Séance du jeudi 27 mai 2010 à 17h
57e législature - 1re année - 8e session - 36e séance

M 1864
Proposition de motion de Mmes et MM. Hugo Zbinden, Catherine Baud, Mathilde Captyn, Emilie Flamand, Michèle Künzler, Sylvia Leuenberger, Anne Mahrer, Brigitte Schneider-Bidaux, Pierre Losio, Jean Rossiaud, Christian Bavarel : Le découplage : vendre moins, gagner plus !

Débat

M. Hugo Zbinden (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes tous d'accord dans cette enceinte sur le fait qu'il faut économiser de l'énergie. La population genevoise le veut aussi, elle l'a manifesté encore récemment en votant la loi sur l'énergie. Malheureusement, la consommation d'électricité continue d'augmenter, de quelque 3% par année. On nous parle déjà de pénurie, et il y a beaucoup de gens qui demandent des nouvelles centrales; nous, nous estimons qu'il faut d'abord économiser.

Le potentiel d'économies est important, il est, hélas, sous exploité. Il y a plusieurs raisons à cela. Souvent, les consommateurs ne sont tout simplement pas motivés pour réaliser des économies: ils ignorent le potentiel, ils n'ont pas les connaissances nécessaires pour prendre des mesures ou, parfois, ils n'ont pas les moyens pour faire des investissements. En revanche, les sociétés comme les SIG ont tout ce qu'il faut: ces derniers ont les connaissances, et ils ont les moyens pour investir. Evidemment, ils ne le font pas, parce qu'ils sont quand même un peu dans une situation schizophrène: ils sont là pour vendre de l'électricité, pas pour en économiser. Donc, ce qu'on aimerait, c'est qu'on change le modèle économique, de sorte que, pour ces entreprises-là, vendre moins d'énergie amène plus de bénéfices. Il faut donc découpler, de la quantité d'électricité vendue, les bénéfices réalisés par les entreprises - d'où le terme «découplage».

L'idée, c'est qu'au lieu de payer une quantité d'électricité, on paie une prestation. C'est un peu comme si vous avez un loyer comprenant le chauffage: si le propriétaire décide de faire des rénovations amenant à une baisse des charges, eh bien, ça profite au propriétaire. Et, pour le locataire, ça ne change rien. Je ne vais pas aller dans le détail quant à la manière dont on peut mettre en oeuvre ce système, j'aimerais juste vous dire que c'est un thème assez chaud qui intéresse les milieux de l'électricité. J'ai pu assister à un séminaire, l'année passée, à Berne, où il y avait plusieurs représentants des SIG et du service cantonal de l'énergie... (Brouhaha.) ...et je peux aussi vous dire que ce système fonctionne. Par exemple, la Californie, qui a introduit un système de découplage au début des années 80, a réussi à maintenir - ou à stabiliser - la consommation d'électricité, cela contrairement à tous les autres Etats des Etats-Unis, qui ont connu une augmentation.

Enfin, juste pour vous rassurer si vous aviez encore des doutes sur ce système de découplage, je peux vous dire que c'est une manoeuvre tout à fait neutre pour le consommateur. Je vous invite donc à renvoyer cette motion à la commission de l'énergie. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

M. Eric Leyvraz (UDC). Toute idée concrète concernant des économies d'énergie est la bienvenue. Cette motion nous parle d'un système adopté en Californie, Etat qui, s'il était indépendant, serait la septième puissance mondiale. Mais ce qui a montré des résultats dans cet Etat ne peut pas être simplement et directement transplanté chez nous. Pour plusieurs raisons: d'abord, les économies d'énergies citées par rapport au reste des USA ne sont sûrement pas seulement dues au découplage, soit à la séparation de la vente de l'électricité et du bénéfice retiré de cette dernière. Puis, dans cette Amérique qui s'éveille enfin aux problèmes énergétiques et qui reste quand même le plus grand consommateur d'énergie par tête d'habitant, il était facile, avec peu d'efforts, de stabiliser la consommation de 35 millions d'habitants - un niveau élevé, puisqu'on parle de 8000 kWh par habitant et par année. Enfin, avec un climat aussi exceptionnel que celui qu'il y a là-bas, et avec un territoire énorme, c'est nettement plus facile d'envisager la possibilité d'utilisation du solaire que nous n'aurons jamais... Chez nous, nous avons déjà serré les boulons, et la hausse de la consommation d'électricité à Genève est en bonne partie due à l'augmentation de la population.

Cette motion laisse bien des questions en suspens: celles concernant le niveau du bénéfice envisagé, l'augmentation du prix du kilowatt, la définition et la création d'un organe de régulation, les problèmes d'un petit acheteur d'électricité sur un marché globalisé. Néanmoins, le groupe UDC trouve cette motion intéressante et, pour toutes les questions qui viennent d'être évoquées, demande son renvoi à la commission de l'énergie.

M. Florian Gander (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, vous savez à quel point l'énergie est quelque chose qui touche le MCG. Et, nous aussi, nous voulons de l'économie d'énergie. C'est pourquoi nous soutiendrons le renvoi de cette motion à la commission de l'énergie.

M. Francis Walpen (L). Une simple précision: le MCG n'a pas - seul ! - l'exclusivité de la protection de l'énergie, on est bien d'accord ! (Commentaires.)

Je voudrais simplement vous rappeler que cette motion a été déposée en janvier 2009; c'était le moment où l'on ferraillait, à la commission de l'énergie, sur la nouvelle loi sur l'énergie. Nous n'avons pas estimé opportun de traiter cette motion ou d'en parler à ce moment-là, et elle revient aujourd'hui. Les libéraux ne voient pas d'inconvénient à la renvoyer à la commission de l'énergie, étant entendu que, en son temps, Robert Cramer ne manquait pas de nous rappeler que la meilleure énergie, c'est celle qu'on ne consomme pas !

M. Pierre Conne (R). Chers collègues, le groupe radical demandera le renvoi de cette intéressante motion à la commission de l'énergie. «Intéressante», pourquoi ? Intéressante, parce qu'elle vise à mettre en place un incitatif financier pour les entreprises productrices d'énergie, indépendamment de la quantité d'énergie vendue. En d'autres termes, il s'agit de créer un cercle économique vertueux en matière de gestion énergétique. Pour cette raison, nous demandons également le renvoi de cette motion à la commission de l'énergie. Je vous remercie.

M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, effectivement, cette question avait déjà été abordée en partie lors de nos débats en commission concernant la nouvelle loi sur l'énergie. Je me souviens d'ailleurs avoir tenté de rendre compte de ces discussions dans mon rapport. Et je dois avouer que j'avais eu quelque peine à synthétiser la démonstration de M. Zbinden - c'est vrai que ce concept est fort intéressant, mais il n'est pas toujours très simple à expliquer. Je crois que cela mériterait que l'on ait un peu plus de temps, notamment pour mener des auditions en commission. Il est vrai que les résultats, qui ont abouti en Californie à des économies significatives, montrent tout l'intérêt qu'il y aurait à étudier ce nouveau concept à Genève. Le groupe démocrate-chrétien est donc parfaitement d'accord avec le renvoi de cette motion à la commission de l'énergie.

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes soutiendront également le renvoi de cette proposition de motion à la commission de l'énergie. C'est vrai que la meilleure énergie, c'est celle qui n'est pas utilisée. Il m'a semblé d'ailleurs que M. Walpen a exprimé un certain regret quand il évoquait l'ancien conseiller d'Etat Cramer, mais je ne sais pas si c'était une impression ou une réalité - on verra.

Pour le reste, ce qu'il y a d'un peu paradoxal aujourd'hui, c'est que SIG fait des efforts pour que nous économisions l'énergie, mais que - et c'est le problème - SIG est le vendeur de l'électricité. Donc, on a toujours un petit soupçon quant aux réelles motivations du vendeur d'électricité lorsqu'il veut nous inciter à faire des économies. C'est pourquoi un modèle économique favorisant les économies sans péjorer les rentrées financières des SIG est indispensable pour donner plus de crédibilité à leur démarche.

Je vous invite donc à soutenir ce renvoi en commission et me réjouis d'avance d'adresser au Bureau du Grand Conseil, à Madame le sautier et à M. le président, une demande pour un voyage, par exemple en Californie ! (Rires. Applaudissements.)

Le président. Merci pour votre suggestion, Monsieur le député ! Elle a retenu toute notre attention, naturellement. La parole n'étant plus demandée, nous allons nous prononcer sur le renvoi de cette motion à la commission de l'énergie.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1864 à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est adopté par 73 oui (unanimité des votants). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)