Séance du
vendredi 28 mai 2010 à
15h
57e
législature -
1re
année -
8e
session -
38e
séance
P 1620-A
Débat
Le président. Nous sommes au point 61. Ce rapport figure à l'ordre du jour depuis tellement longtemps qu'on a fait le tour de... (Remarque.) Depuis septembre 2007 !
M. Antoine Droin (S), rapporteur de majorité ad interim. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons débattu hier soir d'une motion que je qualifie d'immonde, qui voulait stigmatiser une population derrière des barbelés. Aujourd'hui, dans un rapport de minorité, on voit que les mêmes personnes font valoir leur indignation face aux exactions du communisme. Je rejoins ici les conclusions que mon excellente collègue a inscrites dans son rapport juste avant les votes: «Les commissaires des différents groupes politiques ne souhaitant pas faire de débat sur la pétition, la commission passe au vote.» Je vous propose de faire de même !
M. Eric Leyvraz (UDC), rapporteur de minorité. Je rappelle que cette pétition demandait qu'on érige un monument à la mémoire des plus de 80 millions de victimes du communisme et que la démarche du pétitionnaire avait pour origine un rapport soumis par un député suédois au Parlement européen. Aucun débat n'a pu être mené, disait ce député, à cause de l'hostilité des 15 partis communistes.
Mesdames et Messieurs les députés, à Genève, qui se veut la ville des droits de l'Homme, c'est quand même étonnant que l'on puisse être professeur à l'uni et se vanter de ses amitiés avec Mugabe et Castro; on peut croiser d'anciens politiciens qui ont trouvé très bien de passer des vacances en Roumanie aux frais de Ceaucescu, on peut aussi se promener en toute impunité avec un t-shirt à l'effigie de Mao. Eh bien cela m'indigne, et je ne comprends pas comment mes collègues des autres partis à la commission des pétitions ont pu simplement écarter d'un revers de la main la demande formulée. Quand on dénonce à juste titre les abus des dictatures sud-américaines, on a aussi le devoir de dénoncer celles, bien plus sanglantes, des Mao, Pol Pot et autres dirigeants soviétiques, et de mettre devant les yeux des nouvelles générations un souvenir tangible de ces terribles dérives. Certains, heureusement, commencent à bouger, et dans la campagne Pictet, au Grand-Saconnex, une plaque a été déposée. Elle rappelle la mort d'innombrables boat-people qui se sont noyés, fuyant le paradis communiste vietnamien. Les estimations des victimes se situent entre 300 et 500 000 morts. Bravo aux autorités du Grand-Saconnex d'avoir honoré de cette manière les victimes de ces régimes. Ce jour-là, le conseiller d'Etat Longchamp était présent, qu'il en soit remercié.
Je demande donc à cette assemblée de bien vouloir prendre en compte toutes ces souffrances subies par les victimes du communisme et de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Je sais que la commune du Grand-Saconnex a subi beaucoup de pressions, mais elle a conservé cette plaque à sa place. Eh bien, Mesdames et Messieurs, un peu de courage, que diable !
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le rapporteur de majorité a fait allusion à un débat qui a eu lieu hier soir. Laissez-moi simplement vous dire, Mesdames et Messieurs les... socialistes - j'ai failli dire «communistes», vous voyez, j'ai manqué de faire un lapsus ! - que, lorsque l'on veut défendre un Etat qui préfère laisser les dealers ou autres malfrats sous les écoles des habitants de Genève pour les loger dans les abris de la PC en lieu et place de leur trouver un endroit convenable et qui mettrait en sécurité la population résidente... Je vous rappellerai juste, Monsieur Droin, qu'une petite fillette de 4 ans a confondu un bonbon avec une pilule de méthadone dans un préau d'école à Carouge et que cette petite fille est tombée dans le coma. Pourquoi ? Parce que nous logeons dans ces écoles, dans les abris PC, des SDF, toxicomanes pour la plupart ! Malheureusement, hier soir je participais à un débat sur Léman Bleu et n'ai pas pu vous répondre en direct...
Le président. Pouvez-vous rester dans le sujet, Monsieur le député ?!
M. Eric Stauffer. ...mais sachez que je n'en pense pas moins. (Brouhaha.)
Le président. Ce n'est pas dans le sujet !
M. Eric Stauffer. Mais je suis là, maintenant ! Vous voulez nous invectiver comme hier soir ? Je suis là pour vous répondre. Parce que les idées, on les défend ! (Commentaires.) A présent, Mesdames et Messieurs, on vous met face à vos responsabilités ! Les socialistes, communistes, vous ne voulez pas admettre que les régimes communistes ont fait des milliers de victimes ?! Est-ce que vous avez un problème avec cette reconnaissance ?! Non. Alors quand on entend le rapporteur de majorité dire qu'il ne faut même pas avoir de débat et qu'il convient de classer cette pétition, de la mettre à la poubelle, c'est quoi comme respect par rapport à l'histoire ? Quel est le message que vous voulez faire passer aux générations futures ? Dire que les communistes, les partis de gauche, ils étaient tous enchantés, que tout allait bien dans le meilleur des mondes, que c'était un régime tout à fait adéquat pour le bien de la population ? C'est ça, Monsieur le rapporteur de majorité, que vous voulez faire passer, en évinçant le débat ? Eh bien non. Le MCG, aujourd'hui, s'y oppose, parce que le rapporteur de minorité nous a convaincus: il a eu des paroles justes, et il faut reconnaître les erreurs du passé pour ne pas les répéter dans l'avenir. Voilà la leçon qu'un brave socialiste devrait prôner dans ce parlement, et il ne devrait pas évincer le débat en tenant des propos nauséabonds comme vous l'avez fait hier soir. Mais c'est votre manque de courage, de clairvoyance et d'honnêteté qui peut vous pousser à de telles exactions !
Alors Mesdames et Messieurs, oui, nous allons soutenir cette pétition, et je vous encourage à faire exactement la même chose, à la renvoyer au Conseil d'Etat, pour que soient reconnus avec un monument les crimes perpétrés par les régimes de gauche, les régimes communistes, socialistes, social-communistes... (Remarque.) Bien sûr, soutenus par les socialistes, c'est une évidence ! ...parce que ce doit être une reconnaissance pour toutes ces victimes ! Cela doit se faire dans le respect, et pas dans le déni en disant qu'il ne s'est rien passé...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Pardon ?
Le président. Il vous faut conclure !
M. Eric Stauffer. Mais je conclus ! Je vous engage à assumer vos responsabilités, les partis de gauche, à reconnaître les erreurs que vos pairs ont faites et à soutenir cette pétition. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Votre temps de parole est terminé, la parole est à Mme Emery-Torracinta.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Merci, Monsieur le président. Je ne vais pas polémiquer. Je revendique, et je le répéterai volontiers, ce que j'ai dit hier soir; j'estime que ce n'était pas nauséabond, mais à l'image de la motion que vous nous avez présentée, et je vous invite, Monsieur Stauffer, à venir voir les cours d'histoire que je donne en 3e année. Je dénonce aussi bien le nazisme que le stalinisme, et tous les régimes totalitaires quels qu'ils soient !
M. Jean Romain (R). Au fond, le XXe siècle a connu deux tragédies, ce sont évidemment ces tragédies qui ont coûté des millions de vies. Les calculs montrent que le communisme s'est soldé par 100 millions de morts, et le nazisme, par 40 millions. On n'est pas en train de chiffrer l'horreur, simplement on peut dire que le nazisme a eu moins de temps pour perpétrer cette absurdité. Mais il ne s'agit pas non plus de verser dans l'amnésie, pas plus que dans l'hypermnésie. Je crois qu'il est important de reconnaître à ceux qui ont souffert - et dieu sait s'il y en a eu des quantités - que cette souffrance-là, eh bien finalement d'une certaine manière c'est nous aussi, à notre échelle, qui la portons. Cependant, est-ce le meilleur moyen ? Il ne s'agit pas, Monsieur Stauffer, d'éviter le débat. Vous avez raison de dire que ce débat-là dépend de la responsabilité, maintenant je ne suis pas sûr que ce soient les partis de gauche qui fassent la plus grande opposition à cette amnésie-là. Le parti radical - du moins la délégation radicale du Grand Conseil - demande justement le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1620 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 39 oui contre 21 non et 5 abstentions.