Séance du vendredi 18 juin 2010 à 15h
57e législature - 1re année - 9e session - 43e séance

P 1700-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition : Non à un aménagement jusqu'à saturation, oui à une urbanisation de qualité !
Rapport de majorité de M. Stéphane Florey (UDC)
Rapport de minorité de M. Antoine Droin (S)

Débat

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de majorité. J'interviens rapidement pour indiquer que cette pétition concerne une parcelle située au Petit-Lancy sur laquelle est prévue la construction de logements, qui font toujours cruellement défaut dans notre canton. (Commentaires.) Cette parcelle est située en zone de développement 3, proche de toutes les infrastructures: écoles, commerces, parcs publics, transports publics, futur TCOB, etc. C'est la raison pour laquelle un nouveau PLQ n'a pas été nécessaire pour les autorisations de construire. Il est à noter que le Conseil administratif a donné un préavis favorable à l'autorisation de construire. (Brouhaha.)

La commission a estimé qu'il n'était pas de son ressort d'annuler l'autorisation de construire, comme le demandent les pétitionnaires, et que si l'on ne construit pas dans ces périmètres extrêmement bien situés et où l'on peut bâtir rapidement des logements, on ne peut que se demander, finalement: «Mais où faut-il construire à Genève pour avoir des logements supplémentaires ?» C'est la raison pour laquelle la majorité de la commission des pétitions vous invite à déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

M. Antoine Droin (S), rapporteur de minorité. Monsieur le président, peut-être pourriez-vous transmettre à M. Weiss, sur le sujet précédent, qu'il convient de lire les premiers paragraphes de mon rapport de minorité actuel sur ce sujet-là. Cela le renseignera agréablement.

Pour revenir à cette pétition proprement dite, j'aimerais simplement relever que nous demandons le renvoi en commission pour une raison très simple, qui est la suivante. Il est de coutume, à la commission des pétitions, de ne pas prendre position quand il y a des procédures judiciaires en cours, ce qui est le cas sur ce sujet. Par conséquent, comme les riverains des constructions de ces immeubles ont déposé des recours auprès du Tribunal administratif, il ne nous appartient pas, selon la bonne coutume de la commission, de prendre des positions, quelles qu'elles soient, et de traiter les pétitions avant que les résultats juridiques soient rendus, ce dans l'esprit d'une séparation des pouvoirs.

Dans le cas présent, la majorité de la commission a voulu aller de l'avant sur ce sujet et voter cette pétition, motif de mon rapport de minorité. Donc je ne me prononcerai pas du tout sur la validité de la pétition et sur la question de savoir si un dépôt sur le bureau ou un renvoi auprès du Conseil d'Etat convient, partant du constat qu'il y a cette procédure judiciaire. Je vous demande par conséquent de renvoyer cette pétition en commission, jusqu'à ce que les conclusions de la justice soient rendues et que nous puissions à ce moment délibérer valablement sur la finalité de cette pétition.

M. Roger Golay (MCG). En ce qui le concerne, le groupe MCG refuse l'avis de la majorité. Il faut savoir que nous avons entendu à ce sujet le maire de Lancy. Le Conseil municipal de Lancy n'était même pas au courant de cette construction. Le maire de Lancy ne savait même pas qui était le promoteur et ce qui allait se faire. (Remarque.) C'est un avis du conseiller administratif qui a été balancé au Conseil d'Etat sans même avoir une petite étude d'impact, quoique ce type de projet ne requière pas obligatoirement une telle étude.

Donc je pense que cette décision a été prise à la va-vite. Il doit y avoir une concertation avec les habitants du plateau du Petit-Lancy. Cet endroit a été vraiment urbanisé ces derniers temps. Une association de quartier n'a pas été consultée par la mairie de Lancy. Je pense par conséquent qu'il faut renvoyer ce projet de construction à ses auteurs justement pour que toutes ces concertations puissent se refaire.

Lancy a beaucoup donné au niveau des constructions. Le MCG est en faveur de plus de logements, mais avec une concertation. Et il souhaite du logement à dimension humaine, pas comme il est proposé à cet endroit. Je le rappelle, environ 8 niveaux sont prévus dans une zone quasiment sururbanisée. Donc vis-à-vis des quelques résidents encore propriétaires du plateau du Petit-Lancy, on demande que le projet soit refusé, en tout cas que l'on accepte la pétition et qu'elle soit renvoyée au Conseil d'Etat. Il convient surtout de ne pas accepter cette construction.

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de majorité. Alors effectivement, si des recours sont en suspens au tribunal, la commission avait toutefois estimé qu'il n'était pas nécessaire de geler cette pétition, car nous pouvions finalement très bien nous exprimer sur le fond. En effet, je le rappelle - je l'ai dit auparavant - ce que demandaient les pétitionnaires était précisément d'annuler l'autorisation de construire. Et comme la commission des pétitions n'est pas habilitée à trancher sur le fond et à dire si oui ou non il faut annuler l'autorisation de construire, elle a alors décidé de demander le dépôt sur le bureau du Grand Conseil. Finalement, il appartenait aux tribunaux de trancher sur cette question. Voilà pourquoi nous demandons le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.

Concernant la remarque de M. Golay, je suis désolé, mais le Conseil administratif était parfaitement au courant. Il est parfaitement au courant des projets en cours dans la commune puisqu'il a lui-même... (Commentaires.) ...il a lui-même préavisé favorablement l'autorisation de construire. En effet, pour les raisons évoquées tout à l'heure, cet objet n'avait pas besoin du préavis favorable ou non du Conseil municipal. Donc il a préavisé favorablement cet objet, et il était parfaitement au courant.

Le président. Merci, Monsieur le député. La liste des intervenants inscrits s'allonge ! (Remarque.) On ne peut pas la clore, puisque nous sommes en débat de catégorie II: trente minutes. La parole est à M. Ducret.

M. Michel Ducret (R). Mesdames et Messieurs les députés, certes, il est parfaitement inadmissible de dire que la commune n'aurait pas été au courant. Toute autorisation de construire à Genève requiert un préavis communal. Ce préavis est donné par l'autorité communale, et il est hors de question d'admettre une pétition au prétexte qu'il n'y aurait pas eu de préavis communal. Cela n'existe pas et c'est un gros mensonge.

Ensuite, j'aimerais tout de même rappeler que, derrière cette affaire, il y a effectivement non pas seulement la volonté de construire, Mesdames et Messieurs, mais aussi la volonté de certains, comme d'habitude, de dire: «On est pour le logement, la construction et le développement de Genève, mais pas là ! Juste pas à cet endroit-là. Vous comprenez: là, cela ne convient juste pas.» Alors on trouve plein de prétextes. Cela s'appelle le principe du NIMBY, Mesdames et Messieurs: «Not in my back yard.» Cela signifie: «Pas devant chez moi.» Partout, mais pas là !

Mesdames et Messieurs, j'ai siégé dix-huit ans et demi à la commission de l'aménagement de la Ville de Genève. J'ai entendu pendant dix-huit ans et demi des prétextes divers et variés pour dire: «Il ne faut pas là, mais ailleurs !» En ce sens, Mesdames et Messieurs, cette pétition n'est tout simplement pas acceptable. On est dans une zone de construction, une zone où l'on peut bâtir.

Des gens ont engagé de l'argent, Mesdames et Messieurs. Or chaque heure, chaque jour qui passe renchérit le coût de construction. Et qui paie derrière, Mesdames et Messieurs ? L'acquéreur. Certains diront: «Le vilain capitaliste qui va acheter.» Mais le capitaliste qui achète, Mesdames et Messieurs, est aussi celui qui met sur le marché les logements qui nous manquent à Genève. Et les locataires paieront aussi les loyers. C'est nous tous, pas seulement les vilains. C'est tout le monde, chacun d'entre nous, qui paiera les heures, les jours, les mois et les années de retard que l'on met pour construire dans ce canton ! Alors Mesdames et Messieurs, en ce sens, cette pétition n'est simplement pas acceptable. Elle est juste bonne à être déposée sur le bureau à titre de renseignement pour savoir ce que l'on peut mettre au pilon dans ce canton en matière de paperasse inutile.

Cela étant, le groupe radical, Mesdames et Messieurs, a tout de même décidé... (Exclamations. Remarque.) ...d'écouter un argument dans le rapport de minorité. C'est un principe que nous avons toujours respecté: au moment où une cause est devant la justice, Mesdames et Messieurs, le pouvoir législatif n'a pas à s'en mêler. En ce sens, Mesdames et Messieurs, nous sommes d'accord avec le renvoi en commission et le gel de cette affaire en attendant sa gestion par la justice, dans la mesure où il n'est pas admissible qu'une décision du corps législatif...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Michel Ducret. ...puisse influencer une décision de justice.

M. Vincent Maitre (PDC). Je dirai quelques mots, plus brièvement que celui qui n'est pas mon préopinant, puisqu'apparemment on ne va plus être du même avis. Plusieurs éléments ont été relevés. Cette pétition est évidemment symptomatique des genevoiseries que l'on connaît actuellement, c'est-à-dire que tout le monde veut du logement, le plus vite possible, mais évidemment pas devant chez lui. Je trouve toujours relativement étonnant de constater que ce sont systématiquement les mêmes partis qui tirent à boulets rouges sur le conseiller d'Etat en charge du département des constructions et qui, droit derrière, font tout pour retarder et bloquer les projets de construction.

Je pourrais me rallier à l'opinion du rapporteur de minorité, qui dit que, par simple respect du principe de la séparation des pouvoirs, un législatif n'a pas à se mêler des décisions judiciaires. Ici, une décision judiciaire interviendra. Je tiens tout de même à préciser que le premier organe de recours qui a été saisi du recours contre l'autorisation de construire a donné gain de cause au constructeur, et non au recourant. On peut, sans vouloir toutefois en préjuger, estimer que le Tribunal administratif, dans sa grande sagesse, fera de même. Mais quoi qu'il en soit, si l'on a réellement envie de construire bien, mais surtout de construire vite - parce que, c'est indéniable, le logement est une urgence - eh bien peu importe le jugement que rendra le Tribunal administratif. Je ne vois pas pourquoi on continuerait à perdre du temps, des mois et des mois supplémentaires, jusqu'à ce qu'un tribunal rende son jugement, pour, en définitive, déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Gagnons du temps pour le logement et les différents locataires de Genève qui ont vraiment besoin de se loger. Déposons cette pétition directement sur le bureau du Grand Conseil. Le sort de cette construction est entre les mains de la justice, pas entre les nôtres. Gagnons du temps: déposons ce texte tout de suite.

M. Eric Leyvraz (UDC). Je ne parlerai pas de la pétition. Je parlerai simplement du principe que nous avons toujours respecté: quand une affaire est devant la justice, on ne la traite pas. Alors simplement pour ce principe, auquel il n'y a aucune raison de déroger aujourd'hui, je pense que ce serait plus sage de renvoyer ce texte en commission, où il sera gelé. Cela ne change rien du tout aux problèmes de ces constructions. Actuellement, l'affaire est devant la justice, c'est bloqué. Respectons nos principes de base, s'il vous plaît.

M. Olivier Norer (Ve). Le groupe des Verts, tenant compte bien sûr qu'il s'agit d'un objet traité aux extraits, sera très bref. Sur le fond, cette pétition n'a pas lieu d'être renvoyée au Conseil d'Etat, parce que, effectivement, l'emplacement à Lancy se prête totalement aux constructions. Sur la forme, il n'y a pas lieu de geler cette pétition, dans le sens où nous pouvons tout à fait oeuvrer en parallèle. Il n'est pas nécessaire d'attendre une quelconque décision de justice. Si toutes les pétitions venaient à bloquer toutes les décisions de justice et inversement, ce serait très compliqué dans notre république. Dans ces deux sens, nous vous demandons tout simplement le dépôt de ce texte sur le bureau du Grand Conseil.

M. Roger Golay (MCG). Je veux contredire M. Florey par rapport à ce qu'il a avancé à la table des rapporteurs. Dans le P.V. de la séance du 16 novembre - il peut consulter le P.V. mais, bien sûr, dans son rapport de majorité, il a mentionné ce qui lui plaisait - il est bien indiqué que M. Baertschi ignore le nombre d'étages prévu. (Brouhaha.) En plus de cela, le conseiller administratif lui-même a signé tout seul l'autorisation sans aucune information au Conseil municipal. Pire, aucune information n'a été donnée aux riverains, aux propriétaires qui se trouvent encore dans ce périmètre, pour le peu qu'il en reste.

C'est une question de procédure. D'accord pour du logement, mais il doit en tout cas y avoir une certaine consultation, une concertation avec les habitants du coin. C'est la moindre des choses, on l'a toujours défendu. (Remarque.) On n'est pas contre le logement, mais il y a quand même des manières de faire. Or non seulement ce qui s'est passé est tout à fait inadmissible de la part du Conseil administratif, mais le Conseil d'Etat profite bien sûr aussi de cette procédure accélérée pour faire tout et n'importe quoi sans consultation de quiconque.

Le président. Merci, Monsieur le député. Il y a encore deux interventions, à commencer par celle de M. Droin, à qui il reste une minute.

M. Antoine Droin (S), rapporteur de minorité. Je serai bref. Je rappellerai simplement qu'il y a deux poids, deux mesures, puisque ceux qui ne veulent pas geler cette pétition en la renvoyant en commission devraient se rappeler - en tout cas les membres de la commission des pétitions - que, pas plus tard que ce lundi, on a eu le même débat sur une autre pétition, avec le même problème. Or il y avait une unanimité flagrante pour dire qu'il n'était pas question que l'on puisse traiter une pétition quand il y avait des questions judiciaires derrière elle. Donc il y a deux poids, deux mesures. Dans cet esprit, on ne peut que geler cette pétition et la renvoyer en commission.

M. Jean-Michel Gros (L). Mesdames et Messieurs les députés, MM. Maitre et Norer ont parlé d'or. Effectivement, qu'implique un renvoi en commission, Mesdames et Messieurs les députés ? Alors que nous voulons accélérer nos travaux parlementaires, cela signifie une nouvelle convocation de la commission des pétitions, qui passera une heure, voire deux; puisque cette pétition a fait un peu de bruit, on va en reparler, peut-être même pendant deux séances. Il faudrait éventuellement réauditionner les pétitionnaires, pourquoi pas ? En effet, il y aura des nouveaux membres, et ils ne seront pas tous au courant. Ensuite, un nouveau rapport devra être rédigé. On va désigner de nouveau un rapporteur de majorité et un rapporteur de minorité, lesquels vont scier une nouvelle fois une forêt pour nous produire le papier que nous avons ici... Enfin bref, c'est une perte de temps absolue.

Quant à la décision judiciaire, nous ne l'entravons pas du tout. Le dépôt d'une pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement ne veut pas dire que nous sommes pour ou contre les demandes des pétitionnaires. Nous déclarons que nous en avons pris connaissance. Elles ne justifient pas à nos yeux un rapport du Conseil d'Etat, ce d'autant moins que l'affaire est maintenant devant les instances judiciaires et que les juges se chargeront bien de dire si la demande est justifiée ou non. Le dépôt sur le bureau signifie que notre Grand Conseil a pris connaissance de cette pétition et qu'il la dépose à titre de renseignement. Je vous demande donc d'accepter, ici et maintenant, lors de ce débat, le dépôt à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil.

Le président. Merci, Monsieur le député. M. Unger renonce parce que M. Gros a dit en substance ce qu'il entendait déclarer. Nous pouvons donc maintenant passer aux votes.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1700 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont rejetées par 43 non contre 26 oui et 1 abstention.

Le président. Nous avons maintenant le choix... (Remarque.) Je suis désolé, c'est la question qui a été posée... (Remarque.) Mais non: il faut écouter ce que l'on dit ! Le rapport de majorité demandait le dépôt sur le bureau. Désormais, nous n'avons plus le choix qu'entre le renvoi au Conseil d'Etat et le classement. (Brouhaha.) S'il vous plaît ! (Commentaires.) Oui, il y a aussi le renvoi en commission... (Commentaires.) Nous nous prononçons donc d'abord sur la proposition du rapport de minorité, qui consiste à renvoyer sans autres débats cette pétition en commission jusqu'au dénouement juridique de cette affaire.

Mises aux voix, les conclusions de la minorité de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1700 à la commission des pétitions) sont rejetées par 36 non contre 35 oui et 1 abstention.

Le président. Nous poursuivons la procédure de vote. Puisque nous avons refusé le dépôt et le renvoi en commission, selon le règlement, il nous reste deux possibilités: soit le renvoi au Conseil d'Etat, soit le classement. Nous nous prononçons, en une fois, sur le renvoi au Conseil d'Etat. En cas de refus, la pétition sera classée. Est-ce clair ? Je répète: nous nous prononçons sur le renvoi au Conseil d'Etat; si c'est le non qui l'emporte, la pétition sera classée. (Commentaires.) Il n'y a pas de demande de parole: on est en procédure de vote.

Mis aux voix, le renvoi de la pétition 1700 au Conseil d'Etat est rejeté par 48 non contre 27 oui.

La pétition 1700 est donc classée.

Le président. Je passe à présent le relais à mon estimé vice-président.

Présidence de M. Renaud Gautier, premier vice-président