Séance du
jeudi 28 janvier 2010 à
17h
57e
législature -
1re
année -
4e
session -
17e
séance
PL 10217-A
Premier débat
Mme Emilie Flamand (Ve), rapporteuse. Mesdames et Messieurs les députés, ce PL 10217 faisait partie de la série de projets évoquée par M. Selleger tout à l'heure. Ce projet propose de traiter les propositions de motions de la même façon que les projets de lois, c'est-à-dire de les renvoyer sans débat en commission. Plusieurs éléments ont été mentionnés à la commission des droits politiques, notamment le fait que cette mesure déplacerait la surcharge de travail de la plénière vers les commissions, qui ont déjà beaucoup de projets en attente pour la plupart d'entre elles, mais également que de nombreuses propositions de motions sont plutôt destinées à un renvoi direct au Conseil d'Etat et n'ont pas besoin de passer par une commission. Un commissaire libéral avait même dit lors du débat que les propositions de motions ne devraient jamais aller en commission, car elles ont un pur effet rhétorique mais aucun caractère contraignant; je pense que ce pourrait être un élément de réflexion pour les futures réformes de notre règlement.
Pour toutes ces raisons, la commission est arrivée à la conclusion que ce projet de loi n'était pas une bonne idée pour améliorer l'efficacité de nos travaux, et je vous engage donc à le refuser.
M. Eric Leyvraz (UDC). Voilà de nouveau les radicaux avec un projet de loi inutile ! Vous faites assez fort, me semble-t-il ! Cela nous prend du temps et nous demande de l'argent, ce qui est quand même un peu dommage. Pourquoi vouloir changer le traitement des propositions de motions ? Ça va très bien comme ça ! En général, elles sont traitées par catégorie, avec trois minutes par groupe, et on peut en discuter de façon raisonnable. Qu'on laisse aussi les plénières s'exprimer un peu ! Parce que si tout passe par les commissions, on ne sert plus à grand-chose ! Rappelons aussi que l'on peut renvoyer directement une proposition de motion en commission si l'on estime que c'est nécessaire. En outre, avec le renvoi systématique proposé par ce projet de loi, on va encore surcharger les commissions qui n'en peuvent plus. Ce n'est pas pensable ! Je vous rappelle enfin que lorsqu'une proposition de motion est refusée, elle est simplement mise au panier, c'est donc beaucoup plus rapide !
Vous faites les choses à l'envers, les radicaux ! Vous vous plaignez des conséquences alors qu'il faudrait plutôt voir un peu les causes ! Ce n'est pas le traitement des motions qu'il faut examiner, mais plutôt, en amont, leur nombre. Alors trouvons des solutions ! Est-ce qu'on les limite par parti ? Est-ce qu'on décide qu'elles sont caduques si elles passent plus de deux ans dans les tiroirs ? Ou alors, on pourrait peut-être aussi inventer une échelle d'utilité et de pertinence de 1 à 10, ce qui en diminuerait le nombre de deux tiers en tout cas. En résumé, soyons brefs et refusons l'entrée en matière de ce projet de loi.
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, une fois n'est pas coutume, nous trouvons le projet de loi des radicaux intéressant. Il faut savoir que l'un des côtés positifs de ce projet de loi est qu'il permettrait une certaine rapidité dans le traitement des propositions de motions. Aujourd'hui, comment cela se passe-t-il ? Lorsqu'on dépose une proposition de motion, qui peut contenir une excellente idée, elle est inscrite à l'ordre du jour. Mais elle va peut-être être traitée en plénière seulement une année après - voire deux pour certaines - pour être renvoyée en commission, dans les tiroirs de laquelle elle va rester encore une année, voire deux. Ensuite elle va peut-être être renvoyée au Conseil d'Etat, lequel va fournir une réponse six mois plus tard dans le meilleur des cas, voire six ans plus tard, comme on a déjà pu le voir. Ce projet de loi présente donc un intérêt.
En outre, lorsque ces propositions de motions sont traitées à raison de trois minutes par groupe, les minorités ne peuvent pas toujours exposer les arguments qu'elles aimeraient développer ou les idées qui figurent dans les amendements. Donc cela a un intérêt pour les minorités de pouvoir débattre du sujet plus sérieusement en commission. La démocratie veut que la proposition de motion soit ensuite acceptée ou refusée mais, en tout cas, cela permet quand même aux minorités de développer leurs idées et de produire certains documents, ce que l'on n'a pas la possibilité de faire lorsqu'on débat de ces motions en quelques minutes en plénière, vu l'ordre du jour qui est déjà excessivement chargé.
Les socialistes ont dit tout à l'heure que l'on part dans une totale dérive. Ils ont parfaitement raison, et je vous invite à soutenir justement ce projet de loi, parce qu'il permettrait aux minorités, comme je l'ai dit, de mieux exposer leurs arguments concernant ces objets. En conclusion, je vous invite à accepter ce projet de loi.
M. Patrick Saudan (R). J'aimerais moi aussi rendre hommage à notre ancien collègue Jean-Marc Odier, qui a initié tous ces projets de lois, pour le travail qu'il a effectué. Deuxièmement, il faut bien comprendre que, autant l'on peut dire que la lecture des courriers ne prend pas trop de temps, autant les propositions de motions sont la principale cause de l'embouteillage de notre ordre du jour. Si vous prenez par exemple l'ordre du jour de novembre 2009, vous verrez que 60% de celui-ci étaient constitués de motions et de résolutions. Donc le problème est réel, tout le monde a fait ce constat. Et en l'occurrence - une fois n'est pas coutume - nous sommes d'accord avec le MCG: remplacer la plénière par une commission comme premier filtre pour juger de la pertinence d'une proposition de motion nous paraît une mesure adéquate. Effectivement, comme corollaire, il faut améliorer le travail en commission, pour le rendre plus efficace afin de traiter rapidement ces propositions de motions.
Je ne vais pas épiloguer, vu l'accueil que ce projet de loi a reçu en commission, mais je vous engage néanmoins à reconsidérer votre position et à accepter l'entrée en matière, même si je ne me fais pas trop d'illusions sur le résultat. Je tiens cependant à vous assurer que le parti radical prend cette problématique très au sérieux et que nous reviendrons ultérieurement sur ce sujet.
M. Olivier Jornot (L). Mesdames et Messieurs les députés, je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais les présidents sortants sont toujours extrêmement satisfaits du fonctionnement du Grand Conseil, qui a été absolument idyllique. (Rires. Commentaires.) Cher président Leyvraz, d'en haut c'est peut-être merveilleux, mais d'en bas ce n'est pas terrible; il y a encore à améliorer, surtout lorsque nous passons des heures sur le traitement de projets de lois - ce qui ne concerne pas directement le sujet de ce projet radical.
Mesdames et Messieurs, le meilleur moyen d'accélérer le travail de ce parlement, hormis faire preuve de tempérance dans la rédaction, c'est d'organiser les débats. En ce sens, le nouveau règlement du Grand Conseil que nous avons adopté lors de la législature précédente a permis dans une large mesure d'atteindre cet objectif, et j'ai été très surpris d'entendre Mme Emery-Torracinta nous parler tout à l'heure d'une sorte d'accord tacite selon lequel les projets de lois ne seraient pas soumis au débat organisé. C'est faux ! La loi interdit simplement qu'on les traite sans débat, ce qui paraît assez logique. Pour le reste, l'expérience a démontré que le traitement organisé des projets de lois était le meilleur moyen de tenir dans cette enceinte des débats politiques animés mais civilisés, où l'on ne pratique pas la flibuste ! Parce que, Mesdames et Messieurs, c'est de cela qu'il s'agit ! Nous l'avons constaté récemment lors de débats importants à propos des institutions qui hébergent les personnes âgées, certains groupes dans cette enceinte pratiquent la flibuste et n'hésitent pas à utiliser le règlement ordinaire pour bloquer nos travaux et tenter d'empêcher l'adoption des projets de lois, quitte à redéposer toutes sortes d'amendements pour nous obliger à jouer les presse-bouton - en définitive, à jouer la montre. L'on a pu en outre constater lors de certains de ces débats quelques alliances étranges entre des groupes qui se font face dans l'enceinte de ce parlement.
Que penser de la proposition radicale ? Eh bien, nous l'avons dit en commission, nous ne pensons malheureusement pas que c'est une bonne solution. Mme la rapporteure l'a signalé tout à l'heure, nous sommes d'avis que les motions ne devraient pas aller en commission, parce qu'une motion c'est simplement une invite au Conseil d'Etat à agir ou à rendre un rapport. Quelle est donc l'utilité d'en débattre deux fois, une fois pour savoir si l'on a envie de demander au Conseil d'Etat de nous faire un rapport, et une deuxième fois pour se dire que l'on y a bien réfléchi et que l'on a vraiment très envie de demander au Conseil d'Etat de nous faire un rapport ?! Cela n'a aucun sens ! Sans compter que généralement, entre-temps, le Conseil d'Etat nous a fait le rapport par avance au cours des travaux de la commission. Tant que nos propositions de motions n'auront aucune force contraignante ou pas plus qu'elles n'en ont aujourd'hui, il ne sert à rien d'encombrer le travail de ce parlement à les examiner deux fois, une fois en commission et une fois en plénière. Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, malgré l'excellent souvenir que notre ancien camarade Jean-Marc Odier laissera dans nos coeurs... (Rires.) ...les libéraux refuseront ce projet de loi.
Mme Elisabeth Chatelain (S). Je dois encore me retenir de sourire suite à cette intervention de M. Jornot, qui était ma foi pleine d'allant. J'aimerais donner la position du groupe socialiste qui n'est, je suis désolée, pas du tout en accord avec celle que vous proposez en face. Cela arrive aussi que nous ne soyons pas d'accord ! Effectivement, il s'est trouvé plusieurs fois que nous ayons déposé par exemple une proposition de motion et qu'elle soit enfin traitée en plénière - pour être éventuellement renvoyée en commission - un an et demi ou deux ans après son dépôt, ce qui semble souvent un peu lointain. Toutefois, comme le Bureau a proposé à ce Grand Conseil le PL 10617, que ce Grand Conseil a renvoyé très rapidement à la commission des droits politiques, qui l'a accepté - je l'ai appris tout à l'heure - cette semaine ou la semaine passée, il y a une possibilité d'avancer un peu les travaux par rapport aux propositions de motions, puisque ce projet de loi contient un article qui change quelque peu la façon de procéder pour les extraits. Il stipule notamment que l'on peut rajouter les propositions de motions qui sont à l'ordre du jour depuis plus d'une année, de façon qu'elles ne traînent pas trop longtemps dans notre ordre du jour, ce qui va peut-être satisfaire les radicaux.
Je trouve que, de toute façon, les propositions de motions sont parfois un peu non pas inutiles, parce qu'elles permettent de soulever une problématique, mais datées lorsqu'arrive le moment de les traiter, et que l'on pourrait peut-être faire plus souvent des projets de lois. Toutefois, les projets de lois sont aussi souvent critiqués et accusés d'être mal ficelés ou mal conçus, et il est dit parfois que ce devrait être le Conseil d'Etat qui rédige les projets de lois. Il est donc assez compliqué de résoudre la quadrature du cercle ! En résumé, déposer des propositions de motions, oui, mais les renvoyer directement en commission, non. Comme je l'ai dit, si le PL 10617 est accepté, on aura une garantie qu'elles ne traînent pas trop longtemps dans notre ordre du jour, et c'est une bonne chose.
M. Pascal Pétroz (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, l'enfer est pavé de bonnes intentions, et c'est bien évidemment de cela qu'il s'agit dans le cadre de ce projet de loi. Nous avons bien compris qu'il est question de traiter désormais les propositions de motions de la même façon que les projets de lois, mais, comme l'a fort pertinemment relevé M. Jornot, un projet de loi ce n'est pas la même chose qu'une motion. Un projet de loi, dans la mesure où l'on touche à la législation actuelle ou que l'on en crée une nouvelle, doit dans 99% des cas faire l'objet d'un examen circonstancié en commission pour bien peser le pour et le contre et pour ne pas faire d'erreur. Une proposition de motion, c'est autre chose: c'est un geste politique, une invite non contraignante au Conseil d'Etat. En automatisant le renvoi en commission de ces propositions de motions, nous allons engorger notre Grand Conseil et, finalement, le remède qui est proposé sera encore pire que le mal, parce que des motions qui auraient pu être traitées en plénière - comme c'est le cas aujourd'hui - seront renvoyées en commission et qu'il faudra procéder à des auditions, rédiger un rapport, etc. En les renvoyant en commission et en attendant qu'elles en sortent, on aura donc perdu beaucoup plus de temps que celui que l'on voulait gagner en réglant ce problème. C'est la raison pour laquelle le groupe démocrate-chrétien remerciera également l'auteur du projet de loi, parce qu'il ne faut jamais tirer sur l'ambulance... (Exclamations.) ...mais refusera ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Golay, à qui il reste une minute.
M. Roger Golay (MCG). Merci, Monsieur le président, je serai très bref. Je tiens juste à ajouter que, en consultant l'ordre du jour qui se trouve sur votre bureau, on voit qu'il contient environ une cinquantaine de propositions de motions. Donc j'ai de la peine à comprendre les opposants à ce projet de loi ! En effet, lorsque l'on doit présenter une proposition de motion en trois minutes, comme je l'ai dit auparavant, c'est très difficile, et je vois un certain mécontentement chez les auteurs de ces motions, qui sont totalement insatisfaits du temps qui leur est accordé. Je pense qu'il est utile de renvoyer les propositions de motions dans des commissions qui, pour certaines, ne siègent pas souvent, comme la commission du logement - il y a des propositions par rapport au logement - ou la commission des transports qui n'a plus beaucoup d'objets. On pourrait donc donner un peu de matière à ces commissions qui siègent peu, mais malheureusement ça ne se fait pas, parce que souvent les propositions de motions sont refusées sur le siège car on n'a pas eu le temps d'exposer pendant une durée normale des idées qui sont tout à fait intéressantes. Je vous invite donc vivement à soutenir ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 10217 est rejeté en premier débat par 55 non contre 24 oui et 2 abstentions.