Séance du
vendredi 29 janvier 2010 à
17h05
57e
législature -
1re
année -
4e
session -
20e
séance
M 1897
Débat
M. Stéphane Florey (UDC). A Genève, il faut le reconnaître, il y a un vrai problème avec la prévention de l'alcool, puisque cette dernière ne fonctionne absolument pas. C'est pourquoi l'UDC genevoise vous propose cette proposition de motion, non seulement pour essayer d'apporter des solutions, mais plus particulièrement pour lutter contre ces fameux rassemblements dits «botellón» ou «biture express», bref, toutes ces manifestations qui sont destinées uniquement à se saouler rapidement sans que cela ne soit vraiment nécessaire. De plus, nous estimons que ce n'est pas une bonne image à donner à notre jeunesse. Alors bien sûr, vous allez certainement tous me dire que ça ne porte que sur une petite partie du problème, mais enfin nous pensons qu'il est nécessaire d'y apporter une solution, c'est pourquoi je vous propose de renvoyer ce texte directement à la commission de la santé afin d'en discuter.
M. Frédéric Hohl (R). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons eu le plaisir de parler de cette proposition de motion UDC en commission judiciaire, où l'on a prié les motionnaires de la retirer. En effet, c'est parti d'une bonne intention, c'est vrai qu'il y a eu toute la problématique des botellons, d'accord, mais là, Mesdames et Messieurs UDC, vous êtes en train de proposer au gouvernement d'interdire toutes les manifestations en lien avec l'alcool ! Alors on va commencer par interdire la fête des vendanges de Russin, on va bien évidemment interdire toutes les journées «Caves Ouvertes» - et je crois savoir que vous avez aussi quelques vignerons chez vous - enfin, ce n'est pas raisonnable ! Retirez cette proposition de motion et revenez avec un projet qui est plus ciblé sur les jeunes, sur la prévention et sur ce qu'on a finalement vécu presque plutôt dans les journaux, à savoir les botellons, parce que je vous rappelle qu'il y avait somme toute très peu de monde pour cela.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Girardet, vous avez renoncé à prendre la parole, n'est-ce pas ? Je passe donc le micro à M. Tornare.
M. Manuel Tornare (S). Monsieur le président, mes chers collègues, pour faire suite aux propos de M. Hohl, j'ai constaté qu'il n'y avait pas Eric Leyvraz dans les signataires de cette proposition de motion... Je l'en félicite ! (Remarque.) Pour la traduction du terme «botellón», vous demanderez à ma camarade Loly Bolay, elle vous donnera une ample définition !
Mesdames et Messieurs de l'UDC, on parle aussi d'expériences à Genève depuis quelque temps par rapport à ces botellons. Il existe deux attitudes: il y a celle de l'interdiction, expérimentée en Espagne au début des botellons. En effet, il y a quelques années le gouvernement Aznar interdisait les botellons, et les jeunes se réunissaient à 30 kilomètres des villes, en rase campagne; quand ils revenaient à 3 heures du matin dans le centre-ville, certains se tuaient sur la route, parce que c'est vrai qu'ils étaient enivrés. Cette attitude de Ponce Pilate est irresponsable vis-à-vis de la jeunesse.
A Genève, heureusement, les autorités - pas seulement de la Ville de Genève, mais aussi d'autres communes, avec le concours également de l'Etat - ont eu la deuxième attitude: celle d'un Chavanne, d'un Guy-Olivier Segond, de tous ceux qui, depuis des années - et cela fait l'honneur de Genève ! - reconnaissent aux jeunes le droit d'être des interlocuteurs.
On a autorisé en Ville de Genève les botellons, à condition d'avoir des partenaires en face de nous. Avant d'avoir des partenaires, il y avait interdiction. Le jour où l'on a eu des interlocuteurs, on a prescrit des cautèles, des règles extrêmement précises. On a travaillé aussi avec les services de l'Etat, et la brigade des mineurs interdisait aux Bastions l'entrée aux moins de 16 ans, ce qui a été respecté. On a sollicité toutes les associations et les services publics: celles qui luttent contre le tabagisme, celles qui luttent contre la drogue et bien évidemment celles qui luttent contre l'alcool; elles étaient présentes en civil ou parfois en uniforme, puisqu'il y avait aussi la police municipale et la police cantonale. Résultat des courses, eh bien votre proposition de motion est dépassée, parce que regardez ce qui se passe ! La prévention a joué et, depuis, est-ce que l'on a parlé de botellons à Genève ? Non ! Donc, une fois de plus, excusez-moi, Mesdames et Messieurs de l'UDC, mais vous êtes dépassés par les événements. (Applaudissements.)
M. Michel Forni (PDC). Je serai bref, parce que tout a déjà été dit, et M. Tornare a parfaitement résumé la situation de ce qui s'est passé à Genève, qui reste non seulement une épreuve mais une expérience favorable. Je crois qu'il faut se méfier et ne pas confondre l'alcoolisme des jeunes avec un type particulier de beuverie, qui peut effectivement dégénérer. Mais à partir de cet élément-là - l'expérience genevoise le prouve, et je propose à ceux qui en doutent encore de relire l'excellent rapport de M. Maudet qui a été publié, lequel évoque bien les problèmes qui se posent derrière ces botellons, qui sont toujours les mêmes - eh bien nous pouvons croire l'expérience genevoise et aller dans le sens de nous opposer à ce type de motion, qui est de savoir interdire les regroupements peut-être, mais surtout de réinventer le délit ou le crime sans victime. Dans ces conditions, il convient de laisser une marge de manoeuvre à nos autorités et d'éviter d'entrer dans des marges qui sont celles qui ont abouti à une pierre qui s'appelle Michel Servet, juste derrière l'hôpital, comme expiatoire.
M. Guillaume Sauty (MCG). La position du groupe MCG est tout simplement qu'il refusera cette proposition de motion parce que, comme l'ont évoqué mes collègues, on ne peut pas entrer en matière là-dessus ! Et j'aimerais quand même poser une question au groupe UDC: d'où viennent ces chiffres selon lesquels les trois quarts des jeunes de 15 à 25 ans auraient des problèmes avec l'alcool ? Les jeunes ne sont pas des alcooliques notoires ! Et je ne suis pas d'accord non plus quand vous dites que la LVEBA - la loi sur la vente à l'emporter des boissons alcooliques - a échoué. Il faut quand même laisser cela aux gens qui ont le droit de vendre de l'alcool, ils respectent cette loi, et c'est pour cette raison que le groupe MCG n'entrera pas en matière sur cette proposition de motion.
M. Christian Bavarel (Ve). L'un de nos anciens collègues signait souvent ses courriels avec cette phrase: «On parle souvent de la violence de la rivière, mais rarement de celle des berges qui l'enserrent.» Ce que je veux dire par là, c'est qu'à un moment donné on peut comprendre que, dans une société, certains jeunes qui ne se sentent pas forcément à l'aise cherchent à la fuir, cherchent à trouver dans des états de conscience modifiés d'autres manières d'être et de vivre. Je me rappelle l'époque où j'étais plus jeune, on avait le «Fiasco mobile», qui a débouché doucement sur l'Usine, on avait encore des scènes alternatives, des lieux qui pouvaient servir à faire la fête. Ces lieux-là ont été de plus en plus rétrécis à Genève, et les Verts et moi-même le déplorons. Vous connaissez nos positions qui sont assez libertaires et qui permettent à chacun de vivre sa vie comme il l'entend, à certains d'aller chercher des états de conscience modifiés, s'ils le souhaitent, mais néanmoins avec une prévention forte. C'est pour cela que, dans ce parlement, nous nous sommes toujours battus pour que Carrefour Prévention ait les moyens de faire son travail, et pour que les uns et les autres prennent conscience des risques qu'ils courent suivant les comportements qui peuvent être les leurs en état de conscience modifié. Nous vous rappelons toujours que nous trouvons absolument déplorable que les gens reprennent le volant en étant ivres, même après une séance du Grand Conseil. Nous pensons qu'il y a d'autres méthodes, d'autres moyens pour rentrer à la maison lorsqu'on a atteint la limite du 0,5 qui est celle que la loi indique.
En conclusion, oui, certains jeunes vont s'enivrer, nous en sommes conscients, mais non, nous n'entendons pas lutter bêtement contre le fait de vouloir rechercher un état de conscience modifié. Nous préférons chercher à savoir si nos jeunes ressentent un malaise, s'ils ont besoin d'endroits avec un cadre et une organisation pour pouvoir faire la fête et vivre différemment. Du reste, nous remercions la Ville de Genève qui a accompagné ce mouvement-là. Nous pensons que la répression est un mauvais système, que la prévention est le bon, et nous vous invitons donc à refuser cette proposition de motion.
Le président. Merci, Monsieur le député. Il reste cinq inscrits: MM. Meylan, Florey, Golay, Stauffer et Unger. Le Bureau vous propose de reprendre tranquillement ce débat à 20h30. Je vous souhaite un bon appétit et de revenir avec toute la sobriété nécessaire !
Fin du débat: Session 04 (janvier 2010) - Séance 21 du 29.01.2010