Séance du vendredi 19 mars 2010 à 20h30
57e législature - 1re année - 6e session - 30e séance

P 1662-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition : Donnons des espaces à la culture !
Rapport de majorité de M. Frédéric Hohl (R)
Rapport de minorité de M. Alain Etienne (S)

Débat

M. Frédéric Hohl (R), rapporteur de majorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la commission des pétitions s'est réunie à six reprises pour étudier cette pétition intitulée: «Donnons des espaces à la culture !» Nous avons également fait une visite sur place, sur le site d'Artamis et à l'Usine. Donc nous avons vraiment travaillé en profondeur sur ce dossier, qui était très intéressant, de même que l'étaient les auditions.

Alors de quoi s'agit-il ? Cette pétition de l'Usine a principalement pour but d'assurer à long terme la diversité de l'offre socioculturelle en aménageant au centre-ville des espaces pour la culture alternative. Le deuxième but est d'associer l'Union des espaces culturels autogérés, soit l'Usine et l'ensemble des associations qui se trouvaient sur le territoire d'Artamis, à la Ville et à l'Etat de Genève dans l'élaboration de plans d'aménagement urbain. Voilà l'objectif de cette pétition, Mesdames et Messieurs les députés. Les signataires demandent ainsi une prise de conscience de l'importance vitale des lieux de création et d'expression artistiques, principalement de la culture alternative. Ils demandent la restitution, au centre-ville, d'espaces associatifs.

Il faut être clair: cette pétition est principalement du ressort de la Ville de Genève, même si l'Etat collabore dans des projets culturels, y compris des projets culturels alternatifs. Nous avons auditionné M. Mugny, conseiller administratif en charge de la culture de la Ville de Genève, et il nous a confirmé - je cite, c'est à la page 4 du rapport - que «la Ville de Genève donne de multiples espaces depuis des années.» Il a ajouté: «[...] il ne s'agit pas d'une question d'argent mais bien d'une question d'espace à disposition.» Des commissaires ont posé cette question en particulier: «Mais où se situe Genève sur le plan de la diversité culturelle, notamment alternative ?» Le ministre municipal de la culture nous a répondu que «les artistes les plus marginaux reçoivent une part importante du budget, soit 25% en ce qui concerne le théâtre et près de 40% en ce qui concerne la musique.» Vous trouvez cela à la page 5 du rapport.

En commission, nous avons alors demandé si des communes genevoises pouvaient offrir des structures à ces associations de théâtre, de musique et autre. Toutes nous ont répondu qu'elles souhaitaient réellement rester au centre de la ville. La majorité de la commission a été rassurée et nous avons tous estimé que le Conseil administratif de la Ville de Genève devait réellement s'occuper de cette problématique parce que, somme toute, l'Etat a fait sa part de travail dans cette manoeuvre.

Mesdames et Messieurs, comme l'ensemble de la commission... Non, veuillez m'excuser - il est tard: 22h26 ! Comme la majorité de la commission, je vous recommande de renvoyer cette pétition au Conseil administratif de la Ville de Genève.

Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de minorité ad interim. Nous ne sommes pas d'accord, parce que l'impression donnée est de cacher ces jeunes que l'on ne saurait voir. (Exclamations.) On vient de parler de culture établie. Or ici, 18 000 personnes ont signé une pétition demandant de sauvegarder, de trouver et d'offrir des lieux à la culture alternative. Il est vrai que c'est difficile de vouloir soutenir des formations dans le domaine de la culture pour des jeunes sans permettre à ces derniers des expérimentations. Mais nous en sommes à plus que des expérimentations. En effet, les types de cultures ou de représentations données dans ces lieux alternatifs sont des cultures maintenant établies.

Parallèlement, 18 000 signatures constituent une bagatelle comparées au «propre en ordre» de la culture établie et peut-être aussi à certaines spéculations immobilières. Il est vrai que, historiquement, on trouvait cette culture alternative dans des lieux comme la Tour, la Cave 12, Artamis, qui ont été fermés. Maintenant, que font les jeunes qui fréquentaient tous ces lieux ? Où sont-ils ? Eh bien, Mesdames et Messieurs, ces jeunes, et ces moins jeunes, qui apprécient cette culture alternative, vont à l'Usine. Et il y a là-bas tellement de monde que ces gens débordent sur la place des Volontaires, quelle que soit la température extérieure. Cette situation ne peut plus durer. Il y a besoin de réfléchir à cette pénurie de lieux non institutionnalisés ou moins institutionnalisés dont nous venons de parler.

C'est vrai que la majorité de la commission - quelque part, dans un extrême courage ! - a botté en touche cette demande en renvoyant la question à la Ville. Nous n'avons pas la même interprétation des termes prononcés par M. Mugny, qui est venu nous dire que la Ville donne beaucoup - je le reconnais, c'est vrai - à ces collectivités alternatives. Mais le canton aussi doit maintenant travailler et être actif dans ce domaine.

Mesdames et Messieurs, tout jeune cherche des espaces de liberté et d'apprentissage, de construction de projets possibles. Contrairement à ce que certains commissaires ont dit, à savoir que c'était une culture de non-droit, une concurrence déloyale pour d'autres manières de création - on a même entendu que c'était une culture illégale - les lieux alternatifs genevois ont, de façon indirecte, énormément aidé notre canton, et pas seulement la Ville de Genève, à garder un équilibre social de ses nuits, un calme par rapport aux jeunes qui fréquentent ces lieux et qui y trouvent une manière de se rencontrer et d'être constructifs plutôt qu'autre chose.

Mesdames et Messieurs, où vont donc aller ces jeunes ? Je crois que la question se pose ce soir et que la collectivité cantonale ne peut pas s'en laver les mains. Ce qui était demandé ne prévaut pas uniquement pour la Ville. Ces lieux ont le droit, une légitimité...

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.

Mme Lydia Schneider Hausser. ...à se trouver au centre-ville, mais le canton a aussi quelque chose à dire sur le territoire du centre-ville. On pense au PAV, aux Vernets, des lieux qui pourraient être réaménagés et redonnés...

Le président. Merci, Madame la députée...

Mme Lydia Schneider Hausser. Il est grand temps d'agir et donc de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

Mme Sylvia Nissim (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, j'approuve tout à fait ce qu'a dit ma collègue socialiste. La culture alternative a une longue histoire à Genève. Elle a vu l'émergence et l'expression de nombreux jeunes artistes en offrant des lieux d'expression bon marché. Malheureusement, ces dernières années, nombreux sont les lieux qui ont fermé, et les possibilités d'expression en sont d'autant diminuées.

Ces fermetures, en plus de diminuer l'offre culturelle, ont causé une augmentation de la pression sur les rares lieux restants, comme l'Usine ou la Parfumerie, régulièrement pleins à craquer et eux-mêmes menacés. En effet, la culture alternative à Genève n'est pas seulement une affaire d'art et de théâtre, comme l'a dit M. Hohl, mais c'est aussi l'offre d'espaces de vie et de sorties pour les jeunes.

Aujourd'hui, on peut même aller jusqu'à dire que la culture alternative est en voie de disparition à Genève à cause de la réduction de son habitat naturel. Or, comme vous le savez, les Verts ont toujours été en faveur de la défense des espèces en voie de disparition ! (Exclamations.) Donc nous vous engageons ce soir à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)

M. Michel Ducret (R). Mesdames et Messieurs les députés, c'est une tradition bien établie pour les acteurs culturels du «off» de demander à être reconnus après un certain temps. Ils deviennent ainsi un peu et de plus en plus «in» - les deux premières lettres de «institutionnaliser». Mais, Mesdames et Messieurs les députés, c'est là tout le malheur. Le «off» devient «in», ce qui est bien: cela fait de la place aux nouveaux «off», qui sont d'ailleurs généralement plus jeunes, plus créatifs, plus révolutionnaires et novateurs en termes de créativité. Mais le nombre de «in» augmente en conséquence sans cesse ! Or, à Genève, le nombre de «in» augmente plus vite que la population, et surtout que les logements. Le «in» n'a donc plus assez de place et il faudrait que des «off» ou des «in» disparaissent pour faire de la place aux nouveaux en fonction de la croissance de cette demande culturelle.

Du coup, Mesdames et Messieurs, la problématique n'est pas celle en particulier de la culture, qu'elle soit «in» ou «off», mais bien celle de l'ensemble de notre agglomération. Le «off» doit être non pas seulement choyé au centre de notre agglomération, mais comme l'ensemble de l'agglomération, on doit maintenant passer à une dimension polycentrique. Il est donc important que les acteurs culturels acceptent que notre agglomération - la Ville de Genève en constitue un centre certes important - soit composée d'un certain nombre d'autres centres, ainsi que le projet d'agglomération s'est construit. Ces autres centres devront également accepter - ils ont déjà beaucoup de culture «in» - d'avoir de la culture «off», de même que les acteurs «off» devront accepter de parfois «s'exiler» aux endroits où de la place est disponible pour exercer cette activité. Et croyez-moi, Mesdames et Messieurs, il y en a passablement dans le périmètre de l'agglomération, pour que cette activité de culture «off», certes respectable, puisse s'exercer sans que nous devions suivre ici les demandes de cette pétition, sachant que, de toute façon, le Conseil d'Etat ne laisse pas tomber lorsqu'il y a des possibilités de loger des lieux de culture dans notre canton.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, vous l'aurez compris, le groupe radical ne soutiendra pas cette pétition.

Le président. Merci, Monsieur le député. Le Bureau décide de clore la liste. Restent inscrits: Mme et MM. Desbaillets, Leyvraz, Golay, Gillet, Carrard, Stauffer et Broggini. La parole est à M. Desbaillets.

M. René Desbaillets (L). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral suivra la position prise par la majorité de la commission. Cette pétition demande expressément des espaces culturels au centre-ville de Genève. D'après toutes les auditions que nous avons faites, l'Etat n'a pas de locaux à mettre à disposition. Donc nous renverrons cette pétition à qui de droit: au Conseil administratif de la Ville de Genève.

M. Eric Leyvraz (UDC). Il faut toujours s'en tenir aux invites d'une pétition. Nous avons là affaire à des gens présents sur le site d'Artamis. Or ils doivent partir. Cependant, ils nous ont très clairement dit qu'ils ne voulaient pas s'en aller de la ville, que des solutions intermédiaires ou le fait d'aller à Satigny, Meyrin ou Vernier ne les intéressaient pas. C'est leur droit. De ce fait, ces gens désirant rester en ville, il s'agit donc de renvoyer cette affaire au Conseil administratif de la Ville pour qu'il puisse trouver des solutions. Il ne s'agit pas, Madame le rapporteur de minorité, d'un manque de courage, c'est simplement une question de réalisme.

M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG propose aussi de renvoyer cette pétition au Conseil administratif de la Ville. Lorsqu'on parle d'acteurs culturels, il faut voir la liste que composent les signataires de la pétition. Ces signataires utilisent un droit démocratique, mais eux-mêmes ne respectent pas la démocratie, puisque la plupart sont des squatters, des gens qui exploitent sans aucune autorisation des établissements, des débits de boissons. Je pense qu'il n'appartient en tout cas pas au Grand Conseil ni au Conseil d'Etat, si l'on devait lui renvoyer cette pétition, de trancher cette question.

C'est l'affaire de la Ville, qui a toléré jusqu'à aujourd'hui ces établissements illégaux... (Remarque.) ...qui a aussi accepté que certains bâtiments soient exploités, puisque la Ville de Genève n'est jamais intervenue pour contrer ces associations à ce sujet. Je trouve inadmissible de trancher des sujets de la sorte alors que l'on a affaire à des acteurs qui ne respectent pas le droit cantonal. A mon avis, on aurait dû mettre cette pétition à la poubelle. On est plus fair-play et on la renvoie à la Ville de Genève; qu'elle se débrouille avec ces associations qu'elle défend tous azimuts. Donc on vous renvoie le bébé, Monsieur Tornare - vous souriez - eh bien voilà !

M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, effectivement, la question des locaux incombe essentiellement aux communes. Et je dis «aux communes» au pluriel parce que, si la Ville a effectivement un rôle central dans ce domaine, il faut cependant se souvenir qu'un groupe de concertation culturelle est actif en ce moment. Les communes suburbaines sont conscientes qu'elles doivent également jouer leur rôle pour mettre à disposition davantage de locaux de création, de lieux de rassemblement culturel. Et il est important, comme l'a dit M. Ducret, que les mentalités évoluent d'un côté comme de l'autre et que des lieux puissent également être mis à disposition de ces acteurs culturels le long des grands axes, notamment des voies de tram que nous sommes en train de mettre en place.

Donc je crois que c'est l'affaire des communes - nous suivrons les conclusions du rapport de majorité - c'est essentiellement le rôle de la Ville, mais également, à terme, celui d'autres grandes communes suburbaines de ce canton.

Mme Prunella Carrard (S). Nous avons besoin, dans cette république et dans ce canton, de lieux pour la culture alternative. Ce sont des lieux qui, jusqu'au moment où ils ont été fermés, étaient toujours pleins ! Vos enfants les fréquentaient peut-être. Ce sont des lieux qui répondaient à une demande. Mais peut-être que la plupart des députés dans cet hémicycle sont un peu trop vieux pour y avoir fait quelques pas... (Commentaires. Exclamations.) Eh bien oui ! Parce que, si vous y étiez allés, vous auriez envie qu'il y en ait toujours aujourd'hui.

Pour l'instant, rien n'a été mis en place pour remplacer ce que le procureur général s'est employé à fermer avec acharnement durant ces dernières années. C'est donc dans ce sens-là que nous estimons nécessaire d'avoir des lieux pour la culture alternative.

Le renvoi au Conseil administratif est à mon avis une erreur. Je ne comprends pas trop: je vois un paradoxe avec ce qui a été voté précédemment. En effet, vous avez accepté une résolution stipulant que la question culturelle devait être du ressort cantonal; et maintenant, dès que l'on parle de culture alternative, on en arrive à dire que c'est du ressort municipal. Or, je vous le rappelle, la culture est une prérogative cantonale. C'est la loi fédérale qui règle la question.

En fait, je pense qu'il s'agit ici d'avoir une réflexion générale sur la culture. Veut-on une vraie politique culturelle à Genève qui englobe différents acteurs, tous les acteurs proposant une culture diversifiée ? C'est bien là, en effet, la question: la diversification va contribuer au rayonnement de cette ville, au rayonnement de Genève aux niveaux régional, national et international, et ce pour tout type d'institution ou de culture, quel qu'il soit. C'est la raison pour laquelle, évidemment, nous soutenons le rapport de minorité.

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons la grande chance d'avoir dans cette assemblée M. le conseiller administratif «Manuel Tornare Ier» en personne ! (Commentaires.) Donc c'est à vous, Monsieur Tornare, par l'intermédiaire du président du Grand Conseil, que je veux m'adresser ici, puisque vous cumulez les mandats, comme évidemment le parti socialiste vous y autorise. (Commentaires.)

Nous aimerions vous dire - vous transmettrez, Monsieur le président - que, si plusieurs groupes s'opposent aujourd'hui à ce que vous appelez de la culture alternative, c'est que depuis votre fauteuil, Monsieur le conseiller administratif, vous avez toléré des lieux comme la place des Volontaires et l'Usine; j'encourage tous les députés ici présents à aller voir en sortant combien il y a de dealers à cet endroit. Voilà ce qui ne va plus dans notre ville, parce que vous avez encouragé, en subventionnant ces associations, à les faire rester et à les amplifier. On comprend bien pourquoi elles ne veulent pas quitter le centre-ville de Genève: parce que la manne «tornaresque» ne serait plus dans les budgets ! Tandis que dans des communes comme Vernier, qui sont un peu sous l'emprise du MCG, ce serait évidemment ric-rac pour faire de la culture ! (Brouhaha.) Eh bien oui, la vérité est là, Mesdames et Messieurs.

Alors je vous propose en conclusion de vous trouver un nouveau lieu pour la culture alternative. Il se situe au boulevard Carl-Vogt et se nomme VHP !

Une voix. Bravo ! (Exclamations. Applaudissements.)

M. Roberto Broggini (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, en 1985, qui était l'année internationale de la jeunesse au niveau de l'ONU, le président de la commission fédérale de la jeunesse était M. Guy-Olivier Segond, lequel a été également maire de Genève et président du Conseil d'Etat. C'est avec lui que des discussions ont été entamées, puis avec M. Claude Haegi, conseiller administratif puis conseiller d'Etat et président du Conseil d'Etat. C'est dans ce cadre-là, dans une discussion sereine, posée, réfléchie, constructive, que l'Usine a été ouverte en 1989. Cette Usine répondait à une véritable attente non seulement de la jeunesse genevoise, mais également d'un réseau européen. Il faut en effet savoir que l'Usine appartient à un réseau européen de culture, d'échanges, et que de l'Usine sont sortis de très nombreux artistes genevois qui sont actuellement internationalement reconnus ! Cela participe également au rayonnement de notre cité. C'est extrêmement important, nous ne pouvons pas manquer de le dire.

Si notre Grand Conseil est saisi - et je lis bien l'une des demandes de cette pétition: «d'associer l'UECA à l'élaboration des plans d'aménagement urbain» - c'est parce que c'est bien notre Conseil qui établit des zones. Pour le PAV par exemple, pourrions-nous intégrer dans cette zone industrielle une zone culturelle ? Voilà la demande, et c'est bien pour cela que notre Conseil doit être saisi et est saisi de cette pétition, parce que c'est nous qui avons les outils pour faire les aménagements urbains.

Nous savons très bien que l'Usine répond à une attente, à une demande, et que si nous ne laissons pas de tels espaces - comme le disait très bien M. Guy-Olivier Segond: «C'est la marge qui fait la page.» - si nous ne laissons pas de marge de création dans notre république, nous ne pourrons plus avoir de lecture de notre société. (Brouhaha.)

Mesdames et Messieurs, je vous encourage à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat non seulement pour qu'il en prenne acte, mais pour qu'il puisse également tenir compte de ces attentes dans ses projets d'aménagements futurs. Car nous savons que non seulement l'Usine, mais d'autres lieux aussi ne peuvent plus absorber toute cette attente. Alors nous devons répondre à ces attentes tant au niveau local qu'au niveau international. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je vais laisser M. Tornare, qui a été apostrophé, répondre pendant vingt secondes à l'interpellation de M. Stauffer. La parole sera ensuite aux rapporteurs puis au Conseil d'Etat.

M. Manuel Tornare (S). Merci, Monsieur le président. J'ai en effet été mis en cause par M. Stauffer, qui a bombé le torse selon son habitude. Je crois que M. Stauffer nous prouve ce soir qu'il connaît mieux la réalité d'Annemasse que de Genève. Je lui rappelle tout de même que le ministre de la culture à la Ville de Genève s'appelle Patrice et que le ministre de la sécurité se prénomme Pierre. Je vais donc transmettre tout cela et je suis sûr que mes deux excellents collègues vont répondre à M. Stauffer mardi prochain dans cette salle.

J'aimerais par ailleurs lui rappeler, parce qu'il n'a pas l'air de bien connaître l'histoire genevoise, mais peut-être mieux celle de certaines îles des tropiques, que celui qui a donné à la culture alternative l'Usine se nommait Claude Haegi, qu'il était conseiller administratif de la Ville de Genève à l'époque et qu'il fut ensuite conseiller d'Etat libéral. Il défendait la culture alternative déjà dans les années 80. Honneur à cet ancien magistrat ! (Applaudissements.)

M. Frédéric Hohl (R), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais délivrer un message à Mlle Carrard: ne partez pas ! Très jeune députée, c'est un très, très vieux député radical qui vous parle. J'ai eu l'occasion d'aller de nombreuses fois sur le site d'Artamis. C'était très sympa, mais c'était une véritable scène ouverte de la drogue. C'est absolument clair ! Alors je le dis avec d'autres mots que le député Stauffer - mais j'y suis allé souvent: c'était une scène de la drogue.

Quand vous parlez des jeunes et de la culture alternative, la Ville de Genève n'est pas la seule commune. Il y a de nombreuses autres communes à Genève, dont la mienne, Vernier, où il y a aussi la place pour la culture alternative. Et dans beaucoup d'autres communes, quand des jeunes ou des moins jeunes vont voir la mairie et demandent d'avoir un local pour une expression artistique - que ce soit de l'art plastique, de la danse, du théâtre ou autre - ils l'obtiennent très souvent. On a donc cela dans toutes les communes, et non uniquement dans la Ville de Genève. Or quand on a parlé avec les trente associations, qui étaient toutes sur le site d'Artamis, il est apparu qu'elles ne voulaient même pas discuter avec nous quand on leur parlait d'aller dans une autre commune. Pour elles, c'était exclusivement le centre de Genève.

Maintenant, c'est un organisateur qui vous parle: comme vous le savez, cela fait vingt ans que j'organise des manifestations. Les Genevois ne supportent plus le bruit; que ce soit de la musique classique, de la musique alternative ou autre, les gens ne veulent plus de fêtes; ils ne veulent plus de bruit. J'ai encore lu un article la semaine passée sur l'Usine, dont les gens se plaignent depuis des années du bruit. Ils n'arrivent pas à s'en sortir avec ce bruit, qui est acceptable à mon avis, mais les gens n'en veulent plus. La population de la Ville de Genève ne veut plus de bruit dans la Ville de Genève ! Donc si vous voulez suivre la culture alternative, si vous voulez en aider les acteurs, il faut les aider à aller en dehors de la Ville de Genève, et ils seront beaucoup mieux servis dans les communes. Voilà !

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, je vous encourage à renvoyer ce dossier au Conseil administratif.

Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de minorité ad interim. Ce qui me désole ce soir, c'est - je le répète - que l'on botte en touche. Ce n'est pas tellement une histoire entre la Ville de Genève et les communes. On dit, au sujet des plans d'aménagement urbain, que l'on n'a pas que la Ville de Genève dans la république. Oui, les gens que l'on a rencontrés à Artamis ont dit: «On aimerait, on voudrait rester en Ville de Genève.» Mais je crois que cela va plus loin. Le fond du problème est de savoir ce que l'on est prêt à accepter pour une certaine jeunesse.

Cette certaine jeunesse, détrompez-vous, ne se compose pas de jeunes marginaux. Pas du tout ! Ce ne sont pas des jeunes qui ne sont là que pour se droguer. Ce sont vos enfants, nos enfants. J'aimerais ici apporter un témoignage de parent. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je vous promets que c'est un privilège de posséder des lieux comme Artamis ou l'Usine pour les jeunes plutôt que de les avoir dans des parcs où il n'existe aucun contrôle. Peut-être qu'il y a des dealers à la place des Volontaires, mais vous oubliez que, dans l'Usine, quand les jeunes vont à des concerts dans un tel lieu, la sécurité est assurée. Il n'y a jamais eu d'accident grave, malgré les chiffres énormes... (Protestations. Le président agite la cloche.) Non, non, il n'y a jamais eu d'accident grave. Je veux dire que nous avons là une responsabilité en tant qu'adultes de laisser aux jeunes, à nos enfants ou à la plupart d'entre eux, des lieux tels que ceux-là pour s'exprimer, se rencontrer et évoluer. Voilà ce que je voulais dire. Et je regrette la tournure que prend cette discussion.

Le président. Merci, Madame le rapporteur. (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs, un peu de silence, s'il vous plaît ! La parole est à M. Beer.

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je trouve important, même si nous sommes en fin de soirée, de rester sur le véritable objet de départ de la discussion, à savoir la mise à disposition de lieux pour la culture alternative ou émergente. J'aimerais vous rappeler quelques éléments qui semblent un peu vite oubliés alors qu'ils ont fait partie de la discussion publique.

Principalement, il y a les forums du Rassemblement des artistes et acteurs culturels au cours desquels - je tiens tout de même à le dire - tous les partis politiques se sont exprimés au niveau cantonal pour dire leur souci de voir prises en compte les revendications en ce qui concerne les espaces pour la culture émergente. C'était le cas des partis libéral, radical, démocrate-chrétien et socialiste ainsi que des Verts, pour ne citer que ces partis politiques qui se sont exprimés à cette occasion.

J'aimerais également rappeler que l'ensemble des candidats au Conseil d'Etat, dans un débat un peu plus proche, à la Comédie, sont allés plutôt dans le même sens.

Nous trouvons aujourd'hui un exercice qui oublie surtout un autre élément important: les efforts du canton et notamment du DCTI - et de mon collègue Mark Muller tout particulièrement - pour que, à la fermeture d'un certain nombre de squats et de lieux alternatifs, résonne la création d'un certain nombre de lieux avec le concours du privé et de fondations éminemment respectables en ce qui concerne notamment la mise à disposition de bâtiments aujourd'hui largement consacrés, puisqu'ils ont été inaugurés par les autorités cantonales et communales. (Brouhaha.)

J'aimerais aussi relever que vous vous êtes régulièrement exprimés en disant: «Il est important que, à l'avenir, le secteur Praille-Acacias-Vernets puisse également consacrer des espaces à la culture... (Brouhaha. L'orateur s'interrompt. Le président agite la cloche.) ...et à la culture alternative.» Finalement, ce propos a été repris - et même largement - en évoquant la place dans les zones industrielles qui pourrait être consacrée à de telles entreprises au sens large, général, du terme.

Alors c'est un peu paradoxal, Mesdames et Messieurs les députés, de vouloir le calme au centre-ville et à la fois de dire: «Nous renvoyons, pour raison de compétence, à la Ville de Genève le traitement de cette pétition.»

Mesdames et Messieurs les députés, on va bientôt recevoir l'avant-projet que nous avons évoqué tout à l'heure à l'occasion de la résolution sur les grandes institutions. Il serait tout de même souhaitable de ne pas se débarrasser trop vite d'un objet dont vous vous êtes dits préoccupés. Et à ce sujet, vous avez indiqué qu'il était important de ne pas s'enfermer au centre-ville, là où il y avait des habitations, là où il est encore nécessaire de noter que des fondations importantes et le Conseil d'Etat - le DCTI en particulier, avec le DIP - se sont engagés pour trouver un écho favorable et raisonnable à la culture émergente.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1662 au Conseil administratif de la Ville de Genève) sont adoptées par 46 oui contre 28 non et 12 abstentions.

Le président. La séance n'est pas terminée, car nous avons encore le temps de traiter, dans les cinq minutes qui nous restent, le point 37.