Séance du
vendredi 12 février 2010 à
17h
57e
législature -
1re
année -
5e
session -
24e
séance
M 1919
Débat
Le président. Je passe la parole à Mme Schneider Hausser... (Un instant s'écoule. Le président est interpellé.) D'accord ! Bien, Madame Buche, je vous donne la parole.
Mme Irène Buche (S). Merci, Monsieur le président. Cela fait des années, voire des dizaines d'années, qu'il existe des instruments financiers destinés à faciliter l'accès à la propriété individuelle. Ces instruments sont prévus par deux lois genevoises en particulier, notamment la loi encourageant l'accession à la propriété du logement par l'épargne logement et la loi sur l'aide à la propriété individuelle.
D'autre part, le développement de la propriété individuelle est considéré comme l'un des quatre piliers de la nouvelle politique du logement du DCTI. Or, nous ne savons absolument pas quels sont les effets de cette politique d'aide à l'accession à la propriété ! Entre autres choses, nous ne savons pas quel est le coût pour l'Etat de ces différents instruments financiers ! Nous ne savons pas à qui bénéficient les aides prévues ! Nous ne savons pas, non plus, quel en a été l'usage effectif par les bénéficiaires et pour quel type d'objet elles ont été données. Nous ne savons pas quelles sont les procédures de contrôle mises en place pour s'assurer du bon usage de ces aides, et j'en passe ! Par ailleurs, il n'a jamais été rendu public. Et nous ne savons même pas si une telle étude existe... Quel est l'impact de ces aides sur la grave crise du logement qui sévit à Genève, que ce soit dans un sens ou dans l'autre ? Il y a là un manque de transparence auquel il faut remédier !
Nous demandons donc au Conseil d'Etat de présenter un rapport détaillé sur ces instruments financiers pour les dix dernières années, dans le sens de l'invite de la motion.
Le groupe socialiste vous recommande de renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)
M. Christophe Aumeunier (L). Etrange motion. Respectivement: étrange intervention ! Etrange motion, parce qu'elle demande, en définitive, au Conseil d'Etat de produire un rapport ! C'est dire qu'elle n'a aucun élément dynamique, puisqu'elle demande de fournir des chiffres.
Des chiffres sur quoi ? Des chiffres que vous avez - que nous avons en tant que députés - puisqu'ils figurent dans les comptes de l'Etat ! On nous demande quel serait le coût, à fonds perdu, des subventions destinées aux propriétaires... Eh bien, en lisant les comptes de l'Etat, Mesdames et Messieurs les membres du groupe socialiste, vous constaterez qu'il n'y a rien ou pratiquement rien, ce qui répond au moins à trois des invites de votre fameuse motion ! Rien au niveau des dépenses, pas de propriétaires qui en bénéficient, et pas de contrôle parce que pas de dépenses, me paraît en effet une réponse tout à fait adéquate ! Je vous invite à prendre connaissance des comptes de l'Etat: cela nous facilitera la tâche et accélérera les travaux de ce Grand Conseil !
Cela dit, je profite de la parole qui m'est donnée pour vous indiquer que ce que souhaitent les libéraux, Mesdames et Messieurs les socialistes: c'est plus d'enthousiasme de votre part pour les déclassements. Parce que votre groupe n'en montre guère ! (Protestations.) Vous pondez des rapports de minorité sur les déclassements, alors que nous souhaitons, nous les libéraux, que des terrains soient mis à disposition pour construire: construire des logements, construire des logements de toutes catégories, pour que les 10 000 foyers genevois qui désirent devenir propriétaires - eh oui ! - en aient la possibilité ! Ainsi, ils paieront des impôts, ils doperont l'économie genevoise et ils libéreront les logements qu'ils louaient !
Voilà ce que nous, les libéraux, souhaitons et voilà pourquoi nous recommandons à l'ensemble de cette assemblée de refuser cette fermement motion ! (Applaudissements.)
Le président. Je donne la parole à M. Barrillier. (Un instant s'écoule. Commentaires.)
M. Gabriel Barrillier (R). Le micro ne fonctionne pas ? C'est un coup monté ! Un coup monté par les jésuites ! Oh pardon ! Pardon, Monsieur le président ! (Rires.)
Le président. Monsieur le député, veillez à vos paroles ! (Rires. Commentaires.)
M. Gabriel Barrillier. L'instant n'est pas à la polémique ! Chers collègues socialistes, le second considérant de votre motion dit ceci: «[...] l'objectif de ces instruments - pour encourager la propriété, cela a été rappelé - n'est pas de créer des logements supplémentaires à Genève, mais de faciliter le changement de statut de possession du logement, [...]». Cette affirmation est fausse ! Vous savez très bien que les instruments mis à disposition pour encourager l'accession à la propriété permettent également de construire des logements nouveaux ! Avouez-le, votre motion représente une défiance par rapport de la propriété, ce que je trouve très gênant ! Par ailleurs, et cela a été indiqué, il est très facile de mesurer le coût ou l'impact de ces mesures d'encouragement sur l'Etat en épluchant les comptes.
Pour ces raisons, et parce que cette motion montre un apriori manifestement négatif, notre groupe la refusera.
M. Fabien Delaloye (MCG). La proposition de motion 1919 est intéressante, elle mérite d'être étudiée en commission. Le groupe MCG demande donc son renvoi à la commission du logement.
Mme Christina Meissner (UDC). Il ne faut pas avoir un apriori négatif. Avec seulement 15% d'habitants propriétaires à Genève, nous avons le taux le plus bas de Suisse. Et il y a 40 000 personnes qui rêvent de devenir propriétaires dans ce canton: c'est dire si l'accès à la propriété est un sujet qui intéresse les Genevois ! Il est donc important d'aider les Genevois à accéder à la propriété.
C'est la raison pour laquelle, même si l'origine de cette motion nous surprend, nous soutiendrons son renvoi au Conseil d'Etat. Car la réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil donnera des bases factuelles ! Et si les moyens sont effectivement inexistants actuellement, eh bien, ces bases nous seront très utiles dans le cadre du budget par prestations, pour pouvoir déterminer l'enveloppe financière dédiée à l'accès à la propriété et les instruments correspondants et adéquats.
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. Spühler... Qui renonce. Bien ! Je donne alors la parole à M. Pétroz.
M. Pascal Pétroz (PDC). Le groupe démocrate-chrétien refusera cette motion, il ne la renverra donc pas au Conseil d'Etat.
J'ai eu un peu de peine à comprendre l'argumentation de ma préopinante... Oui, légalement, accepter une motion, c'est la renvoyer au Conseil d'Etat pour qu'il nous rende un rapport - ça, c'est tout à fait juste - mais c'est aussi un geste politique. En décidant de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, le groupe UDC soutient de facto les invites et le message politique contenus dans cette dernière.
Il se trouve qu'il y a trois ans - c'était un 12 février - notre ancien collègue Jean Opériol nous quittait. Jean Opériol nous a laissé de très belles choses, notamment une loi d'accession à la propriété, loi qui désormais porte son nom. Elle prévoit un certain nombre d'instruments facilitateurs - pas financiers - pour permettre à la classe moyenne, aux personnes de ce canton qui le désirent, en particulier celles qui ont entre 30 et 40 ans, de devenir propriétaires de leur logement. Je dois dire que ce hasard du calendrier est assez étonnant, et je pense beaucoup à Jean Opériol en intervenant maintenant.
Je le répète, les mots employés dans cette motion montrent une défiance qui me choque énormément ! Que l'on nous dise qu'il faut étudier les instruments destinés à faciliter l'accès à la propriété: je suis d'accord ! Mais que l'on nous parle d'instruments financiers, comme si plein de banquiers se cachaient derrière tout cela et que ce n'est pas bien... Non !
J'ai aussi entendu - M. Barrillier l'a indiqué - qu'il ne s'agit pas de «créer des logements supplémentaires»... C'est faux ! Il s'agit aussi de créer des logements supplémentaires pour des personnes qui en seront propriétaires ! Et j'ai entendu encore qu'il s'agit seulement de «faciliter le changement de statut de possession du logement»... Pour moi, les choses sont relativement simples: il ne faut pas forcer un locataire à devenir propriétaire, mais il faut essayer d'aider celui qui veut devenir propriétaire ! Ce n'est pas un raisonnement très compliqué !
Et puis, dans les invites, on parle de «versements effectués à fonds perdu»... Alors ça, c'est affreux ! On verse de l'argent à fonds perdu pour un gentil locataire qui va devenir un méchant propriétaire ! Quelle horreur ! On parle également d'«intérêts non perçus» - là aussi, l'Etat serait spolié ! - d'«avances et de prêts effectués, de pertes en capital pour les prêts et avances non remboursés et de perte fiscale sur les réductions des droits d'enregistrement»... Franchement, si vous déposez une nouvelle motion...
Le président. Monsieur le député, vous devez conclure !
M. Pascal Pétroz. ...avec un texte, disons, «plus neutre», je la soutiendrai volontiers et je la renverrai au Conseil d'Etat ou en commission. Mais je ne soutiendrai pas ce texte qui emploie dans ses invites des mots tels que «abus», «sanctions» et «poursuites» ! Mesdames et Messieurs les députés, le groupe démocrate-chrétien refusera cette motion.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Deneys, à qui il reste une minute trente.
M. Roger Deneys (S). Suite à l'intervention de mon collègue libéral, j'aimerais quand même rappeler que, dans ce parlement, les blocages ne sont pas le monopole d'un camp particulier ! Et certaines pratiques sont malheureusement largement utilisées pour freiner l'avancement des travaux. Par exemple, rendre un rapport en dépassant le délai imparti notamment lorsqu'il y a des ventes dans le domaine immobilier, c'est une pratique qui est aussi de nature à reporter certains projets et à faire douter fortement les socialistes quant à la réelle volonté de certains de réaliser du logement social à Genève !
Nous savons très bien que des aides sont actuellement données à des propriétaires ! Il ne faut peut-être pas porter de jugement de valeur quant à la pertinence de ces aides - peut-être, d'ailleurs, parce qu'elles sont trop modestes pour servir à quelque chose - mais la question fondamentale, c'est de savoir si nous utilisons intelligemment les deniers de l'Etat... Est-ce une priorité d'aider quelques personnes qui veulent devenir propriétaires et qui ont peut-être les moyens d'y parvenir toutes seules ? Comme toujours, se pose la question de l'efficacité. Puisque nous avons parlé d'efficacité pour les associations, s'agissant de la LIAF, il n'y a pas de raison de ne pas se poser la même question pour l'aide à la propriété: l'Etat n'aurait-il pas intérêt à investir les mêmes montants autrement, pour essayer de décrisper la situation du logement à Genève ?
Mesdames et Messieurs les députés, rien que pour cette raison, il vaut la peine d'avoir un rapport à ce sujet, que cela soit directement par le Conseil d'Etat ou via un passage en commission si certains le souhaitent. Quoi qu'il en soit, il faut avoir des chiffres pour pouvoir mesurer l'efficacité de cette mesure: cela paraît indispensable aujourd'hui !
Mme Anne Mahrer (Ve). Nous souhaitons - le groupe des Verts - que cette motion soit renvoyée à la commission du logement.
Le président. Merci, Madame la députée. Je donne à nouveau la parole à Mme Meissner, à qui il reste une minute trente.
Mme Christina Meissner (UDC). Ce sera très court, Monsieur le président ! Je voulais simplement rappeler que, effectivement, quelles que soient les aides - et même si elles sont inexistantes - il est absolument nécessaire d'avoir un retour de ce qui est fait. Et puis, en dehors des propriétaires qui sont souvent pris pour des «nantis», il y a différents moyens de devenir propriétaire et responsable de son logement: je pense notamment aux copropriétés, aux coopératives, etc. En l'occurrence, nous avons toutes les raisons pour soutenir cette motion.
M. Jean-François Girardet (MCG). Moi, je ne comprends pas la prise de position du parti radical ou du parti libéral... (Exclamations.) On apprend tous les jours ! En effet, ces milieux, qui devraient normalement encourager l'accession à la propriété, nous disent que tous les chiffres à ce sujet figurent dans les comptes de l'Etat... Je ne sais pas qui, parmi vous, à part les professionnels de la construction, a le temps de réunir et d'éplucher les comptes de l'Etat ! (Brouhaha.) Alors que certains n'ont même pas le temps de rendre leur rapport dans les délais impartis ! (Rires. Commentaires.)
Je propose donc que nous demandions - comme l'a fait le MCG - le renvoi de cette motion à la commission du logement, afin que nous prenions le temps d'étudier les chiffres qui nous seront fournis par le Conseil d'Etat.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Effectivement, et sous réserve d'inventaire, le gros de l'aide donnée relève de la décision qui a été prise par votre parlement et, sauf erreur, par le peuple, à savoir la diminution des droits de mutation lorsque l'on accède pour la première fois à la propriété.
A ce propos, je souhaite enrichir quelque peu le débat. On ne pourra jamais connaître autre chose que le nombre d'opérations qui ont été exemptées. Par contre, exemptées ou pas, nous allons atteindre cette année les résultats les plus élevés en matière d'impôts immobiliers jamais enregistrés, droits de mutation compris. Qu'est-ce que cela veut dire ? Que, effectivement, il y a eu une évolution. Je ne crois pas que Casatax en soit la seule responsable, mais cela a certainement joué un petit rôle. C'est surtout parce que le nombre de propriétaires a augmenté.
Il reste toutefois une question qui peut rendre ce débat intéressant. C'est de savoir à quel moment il est préférable de prélever une taxe en matière d'opérations immobilières. Les droits de mutation ont le défaut d'être directement imputables à l'acheteur; c'est la raison pour laquelle certains avaient voulu diminuer ce prélèvement. Inversement, l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers se fait, comme son nom l'indique, sur un bénéfice. La différence, c'est que le droit de mutation ne porte pas sur une création de richesses, alors qu'en principe, quand il y a bénéfice, il y a création de richesses.
C'est la raison qui pousserait plutôt le Conseil d'Etat à rechercher un équilibre nouveau entre l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers - dont la structure pose des problèmes de légalité, notamment le taux zéro - et les droits de mutation, en les allégeant, ce qui permettrait, comme c'est le cas aujourd'hui lorsqu'un bien change souvent de mains, de taxer tous les dix ou quinze ans - pas tous les deux ans, on ne taxera pas davantage car c'est déjà beaucoup taxé - et de reporter l'impôt sur le bénéficiaire et non pas sur l'acheteur d'un bien, car, même en propriété par étages, tous les logements sont excessivement coûteux.
Ma conclusion sera quelque peu surréaliste: évidemment, ce débat n'a lieu que parce qu'il manque des logements de tous types... A chaque fois qu'il se construit un type de logement, celui qui n'est pas concerné par ce logement se dit qu'il aurait mieux valu construire d'autres types de logements. En fait, quel que soit le groupe social, il est difficile de trouver un logement: c'est difficile, pour les gens qui ont droit à un logement subventionné, d'en trouver un; c'est extrêmement difficile, pour les gens qui n'y ont pas droit et qui n'ont pas énormément de moyens, de trouver un logement sur le marché libre. Et puis, les prix des logements de haut standing font l'objet d'une telle spéculation que même les personnes qui ont des revenus élevés sont mécontents. Bref, tout le monde est mécontent ! A l'évidence, c'est bien la question de l'importance du parc qui pose problème. Le Conseil d'Etat a fixé des axes pour remédier à la situation - pas le DCTI: le Conseil d'Etat - et ils seront poursuivis.
Maintenant, faut-il renvoyer cette motion en commission ou au Conseil d'Etat ? De toute façon, nous vous donnerons l'information en notre possession, et j'espère que nous pourrons, au cours du premier semestre, vous présenter un projet de loi - dont une partie est déjà rédigée, celle qui concerne les droits de mutation et les adaptations nécessaires pour l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons été saisis d'une demande de renvoi à la commission du logement. Je vous soumets cette proposition.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1919 à la commission du logement est adopté par 52 oui contre 37 non.