, qui nous a fait une grande diatribe, nous fasse part de ses connaissances et qu'il nous explique, par exemple, si la somme de 1 500 000 F est bien justifiée pour le point 5 de la procédure: « Interfaçage avec les différents partenaires en aval du RDU (SAM, OLO, SPC, HG, SAEA, etc.)» ! Il n'en sait rien, comme l'ensemble des députés ici !
Tout d'abord, je vous le rappelle, ces estimations ont été effectuées sur la base que 100% des mandats sont attribués en externe - et la Cour des comptes a réagi à cela...
Deuxième chose, si l'AIMP est faite après, cela veut dire que les futurs sous-missionnaires ont déjà une indication du prix qu'ils peuvent formuler et, en fait, tous les paramètres du marché sont faussés. Non, Mesdames et Messieurs les députés, dans un Etat qui se veut libéral et qui veut faire jouer la concurrence entre les sous-missionnaires, il faut d'abord commencer à lancer un appel d'offres ! Ensuite, en fonction des offres qui sont faites, le Conseil d'Etat propose un projet, qu'il soumet au Grand Conseil en expliquant quels seront les coûts du projet après avoir fait jouer la concurrence; et alors le projet sera accepté ou pas !
Je précise - soyons bien clairs ! - que le MCG n'est absolument pas opposé au RDU: ce programme est nécessaire. Je le répète, ce qui nous pose problème, ce n'est pas cela: ce sont les moyens que l'on met à disposition pour y arriver !
De deux choses l'une: ou nous continuons à fonctionner de cette manière, ou nous changeons de mode de faire ! De toute façon, il n'y a aucune transparence ! Soyons clairs, chers collègues, on peut bien faire des effets de manches en essayant de faire croire que les règles sont toutes respectées, mais ceux qui siègent à la commission des finances savent bien que l'on ne nous a pas parlé une seule fois d'AIMP dans ce projet pourtant si important ! Jamais, chers collègues, parce qu'il n'y en a jamais eu ! Et le Conseil d'Etat aura beau faire des contorsions en expliquant que c'est nouveau, etc.: il n'y a jamais eu d'appel d'offres. Et c'est bien ce que la Cour des comptes a aussi reproché: que ce sont toujours les mêmes qui obtenaient les mandats externes. Finalement, certains mandataires travaillaient à l'année sur différents projets au sein du CTI, mais, au lieu d'être payés 300 F par jour, ils étaient payés 1000 F par jour: c'est ce que cela coûtait à l'Etat !
Si nous avons demandé le renvoi en commission, Mesdames et Messieurs les députés, c'est parce qu'il y a un doute, un très gros doute. Nous n'affirmons pas qu'il y a des magouilles: nous indiquons simplement que, d'après nous, le droit peut ne pas être respecté ! Alors, pour lever le doute, et par honnêteté - nous n'en sommes pas à un mois ou deux mois près - renvoyons le projet en commission et levons le doute ! Si tout est régulier, pas de problème, nous voterons avec plaisir ce projet en plénière.
En l'occurrence, tous les partis, depuis le début de l'après-midi, critiquent le CTI, parlent du manque de lisibilité, du manque de transparence, expliquent qu'il est difficile de savoir de quoi l'on parle: tous l'ont dit, mais ils vont quand même voter le projet ! Finalement, tout le monde s'en fout !
Pour être cohérents, renvoyons ce projet de loi en commission ! Du reste, je redemande formellement le renvoi en commission. Le doute peut être levé très vite, et nous verrons s'il faut faire une AIMP avant ou après, quelles sont les conditions, parce que, en fin de compte, nous ne savons pas grand-chose ! Nous allons voter 7 millions - comme l'a dit un député, c'est le prix de la construction d'un immeuble - et, finalement, nous allons dépenser - la Cour des comptes l'a relevé - 151 millions par année pour des programmes informatiques effectués par des mandataires externes.
A un moment donné - et cela devrait aussi réveiller l'âme des libéraux qui veulent faire des économies à l'Etat - il faudrait essayer de faire des économies à l'interne ou faire jouer la concurrence avec l'Union européenne, qui est ultralibérale ! Qui sait, peut-être va-t-on trouver une société qui pourra faire mieux que ce qui se fait avec des sociétés étrangères, car, je vous le rappelle, la Cour des comptes a aussi relevé le fait que les frontaliers obtenaient 43% des mandats externes. Finalement, Genève n'appartient pas plus aux Genevois !
Alors, je vous le demande encore une fois, Mesdames et Messieurs les députés, renvoyons ce projet de loi en commission des finances pour clarifier ce problème, et nous aviserons ensuite ! Si vous votez ce projet et qu'il y a, exceptionnellement, un appel d'offres, les sous-missionnaires sauront ce que nous sommes prêts à payer ! Alors, où est la concurrence ?! Peut-être qu'une société est prête à faire ce travail pour 3 millions - je vous rappelle qu'il y a 145 000 F de matériel et 6,4 millions d'écriture de programmes. Alors, 3 millions... Les gens ne vont pas être stupides, ils vont deviser à 2 ou 3 millions de plus, parce que nous leur avons donné toutes les indications pour ne pas faire jouer la concurrence !
Ainsi, je vous le demande: est-ce vraiment le meilleur moyen de gérer un Etat ? Eh bien, nous, au MCG, nous disons non ! Nous allons donc nous opposer à ce projet de loi, et je vous demande une fois encore de le renvoyer en commission pour clarifier la situation.
Le président. Vous devez conclure, Monsieur le rapporteur !
M. Eric Stauffer. Je conclus ! Une fois la situation clarifiée, nous pourrons traiter cet objet lors de la prochaine séance plénière. Cela ne nous ferait perdre que trois semaines, ce qui n'est pas grand-chose étant donné que cet objet est déjà à l'ordre du jour depuis des mois.
Le président. Merci ! Je passe la parole à M. Jeannerat.
M. Jacques Jeannerat (R). Merci, Monsieur le président ! Je suis d'accord avec Monsieur Charbonnier: ce parlement doit pouvoir voter des crédits en ayant toutes les informations relatives aux projets concernés.
Toutefois, Monsieur le président, je vous suggère d'organiser un cours de fonctionnement de ce parlement pour M. Stauffer et ses collègues... C'est en effet un piètre député qui s'est exprimé juste avant moi: à croire qu'il n'était pas en commission et qu'il n'a pas posé les bonnes questions durant les travaux ! Les questions qu'il pose ici sont peut-être légitimes, mais, étant donné qu'il est membre et de la sous-commission informatique et de la commission des finances, pourquoi ne les a-t-il pas posées au cours des travaux de ces deux entités ? Je suis sûr que M. Muller et ses collaborateurs lui auraient répondu !
Nous perdons beaucoup de temps en plénière, parce que M. Stauffer fait toujours son show, et nous en avons ras-le-bol ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. (M. Eric Stauffer demande la parole.) Monsieur Stauffer, vous n'avez plus la parole ! Je la passe à Mme Emery-Torracinta. (M. Eric Stauffer interpelle le président.) Vous êtes intervenu trois fois !
M. Eric Stauffer (hors micro). De nouveau, vous avez interprété le règlement ! J'ai demandé formellement le renvoi en commission...
Le président. Non !
M. Eric Stauffer (hors micro). ...et vous avez donné la parole à un autre député ! Vous avez fauté encore une fois !
Le président. Je passe la parole à Mme Emery-Torracinta.
M. Eric Stauffer (hors micro). Vous êtes un piètre président !
Le président. Il n'y a pas de souci: personnellement, je reste tout à fait calme, quels que soient...
M. Eric Stauffer (hors micro). Moi aussi !
Le président. ...vos propos !
M. Eric Stauffer (hors micro). Vous ne respectez pas le règlement !
Le président. Si vous restiez calme, cela se remarquerait, Monsieur le député ! Je passe la parole à Mme Emery-Torracinta.
Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Je crois qu'il faut savoir raison garder... M. Stauffer - cela a été dit - a peut-être posé les bonnes questions, et il a insinué le doute: c'est pour cela que je suggérais tout à l'heure de renvoyer ce projet de loi en commission, pour lever ce doute et pour clarifier rapidement la situation. La majorité du parlement en a décidé autrement, de façon démocratique, et je me range à cet avis.
Quand je dis qu'il faut savoir raison garder, c'est qu'il ne faut pas oublier que nous parlons ici d'un crédit de 6 millions, alors que, de l'autre côté, il s'agit de plus d'un milliard de prestations qui sont versées annuellement ! Le risque que nous prenons est donc quand même relativement faible par rapport à l'ampleur des sommes versées par l'Etat. Alors, à titre personnel, je préfère, au pire, dépenser un peu trop - qui sait ? - pour ce projet que le contraire, ne serait-ce que pour préserver le versement des prestations sociales au bon moment et aux bonnes personnes. Ce faisant, nous ferons réellement des économies !
Je vous rappelle l'article 5 de la loi «Suivi périodique». Tout à l'heure, je vous ai lu la première partie de l'article, mais pas la deuxième. Elle dit ceci à l'alinéa 2: «Ce bilan - c'est-à-dire le bilan annuel que le département devra effectuer en commission des finances - conditionne la libération de la tranche prévue pour l'année suivante, selon la planification retenue.» Mesdames et Messieurs les députés, et, également, Mesdames et Messieurs les habitants du canton de Genève qui nous regardez, nous ne prenons aucun risque ce soir en votant ce projet de loi !
Le président. Merci, Madame le rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets le renvoi de ce projet de loi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10527 à la commission des finances est rejeté par 44 non contre 23 oui et 3 abstentions.
Mis aux voix, le projet de loi 10527 est adopté en premier débat par 55 oui contre 15 non et 1 abstention.
Deuxième débat
Le président. Nous en sommes au titre et au préambule. M. Stauffer nous propose de modifier le titre en diminuant le crédit de 2 millions. Le nouveau titre serait donc: «Projet de loi ouvrant un crédit d'investissement de 4 639 000 F - au lieu de 6 639 000 F - pour le développement du système d'information du revenu déterminant unifié (SI RDU)».
M. Eric Stauffer. Je peux prendre la parole ?
Le président. Oui, si vous le souhaitez. Je vous la donne très volontiers: Monsieur Stauffer, vous avez la parole.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président, car vous avez tout de même tendance à interpréter le règlement à votre façon: quand un renvoi en commission est demandé, vous ne passez plus la parole au député qui l'a demandée !
Le président. Revenez au sujet, Monsieur le rapporteur ! Merci !
M. Eric Stauffer. Oui, bien sûr, je suis hors sujet ! Mais vous, quand vous fautez, vous êtes en plein dans le sujet, surtout lorsque cela concerne le MCG ! On sait, on a l'habitude !
Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais, par cet amendement - puisque vous avez refusé une deuxième fois le renvoi en commission, je ne vais pas le proposer encore une fois... (Exclamations.) Mais j'aimerais que l'on réduise de 2 millions le montant du crédit demandé. Ainsi, le Conseil d'Etat sera obligé de revenir devant nous - ce qui ne freinera pas le développement du RDU - ou en tout cas devant la commission des finances, pour obtenir une rallonge de crédit. Et cela nous permettra d'exercer un plus grand contrôle s'il faut lancer un appel d'offres sur le marché public, car nous savons comment les choses risquent de se passer. Pour Champ-Dollon, le crédit ayant été demandé avant l'appel d'offres, nous avons pu voir le résultat: la meilleure offre était de 90% plus chère ! Ce n'est donc certainement pas le bon moyen de procéder, mais ça, je vous l'ai déjà expliqué ! Normalement, une saine gestion de l'Etat implique de lancer d'abord l'appel d'offres et, ensuite, de demander le crédit au parlement.
Je vous demande par conséquent de réduire ce crédit de 2 millions. L'Etat devra demander un crédit extraordinaire, ce qui nous permettra d'exercer un contrôle pour savoir exactement comment les choses se passent, ce qui va dans votre sens puisque vous êtes tous plaints du manque de transparence, de ce que nous n'avions pas les bonnes informations... Cet amendement ne me paraît pas dénué de sens, et, je le répète, il nous permettra d'exercer un contrôle. Je vous demande donc de soutenir l'amendement du MCG.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je passe la parole à M. Jeannerat. Je vous prie de ne pas vous en prendre à M. Stauffer, exprimez-vous sur l'amendement.
M. Jacques Jeannerat (R). Monsieur le président, je renouvelle ma demande d'organiser un cours sur le fonctionnement de ce parlement, puisque la commission des finances ne peut voter un dépassement de crédit que sur le fonctionnement et pas sur l'investissement. Ce serait tout de même bien de leur expliquer une fois comment cela fonctionne ! (Rires.)
Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de majorité. Si l'on suivait M. Stauffer, on pourrait préconiser, en poussant les choses à l'absurde, de voter un crédit de 1 F - par exemple, parce qu'il faut bien voter sur un montant... Ainsi, on serait sûr que le département reviendrait très rapidement nous demander de compléter ce crédit !
Trêve de plaisanterie ! Le chiffre articulé par M. Stauffer, de 2 millions, à déduire de ce crédit, ne repose sur rien ! Pourquoi pas 4 millions ou un demi-million ? Je n'en sais rien ! A un moment donné et vu le nombre de garde-fous qu'il y a, il faut aller de l'avant !
Et puis, je vous rappelle quand même que nous avons déjà enlevé 1,5 million à ce projet. Plus exactement, le Conseil d'Etat nous avait expliqué qu'il devait coûter 1,5 millions de plus... Nous n'avons pas accepté ce dépassement, ce qui fait que nous avons déjà resserré les boulons, et je pense qu'il faut maintenant aller de l'avant: les chiffres sont suffisamment clairs !
Le président. Merci, Madame le rapporteur. Je passe encore la parole à M. Stauffer et je propose que nous arrêtions là le débat, afin de passer au vote. Sinon, cela risque d'être une partie de ping-pong... Monsieur Stauffer, vous avez la parole: dernière brève intervention.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Je ferai l'intervention que je souhaite, conformément au règlement, Monsieur le président !
Mesdames et Messieurs les députés, le montant de 2 millions que je préconise de déduire du crédit ne correspond pas à rien ! En effet, nous vous avons expliqué - et vous l'avez dit vous-mêmes - que les ressources externes du CTI représentaient un tiers de plus que les ressources internes... Nous avons donc simplement enlevé le tiers correspondant à la prestation des mandats externes, et, si cela ne suffit pas, le Conseil d'Etat viendra nous demander un crédit supplémentaire ! Cela nous permet d'avoir un moyen de contrôle de plus !
Si le Conseil d'Etat fait tout juste, ce ne sera qu'une simple formalité: l'urgence sera acceptée et le crédit pourra être voté dès que l'AIMP sera faite, et les délais de recours seront passés. Si nous ne le faisons pas, si nous donnons la totalité du crédit, nous ne saurons plus rien ! Tant que le projet restera dans le cadre de ce crédit, nous ne saurons plus rien: s'il y a eu une AIMP, combien il y a eu de soumissionnaires, etc. ! Nous n'aurons plus le contrôle de la situation !
Je vous demande donc d'accepter cet amendement. Cela représente le crédit initial diminué d'un tiers. Et, si le Conseil d'Etat en a besoin, il reviendra nous demander le reste, et nous le lui accorderons !
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets l'amendement proposé par M. Stauffer, consistant à diminuer ce crédit de 2 millions.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 48 non contre 16 oui et 15 abstentions.
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Mis aux voix, l'article 1 est adopté, de même que les articles 2 à 6.
Troisième débat
La loi 10527 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10527 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 62 oui contre 16 non et 2 abstentions.
Le président. Nous avons encore le temps de traiter... (Remarque.) Ah, j'oublie la motion, effectivement ! Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets la motion 1932.
Mise aux voix, la motion 1932 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 74 oui (unanimité des votants).
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons encore le temps de traiter le point 30 de l'ordre du jour.