Séance du
vendredi 18 juin 2010 à
15h
57e
législature -
1re
année -
9e
session -
43e
séance
P 1683-A
Débat
Le président. M. Stalder est remplacé par M. Gros. (Commentaires.) M. Etienne l'est par Mme Moyard. La parole est à M. Gros... qui s'abstient de prendre la parole et nous fait gagner du temps. La parole est à Mme Moyard.
Mme Marie Salima Moyard (S), rapporteuse de minorité ad interim. Je remplace mon collègue Alain Etienne, et j'ai même pris la peine de lire le rapport. Donc je vais vous expliquer pourquoi je vous demande instamment et avec grand bonheur de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat et non de la déposer sur le bureau du Grand Conseil, comme la majorité vous le recommande.
Il y a un seul pétitionnaire à cette pétition, mais pour une préoccupation largement répandue, qui demande certaines réponses concernant les activités des chômeurs, la crise du logement, en partie, et le lien à la terre et à l'alimentation. Certes, cette pétition a été rédigée de manière peut-être un peu étrange. L'unité de la matière n'est pas exactement son fort. Mais c'est un cri du coeur assez touchant, et surtout - c'est le plus important - les problématiques soulevées ne sont pas inintéressantes. Encore une fois: gestion du chômage, alimentation, aménagement du territoire.
Sur le fond, il est apparu, lors des travaux de la commission, effectivement irréaliste de donner un jardin familial d'à peu près 150 m2 à chaque chômeur pour des questions évidentes d'aménagement du territoire et de place disponible sur le territoire genevois, même si le travail de la terre et la consommation de la production qui serait obtenue pourraient avoir des effets positifs sur la situation de certaines personnes.
Par contre, la minorité demande le renvoi au Conseil d'Etat pour obtenir un certain nombre de réponses sur l'avancée de la question des plantages au pied des immeubles. La motion 1519 - et non 1510, contrairement à ce qui est marqué dans le rapport, où il y a une petite erreur - avait été acceptée et renvoyée au Conseil d'Etat. La réponse du Conseil d'Etat en 2006 était favorable, mais un peu attentiste, peu proactive. Et il serait intéressant, à l'occasion de cette pétition, de savoir ce qu'il en est aujourd'hui. Il serait également intéressant de voir le type de collaborations au niveau informatif entre les départements sur cette problématique compliquée. Et puis, surtout, il conviendrait d'avoir un état des lieux des projets d'actions ciblées qui sont proposées dans les activités aux chômeurs. D'ailleurs, le rapporteur de minorité regrette à ce titre le refus de la commission des pétitions d'auditionner l'office cantonal de l'emploi, qui aurait pu donner sa vision du problème.
Néanmoins, il y a des exemples, fournis dans le rapport: cultures de fraises derrière l'aéroport, plantage au pied de certains immeubles et travail des vignes de l'Etat. Il y a également un exemple en Hollande, qui aurait peut-être été à étudier. (Brouhaha.) Monsieur le président, pourrais-je avoir un peu de silence, s'il vous plaît ? (Exclamations.)
Le président. Pas de problème, vous pouvez poursuivre !
Mme Marie Salima Moyard. Ecoutez, si je me donne la peine de parler, contrairement au rapporteur de majorité, peut-être que le manque d'attention de votre part...
Le président. Ne vous souciez pas de la salle; vous pouvez continuer à parler: on vous entend très bien.
Mme Marie Salima Moyard. Comme le disait mon collègue Leyvraz hier, personnellement, quand je suis ici, j'aime mieux parler politique que match de foot, mais bref ! (Remarque.) Vous pas, mais certains autres, oui. (Remarque. Rires.) Je reprends.
Il s'agit donc de répondre aux soucis citoyens exprimés par cette personne, et un renvoi au Conseil d'Etat serait l'occasion de faire le point de la situation sur les encouragements de ce dernier aux différentes associations travaillant dans le domaine et de dresser un état des lieux des projets qui avaient été annoncés en 2006 suite à la réponse à la motion 1519. C'est pour cela que je vous propose de suivre le rapport de minorité et de voter le renvoi au Conseil d'Etat.
M. Jean-Michel Gros (L), rapporteur de majorité ad interim. Je crois que ma collègue rapporteure de minorité a très bien dit les choses. Cette pétition ne reflète aucun réalisme. Elle a dit que cette pétition était touchante. Oui, elle est probablement touchante, c'est vrai. Mais faut-il renvoyer au Conseil d'Etat tous les textes touchants pour obtenir un rapport de celui-ci qui serait encore plus touchant, ce que, évidemment, nous souhaitons visiblement ?
Mme le rapporteur de minorité a encore évoqué une réponse à la motion que nous avions traitée il y a quelque temps sur les plantages. Là n'est pas du tout la question. Il n'est pas question ici des plantages, mais bel et bien de jardins familiaux. Il faut savoir si l'octroi de jardins familiaux pour les chômeurs est à même de résoudre d'une quelconque façon le problème du chômage à Genève. J'en doute vraiment.
J'ajouterai une pique, peut-être, à nos amis Verts, parce qu'ils savent très bien et mieux que quiconque que les jardins familiaux sont les milieux «agricoles» - entre guillemets - les plus pollués de tout le canton. Aussi, encourager les jardins familiaux à tout prix veut dire que nous acceptons une pollution des terrains de façon absolument incroyable et inconsidérée.
Donc pour tous ces motifs et avec la majorité de la commission, je vous demande de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. (Applaudissements.)
M. Christian Bavarel (Ve). Monsieur Gros, je crains que vous n'essayiez d'incarner le titre d'un film de Jean-Luc Godard avec Brigitte Bardot. Ce serait dommage dans cette assemblée.
Je vous rappellerai simplement, Monsieur Gros, que s'il y a pollution, certes, que nous dénonçons dans les jardins familiaux, c'est un problème de dosage. Vous connaissez, par votre métier que vous pratiquiez antérieurement, le fait que les quantités de produits peuvent être facilement confondues: on se trompe facilement d'une virgule et on met 100, 200, 300 fois la dose. Néanmoins, vous n'ignorez pas que, simplement avec de l'extrait de fleur de pyrèthre, plus connu sous le nom de pyréthrine, on traite très bien. C'est un produit biodégradable. Vous êtes tout à fait au courant aussi que, avec des amendements d'origine organique - fumier, compost, etc. - dans un jardin familial, on arrive parfaitement à avoir un niveau d'engrais suffisant. Vous savez également que l'on peut avoir des excès d'azote avec ces produits, je vous rejoins totalement. Par contre, les effets à long terme sont nettement moindres que lorsque l'on utilise des produits issus de la chimie de synthèse. (Remarque.)
Il ne s'agit là que d'un problème réglementaire. Je sais que tout le monde s'est appliqué à faire que, dans les jardins familiaux, l'extérieur du volet ne puisse pas être peint en vert, mais que l'intérieur puisse l'être, de sorte que c'est seulement si la fenêtre est ouverte que l'on peut voir les volets verts, et que quand elle est fermée, le brun apparaît. Ce sont des règlements qui nous semblent essentiels, bien évidemment ! (Rires.) Nous comprenons bien que, dans les jardins familiaux, on a limité le nombre de mètres carrés de gazon pour s'assurer que la surface permette de mettre juste une chaise longue, mais pas plus, et que l'utilisation du barbecue a aussi cinq pages de règlement. Ce sont des helvétismes assez particuliers, assez touchants, qui nous semblent cependant peu efficaces, alors qu'une réglementation sur l'utilisation des produits phytosanitaires aurait été beaucoup plus pertinente. Une fois cette réglementation posée, les problèmes que vous dénoncez, Monsieur le député, sont réglés. Donc cet argument me semble un peu léger.
Néanmoins, Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'il ne faut pas mépriser les jardins familiaux. Les jardins familiaux sont des lieux non seulement d'intégration, mais aussi de production et de loisir; et ces lieux de loisir et de plaisir sont extrêmement importants. Or, effectivement, je pense que nous sommes en train de réduire de plus en plus ces surfaces de loisir qui apportent du bien-être à nos concitoyens, y compris nos concitoyens qui sont en période de fragilité... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et qui peuvent être au chômage.
Alors oui, il y a d'autres manières de faire. Nous avons vu les villes françaises ou Lausanne prendre une avance considérable par rapport à nous. Les jardins familiaux, aujourd'hui, peuvent être écologiques et responsables, et ils permettent à nos concitoyens d'avoir du plaisir. Nous pensons qu'il est important que le gouvernement se pose cette question et nous renvoie une réponse par rapport à cette pétition. Nous soutiendrons bien évidemment, comme c'est écrit dans le rapport de minorité, la position des socialistes.
Mme Marie Salima Moyard (S), rapporteuse de minorité ad interim. M. Gros a repris mes mots. J'ai effectivement dit que cette pétition était un cri du coeur touchant. Mais j'ai dit surtout - et c'était le plus important - que les problématiques soulevées étaient loin d'être inintéressantes. Et revenant sur le fond de la pétition, j'ai en effet indiqué que la première proposition du pétitionnaire, lorsqu'il a été auditionné sur la question d'un jardin familial de taille relativement importante par chômeur, était tout à fait irréaliste. Mais la majorité des débats, ensuite, a porté sur quelque chose de beaucoup plus réaliste, sur des projets plus concrets, de plus petite ampleur. Et c'est ceux-là que j'ai mentionnés. Je n'ai pas seulement évoqué la question des plantages. J'ai aussi mentionné d'autres éléments, comme le travail, d'une manière ou d'une autre, dans les vignes de l'Etat, qui avait été expérimenté et est resté sans suite pour des questions qui n'étaient en tout cas pas connues du rapporteur de minorité. Enfin, j'ai mentionné les expériences menées en Hollande. Donc il s'agit de retravailler des propositions d'actions beaucoup plus ciblées concernant des activités concrètes pour les chômeurs.
Deuxièmement, il n'y a pas que des éléments touchants dans cette pétition car, outre la question des jardins familiaux - et c'est là que je parlais de manque éventuel d'unité de matière - le pétitionnaire a proposé, par exemple, de faire des logements pour étudiants en conteneurs. Ce n'est pas sans rappeler dans vos mémoires, j'en suis sûre, la proposition de motion 1954, intitulée «Pour de nouveaux logements étudiants modernes et économiques», que nous avons rapidement renvoyée à la commission du logement lors de notre dernière session. Donc nous ne pouvons pas simplement balayer d'un revers de la main cette pétition en estimant qu'elle n'a rien d'autre à faire que de figurer au Mémorial. (Brouhaha.) Encore une fois, je vous demande de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
M. Eric Leyvraz (UDC). Je rappelle que, au début de ce texte, le pétitionnaire parle d'un petit bout de jardin pour chaque chômeur. Or il y a 20 000 chômeurs. Sachant que 150 mètres carrés par chômeur font 3 millions de mètres carrés, c'est-à-dire 300 hectares, dites-moi un peu comment on fait pour donner 300 hectares de terrain ici à Genève, alors que, quand on veut en déclasser une toute petite partie, on voit déjà que c'est difficile.
Le deuxième point soulevé dans cette pétition est que, quand on fait des jardins familiaux, il y a toute une infrastructure à mettre en place. Cela coûte une fortune: il faut amener l'eau, gérer les déchets. Ce n'est pas simple du tout.
Alors cette pétition est effectivement touchante, mais c'est ce que j'appelle une pétition «Télétubbies»: c'est très joli, mais cela ne mérite - et on est bien gentil - que d'aller sur le bureau du Grand Conseil.
M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je dois dire tout d'abord que j'ai eu beaucoup d'intérêt non seulement à lire les rapports de majorité et de minorité de façon approfondie, mais aussi à entendre notre collègue jardinier des Verts Christian Bavarel, ami par ailleurs très cher, s'exprimer de façon dithyrambique sur les réglementations des jardins familiaux et, au fond, la bureaucratisation excessive. Or je m'étonne que cette pétition n'aborde pas ce point, parce qu'il y aurait certainement beaucoup à dire sur la nécessité de simplifier la réglementation des jardins familiaux, la «Entbürokratisierung» des jardins familiaux.
Une voix. Ja, ja !
M. Pierre Weiss. Le renvoi au Conseil d'Etat, de ce point de vue là, pourrait être une option intéressante, si on ne la déposait pas simplement sur son bureau... (Applaudissements.) Mais ce n'est pas... (Rires.) ...le seul angle d'attaque de cette pétition... (Commentaires.) ...qui, personnellement, m'interpelle dans mon vécu de tondeur de gazon du samedi. (Commentaires. Rires.) C'est aussi trois points supplémentaires.
Tout d'abord, on a là une nouvelle norme qui est posée en matière d'habitat. Des appartements de 35 m2: je crois que c'est en mesure, compte tenu des surfaces actuelles et des normes communément acceptées, de résoudre probablement la crise du logement à Genève ! En effet, 35 m2 par appartement, c'est en gros la moitié voire le tiers de ce qu'occupent les Genevois. Je pense que, à ce titre, cela mériterait aussi d'être examiné par M. Muller.
D'ailleurs, dans un autre paragraphe, le pétitionnaire nous dit le nombre d'autres bonnes idées - «très bonnes idées» ! - qu'il a. Au passage, cela pose aussi le problème de l'utilisation du droit de pétition. Si chaque fois que M. Dominique Degoumois a de très bonnes idées, et même de moins bonnes, il signe une pétition, eh bien nous aurons l'occasion, comme aujourd'hui, de nous en occuper longuement dans ce Grand Conseil... (Remarque.) On se demanderait si les volets verts deviennent bruns vus de l'intérieur et si l'on a lu ou non le rapport en essayant de culpabiliser le rapporteur de majorité quand on s'occupe du rapport de minorité.
Ou encore, on se demanderait si M. Degoumois, qui non seulement a un jardin, mais aussi s'occupe d'internet - et ce sera le troisième et dernier angle d'attaque de cette pétition - ne ferait pas mieux de travailler un peu plus sur les blogs, comme il le fait régulièrement, y compris sur le mien... (Rires. Commentaires.) ...plutôt que d'envoyer à ce Grand Conseil des pétitions qui me semblent certainement excellentes, avec de très bonnes idées...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Pierre Weiss. Dans le temps qui m'est imparti, Monsieur le président, je vais m'efforcer de conclure...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Pierre Weiss. ...mais je crois qu'un dépôt, dans la suite des conclusions de M. le rapporteur de majorité, s'impose. Je vous... (Le micro de l'orateur est coupé.)
Le président. Merci, Monsieur le député ! La parole est à M. Hohl.
M. Frédéric Hohl (R). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'il faut prendre la peine de lire cette pétition d'abord avec beaucoup de respect: la pétition est un acte démocratique, et on peut déposer une pétition avec une signature. On a reçu cette personne, c'était tout à fait élégant. On l'a écoutée, on l'a entendue.
Par contre, aujourd'hui, faites attention à ne pas vous moquer des chômeurs, Mesdames et Messieurs. Vous avez vu ce que demande cette pétition: il est indispensable de leur proposer des activités - bricolage, travail dans la forêt - pour leur éviter des problèmes d'alcool. Mais s'il vous plaît, revenez un peu sur terre ! C'est immédiat. Arrêtez de vous moquer des chômeurs. Posez la question à un chômeur: «Voulez-vous 200 m2 à l'autre bout du canton pour aller planter des carottes ?» Mais s'il vous plaît ! Il faut urgemment déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Meissner, à qui il reste deux minutes.
Mme Christina Meissner (UDC). Mon collègue Hohl a raison. C'est vrai, il faut avoir le courage de pouvoir occuper décemment les chômeurs. Je rappelle que, en ce qui concerne le grattage de terre et les occupations saines, Lullier le fait avec les requérants d'asile et le fait extrêmement bien.
Voici ce que j'ai envie de dire par rapport à cette pétition. Des projets de plantages: oui; des espaces de délassement: oui; de la qualité de vie: oui; des occupations saines, à gratter la terre: oui. Mais pour tous, pas seulement pour les chômeurs. Nous en avons tous besoin. Dans ce sens, on s'éloigne absolument de ce qui est proposé par cette pétition. C'est la raison pour laquelle il faut la déposer sur le bureau.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole n'est plus demandée. Nous nous prononçons donc sur les conclusions du rapport de majorité, à savoir le dépôt de la pétition 1683 sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1683 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 43 oui contre 19 non et 1 abstention.